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14°. Ce n'est pas que ces syllabes contractées &
réduites à une seule syllabe longue, ne puissent, en
passant dans une autre langue, ou même par le seul
laps de tems, devenir breves: aussi ces sortes d'inductions
sur la quantité des syllabes, sur l'identité
des voyelles, sur l'analogie des consonnes, ne peuvent
guere être d'usage que lorsqu'il s'agit d'une dérivation
immédiate. Lorsque les degrés de filiation se
multiplient, les degrés d'altération se multiplient
aussi à un tel point, que le mot n'est souvent plus reconnoissable.
En vain prétendroit - on excture les
transformations de lettres en d'autres lettres trèséloignées.
Il n'y a qu'à supposer un plus grand nombre
d'altérations intermédiaires, & deux lettres qui
ne pouvoient se substituer immédiatement l'une à
l'autre, se rapprocheront par le moyen d'une troisieme.
Qu'y a - t - il de plus éloigné qu'un b & une s? cependant
le b a souvent pris la place de l's consonne ou
du digamma éolique. Le digamma éolique, dans un
très - grand nombre de mots adoptés par les Latins, a
été substitué à l'esprit rude des Grecs, qui n'est autre
chose que notre h, & quelquefois même à l'esprit
doux; témoin
Principes de critique pour apprécier la certitude des étymologies. La marche de la critique est l'inverse, à quelques égards, de celle de l'invention: toute occupée de créer, de multiplier les systèmes & les hypotheses, celle - ci abandonne l'esprit à tout son essor, & lui ouvre la sphere immense des possibles; celle - là au contraire ne paroît s'étudier qu'à détruire, à écarter successivement la plus grande partie des suppositions & des possibilités; à rétrécir la carriere, à fermer presque toutes les routes, & à les réduire, autant qu'il se peut, au point unique de la certitude & de la vérité. Ce n'est pas à dire pour cela qu'il faille séparer dans le cours de nos recherches ces deux opérations, comme nous les avons séparéesici, pour ranger nos idées sous un ordre plus facile: malgréleur opposition apparente, elles doivent toûjours marcher ensemble dans l'exercice de la méditation; & bien loin que la critique, en modérant sans cesse l'essor de l'esprit, diminue sa fécondité, elle l'empêche au contraire d'user ses forces, & de perdre un tems utile à poursuivre des chimeres: elle rapproche continuellement les suppositions des faits; elle analyse les exemples, pour réduire les possibilités & les analogies trop générales qu'on en tire, à des inductions particulieres, & bornées à certaines circonstances: elle balance les probabilités & les rapports éloignés, par des probabilités plus grandes & des rapports plus prochains. Quand elle ne peut les opposer les uns aux autres, elle les apprécie; où la raison de nier lui manque, elle établit la raison de douter. Enfin elle se rend très - difficile sur les caracteres du vrai, au risque de le rejetter quelquefois, pour ne pas risquer d'admettre le faux avec lui. Le fondement de toute la critique est un principe bien simple, que toute vérité s'accorde avec tout ce qui est vrai; & que réciproquement ce qui s'accorde avec toutes les vérités, est vrai: de - là il suit qu'une hypothese imaginée pour expliquer un effet, en est la véritable cause, toutes les fois qu'elle explique toutes les circonstances de l'effet, dans quelque détail qu'on analyse ces circonstances, & qu'on développe les corollaires de l'hypothèse. On sent aisément que l'esprit humain ne pouvant connoître qu'une très - petite partie de la chaîne qui lie tous les êtres, ne voyant de chaque effet qu'un petit nombre de circonstances frappantes, & ne pouvant suivre une hypothèse que dans ses conséquences les moins éloignées, le principe ne peut jamais recevoir cette application complette & universelle, qui nous donneroit une certitude du même genre que celle des Mathématiques. Le hasard a pû tellement combiner un certain nom<pb-> [p. 103]
