ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"785"> adoré de ses disciples: il reçut dans ses jardins plusieurs femmes célebres, Léontium, maîtresse de Métrodore; Thémiste, femme de Léontius; Philénide, une des plus honnêtes femmes d'Athenes; Nécidie, Erotie, Hédie, Marmarie, Bodie, Phédrie, &c. Ses concitoyens, les hommes du monde les plus enclins à la médisance, & de la superstition la plus ombrageuse, ne l'ont accusé ni de débauche ni d'impiété.

Les Stoïciens féroces l'accablerent d'injures; il leur abandonna sa personne, défendit ses dogmes avec force, & s'occupa à démontrer la vanité de leur système. Il ruina sa santé à force de travailler: dans les derniers tems de sa vie il ne pouvoit ni supporter un vêtement, ni descendre de son lit, ni souffrir. la lumiere, ni voir du feur Il urinoit le sang; sa vessie se fermoit peu - à - peu par les accroissemens d'une pierre: cependant il écrivoit à un de ses amis que le spectacle de sa vie passée suspendoit ses douleurs.

Lorsqu'il sentit approcher sa fin, il fit appeller ses disciples; il leur légua ses jardins; il assûra l'état de plusieurs enfans sans fortune, dont il s'étoit rendu le tuteur; il affranchit ses esclaves; il ordonna ses funérailles, & mourut âgé de soixante & douze ans, la seconde année de la cent vingt - septieme olympiade. Il fut universellement regretté: la république lui ordonna un monument; & un certain Théotime, convaincu d'avoir composé sous son nom des lettres infames, adressées à quelques - unes des femmes qui fréquentoient ses jardins, fut condamné à perdre la vie.

La philosophie épicurienne fut professée sans interruption. depuis son institution jusqu'au tems d'Auguite; elle fit dans Rome les plus grands progrès. La secte y fut composée de la plûpart des gens de lettres & des hommes d'état; Lucrece chanta l'épicureisme, Celse le professa sous Adrien, Pline le Naturaliste sous Tibere: les noms de Lucien & de Diogene Laerce sont encore célebres parmi les Epicuriens.

L'épicuréisme eut, à la décadence de l'empire romain, le ort de toutes les connoissances, il ne sortit d'un oubli de plus de mille ans qu'au commencement du dix - septieme siecle: le discrédit des formes plastiques remit les atomes en honneur. Magnene, de Luxeu en Bourgogne, publia son democritus reviviscens, ouvrage mediocre, où l'auteur prend à tout moment ses reveries pour les sentimens de Démocrite & d'Epicure. A Magnene succéda Pierre Gassendi, un des hommes qui font le plus d'honneur à la Philosophie & à la nation: il naquit dans le mois de Janvier de l'année 1592, à Chantersier, petit village de Provence, à une lieue de Digne, où il fit ses humanités. Il avoit les moeurs douces, le jugement sain, & des connoissances profondes: il étoit versé dans l'Astronomie, la Philosophie ancienne & moderne, la Métaphysique, les langues, l'histoire, les antiquités; son érudition fut presque universelle. On a pû dire de lui que jamais philosophe n'avoit été meilleur humaniste, ni humaniste si bon philosophe: ses écrits ne sont pas sans agrément; il est clair dans ses raisonnemens, & juste dans ses idées. Il fut parmi nous le restaurateur de la philosophie d'Epieure: sa vie fut pleine de troubles; sans cesse il attaqua & sut attaqué: mais il ne fut pas moins attentif dans ses disputes, soit avec Fludd, soit avec mylord Herbert, soit avec Descartes, à mettre l'honnêteté que la raison de son côté.

