ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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eût rangé dans ce nombre l'évaporation, la sublimation,
la distillation, &c. voyez pag. 321, premiere
partie de l'édition latine; & page 263, tome II. de la
traduction françoise; à moins que de le supposer accoûtumé
à regarder la Docimastique comme une
science isolée, & qui n'est pas plus la Chimie,
quoiqu'elle en emprunte presque tout, que la Botanique n'est l'Anatomie, & réciproquement. Cette
contradiction évidente est exposée bien clairement
dans son §. 499: Vix autem ulla habetur operatio chimica,
quam non aliquando in arte docimastica opus sit
perficere: è contrario plures sunt quos sibi Docimasia solos
vindicat. Earum ideò quoe huc tantùm propriè pertinent,
vel, licet ex Chimia generaliori petitoe sint, creberrimè
tamen à Docimastis in usum vocantur, generalem
licet conspectum, &c. C'est - à - dire:
« A peine y at - il une opération de Chimie dont on puisse se passer
en Docimastique: cette science au contraire en
possede un grand nombre qui n'appartiennent qu'à
elle seule. Nous allons donner un tableau général
de celles qui sont proprement de son ressort, ou
dont les Essayeurs font un fréquent usage, quoiqu'empruntées de la Chimie générale ».
Ainsi la
Docimastique pourra prendre ce que bon lui semblera
dans la Chimie, sans que celle - ci puisse s'en
plaindre, ni même donner ses titres à l'autre, sauf
à lui faire honneur de ce qui lui appartiendroit. L'art
des essais sera, comme on le peut voir, ce qu'il est,
sans rien devoir à la Chimie, quoiqu'il tienne presque
tout d'elle; & il aura des opérations de son ressort,
ou qui appartiendront à la Chimie générale.
Un mot mis dans la place d'un autre, donnoit un
sens à tout ceci, si M. Cramer eût dit, tum, licet ex
Chimiâ, &c. au lieu de vel, licet ex Chimiâ, &c. il
raisonnoit juste, & ne se contredisoit pas dans le
même instant, mais seulement à l'égard de quelques
autres endroits de son ouvrage; comme, par exemple,
avec celui du §. 497, sans aller plus loin: Primaria quoevis operatio docimastica, ab agendi modo omnibus
communi, vocari potest solutio, &c. ce qui signifie
que la dissolution, comme étant une action commune
à toutes les opérations de Docimastique, peut
être mise à leur tête. Nous ferons grace à Schlutter,
quand il dit (page 73, ligne 2 par en - bas)
« que quiconque
n'est pas dans l'habitude de connoître les
minéraux métalliques à la simple inspection, doit
acquérir cette connoissance par l'analyse chimique,
à laquelle on a donné le nom de Docimasie»,
parce
que nous ne confondons point l'artiste avec le dialecticien.
On concevra aisément que quoique tout
essai soit une analyse chimique, il ne s'ensuit pas
pour cela que l'analyse chimique seule constitue l'essai; il faut de plus quelques opérations particulieres
à la Docimastique, & un appareil tourné du côté
de l'exactitude que demande le calcul. Nous lui passerons
encore la supposition qu'il fait, qu'on peut
avoir l'habitude de connoître les minéraux métalliques
à la seule inspection, parce qu'il est convenu
(page 72.) que cela n'est pas toûjours possible.
En décrivant ces opérations, nous ferons ensorte
que la premiere serve de clé à la suivante; & c'est
sur ces principes que nous commencerons par le
plomb. Mais avant que d'essayer une mine de ce métal,
il faut l'avoir lotie, au cas qu'on veuille savoir
combien un tas de cette mine non triée, ou avec
toute sa roche, peut fournir par quintal (voyez Lotissage); car il arrive qu'on fait aussi un essai pour
savoir ce que contient un quintal de mine lavée ou
schlich; ou bien encore ce que contient un quintal
de mine pure. Soit donné pour exemple la mine de
plomb à facettes spéculaires, ou de telle autre espece
que ce soit, pourvû qu'elle soit fusible: mettez - la
en petits morceaux gros comme des grains de
chénevi; pesez - en trois quintaux fictifs (voyez Poids
fictifs); étendez - les avec les doigts sur un test
que vous placerez sous la moufle du fourneau d'essai, couvert d'un autre test qui ne laisse aucun
intervalle entre lui & l'inférieur: vous aurez eu
la précaution d'allumer le feu par le haut, & vous
saisirez l'instant pour placer votre test sous la moufle,
où elle n'aura pris qu'un rouge un peu obscur:
vous augmenterez le feu jusqu'au point où le test
sera au même ton de chaleur, & vous ne le découvrirez
que quand la décrépitation de la mine aura
cessé. La mine alors paroîtra terne & livide, & parsemée
de petites molécules blanches, qui ne sont
autre chose que sa roche qui a pris cette couleur.
