ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"783"> chaleur se répand; il ne faut que quelques étincelles de ce feu pour embraser toute notre atmosphere. La Lune & les planetes peuvent briller ou de leur lumiere propre, ou d'une lumiere empruntée du Soleil; & les éclipses avoir pour cause, ou l'extinction momentanée du corps éclipsé, ou l'interposition d'un corps qui l'éclipse. S'il arrive à une planete de traverser des régions pleines de matieres contraires au feù & à la lumiere, ne s'éteindra - t - elle pas? ne seratelle pas éclipsée? Les nuées sont ou des masses d'un air condense par l'action des vents, ou des amas d'atomes qui se sont accumulés peu - à - peu, ou des vapeurs élevées de la terre & des mers. Les vents sont ou des courans d'atomes dans l'atmosphere, ou peut - être des souffles impétueux qui s'échappent de la terre & des eaux, ou même une portion d'air mise en mouvement par l'action du Soleil. Si des molécules ignées se réunissent, forment une masse, & sont pressées dans une nuée, elles feront effort en tout sens pour s'en échapper, & la nuée ne s'entre - ouvrira point sans éclair & sans tonnerre. Quand les eaux suspendues dans l'atmosphere seront rares & éparses, elles retomberont en pluie sur la terre, ou par leur propre poids, ou par l'agitation des vents. Le même phénomene aura lieu, quand elles formeront des masses épaisses; si la chaleur vient à les raréfier, ou les vents à les disperser. Elles se mettent en gouttes, en se rencontrant dans leur chûte: ces gouttes glacées ou par le froid ou par le vent, forment de la grêle. Le même phénomene aura lieu, si quelque chaleur subite vient à resoudre un nuage glacé. Lorsque le Soleil se trouve dans une opposition particuliere avec un nuage, qu'il frappe de ses raiyons, il forme l'arc - en - ciel. Les couleurs de l'arc - en - ciel font un effet de cette opposition, & de l'air humide qui les produit toutes, ou qui n'en produit qu'une qui se diversifie selon la région qu'elle traverse, & la maniere dont elle s'y meut. Lorsque la terre a été trempée de longues pluies & échauffée par des chaleurs violentes, les vapeurs qui s'en élevent infectent l'air & répandent la mort au loin, &c.

De la théologie. Après avoir posé pour principe qu'il n'y a dans la nature que de la matiere & du vuide, que penserons - nous des dieux? abandonnerons - nous notre philosophie pour nous asseivir à des opinions populaires, ou dirons nous que les dieux sont des êtres corporels? Puisque ce sont des dieux, ils sont heureux; ils jouissent d'eux - mêmes en paix; rien de ce qui se passe ici - bas ne les affecte & ne les trouble; & il est suffisamment démontré par les phénomenes du monde physique & du monde moral, qu'ils n'ont eu aucune part à la production des êtres, & qu'ils n'en prennent aucune à leur conservation. C'est la nature même qui a mis la notion de leur existence dans notre ame. Quel est le peuple si barbare, qui n'ait quelque notion anticipée des dieux? nous opposerons - nous au consentement général des hommes? éleverons - nous notre voix contre la voix de la nature? La nature ne ment point; l'existence des dieux se prouveroit même par nos préjugés. Tant de phénomenes, qui ne leur ont été attribués que parce que la nature de ces êtres & la cause des phénomenes étoient ignorées; tant d'autres erreurs ne sont - elles pas autant de garans de la croyance générale? Si un homme a été frappé dans le sommeil par quelque grand simulacre, & qu'il en ait conservé la mémoire à son réveil; il a conclu que cet idole avoit nécessairement son modele errant dans la nature; les voix qu'il peut avoir entendues, ne lui ent pas permis de douter que ce modele ne fût d'une nature intelligente; & la constance de l'apparition en différens tems & sous une même forme, qu'il ne fût immortel: mais l'être qui est immortel, est inaltérable, & l'être qui est inaltérable, est par<cb-> saitement heureux, puisqu'il n'agit sur rien, ni rien sur lui, L'existence des dieux a donc été & sera donc à jamais une existence stérile, & par la raison même qu'elle ne peut être altérée; car il faut que le principe d'activité, qui est la source féconde de toute destruction & de toute reproduction, soit anéanti dans ces êtres. Nous n'en avons donc rien à espérer ni à craindre. Qu'est ce donc que la divination? qu'est - ce que les prodiges? qu'est - ce que les religions? S'il étoit du quelque culte aux dieux, ce seroit celui d'une admiration qu'on ne peut resuser à tout ce qui nous offre l'image seduisante de la perfection & du bonheur. Nous sommes portés à croire les dieux de forme humaine; c'est celle que toutes les nations leur ont attribuée; c'est la seule sous la quelle la raison soit exercée, & la vertu pratiquée. Si leur substance étoit incorporelle, ils n'auroient ni sens, ni perception, ni plaisir, ni peine. Leur corps toutefois n'est pas tel que le nôtre, c'est seulement une combinaison semblable d'atomes plus subtils; c'est la même organisation, mais ce sont des organes infiniment plus parfaits; c'est une nature particuliere si déliée, si ténue, qu'aucune cause ne peut ni l'atteindre, ni l'altérer, ni s'y unir, ni la diviser, & qu'elle ne peut avoir aucune action. Nous ignorons les lieux que les dieux habitent: ce monde n'est pas digne d'eux, sans doute; ils pourroient bien s'être refugiés dans les intervalles vuides que laissent entre eux les mondes contigus.