Gassendi eut pour disciples ou pour sectateurs, plusieurs hommes qui se lont immortalisés, Chapelle, Moliere, Bernier, l'abbé de Chaulieu, M. le grand-prieur de Vendôme, le marquis de la Fare, le chevalier de Bouillon, le maréchal de Catinat, & plusieurs autres hommes extraordinaires, qui, par un contraste de qualités agréables & sublimes, réunissoient en eux l'héroïsme avec la mollesse, le goût de la vertu avec celui du plaisir, les qualités politiques avec les talens litteraires, & qui ont formé parmi nous différentes écoles d'épicuréisme moral dont nous allons parler.

La plus ancienne & la premiere de ces écoles où l'on ait pratiqué & professé la morale d'Epicure, étoit rue des Tournelles, dans la maison de Ninon Lenclos, c'est - là que cette femme extraordinaire rassembloit tout ce que la cour & la ville avoient d'hommes polis, éclairés & voluptueux on y vit madame Scarron; la comtesse de la Suze, célebre par ses elégies; la comtesse d'Olonne, si vantée par sa rare beauté & le nombre de ses amans, Saint - Evremont, qui professa depuis l'épicuréisme à Londres, où il eut pour disciples le fameux comte de Grammont, le poëte Waller, & madame de Mazarin; la duchesse de Bouillon Mancini, qui fut depuis de l'école du Temple; des Yvetaux, (voyez Arcadiens), M. de Gourville, madame de la Fayette, M. le duc de la Rochefoucault, & plusieurs autres, qui avoient formé à l'hôtel de Rambouillet une école de Platonisme, qu'ils abandonnerent pour aller augmenter la société & écouter les leçons de l'épicurienne.

Après ces premlers épicuriens, Bernier, Chapelle & Moliere disciples de Gassendi, transférerent l'é cole d'Epicure de la rue des Tournelles à Auteuil: Bachaumont, le baron de Blot, dont les chansons sont si rares & si recherchées, & Desbarreaux, qui fut le maître de madame Deshouilleres dans l'art de la poésie & de la volupté, ont principalement illustré l'école d'Auteuil.

L'école de Neuilly succéda à celle d'Auteuil: elle fut tenue, pendant le peu de tems qu'elle dura, par Chapelle & MM. Sonnings; mais à peine fut - elle instituée, qu'elle se fondit dans l'école d'Anet & du Temple.

Que de noms célebres nous sont offerts dans cette derniere! Chapelle & son disciple Chaulieu, M. de Vendôme, madame de Bouillon, le chevalier de Bouillon, le marquis de la Fare, Rousseau, MM. Sonnings, l'abbé Courtin, Campistron, Palaprat, le baron de Breteuil, pere de l'illustre marquise du Châtelet; le président de Mesmes, le président Ferrand, le marquis de Dangeau, le duc de Nevers, M. de Catinat, le comte de Fiesque, le duc de Foix ou de Randan, M. de Périgny, Renier, convive aimable, qui chantoit & s'accompagnoit du luth, M. de Lasseré, le duc de la Feuillade, &c. cette école est la même que celle de St. Maur ou de madame la duchesse.

L'école de Seaux rassembla tout ce qui restoit de ces sectateurs du luxe, de l'élégance, de la politesse, de la philosophie, des vertus, des lettres & de la volupté, & elle eut encore le cardinal de Polignac, qui la fréquentoit plus par goût pour les disciples d'Epicure, que pour la doctrine de leur maitre, Hamilton, St Aulaire, l'abbé Gênet, Malesieu, la Motte, M. de Fontenelle, M. de Voltaire, plusieurs académiciens, & quelques femmes illustres par leur esprit; d'où l'on voit qu'en quelque lieu & en quelque tems que ce soit, la secte épicurienne n'a jamais eu plus d'éclat qu'en France, & sur - tout pendant le siecle dernier. Voyez Brucker, Gassendi, Lucrece, &c.

EPICYCLE (Page 5:785)

EPICYCLE, s. m. en Astronomie, cercle dont le centre est dans la circonférence d'un autre cercle, qui est censé le porter en quelque maniere.