Continuez le même degré de feu pendant deux heures,
& la mine sera pour lors d'un jaune grisâtre à sa
surface. Retirez - la du feu quand elle sera refroidie;
mettez - la en poudre fine, & lui ajoûtez une partie
de flux noir, & une demi - partie de limaille de fer
non rouillée, avec autant de fiel de verre: mêlez
bien le tout dans le mortier; chargez - en une tute ou
creuset d'essai, dont la moitié reste vuide quand vous
l'aurez couvert d'un doigt de sel marin décrépité,
que vous tallerez bien: adaptez à ce creuset un couvercle,
dont vous lutterez bien les jointures avec
de la terre à four: placez ce creuset ainsi chargé,
dans la casse d'un fourneau à vent; couvrez - le de
charbons jusqu'à son couvercle; allumez le seu par
le haut avec quelques petits charbons ardens, que
vous éloignerez du creuset le plus que vous pourrez:
donnez quelques coups de soufflet, afin de rougir
médiocrement votre vaisseau: continuez jusqu'à ce
que vous entendiez un petit sifflement; si - tôt que ce
bruit sera cessé, soufflez de nouveau, après avoir
remis assez de charbon pour excéder le couvercle du
creuset de 2 ou 3 doigts. Si le bouillonnement recommençoit,
il faudroit couvrir la casse, & cesser
de souffler jusqu'à ce qu'il fût passé; après quoi vous
donneriez un bon feu de fonte pendant un quart
d'heure ou une petite demi - heure: au bout de ce tems
retirez votre creuset du feu, & le frappez de quelques
petits coups par le côté, en appuyant vos tenailles
de la main gauche sur le couvercle, pour l'empêcher
de tomber. Quand il sera refroidi, cassez - le;
son poids vous indiquera la quantité qu'on peut retirer
de la mine, si l'essai est bien fait.
Si au lieu d'une mine fusible vous avez à en essayer
une réfractaire par les pyrites qu'elle contient, vous
pourrez la torréfier à un feu un peu plus fort, à deux
ou trois reprises: vous lui ajoûterez égale quantité
de fiel de verre & le double de flux noir; & procéderez,
quant au reste, comme pour la mine fusible.
Si c'est une mine réfractaire, en conséquence de
terre & de pierre inséparables par le lavage, ajoûtez - lui parties égales de fiel de verre, & trois ou
quatre fois son poids de flux noir, que vous mêlerez
bien intimement par la trituration, & procéderez
ainsi que nous l'avons dit.
On divise la mine de plomb, afin qu'elle perde
plus aisément le soufre qui la minéralise: il est pourtant
de certaines bornes qu'il ne faut pas passer; si
elle étoit en poudre trop subtile, elle seroit plus sujete
à pâter, & le soufre ne se dissiperoit pas si
bien. C'est pour éviter cet inconvénient qu'on recommande
encore de bien étendre la mine dans le
test, afin qu'elle communique par une plus large surface
avec l'air, qui est le véhicule des vapeurs. On
a la précaution de couvrir ce test d'un autre renversé,
ou d'un couvercle, pour empêcher que la mine
en décrépitant ne sautille & ne rende l'essai faux;
autrement il s'en perdroit une bonne partie, sur - tout
si la roche étoit abondante. J'ai roti quelquefois des
mines de plomb si abondantes en soufre, que je
voyois sa flamme secher la surface de la mine dans
le premier instant que je lavois le test.
