ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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étant une suite nécessaire de la diversité de grandeur,
il ne seroit pas impossible que dans tout cet Univers
il n'y eût pas un composé parfaitement égal à un autre.
Quoiqu'il y ait des atomes, les uns anguleux,
les autres crochus, leurs pointes ne s'émoussent
point, leurs angles ne se brisent jamais. Je leur attribue
la pesanteur comme une qualité essentielle,
parce que se mouvant actuellement, ou tendant à
se mouvoir, ce ne peut être qu'en conséquence
d'une force intrinseque, qu'on ne peut ni concevoir
ni appeller antrement que pondération. L'atome a
deux mouvemens prmcipaux; un mouvement de
chute ou de pondération qui l'emporte ou qui l'emporteroit
sans le concours d'aucune action étrangere; & le choe ou le mouvement de réflexion qu'il
reçoit à la rencontre d'un autre. Cette derniere espece
de mouvement est variée selon l'infinie diversité
des masses & des directions. La premiere étant une
énergie intrinseque de la matiere, c'est elle qu'il faut
regarder comme la conservatrice du mouvement
dans la Nature, & la cause éternelle des compositions.
La direction générale des atomes emportés par
le mouvement de pondération, n'est point parallele;
elle est un peu convergente; c'est à cette convergence
qu'il faut rapporter les chocs, les cohérences,
les compositions d'atomes, la formation des corps,
l'ordre de l'Univers avec tous ses phénomenes. Mais
d'où naît cette convergence? de la diversité originelle
des atomes, tant en masse qu'en figure, & qu'en force
pondérante. Telle est la vîtesse d'un atome & la nonrésistance
du vuide, que si l'atome n'étoit arrêté par
aucun obstacle, il parcourroit le plus grand espace
intelligible dans le tems le plus petit. En effet, qu'est
ce qui le retarderoit? Qu'est - ce que le vuide, eu
égard au mouvement? Aussi - tôt que les atomes
combinés ont formé un composé, ils ont dans ce
compose, & le composé a dans l'espace différens
mouvemens, différentes actions, tant intrinseques
qu'extrinseques, tant au loin que dans le lieu. Ce
qu'on appelle communément des élémens, sort des
composés d'atomes; on peut regarder ces composés
comme des principes, mais non premiers. L'atome
est la cause premiere par qui tout est, & la matiere
premiere dont tout est. Il est actif essentiellement &
par lui même. Cette activité descend de l'atome à
l'élément, de l'élément au composé, & varie selon
toutes les composstions possibles. Mais toute activité
produit ou le mouvement local, ou la tendance.
Voilà le principe universel des destructions & des
régenérations. Les vicissitudes des composés ne sont
que des modes du mouvement, & des suites de l'actrvité
essentielle des atomes qui les constituent. Combien de fois n'a - t - on pas attribué à des causes imaginaires,
les effets de cette activité qui peut, selon
les occurrences, porter les portions d'un être à
des distances immenses, ou se. terminer à des
ébranlemens, à des translations imperceptibles?
C'est elle qui change le doux en acide, le mou en
dur, &c. Et même, qu'est ce que le destin, sinon
l'universalite des causes ou des activités propres de
l'atome, considéré ou solitairement, ou en composition
avec d'autres atomes? Les qualités essentielles
connues des atomes, ne sont pas en grand nombre;
elles suffisent cependant pour l'infinie variété
des qualités des composés. De la séparation des atomes
plus ou moins grande, naissent le dense, le rare,
l'opaque, le transparent: c'est de là qu'il faut déduire
encore la fluidité, la liquidité, la dureté, la
mollesse, le volume, &c. D'où ferons - nous dépendre
la figure, sinon des parties composantes; & le
poids, sinon de la force intrinseque de pondération?
cependant à parler avec exactitude, il n'y a rien qui
soit absolument pesant ou leger. Il faut porter le même
jugement du froid & du chaud. Mais qu'est - ce
que le tems? C'est dans la nature une suite d'événemens;
& dans notre entendement, une notion qui
est la source de mille erreurs: Il faut porter le même
jugement de l'espace. Dans la nature, sans corps point
d'espace; sans evenemens successifs, point de tems.