De la morale. Le bonheur est la fin de la vie: c'est l'aveu secret du coeur humain; c'est le terme évident des actions mêmes qui en éloignent. Celui qui se tue regarde la mort comme un bien. Il ne s'agit pas de réformer la nature, mais de diriger sa pente générale. Ce qui peut arriver de mal à l'homme, c'est de voir le bonheur où il n'est pas, ou de le voir où il est en effet, mais de se tromper sur les moyens de l'obtenir. Quel sera donc le premier pas de notre philosophie morale, si ce n'est de rechercher en quoi consiste le vrai bonheur? Que cette étade importante soit notre occupation actuelle. Puisque nous voulons être heureux dès ce moment, ne remettons pas à demain à savoir ce que c'est que le bonheur. L'insensé se propose toûjours de vivre, & il ne vit jamais. Il n'est donné qu'aux immortels d'être souverainement heureux. Une folie dont nous avons d'abord à nous garantir, c'est d'oublier que nous ne sommes que des hommes. Puisque nous desesperons d'être jamais aussi parfaits que les dieux que nous nous sommes proposés pour modeles, resolvons - nous à n'être point aussi heureux. Parce que mon oeil ne perce pas l'immensité des espaces, dédaignerai je de l'ouvrir sur les objets qui m'environnent? Ces objets deviendront une source intarissable de volupté, si je sais en joüir ou les négliger. La peine est toûjours un mal, la volupté toûjours un bien: mais il n'est point de volupté pure. Les fleurs croissent à nos piés, & il faut au moins se pencher pour les cueillir. Cependant, ô volupté! c'est pour toi seule que nous faisons tout ce que nous faisons; ce n'est jamais toi que nous évitons, mais la peine qui ne t'accompagne que trop souvent. Tu échauffes notre froide raison; c'est de ton énergie que naissent la fermeté de l'ame & la force de la volonté; c'est toi qui nous meus, qui nous transportes, & lorsque nous ramassons des roses pour en former un lit à la jeune beauté qui nous a charmés, & lorsque bravant la fureur des tyrans, nous entrons tête baissée & les yeux fermés dans les taureaux ardens qu'elle a préparés. La volupté prend toutes sortes de formes. Il est donc important de bien connoître le prix des objets sous lesquels elle peut se pretenter à nous, afin que nous ne soyons point incertains quand il nous convient de l'aceueillir ou de la repousser, de vivre ou de mou<pb-> [p. 784] rir. Après la santé de l'ame, il n'y a rien de plus précieux que la santé du corps. Si la santé du corps se fait sentir particulierement en quelques membres, elle n'est pas générale. Si l'ame se porte avec excès à la pratique d'une vertu, elle n'est pas entierement vertueuse. Le musicien ne se contente pas de tempérer quelqués - unes des cordes de sa lyre; il seroit à souhaiter pour le concert de la société, que nous l'imitassions, & que nous ne permissions pas, soit à nos vertus, soit à nos passions, d'être ou trop lâches ou trop tendues, & de rendre un son ou trop sourd ou trop aigu. Si nous faisons quelque cas de nos semblables, nous trouverons du plaisir à remplir nos devoirs, parce que c'est un moyen sûr d'en être considérés. Nous ne mépriserons point les plaisirs des sens; mais nous ne nous ferons point l'injure à nous - mêmes, de comparer l'honnête avec le sensuel. Comment celui qui se sera trompé dans le choix d'un état sera - t - il heureux? comment se choisir un état sans se connoître? & comment se contenter dans son état, si l'on confond les besoins de la nature, les appétits de la passion, & les écarts de la fantaisie? Il faut avoir un but présent à l'esprit, si l'on ne veut pas agir à l'aventure. Il n'est pas toûjours impossible de s'emparer de l'avenir. Tout doit tendre à la pratique de la vertu, à la conservation de la liberté & de la vie, & au mépris de la mort. Tant que nous sommes, la mort n'est rien, & ce n'est rien encore quand nous ne sommes plus. On ne redoute les dieux, que parce qu'on les fait semblables aux hommes. Qu'est - ce que l'impie, sinon celui qui adore les dieux du peuple? Si la véritable piété consistoit à se prosterner devant toute pierre taillée, il n'y auroit rien de plus commun: mais comme elle consiste à juger sainement de la nature des dieux, c'est une vertu rare. Ce qu'on appelle le droit naturel, n'est que le symbole d'une utilité générale. L'utilité générale & le consentement commun doivent être les deux grandes regles de nos actions. Il n'y a jamais de certitude que le crime reste ignoré: celui qui le commet est donc un insensé qui joue un jeu où il y a plus à perdre qu'à gagner. L'amitié est un des plus grands biens de la vie, & la décence, une des plus grandes vertus de la société. Soyez décens, parce que vous n'êtes point des animaux, & que vous vivez dans des villes, & non dans le fond des forêts, &c.

