ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"54"> lue. Le premier mêlange s'exécute d'autant plus facilement & plus sûrement, qu'on employe moins d'esprit de nitre sur la même quantité d'esprit - de - vin, & un acide moins concentre: on a soin donc lorsqu'on n'a en vûe que l'éther même, d'observer ces circonstances. On prend, par exemple, six parties d'esprit - de - vin ordinaire; on le met dans une très grande bouteille, eu égard à la quantité de mêlange qu'on a dessein d'y renfermer (il n'est point mal de prendre une bouteille de cinq ou six pintes pour un mêlange d'une livre & demie); on verse dessus peu - à - peu une partie d'esprit de nitre foible non sumant; on ferme la bouteille avec un bon bouchon de liége ficelé avec soin, & on la place dans un lieu frais. Au bout de vingt - quatre ou trente - six heures, le mêlange qui jusqu'alors n'aura éprouvé aucune agitation intérieure sensible, subit tout d'un - coup une véritable effervescence, c'est - à - dire un mouvement violent dans ses parties, avec éructation d'air, élévation de vapeurs, &c. & elle est accompagnee de la production de l'éther, qu'on voit, l'effervescence étant cessée, surnager le reste du mélange, & qu'on sépare par les moyens indiqués pour l'éther de Frobenius.

Cette effervescence est d'autant plus prompte & d'autant plus violente, qu'on employe de l'esprit de nitre plus concentré, & de l'esprit - de - vin plus rectifié; que la quantité de l'esprit de nitre approche davantage de celle de l'esprit - de - vin; & que ces réactifs sont animés par un plus haut degré de cháleur. M. Roüelle a éprouvé par un grand nombre de tentatives, que la plus haute proportion à laquelle on peut porter dans le mêlange l'esprit de nitre très - fumant, sans que l'effervescence eût lieu dans le tems même du mêlange, étoit celle de deux parties d'acide contre trois d'esprit - de - vin; & cela en se rendan maître, autant qu'il étoit possible, de la troisieme circonstance du degré de chaleur, en mettant d'avance à la glace l'esprit - de - vin & l'acide, & les mélant dans un vaisseau couvert de glace. Ce vaisseau étoit un matras d'un verre trèsépais qu'on avoit cuirassé, en appliquant dessus alternativement plusieurs couches de parchemin ou de vessies collées & bien tendues, & de ficelle goudronnée & dévidée ferme, & près à près; on bouchoit exactement ce matras, & on l'enterroit sous la glace. Malgré ces précautions, quelques heures après le mélange fait, il est arrivé plus d'une fois que le vaisseau a sauté en éclats avec une explosion aussi violente & un bruit aussi fort que celui de la plus grosse piece d'artillerie.

Tous les chimistes qui ont préparé l'esprit de nitre dulcifié, soit par la digestion seule, soit par la digestion & la distillation, ont fait de l'éther nitreux sans le savoir; mais ils l'ont tous dissipé ou entierement, ou du moins pour la plus grande partie, comme nous le déduirons ailleurs des faits que nous venons de rapporter ici, & des méthodes ordinaires de procéder à la préparation de l'esprit de nitre dulcifié, que nous exposerons - là. Voyez Acide nitreux à l'article Nitre.

Quoi qu'il ne soit pas clair encore que l'éther nitreux soit toûjours mêlé d'un peu d'acide, cependant comme cela est très - possible, on doit, pour être plus assûré d'avoir l'éther pur, le laver avec une eau chargée d'alkali fixe, selon ce qui est prescrit dans les livres.

Les vertus médicinales de cet éther ne sont pas constatées encore par un grand nombre d'observations; on est très - fondé à le regarder, en attendant, comme absolument analogue, à cet égard, à l'éther de Frobenius.