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Avant que d'allumer le fourneau d'essai, on assujettit
bien la moufle sur ses deux barres, & on en lutte
l'embouchure avec la porte du foyer, de la grandeur
de laquelle elle doit être: on a soin de casser le
charbon de la grosseur d'un oeuf de pigeon, sans quoi
il ne s'affaisseroit pas également. On allume le feu par
le haut pour échauffer lentement: il est bon de passer
de tems en tems par l'oeil du fourneau une verge
de fer pour remuer le charbon & lui faire remplir
les vuides qui peuvent se faire; on en remet souvent,
de crainte qu'une trop grande quantité fournie
tout - à - coup ne refroidisse le fourneau & ne dérange
l'opération. Si le feu étoit trop vif quand on
place le test sur la moufle, on donneroit froid en fermant
les soupiraux, jusqu'à ce qu'il fût du degré requis.
Il faut tenir ce test d'un rouge obscur, sur - tout
au commencement de l'opération, pour empêcher
que la mine ne pâte & ne s'y attache; car si cela arrivoit,
il faudroit recommencer l'opération. Quand
le soufre s'est dissipé en partie, alors on peut l'augmenter,
mais toûjours avec discrétion. M. Cramer
conseille de froter le scorificatoire de sanguine ou de
colchothar; mais cette précaution est inutile quand
on est exercé: il ne faut pas s'inquiéter de la préfence
des grains de sable, peu adhérans à la surface
interne du test, que les Fournalistes de Paris saupoudrent
pour leur commodité; ils ne peuvent que se
vitrifier avec le plomb: mais la réduction s'en fait
pendant la fonte, en même tems que celle des particules
nitreuses du fiel de verre. Il est bon d'observer
que la mine ne doit être pesée que quand elle a
été broyée, parce qu'il s'attache toûjours quelques
molécules de la mine au mortier ou au porphyre des
essayeurs, quelque polis qu'ils soient l'un & l'autre,
ou qu'il s'en détache toûjours quelques petites
molécules qui sautent de côté & d'autre; ce qui
rend l'essai faux. Il faut encore avoir un soin tout particulier
à n'employer aucun vaisseau qui puisse porter
dans l'essai une matiere étrangere, à moins qu'on
ne se soucie peu de l'exactitude en pareille circonstance,
ou qu'on soit sûr du résultat du corps qu'on
essaye; car les phénomenes peuvent être tous différens,
en conséquence du nouveau corps introduit.
Si l'on pese la mine de plomb rotie, on trouve que
le poids est le même qu'avant de la griller, quelquefois
plus foible, & quelquefois plus fort, quoiqu'elle
ait cependant perdu une bonne quantité de soufre.
Le même phénomene arrive encore au plomb calciné: quelques personnes attribuent l'augmentation de
cette gravité spécifique au rapprochement des parties;
mais il me paroît qu'il est plus raisonnable de
croire qu'elle est dûe à la surabondance de phlogistique
qu'il prend dans cet état, quoiqu'il semble qu'il
l'ait perdu. Mais la différence de combinaison produit
celle de l'état: on voit une augmentation de
poids dans le fer qu'on a réduit en acier, en le mettant
dans un creuset tout seul, & fermant bien ce
creuset; & l'on voit en même tems qu'une surabondance
de phlogistique n'est pas toûjours la cause d'une
plus grande fusibilité, quoique combinée de la façon
requise, comme il y a toute apparence.
Il n'y a nul inconvénient à faire plusieurs torréfactions
à la fois, pourvû que ce soit des mines qui
ne demandent pas des degrés de feu fort différens:
on peut placer sous la moufle autant de scorificatoires
qu'elle en peut contenir, observant de mettre
vers son fond ceux qui demandent un plus grand feu,
ou bien employant les instrumens (voyez Moufle),
s'ils exigent tous un feu doux, ou mettant des charbons
allumés dans le canal de tole du fourneau,
ou à l'embouchure même de la moufle du fourneau
(voyez la figure), auquel cas il n'est pas necessaire
de l'allumer, la chaleur de la moufle suffisant
pour cela. La matiere de chaque test veut être re<cb->
muée avec un crochet particulier, qu'il faut placer
dans le même ordre que les scorificatoires, afin que
celle de l'un ne passe point dans l'autre, & réciproquement: la couleur terne de la mine annonce la
dissipation d'une partie de son soufre; quand il l'a
perdue presque toute, alors il est d'un gris tirant sur
le jaune.
