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Les Grecs (Hérodote, ibid.) les ayant vaincues en bataille rangée sur les bords de Thermodon, firent plusieurs prisonnieres, qu'ils mirent sur trois vaisseaux, & reprirent le chemin de leur patrie.
Quand on fut en plaine mer, nos héroïnes saisissant un moment favorable, se jetterent sur les hommes, les desarmerent, & leur couperent la tête. Comme elles ignoroient l'art de la navigation, elles furent obligées de s'abandonner à la merci des vents & des vagues, qui les porterent enfin sur un rivage des Palus Méotides, où étant descendues à terre, elles monterent sur les premiers chevaux qu'elles purent trouver, & coururent ainsi tout le pays.
Ce fait s'accorde parfaitement avec ce que l'abbréviateur
de Trogue Pompée (Justin, l. II.) rapporte
de l'éducation des Amazones:
Thésée étoit avec Hercule, lorsque ce héros à la tête des Grecs remporta sur elles la victoire du Thermodon. Résolues de tirer une vengeance éclatante de cet affront, elles se fortifierent de l'alliance de Sigillus, roi des Scythes, qui envoya à leur secours une nombreuse cavalerie commandée par son fils. Marchant tout de suite contre les Athéniens, qui obéissoient à Thésée, elles leur livrerent bataille jusque dans les murs d'Athenes, avec plus de courage que de prudence. Un différend survenu entr'elles & les Scythes empêcha ceux - ci de combattre: aussi furent - elles vaincues; & cette cavalerie ne servit qu'à favoriser leur retraite & leur retour.
Les annales des autres peuples, soit d'Europe, soit d'Afrique, concourent également à prouver l'ancienneté de l'équitation; on la voit établie chez les Macédoniens, avant que les Héraclides eussent conquis la Macédoine (Hérodote, l. VIII.). Les Gaulois, les Germains, les peuples d'Italie faisoient usage des chars ou de la cavalerie dans leurs premieres guerres qui nous sont connues (Diodore de Sicile, liv. V.). Les Ibériens ont de tout tems élevé d'excellens chevaux, de même que les Arabes, les Maures, & tous les peuples du Nord de l'Afrique.
Les traits historiques que nous venons de rapporter nous montrent évidemment, chez les Assyriens & les Egyptiens, les chevaux employés de toute antiquité dans les armées, à porter des hommes & à traîner des chars. Les Egyptiens ont inondé l'Asie de leurs troupes, pénétré dans l'Europe, & fondé
II. L'équitation connue chez les Grecs avant la guerre de Troye. Cette proposition, que nous croyons vrate dans toute son étendue, a trouvé néanmoins deux contradicteurs célebres, madame Dacier & M. Freret: fondés sur le prétendu silence d'Homere, & sur ce qu'il ne fait jamais combattre ses héros à cheval, mais montés sur des chars, ils ont prétendu que l'epoque de l'équitation dans la Grece & dans l'Asiemineure, étoit postérieure à la guerre de Troye, & que les Grecs, de même que les Troyens, ne savoient en ce tems - là faire usage des chevaux que lorsqu'ils étoient attelés à des chars.
Il semble qu'une opinion si singuliere doive tomber d'elle - même, quand on observe que les Grecs existoient long - tems avant le passage de la mer Rouge, puisque Argos étoit alors à son sixieme roi (n), & que plus de quatre cents ans avant ce passage, l'égyptien Ourane avoit franchi le Bosphore pour donner des lois à ces Grecs, qui n'étoient encore que des sauvages, vivans comme les bêtes des herbes qu'ils broutoient. D'ailleurs plusieurs villes de la Grece n'étoient que des colonies des Egyptiens ou des Phéniciens. L'Egyptien Cecrops (environ 1556 ans avant J.C.) qui vivoit dans le siecle de Moyse, avoit fondé les douze bourgs d'ou se forma depuis la ville d'Athenes: presque tout ce qui concernait la religion, les lois, les moeurs, avoit été porté d'Egypte dans la Grece. Sur quel fondement croirat - on que les Egyptiens qui humaniserent & policerent les Grecs, leur eussent laissé ignorer l'art de l'é<-> quitation, qu'ils possédoient si bien eux - mêmes, & qu'ils n'eussent voulu seulement que leur apprendre à conduire des chars? Comment ces Grecs, témoins des exploits de Sésostris, & qui avoient combattu contre les Amazones, ne virent - ils que des chars dans des armées où il y avoit indubitablement de la cavalerie?
Malgré la solidité de ces réflexions, il s'en est peu fallu que le sentiment de M. Freret & de madame Dacier, soûtenu par un profond savoir, n'ait prevalu sur les plus grandes autorités: mais la déference que l'on accorde à l'opinion de certains personnages, quand elle n'a point la vérité pour bate, cede tôt ou tard à l'évidence.
M. l'abbé Sallier (histoire de l'Académie des inseriptions & belles - lettres, tom. VII. p. 37.) est celui qui a coupé court au progrès de l'erreur: il a démontré sensiblement que l'art de monter à cheval étoit connu des Grecs long - tems avant la guerre de Troye; mais il ne résout pas entierement la question: il finit ainsi son mémoire.