M. Navier a aussi obtenu de l'éther, en substituant une dissolution de fer dans l'acide nitreux, à l'acide nitreux pur, dans une expérience d'ailleurs sembla<cb-> ble par toutes ses circonstances à celle que nous avons rapportée au commencement de cet article. Cet éther differe de celui qui est produit par l'acide nitreux pur, en ce qu'il acquiert dans l'espace d'environ trois semaines, une couleur rouge qui est dûe à quelques particules de fer, &c. Cette derniere experience, avec toutes ses circonstances & dépendances, n'apprend rien; chose très - ordinaire aux expériences tentées sans vûe. (b)

ETHERÉ (Page 6:54)

ETHERÉ, adj. (Physique.) se dit de ce qui appartient à l'éther, ou qui tient de la nature de l'éther. Espaces éthérés, sont ceux que l'éther occupe; matiere éthérée, est la matiere de l'éther, &c. (O)

ETHICOPROSCOPTES (Page 6:54)

ETHICOPROSCOPTES, Ethieoproscoploe, (Hist. ecelés.) nom par lequel S. Jean Damascene, dans son traité des hérésies, a désigné certains sectaires qui erroient sur les matieres de Morale, & sur les choses qu'on doit faire ou éviter, blâmant des choses loüables & bonnes en elles - mêmes, & en prescrivant ou pratiquant d'autres mauvaises, ou criminelles. Ce nom au reste convient moins à une secte particuliere, qu'à tous ceux qui alterent la saine Morale, soit par rèlâchement, soit par rigorisme. (G)

ETHIOPIE (Page 6:54)

ETHIOPIE, (Géog.) vaste contrée qui fait même la plus grande partie de l'Afrique, & celle qui s'avance davantage, tant vers l'orient que vers le midi principalement.

Les anciens reconnoissoient deux sortes d'Ethiopiens, ceux d'Asie & ceux d'Afrique. Hérodote les distingue en termes formels; & voilà pourquoi dans les écrits de l'antiquité, le nom d'Ethiopie est commun à divers pays d'Asie & d'Afrique; voilà pourquoi ils ont donné si souvent le nom d'Indiens aux Ethiopiens, & le nom d'Ethiopiens aux véritables Indiens. Dans Procope, par exemple, l'Ethiopie est appellée Inde. Voyez - cn les raisons dans les observations de M. Freret.

Le Chusistan montre peut - être les premieres habitations des Ethiopiens, pendant que l'Inde & l'Afrique nous apprennent leurs divisions: aussi M. Huet soûtient fortement contre Bochart, que dans l'Ecriture l'Ethiopie est désignée par la terre de Chus. Voyez - en les preuves dans son histoire du paradis terrestre.

Les Grecs s'embarrassant peu de la science géographique, nommerent Ethiopiens tous les peuples qui avoient la peau noire ou basanée: c'est pour cela qu'ils appellerent les Colches Ethiopiens, & la Colchide Ethiopie. Mais Ptolomée est bien éloigné d'être tombé dans de pareils écarts: on lui doit au contraire la division la plus exacte & la plus méthodique qu'il y ait de l'ancienne Ethiopie. Voyez sa géographie, liv. IV. ch. vij. viij. & jx.

L'Ethiopie est illustre dans l'antiquité à plusieurs égards; & comme il ne se trouve guere sous le ciel aucun peuple (ainsi qu'il n'y a presque aucuae grande maison) qui ne se fasse gloire à - présent, ou qui ne se soit autrefois vanté d'être plus ancien que ses voisins, les Ethiopiens disputerent aux Egyptiens la primauté de l'ancienneté, & ils étoient fondés à la prétendre suivant M. l'abbé Fourmont. Voyez sa dissertation à ce sujet dans les Mémoires de l'académie des Belles - Lettres, tome VII.

Nos géographes ne s'accordent point sur les pays que l'on doit nommer l'Ethiopie; il me paroît seulement que l'opinion la plus reçûe, fondée ou non, donne pour bornes à l'Ethiopie moderne la mer rouge, la côte d'Ajan & le Zanguébar à l'orient, le Monoëmugi & la Caffrerie au midi, le Congo à l'occident, la Nubie & l'Egypte au septentrion. Voyez la Méthode géographique de l'abbé Lenglet Dufresnoy.