Voilà les points fondamentaux de la doctrine d'Epicure, le seul d'entre tous les Philosophes anciens qui ait sû concrlier sa morale avec ce qu'il pouvoit prendre pour le vrai bonheur de l'homme, & ses préceptes avec les appétits & les besoins de la nature; aussi a - t - il eu & aura - t - il dans tous les tems un grand nombre de disciples. On se fait stoicien, mais on naît épicurien.

Epicure étoit Athénien, du bourg de Gargette & de la tribu d'Egée. Son pere s'appelloit Néoclès, & sa mere Chérestrata: leurs ancêtres n'avoient pas été sans distinction; mais l'indigence avoit avili leurs descendans. Néoclès n'ayant pour tout bien qu'un petit champ, qui ne fournissoit pas à sa subsistance, il se fit maître d'école; la bonne vieille Chérestrata, tenant son fils par la main, alloit dans les maisons faire des lustrations, chasser les spectres, lever les incantations; c'étoit Epicure qui lui avoit enseigné les formules d'expiations, & toutes les sotises de cette espece de superstition.

Epicure naquit la troisieme année de la cent neuvieme olympiade, le septieme jour du mois de Gamilion. Il eut trois freres, Néoclès, Charideme & Aristobule: Plutarque les cite comme des modeles de la tendresse fraternelle la plus rare. Epicure demeura à Téos jusqu'à l'âge de dix - huit ans: il se rendit alors dans Athenes avec la petite provision de connoissances qu'il avoit faites dans l'école de son pere; mais son séjour n'y fut pas long. Alexandre meurt; Perdiccas desole l'Attique, & Epicure est contraint d'errer d'Athenes à Colophone, à Mytilene, & à Lampsaque. Les troubles populaires interrompirent ses études; mais n'empêcherent point ses progrès. Les hommes de génie, tels qu'Epicure, perdent peu de tems; leur activité se jette sur tout; ils. observent & s'instruisent sans qu'ils s'en appercoivent; & ces lumieres, acquises presque sans essort, sont d'autant plus estimables, qu'elles sont relatives à des objets plus généraux. Tandis que le Naturaliste a l'oeil appliqué à l'extrémité de l'instrument qui lui grossit un objet particulier, il ne joüit pas du spectacle général de la nature qui l'environne. Il en est ainsi du philosophe; il ne rentre sur la scene du monde qu'au sortir de son cabinet; & c'est - là qu'il recueille ces germes de connoissances qui demeurent long - tems ignorés dans le fond de son ame, parce que ce n'est point à une méditation profonde & déterminée, mais à des coups - d'oeil accidentels qu'il les doit: germes précieux, qui se développent tôt ou tard pour le bonheur du genre humain.