Ce mot est formé des mots grecs, E)PI, suprà, sur, & de KUKLOS2, cercle, comme si l'on disoit cercle sur cercle.

De même que les anciens astronomes ont inven<pb-> [p. 786] té un cercle excentrique pour expliquer les irrégularités apparentes du mouvement des planetes, & leur différente distance de la terre, ils ont aussi inventé un petit cercle pour expliquer les stations & les rétrogradations des planetes. Ce cercle, qu'ils appellent épicycle; a son centre dans la circonférence du plus grand, qui est l'excentrique de la planete. Voyez Excentrique.

C'est dans cet excentrique que se meut le centre de cet épicycle, lequel emporte avec lui la planete, dont le centre se meut régulierement dans la circonférence de l'épicycle, suivant l'ordre des signes, lorsqu'elle est dans la partie inférieure de l'épicycle, & contre l'ordre des signes, lorsqu'elle est dans la partie supérieure.

Le point le plus haut de l'épicycle s'appelle apogée, & le point le plus bas s'appelle périgée. Voyez Apogée & Périgée.

Quoique les phénomènes des stations & rétrogradations des planetes s'expliquent d'une maniere bien plus naturelle dans le système de Copernic, on ne peut disconvenir que la maniere dont Ptolomée les a sauvées ne soit ingénieuse: c'est apparemment pour cette raison que M. Godin, dans un mémoire imprimé parmi ceux de l'Académie, en 1733, a cherché à développer cette théorie, & à donner les lois du mouvement apparent des planetes dans les épicycles. Lorsqu'on ne cherche qu'à connoître les apparences, & à construire des tables, il importe peu, dit l'historien de l'Académie, quelle hypothèse on choisisse, pourvû que cette hypothèse les sauve toutes, & que ces tables les représentent. De plus, les satellites de Jupiter & de Saturne ont, par rapport à nous, des apparences de mouvemens semblables à celles que doivent avoir les planetes dans le système de Ptolomée: la Terre & la Lune, vûes du Soleil ou de quelque autre point du système solaire, sont aussi dans le même cas; c'est pourquoi la théorie dont il s'agit peut être de quelque utilité. D'ailleurs M. Godin l'a donnée d'une maniere beaucoup plus simple que n'ont fait jusqu'ici tous les Astronomes: il n'a besoin pour cela que des deux suppositions suivantes; 1°. la direction apparente d'un corps qui décrit un cercle, est à chaque instant la tangente au point du cercle qu'il décrit dans cet instant; 2°. un corps mû par deux forces, dont les directions font angle entre elles, ou paroissent faire anglè, décrira ou paroîtra décrire la diagonale d'un parallelogramme formé sur ces directions.

Le grand cercle, dans la circonférence duquel l'épicycle est situé, s'appelle aussi le déférent de l'épicycle. Voyez Déférent.

Riccioli, quoique ennemi déclaré du mouvement de la terre, n'a jamais pû faire de tables astronomiques qui s'accordassent tant - soit - peu avec les observations, sans supposer ce mouvement de la terre, quoiqu'il appellât à son secours, d'une maniere un peu forcée, les épicycles variables, sujets à des augmentations & à des décroissemens perpétuels, & différemment inclinés à l'écliptique. Voyez Copernic, Station, Rétrogradation , &c.