Malgré la prodigieuse chaleur qui regne dans cette immense contrée, & malgré sa position sous la zone torride, elle est néanmoins par - tout habitée, contre [p. 55] l'opinion des anciens; & les plus grandes rivieres de l'Afrique, le Nil & le Niger, y ont leurs sources. Voyez les descriptions de l'Asrique de nos Voyageurs.

On divise tout ce vaste pays en deux parties générales, savoir la haute & la basse Ethiopie. La haute Ethiopie est la partie la plus septentrionale, & en même tems la plus orientale; elle renferme la Nubie, l'Abyssinie, les Giaques ou Galles, & les côtes d'Abex, d'Ajan, & de Zanguébar. La basse Ethiopie s'étend le plus vers le midi & vers le couchant; elle renferme le Monoëmugi, le Monomotapa, & les grandes régions de Biafara, de Congo, & des Caffres. Les Portugais ont découvert depuis environ deux siecles & demi cette basse Ethiopie, qui étoit presque entierement inconnue aux anciens. Voyez l'Histoire de la découverte des Portugais en Afrique.

L'Ethiopie entiere est entre le 23 degré de latitude septentrionale, & le 35 de latitude méridionale. Sa longitude est entre les degrés 33 & 85. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ETHIOPIENS (Page 6:55)

* ETHIOPIENS, s. m. plur. (Philosophie des) Hist. de la Phil. Les Ethiopiens ont été les voisins des Egyptiens, & l'histoire de la philosophie des uns n'est pas moins incertaine que l'histoire de la philosophie des autres. Il ne nous est resté aucun monument digne de foi sur l'état des sciences & des arts dans ces contrées. Tout ce qu'on nous raconte de l'Ethiopie paroît avoir été imaginé par ceux qui, jaloux de mettre Apollonius de Tyane en parallele avec Jesus - Christ, ont écrit la vie du premier d'après cette yûe.

Si l'on compare les vies de la plûpart des législateurs, cn les trouvera calquées à - peu - près sur un même modele; & une regle de critique qui seroit assez sûre, ce seroit d'examiner scrupuleusement ce qu'elles auroient chacune de particulier, avant que de l'admettre comme vrai, & de rejetter comme faux tout ce qu'on y remarqueroit de commun. Il y a une forte presomption que ce qu'on attribue de merveilleux à tant de personnages différens, n'est vrai d'aucun.

Les Ethiopiens se prétendoient plus anciens que les Egyptiens, parce que leur contrée avoit été plus fortement frappée des rayons du Soleil qui donne la vie à tous les êtres.

D'où l'on voit que ces peuples n'étoient pas éloignés de regarder les animaux comme des développemens de la terre mise en fermentation par la chaleur du Soleil, & ue conjecturer en conséquence que les especes avoient subi une infinité de transformations diverses, avant que de parvenir sous la forme où nous les voyons; que dans leur premiere origine les animaux naquirent isolés; qu'ils purent être ensuite mâles tout - à - la - fois & femelles, comme on en voit encore quelques - uns; & que la séparation des sexes n'est peut - être qu'un accident, & la nécessité de l'accouplement qu'une voie de génération analogue à notre organisation actuelle. Voyez l'article Dieu.

Quelles qu'ayent été les prétentions des Ethiopiens sur leur origine, on ne peut les regarder que comme une colonie d'Egyptiens; ils ont eu, comme ceux - ci, l'usage de la circoncision & des embaumemens, les mêmes vêtemens, les mêmes coûtumes civiles & religieuses; les mêmes dieux, Hammon, Pan, Hercule, Isis; les mêmes formes d'idoles, le même hiéroglyphe, les mêmes principes, la distinction du bien & du mal moral, l'immortalité de l'ame & les métempsycoses, le même clergé, le sceptre en forme de soc, &c. en un mot si les Ethiopiens n'ont pas reçu leur sagesse des Egyptiens, il faut qu'ils leur ayent transmis la leur; ce qui est sans aucune vraissemblance: car la philosophie des Egyptiens n'a point un air d'emprunt; elle tient à des circonstances inal<cb-> térables, c'est une production du sol; elle est liée avec les phénomenes du climat par une infinité de rapports. Ce seroit en Ethiopie, proles sine matre creata: on en rencontre les causes en Egypte; & si nous étions mieux instruits, nous verrions toûjours que tout ce qui est est comme il doit être, & qu'il n'y a rien d'indépendant, ni dans les extravagances des hommes, ni dans leurs vertus.