Epicure avoit trente - sept ans lorsqu'il reparut dans Athenes: il fut disciple du platonicien Pamphile, dont il méprisa souverainement les visions: il ne put souffrir les sophismes perpétuels de Pyrrhon: il sortit de l'école du pythagoricien Nausiphanès, mécontent des nombres & de la métempsycose. Il connoissoit trop bien la nature de l'homme & sa force, pour s'accommoder de la sévérité du Stoïcisme. Il s'occupa à feuilleter les ouvrages d'Anaxagore, d'Archelaüs, de Metrodore & de Démocrite; il s'attacha particulierement à la philosophie de ce dernier, & il en fit les fondemens de la sienne.

Les Platoniciens occupoient l'académie, les Péripathéticiens le Lycée, les Cyniques le cynosarge, les Stoïciens le portique; Epicure établit son école dans un jardin délicieux, dont il acheta le terrein, & qu'il fit planter pour cet usage. Ce fut lui qui apprit aux Athéniens à transporter dans l'enceinte de leur ville le spectacle de la campagne. Il étoit âgé de quarante - quatre ans lorsqu'Athenes, assiégée par Démétrius, fut desolée par la famine: Epicure, résolu de vivre ou de mourir avec ses amis, leur distribuoit tous les jours des fèves, qu'il partageoit au compte avec eux. On se rendoit dans ses jardins de toutes les contrées de la Grece, de l'Egypte & de l'Asie: on y étoit attiré par ses lumieres & par ses vertus, mais sur - tout par la conformité de ses principes avec les sentimens de la nature. Tous les philosophes de son tems sembloient avoir conspiré contre les plaisirs des sens & contre la volupté: Epicure en prit la défense; & la jeunesse athénienne, trompée par le mot de volupté, accourut pour l'entendre. Il ménagea la foiblesse de ses auditeurs; il mit autant d'art à les retenir qu'il en avoit employé à les attirer; il ne leur développa ses principes que peu à - peu. Les leçons se donnoient à table ou à la promenade; c'étoit ou à l'ombre des bois, ou sur la mollesse des lits, qu'il leur inspiroit l'enthousiasme de la vertu, la tempérance, la frugalité, l'amour du bien public, la fermeté de l'ame, le goût raisonnable du plaisir, & le mépris de la vie. Son école, obscure dans les commencemens, finit par être une des plus éclatantes & des plus nombreuses.

Epicure vêcut dans le célibat: les inquiétudes qui suivent le mariage lui parurent incompatibles avec l'exercice assidu de la philosophie; il vouloit d'ailleurs que la femme du philosophe fût sage, riche & belle. Il s'occupa à étudier, à écrire & à enseigner, sil avoit composé plus de trois cents traités différens; il ne nous en reste aucun. Il ne faisoit pas assez de cas de cette élégance à laquelle les Athéniens étoient si sensibles; il se contentoit d'être vrai, clair & profond. Il fut chéri des grands, admiré de ses rivaux, &

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