On va donc s'attacher à prouver, par l'examen des raisons mêmes qu'a eu M. Freret de croire le contraire, que l'équitation étoit connue des Grecs & des Troyens avant le siége de Troye, & que ces peuples avoient dans leurs armées de la cavalerie
(m) Il y avoit au nord - est des Palus Méotides, des Scythes nommés lyrces, qui ne vivoient que du produit de leur chasse, & voici comment ils la pratiquoient. Cachés parmi les arbres qui étoient là en grand nombre, & ayant près d'eux un chien & un petit cheval couché sur le ventre, ils tiroient sur la bête à son passage, & montoient tout de suite à cheval pour courir à sa poursuite avec leur chien. Hérodote, liv. IV. (n) Ce royaume d'Argos avoit été fondé par l'égyptien Danaüs, vers l'an 1476, avant J.C.[p. 887]
Madame Dacier, qui pensoit sur la question présente
de même que l'illustre académicien,
Quelle erreur de sa part! Pour supposer dans ce
peuple une si grande ignorance, il faut ou qu'elle
n'ait pas toûjours bien entendu le texte de son auteur,
ou qu'elle n'ait pas assez réfléchi sur les expressions
d'Homere. On doit convenir cependant
qu'elle étoit si peu sûre de son opinion, qu'elle a dit
ailleurs (Remarques sur le X. liv. de l'Iliade):
M. Freret moins indéterminé (mém. de Litt. de l'Acad. des inscript. tom. VII. p. 286.) ne se dément pas
dans son opinion.
Telle est la proposition qui fait le sujet de sa dissertation: elle est remplie de recherches curieuses & savantes, mais qui, toutes prises dans leur véritable sens, peuvent servir à prouver le contraire de ce qu'il avance.
Après avoir établi pour principe qu'Homere ne parle en aucun endroit de ses poëmes, de cavaliers, ni de cavalerie, il prétend que ce poëte, quoiqu'il écrivît dans un tems où l'équitation étoit connue, s'est néanmoins abstenu d'en parler, pour ne pas choquer ses lecteurs par un anachronisme contre le costume, qui eût été remarqué de tout le monde. Cet argument négatif est la base de tous ses raisonnemens; & M. Freret n'oublie rien pour lui donner d'ailleurs une force qu'il ne sauroit avoir de sa nature.
Pour cet effet, 1°. il examine & combat tous les témoignages des écrivains postérieurs à Homere que l'on peut lui opposer: 2°. il discute dans quel tems ont été élevés les plus anciens monumens de la Grece, sur lesquels on voyoit représentés des cavaliers ou des hommes à cheval, pour montrer qu'ils sont tous postérieurs à l'établissement de la course des chevaux dans les jeux olympiques: 3°. il cherche à
Examen du texte d'Homere. Puisque Homere est regardé, pour ainsi dire, comme le juge de la question, voyons d'abord si son silence est réel, & si nous ne pouvons pas trouver dans ses ouvrages des témoignages positifs en faveur de l'équitation.
Dans le dénombrement (Iliad. l. II.) des Grecs
qui suivirent Agamennon au siége de Troye, il est
dit de Ménesthée, le chef des Athéniens,
On trouve parmi les troupes troyennes les belliqueux escadrons des Ciconiens; & l'on voit dans l'odyssée (livre IX. pag. 262. édit. 1741.) que ces Ciconiens savoient très - bien combattre à cheval, & qu'ils se défendoient aussi à pié, quand il le falloit. Quoi de plus clair que l'opposition de combattre à pié & de combattre à cheval? Ils étoient en plus grand nombre; voilà donc beaucoup de gens de cheval. Madame Dacier le dit de même dans sa traduction: elle pensoit donc autrement quand elle composa la préface de sa traduction de l'Iliade.
Quand Nestor conseille (Iliad. l. VII.) aux Grecs
de retrancher leur camp:
Ulysse & Diomede (Iliad. l. X.) s'étant chargés d'aller reconnoître pendant la nuit la position & les desseins des Troyens, rencontrerent Dolon, que les Troyens envoyoient au camp des Grecs dans le même dessein, & ils apprirent de lui que Rhésus, arrivé nouvellement à la tête des Thraces, campoit dans un quartier séparé du reste de l'armée. Sur cet avis les deux héros coupent la tête de Dolon, pressent leur marche, & arrivent dans le camp des Thraces, qu'ils trouverent tous endormis, chacun d'eux ayant auprès de soi ses armes à terre & ses chevaux. Ils étoient couchés sur trois lignes; au milieu dormoit Rhésus leur chef, dont les chevaux étoient aussi tout - près de lui, attachés à son char.
Diomede se jette aussi - tôt sur les Thraces, en égorge plusieurs, & le roi lui - même: après quoi, pendant qu'Ulysse va détacher les chevaux de Rhésûs, il essaye d'en enlever le char; mais Minerve lui ordonne d'abandonner cette entreprise. Il obéit, rejoint Ulysse, & montant ainsi que lui sur l'un des chevaux de Rhésus, ils sortent du camp & volent vers leurs vaisseaux, poussant les chevaux, qu'ils foüettent avec un arc. Arrivés dans l'endroit où ils avoient laissé le corps de Dolon, Diomede saute legerement à terre, prend les armes de l'espion troyen, remonte promptement à cheval, & Ulysse & lui continuent de pousser à toute bride ces fougueux coursiers, qui secondent merveilleusement leur impatience. Nestor entend le bruit, & dit: il me semble qu'un bruit sourd, comme d'une marche de chevaux, a frappé mes oreilles.
Tout lecteur non prévenu verra sans doute dans
cette épisode une preuve de la connoissance que les
Grecs, ainsi que les Thraces, avoient de l'équitation. Les cavaliers thraces, couchés sur trois rangs,
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