Le mouvement & le repos sont des états dont la notion
est inséparable en nous de celles de l'espace &
du tems. Il n'y aura de productions nouvelles dans
la nature, qu'autant que la composition diverse des
atomes en admettra. L'atome incrée & inaltérable
est le principe de toute génération & de toute corruption.
Il fuit de son activite essentielle & intrinseque,
qu'il n'y a nul composé qui soit éternel: cependant
il ne seroit pas absolument impossible qu'après
notre dissolution, il ne se fit une combinaison
générale de toute la matiere, qui restituât à l'Univers le même aspect qu'il a, ou du moins une combinaison
partielle des élémens qui nous constituent,
en conséquence de laquelle nous ressusciterions;
mais ce seroit sans mémoire du passé. La mémoire
s'éteint au moment de la destruction. Le monde n'est
qu'une petite portion de l'Univers, dont la foiblesse
de nos sens a fixé les limites; car l'Univers est illimité.
Considéré relativement à ses parties & à leur
ordre réciproque, le monde est un; il n'a point d'ame: ce n'est donc point un dieu; sa formation n'exige
aucune cause intelligente & suprème. Pourquoi recourir à de pareilles causes dans la Philosophie, lorsque tout a pû s'engendrer & peut s'expliquer
par le mouvement, la matiere, & le vuide?
Le monde est l'effet du hasard, & non l'exécution
d'un dessein. Les atomes se sont mûs de toute éternité. Considérés dans l'agitation générale d'où les
êtres devoient éclore dans le tems, c'est ce que
nous avons nommé le chaos; considérés après que
les natures furent écloses, & l'ordre introduit dans
cette portion de l'espace, tel que nous l'y voyons,
c'est ce que nous avons appellé le monde: ce seroit
un préjugé que de concevoir autrement l'origine
de la terre, de la mer, & des cieux. La combinaison
des atomes forma d'abord les semences générales;
ces semences se développerent, & tous les
animaux, sans en excepter l'homme, furent produits
seuls, isolés. Quand les semences furent épuisées, la
terre cessa d'en produire, & les especes se perpétuerent
par différentes voies de génération. Gardons - nous bien de rapporter à nous les transactions
de la nature, les choses se sont faites, sans qu'il y
eût d'autre cause que l'enchaînement universel des
êtres materiels qui travaillât, soit à notre bonheur,
soit à notre malheur. Laissons - là aussi les génies
& les démons; s'ils étoient, beaucoup de choses,
ou ne seroient pas, ou seroient autrement. Ceux
qui ont imaginé ces natures n'étoient point philosophes,
& ceux qui les ont vûes n'étoient que des visionnaires.
Mais si le monde a commencé, pourquoi
ne prendroit - il pas une fin? n'est - ce pas un tout composé?
n'est - ce pas un composé fini? l'atome n'a - t - il
pas conservé son activité dans ce grand composé,
ainsi que dans sa portion là plus petite? cette activite
n'y est - elle pas également un principe d'altération
& de destruction? Ce qui révolte notre imagination,
ce sont les fausses mesures que nous nous sommes
faites de l'étendue & du tems; nous rapportons tout
au point de l'espace que nous occupons, & au court
instant de notre durée. Mais pour juger de notre monde,
il faut le comparer à l'immensité de l'Univers, &
à l'éternité des tems: alors ce globe eût - il mille fois
plus d'étendue, rentrera dans la loi générale, & nous
le verrons soûmis à tous les accidens de la molécule.
Il n'y a d'immuable, d'inalterable, d'éternel, que
l'atome; les mondes passeront, l'atome restera tel
qu'il est. La pluralité des mondes n'a rien qui répugne.
Il peut y avoir des mondes semblables au nô<pb->
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tre; il peut y en avoir de différens. Il faut les considérer
comme de grands tourbillons appuyés les uns
contre les autres, qui en resserrent entre eux de plus
petits, & qui remplissent ensemble le vuide infini.