1°. Il faut rejetter toute étymologie, qu'on ne rend vraissemblable qu'à force de suppositions multipliées. Toute supposition enferme un degré d'incertitude, un risque quelconque; & la multiplicité de ces risques détruit toute assûrance raisonnable. Si donc on propose une étymologie dans laquelle le primitif soit tellement éloigné du dérivé, soit pour le sens, soit pour le son, qu'il faille supposer entre l'un & l'autre plusieurs changemens intermédiaires, la vérification la plus sûre qu'on en puisse faire sera l'examen de chacun de ces changemens. L'étymologie est bonne, si la chaîne de ces altérations est une suite de faits connus directement, ou prouvés par des inductions vraissemblables; elle est mauvaise, si l'intervalle n'est rempli que par un tissu de suppositions gratuites. Ainsi quoique jour soit aussi éloigné de dies dans la prononciation, qu'alfana l'est d'equus; l'une de ces étymologies est ridicule, & l'autre est certaine. Quelle en est la différence? Il n'y a entre jour & dies que l'italien giorno qui se prononce dgiorno, & le latin diurnus, tous mots connus & usités; au lieu que fanacus, anacus, aquus pour dire cheval, n'ont jamais existé que dans l'imagination de Menage. Cet auteur est un exemple frappant des absurdités, dans lesquelles on tombe en adoptant sans choix ce que suggere la malheureuse facilité de supposer tout ce qui est possible: car il est très - vrai qu'il ne fait aucune supposition dont la possibilité ne soit justifiée par des exemples. Mais nous avons prouvé qu'en multipliant à volonté les altérations intermé<cb->
2°. Il y a des suppositions qu'il faut rejetter, parce
qu'elles n'expliquent rien; il y en a d'autres qu'on
doit rejetter, parce qu'elles expliquent trop. Une
étymologie tirée d'une langue étrangere n'est pas admissible,
si elle rend raison d'une terminaison propre
à la langue du mot qu'on veut éclaircir, toutes les
vraissemblances dont on voudroit i'appuyer, ne
prouveroient rien, parce qu'elles prouveroient trop:
ainsi avant de chercher l'origine d'un mot dans une
langue étrangere, il faut l'avoir décomposé, l'avoir
dépouillé de toutes ses inflexions grammaticales, &
réduit à ses élémens les plus simples. Rien n'est plus
ingénieux que la conjecture de Bochart sur le nom
d'insula Britannica, qu'il dérive de l'hébreu Baratanac, pays de l'étain, & qu'il suppose avoir été donné
à cette île par les marchands phéniciens ou carthaginois,
qui alloient y chercher ce métal. Notre
regle détruit cette étymologie: Britannicus est un adjectif
dérivé, où la Grammaire latine ne connoît de
radical que le mot britan. Il en est de même de la terminaison
celtique magum, que Bochart fait encore
venir de l'hébreu mohun, sans considérer que la terminaison
um ou us (car magus est aussi commun que
magum) est évidemment une addition faite par les
Latins, pour décliner la racine celtique mag. La plûpart
des éty mologistes hébraïsans ont été plus sujets
que les autres à cette faute; & il faut avoüer qu'elle
est souvent difficile à éviter, sur - tout lorsqu'il s'agit
de ces langues dont l'analogie est fort compliquée &
riche en inflexions grammaticales. Tel est le grec,
où les augmens & les terminaisons déguisent quelquefois
entierement la racine. Qui reconnoîtroit,
par exemple, dans le mot
3°. Une étymologie probable exclut celles qui ne
sont que possibles. Par cette raison, c'est une regle
de critique presque sans exception, que toute étymologie étrangere doit être écartée, lorsque la décomposition
du mot dans sa propre langue répond
exactement à l'idée qu'il exprime: ainsi celui qui
guidé par l'analogie de parabole, paralogisme, &c.
chercheroit dans la préposition greque
4°. Cette étymologie devroit être encore rebutée par une autre regle presque toûjours sûre, quoiqu'elle ne soit pas entierement générale: c'est qu'un mot n'est jamais composé de deux langues différentes, à moins que le mot étranger ne soit naturalisé par un long usage avant la composition; ensorte que ce mot n'ait besoin que d'être prononcé pour être entendu: ceux même qui composent arbitrairement des mots scientifiques, s'assujettissent à cette regle, guidés par la seule analogie, si ce n'est lorsqu'ils joignent à beaucoup de pédanterie beaucoup d'ignorance; ce qui arrive quelquefois: c'est pour cela que notre regle a quelques exceptions.
5°. Ce sera une très - bonne loi à s'imposer, si l'on
veut s'épargner bien des conjectures frivoles, de ne
s'arrêter qu'à des suppositions appuyées sur un certain
nombre d'inductions, qui leur donnent déjà un
commencement de probabilité, & les tirent de la
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