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Cette substance est connue dans l'art depuis longtems; on en trouve, sinon des descriptions exactes, du moins des indications assez manifestes dans Raymond Lulle, Isaac le hollandois, Basile Valentin, & Paracelse. Un grand nombre d'auteurs plus modernes en ont fait mention d'une maniere plus ou moins claire, en ont décrit la préparation plus ou moins completement; & cependant cette liqueur singuliere est restée presque absolument ignorée ou négligée, jusqu'à ce que Frédéric Hoffman la tira de l'oubli & la fit connoître principalement par les vestus médicinales qu'il lui attribua; mais elle n'a été généralement répandue que depuis qu'un chimiste allemand, qu'on croit avoir caché son nom sous celui de Frobenius, publia les expériences sur cette substance singuliere, dans les Trans. philos. années 1730. n. 413. & 1733. n. 428. C'est à cet auteur que la liqueur dont il s'agit doit le nom d'éther. Les chimistes qui l'avoient devancé l'avoient nommée eau tempérée, esprit de vitriol volatil, esprit doux de vitriol, huile douce de vitriol, &c. tous ces noms expriment des erreurs, & doivent être par conséquent rejettés. Celui d'éther, qui est pris d'une qualité extérieure très - réelle du corps qu'il désigne, leur doit être préféré; & il ne faut pas lui substituer celui d'acide vitriolique vineux, parce que ce nom que lui ont dohné plusieurs chimistes modernes très - illustres, peche par le même défaut que les noms anciens. Il est imposé à cette liqueur d'après une fausse idée de sa nature, comme nous le verrons dans la suite de cet article.
Le lecteur qui sera curieux d'acquérir une érudition plus étendue sur cette matiere, pourra se satisfaire amplement en lisant la dissertation que le célebré M. Pott a composée en 1732 sur l'acide vitriolique vineux, qu'il permet d'appeller aussi esprit - de - vin vitriolé. Celui qui se contentera de connoître le procédé le plus sûr & le plus abregé pour préparer l'éther vitriolique en abondance, va le trouver ici tel que M. Hellot a eu la bonté de me le communiquer en 1752, avec permission de le répandre parmi les Artistes; ce que je fis dès ce tems - là.
Prenez de l'esprit - de - vin rectifié, ou même de l'esprit - de - vin ordinaire, & de la bonne huile de yitriol telle qu'on nous l'apporte de Hollande ou d'Angleterre, parties égales, au moins deux livres de chacun: mettez votre esprit - de - vin dans une cornue à l'angloise de verre blanc, de la contenance d'environ six pintes; versez dessus peu - à - peu votre huile de vitriol, en agitant votre mêlange qui s'échauffera de plus en plus à chaque nouvelle effusion de l'acide vitriolique, & en lui faisant parcourir presque toutes les parties de la cornue pour qu'elle s'échauffe uniformément. Quand vous aurez mêlé entierement vos deux liqueurs, le mêlange sera si chaud que vous ne pourrez pas tenir votre main appliquée au fond de la cornue; il aura acquis une couleur délayée d'urine, lors même que vous aurez employé de l'acide vitriolique non coloré, & il répandra une odeur très - agréable. Vous aurez préparé d'avance un fourneau à bain de sable, dans lequel vous aurez allumé un feu clair de charbon, & vous aurez disposé à une distance & à une élévation convenable, un grand balon ou deux moindres balons enfilés & déjà lutés ensemble. Dès que votre mêlange sera fini, vous placerez votre cornue sur le bain de sable qui sera déjà chaud; vous adapterez son bec dans l'ouverture du balon; vous luterez, vous ouvrirez le petit trou du balon, & vous soûtiendrez, ou même augmenterez le feu, jusqu'au point de porter brusquement votre liqueur au degré de l'ébullition. Le produit qui passera d'abord ne sera autre chose qu'un esprit - de - vin très - déflegmé; vous le reconnoîtrez à l'odeur; bientôt après en moins d'une de mi héure
Nous remarquerons au sujet de ce procédé; premierement,
qu'il est plus commode & plus sûr de
faire le mêlange en versant l'acide sur l'esprit - de - vin,
qu'en versant l'esprit - de - vin sur l'acide, quoique la
derniere maniere ne manque pas de partisans: mais
M. Roüelle, M. Pott, & l'expérience sont pour la
premiere. Secondement, que, même en procédant
au mêlange par la voie que nous adoptons, l'union
de ces deux liqueurs s'opere avec bruit, chaleur, &
agitation intérieure & violente du mêlange; qu'on
ne doit point cependant appeller effervescence avec
Hoffman, qui traite de ce phénomene dans une dissertation
particuliere sur quelques especes rares d'esfervescence.
Fr. Hoffmanni, obs. physico - chim. select.
lib. II. obs. jx. Voyez
Toutes les propriétés de l'éther démontrent, à la rigueur, que cette substance n'est qu'une huile très subtile, comme nous l'avons déjà avancé au commencement de cet article; & l'on ne conçoit point comment des chimistes habiles ont pû se figurer qu'elle étoit formée par la combinaison de l'acide vitriolique & de l'esprit - de - vin.