Quoique les épicycles des planetes, imaginés par Ptolomée, soient aujourd'hui entierement bannis de l'Astronomie, cependant quelques astronomes modernes s'en sont servis pour expliquer les irrégularités du mouvement de la Lune; mais avec cette différence, qu'ils n'ont pas prétendu que la lune parcourût en effet la circonférence d'un épicycle, comme Ptolomée prétendoit que les planetes la parcouroient: ils ont seulement dit que les inégalités apparentes du mouvement de la Lune étoient les mêmes que si cette planete se mouvoit dans un épicycle. M. Machin, dans un ouvrage fort court qui a pour titre, the laws of moon's motion, les lois du mouve - ment de la Lune, fait mouvoir la Lune dans une ellipse dont le petit axe est la moitié du grand: tandis que le centre de cette ellipse décrit d'un mouvement uniforme un cercle autour de la Terre, la Lune se meut dans l'ellipse, de maniere qu'elle y parcourt des aires porportionnelles aux tems. Mais M. Clairaut, dans un mémoire imprimé parmi ceux de l'académie, en 1743, soûtient que M. Machin se trompe, & qu'on ne peut expliquer par cette supposition les mouvemens de la Lune. M. Halley a suppose que la lune se mouvoit dans une ellipse, & que le centre de cette ellipse étoit dans un épicycle dont le centre se mouvoit uniformément autour de la Terre: il a déduit de ce mouvement les inégalités qu'on observe dans la vîtesse de l'apogée, & dans l'excentricité de l'orbite de cette planete. Voyez Lune. Voyez aussi les Dict. de Harris, de Chambers, & les élém. d'Astr. de Wolf, d'où une partie de cet article est tirée. (O)

EPICYCLOIDE (Page 5:786)

EPICYCLOIDE, s. f. en Géométrie, ligne courbe qui est engendrée par la révolution d'un point de la circonférence d'un cercle, lequel se meut en tournant sur la partie convexe ou concave d'un autre cercle.

Chaque point de la circonférence d'un cercle qui avance en droite ligne sur un plan, tandis qu'il tourne en même tems sur son centre, décrit une cycloide (voyez Cycloïde); & si le cercle générateur, au lieu de se mouvoir sur une ligne droite, se meut sur la circonférence d'un autre cercle, ou égal ou inégal à lui, la courbe que décrira chacun des points de sa circonférence s'appelle épicycloïde.

Par exemple, si une roue de carrosse rouloit sur la circonférence d'une autre roue, la courbe que décriroit un des clous de cette roue seroit une épicycloïde.

Si le mouvement progressif du cercle roulant est plus grand que son mouvement circulaire, l'épicycloïde est nommée allongée, & accourcie s'il est plus petit.

Si le cercle générateur se meut sur la convexité de la circonférence, l'épicycloïde est nommée supérieure & extérieure; & s'il se meut sur sa concavité, on la nomme épicycloide inférieure ou intérieure; on appelle base de l'épicycloïde la partie de cercle sur laquelle se meut le cercle générateur, tandis qu'il fait un tour entier. Ainsi dans les Planches de Géométrie, fig. 58. DB est la base de l'épicycloïde, V son sommet, VB son axe, DPV la moitié de l'épicycloide extérieure produite par la révolution du demi - cercle VLB, qu'on appelle cercle générateur, sur le côté convexe de la base DB.

On trouvera dans les Transact. philosoph. n. 18. & dans les infiniment petits de M. de l'Hopital, les démonstrations des principales propriétés de l'épicycloïde, sur - tout ce qui concerne les tangentes de ces courbes, leurs rectifications & leurs quadratures. M. Nicole a aussi donné sur la rectification des épicycloïdes allongées & accourcies un excellent mémoire dans le vol. de l'académie de 1708.

Le volume de 1732 de la même académie renferme plusieurs écrits de M M. Bernoulli, de Maupertuis, Nicole, & Clairaut, sur une autre espece d'épicycloïdes appellées épicycloïdes sphériques. Ces épicycloïdes sont encore engendrées par le point de la circonférence d'un cercle qui roule sur un autre cercle; mais avec cette différence que dans les épicycloïdes ordinaires le cercle roulant est dans le même plan que le cercle sur lequel il roule; au lieu que dans celle - ci le plan du cercle roulant fait un angle constant avec le plan de l'autre cercle. Les épicycloïdes sphériques ont plusieurs belles propriétés que l'on peut voir dans les mémoires dont nous venons de parler, & dont le détail seroit au - dessus de la portée du plus grand nombre de nos lecteurs.

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