Les Ethiopiens s'avoüoient autant inférieurs aux Indiens, qu'ils se prétendoient supérieurs aux Egyptiens; ce qui me prouve, contre le sentiment de quelques auteurs, qu'ils devoient tout à ceux - ci & rien aux autres. Leurs Gymnosophistes, car ils en ont eu, habitoient une petite colline voisine du Nil; ils étoient habillés dans toutes les saisons à - peu - près comme les Athéniens au printems. Il y avoit peu d'arbres dans leur contrée; on y remarquoit seulement un petit bois où ils s'assembloient pour délibérer sùr le bonheur général de l'Ethiopie. Ils regardoient le Nil comme le plus puissant des dieux: c'étoit, selon eux, une divinité terre & eau. Ils n'avoient point d'habitations; ils vivoient sous le ciel: leur autorité étoit grande; c'étoit à eux qu'on s'adressoit pour l'expiation des crimes. Ils traitoient les homicides avec la derniere sévérité. Ils avoient un ancien pour chef. Ils se formoient des disciples, &c.

On attribue aux Ethiopiens l'invention de l'Astronomie & de l'Astrologie; & il est certain que la sérénité continuelle de leur ciel, la tranquillité de leur vie, & la température toûjours égale de leur climat, ont dû les porter naturellement à ce genre d'études.

Les phases différentes de la Lune sont, à ce qu'on dit, les premiers phénomenes célestes dont ils furent srappés; & en effet les inconstances de cet astre me semblent plus propres à incliner les hommes à la méditation, que le spectacle constant du Soleil, toûjours le même sous un ciel toûjours sérain. Quoique nous ayons l'expérience journaliere de la vicissitude des êtres qui nous environnent, il semble que nous nous attendions à les trouver constamment tels que nous les avons vûs une premiere fois; & quand le contraire est arrivé, nous le remarquons avec un mouvement de surprise: or l'observation & l'étonnement sont les premiers pas de l'esprit vers la recherche des causes. Les Ethiopiens rencontrerent celle des phases de la Lune; ils assûrerent que cet astre ne brille que d'une lumiere empruntée. Les révolutions & même les irrégularités des autres corps célestes, ne leur échapperent pas; ils formerent des conjectures sur la nature de ces êtres; ils en firent des causes physiques générales. Ils leur attribuerent différens effets, & ce fut ainsi que l'Astrologie naquit parmi eux de la connoissance astronomique.

Ceux qui ont écrit de l'Ethiopie prétendent que ces lumieres & ces préjugés passerent de cette contrée dans l'Egypte, & qu'ils ne tarderent pas à pénétrer dans la Lybie: quoi qu'il en soit, le peuple par qui les Lybiens furent instruits, ne peut être que de l'ancienneté la plus reculée. Atlas étoit de Lybie. L'existence de cet astronome se perd dans la nuit des tems: les uns le font contemporain de Moyse: d'autres le confondent avec Enoch: si l'on suit un troisieme sentunent, qui explique fort bien la fable du ciel porté sur les épaules d'Atlas, ce personnage n'en sera que plus vieux encore; car ces derniers en font une montagne.

La philosophie morale des Egyptiens se réduisoit à quelques points, qu'ils enveloppoient des voiles de l'énigme & du symbole: « Il faut, disoient - ils, adorer les dieux, ne faire de mal à personne, s'exercer à la fermeté, & mépriser la mort: la vérité n'a rien de commun ni avec la terreur des arts magiques, ni avec l'appareil imposant des miracles & du prodige: la tempérance est la base de la ver<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.