La seule propriété chimique particuliere que nous connoissons à l'éther, est celle de dissoudre facilement, & par le secours d'une legere chaleur, certaines substances résineuses, telles que la gomme copale & le succin, qui sont peu solubles à ce degré de chaleur par les huiles estentielles connues: mais on voit bien que ceci ne sauroit être regardé comme une proprieté essentielle ou distinctive.
Tous les medecins qui ont connu l'éther, lui ont accordé une qualité véritablement sédative, antispasmedique; ils l'ont recommandé sur - tcut dans les coliques venteuses, dans les hoquets opiniâtres, dans les mouvemens convulsifs des enfans, dans les accès des vapeurs hystériques, &c. Il est dit dans le recueil périodique d'observations de Medecine, Fév. 1755, qu'un remede nouveau usité en Angleterre contre le mal à la tête, c'est de prendre quelques dragmes d'éther de Frobenius dans le creux de la main, & de l'appliquer au front du malade. Quelques dragmes d'éther, c'est comme le boisseau de pilules de Crispin. Une personne qui se connoît mieux en doses de remedes a appliqué, dans des violens maux à la tête, sur les tempes du malade, quelques brins de coton imbibés de sept à huit gouttes d'éther; & elle assûre qu'au bout de quelques minutes la douleur a été dissipée comme par enchantement. Pendant cette application le malade éprouve sur la partie un sentiment de chaleur brûlante, auquel succede une fraîcheur très - agréable dès l'instant que le coton est enlevé. Au reste le charlatan de Londres qui dissipoit, ou du moins qui trairoit les douleurs de tête par une application des mains, & qui vraissemblablement a donné lieu à l'article du recueil d'observations que nous venons de citer, n'employoit point l'éther. Je tiens du même observateur, que cinq ou six gouttes d'éther données intérieurement, avoient suspendu avec la même promptitude des hoquets violens, soit qu'ils fussent survenus peu de tems après le repas, soit au contraire l'estomac étant vuide.
La dose ordinaire de l'éther pour l'usage intérieur, est de sept à huit gouttes. On en imbibe un morceau de sucre, qu'on mange sur le champ, ou qu'on fait fondre dans une liqueur appropriée & tiede. Quand
La base de la liqueur minérale anodyne d'Hoffman, n'est autre chose que de l'esprit - de - vin empreint
d'une legere odeur éthérée, retiré par une
chaleur très - douce d'un mélange de six parties d'esprit - de - vin & une partie d'acide vitriolique. C'estproprement un éther manqué. Voyez
L'examen ultérieur de la matiere qui reste dans la
cornue après la production de l'éther, appartient à
l'analyse de l'esprit - de - vin; du moins l'article de
l'Esprit - de - vin est - il celui de ce Dictionnaire, où il
nous paroît le plus convenable de le placer. Voyez
Ether nitreux (Page 6:53)
L'éther nitreux & l'éther de Frobenius ne sont proprement qu'une seule & même liqueur; la seule différence qui les distingue, c'est quelque variété dans l'odeur: celle de l'éther nitreux est moins douce, moins agréable.
La découverte de l'éther nitreux qui est très - moderne, est dûe au hasard. Voici comment s'en explique
(dans les mém. de l'acad. royale des Sc. an. 1742.)
M. Navier medecin de Chaalons - sur - Marne, qui l'a
observé le premier:
M. Navier soupçonna avec juste raison sur cet indice, que le mélange de l'acide nitreux & de l'esprit - de - vin devoit produire sans le secours de la distillation & par une simple digestion, une liqueur semblable à l'éther de Frobenius. Il mêla donc parties égales de ces deux liqueurs en mesure & non en poids, dans une bouteille, qu'il boucha ensuite exactement, & dont il assujettit le bouchon avec une ficelle; & au bout de neuf jours il trouva une belle huile éthérée très - claire & presque blanche, qui surnageoit le reste de sa liqueur, & qui faisoit environ un sixieme du mêlange.
Il faut que M. Navier ait employé dans cette expérience un esprit de nitre beaucoup plus foible que l'esprit de nitre ordinaire non fumant des distillateurs de Paris, ou qu'il n'ait pas observé le tems exact de la production de l'éther, & qu'il ne l'ait apperçû que long - tems après qu'il a été séparé, comme on le va voir dans un moment.
En répétant l'expérience de M. Navier, & en variant la proportion des deux matieres employées, on a découvert qu'on obtenoit de l'éther par ce procédé, lors même qu'on employoit dix & douze parties d'esprit - de - vin pour une d'acide nitreux foible; & que l'action mutuelle de ces deux liqueurs n'avoit besoin d'être excitée que par la plus foible chaleur; qu'elle avoit lieu au degré inférieur à celui de la congellation de l'eau.
Le mêlange de l'acide nitreux & de l'esprit - devin est, tout étant d'ailleurs égal, encore plus tumultueux,
plus violent, plus dangereux que celui
de l'acide vitriolique & de l'esprit - de - vin; phénomene
qui peut présenter une singularité à ceux qui
croyent que l'acide vitriolique est ce qu'ils appellent
plus fort que l'acide nitreux, mais qui ne paroîtra
qu'un fait tout simple aux chimistes qui sauront
que nul agent chimique no possede une force abso<pb->
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