On réduit en poudre fine la mine torréfiée, afin que
chaque petite molécule de plomb soit, pour ainsi
dire, environnée de plusieurs molécules de flux; ce
qui est nécessaire à la réduction. Voyez Flux. On y
ajoûte le flux noir pour lui donner un réductif avec
un fondant, parce que le plomb qui a perdu son
phlogistique avec son soufre se vitrifieroit, au lieu
de paroître sous la forme métallique. Le fiel de verre
sert à donner de la fusibilité au flux noir, beaucoup
plus réfractaire que lui: la limaille de fer sert à absorber
le soufre qui peut rester, & l'on ne doit pas
craindre qu'elle préjudicie à l'essai; le fer pur ou
sulphuré ne peut contracter d'union avec le plomb.
Peu importe que le fer entre en fonte, il n'en absorbe
pas moins le soufre; & d'ailleurs ce minéral
le rend fusible, outre que le flux noir produit le
même effet. Sans l'addition de la limaille la mine
ne se convertiroit point en plomb, elle se précipiteroit
à - peu - près dans le même état qu'on l'a mis calciner,
ou bien le bouton seroit caverneux & blanc
comme de l'argent, parce qu'il naîtroit de l'union
du soufre de la mine & de l'alkali du flux, un foie
de soufre, qui est le dissolvant des métaux, qui corroderoit
l'extérieur du culot. M. Cramer met deux
parties de flux noir contre une de mine; ce qui est
inutile, quoiqu'il n'y ait aucun inconvénient d'en
mettre plus que moins. Une tute (voyez ce mot) est
préférable au creuset à pié ordinaire, ou au creuset
triangulaire sans pié, parce que son couvercle y entre
comme un bouchon, & n'est pas si aisé à déranger
que celui des creusets à piés, que le moindre
charbon délute quelquefois. Sans compter que le feu
dilatant plus le creuset que le couvercle, & faisant
sécher le lut, il arrive que celui - ci est forcé d'abandonner
le couvercle, qui ne ferme plus exactement
pour lors, & laisse consumer une partie de la matiere
charbonneuse du flux: il faut sécher les creusets
avant que d'y mette la matiere à réduire. Les sels
qu'on employe dans les essais doivent être bien secs
aussi; c'est souvent faute d'avoir pris cette précaution
que le creuset se délute: le même inconvénient
doit arriver à ces artistes qui employent le flux crud
au lieu du flux noir, pendant la détonnation duquel
il s'éleve des vapeurs épaisses capables de faire sauter
le couvercle. C'est par la même raison qu'il faut
faire décrepiter le sel marin, avant que d'en couvrir
la matiere de l'essai; & il est étonnant que M. Cramer, qui est convaincu de la nécessité de faire bien
sécher tous ces fondans, laisse à ce sel toute son humidité.
Il est inutile d'y en mettre une couche de
quatre doigts, selon que le prescrit cet auteur; un
seul suffit pour garantir la matiere subjacente du contact
de l'air: il n'est pas non plus nécessaire que le
creuset reste les deux tiers vuides; quand on sait
gouverner le feu, deux doigts de bords sont tout ce
qu'il faut: ainsi l'on ne doit pas cesser de faire une
opération de cette espece, parce qu'on n'aura que
des creusets dont le vuide ne pourra être plus considérable.
On peut faire plusieurs réductions d'une même
fournée, comme plusieurs scorifications, pourvû que
les degrés de feu soient les mêmes; on doit même
faire plus d'un essai à la fois de la même mine,
afin de choisir celui qui aura le mieux réussi: pour
cet effet on retire les creusets du feu, à quelque
tems les uns des autres, & l'on se détermine pour
les deux qui approchent le plus l'un de l'autre, en
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