Au milieu du mouvement général qui produisit le
nôtre, cet amas d'atomes que nous appellons Terre,
occupa le centre; d'autres amas allerent former le
ciel & les astres qui l'éclairent. Ne nous en laissons
pas imposer sur la chûte des graves: les graves n'ont
point de centre commun; ils tombent parallelement.
Concluons - en l'absurdité des Antipodes. La Terre
n'est point un corps sphérique; c'est un grand disque
que l'atmosphere tient suspendu dans l'espace: la Terre n'a point d'ame; ce n'est donc point une divinité.
C'est à des exhalaisons soûterraines, à des choes subits,
à la rencontre de certains élémens opposés, à
l'action du feu, qu'il faut attribuer ses tremblemens.
Si les fleuves n'augmentent point les mers, c'est que
relativement à ces volumes d'eaux, à leurs immenses
reservoirs, & à la quantité de vapeurs que le Soleil éleve de leur surface, les fleuves ne sont que
de foibles écoulemens. Les eaux de la mer se répandent
dans toute la masse terrestre, l'arrosent, se rencontrent,
se rassemblent, & viennent se précipiter
derechef dans les bassins d'où elles s'étoient extravasées: c'est dans cette circulation qu'elles sont dépouillées
de leur amertume. Les inondations du Nil
sont occasionnées par des vents étésiens, qui soûlevent
la mer aux embouchures de ce fleuve, y accumulent
des digues de sable, & le font refluer sur lui - même.
Les montagnes sont aussi anciennes que la
terre. Les plantes ont de commun avec les animaux,
qu'elles naissent, se nourrissent, s'accroissent, dépérissent,
& meurent: mais ce n'est point une ame qui
les vivifie; tout s'exécute dans ces êtres par le mouvement
& l'interposition. Dans les animaux, chaque
organe élabore une portion de semence, & la transmet
à un réservoir commun: de - là cette analogie
propre aux molécules séminales, qui les sépace, les
distribue, les dispose chacune à former une partie
semblable à celle qui l'a préparée, & toutes, à engendrer
un animal semblable. Aucune intelligence
ne préside à ce méchanisme. Tout s'exécutant comme
si elle n'existoit point, pourquoi donc en supposerions - nous l'action? Les yeux n'ont point été faits
pour voir, ni les piés pour marcher: mais l'animal
a eu des piés, & il a marché; des yeux, & il a vû.
L'ame humaine est corporelle; ceux qui assûrent le
contraire ne s'entendent pas, & parlent sans avoir
d'idées. Si elle étoit incorporelle, comme ils le prétendent,
elle ne pourroit ni agir, ni souffrir; son hétérogénéité
rendroit impossible son action sur le corps.
Recourir à quelque principe immatériel, afin d'expliquer
cette action, ce n'est pas résoudre la difficulté,
c'est seulement la transporter à un autre objet.
S'il y avoit dans la nature quelque être qui pût changer
les natures, la vérité ne seroit plus qu'un vain
nom: or pour qu'un être immatériel fût un instrument
applicable à un corps, il faudroit changer la
nature de l'un ou de l'autre. Gardons - nous cependant
de confondre l'ame avec le reste de la substance
animale. L'ame est un composé d'atomes si unis,
si legers, si mobiles, qu'elle peut se séparer du corps
sans qu'il perde sensiblement de son poids. Ce réseau,
malgré son extrème subtilité, a plusieurs qualités
distinctes; il est aérien, igné, mobile, & sensible.
Répandu dans tout le corps, il est la cause des passions,
des actions, des mouvemens, des facultés,
des pensées, & de toutes les autres fonctions, soit
spirituelles, soit animales; c'est lui qui sent, mais il
tient cette puissance du corps. Au moment où l'ame
se sépare du corps, la sensibilité s'évanoüit, parce
que c'étoit le résultat de leur union; les sens ne sont
qu'un toucher diversifié; il s'écoule sans cesse des
corps mêmes, des simulacres qui leur sont semblables,
& qui viennent frapper nos sens. Les sens sont
communs à l'homme & à tous les animaux. La raison
peut s'exercer, même quand les sens se reposent.
J'entens par l'esprit, la portion de l'ame la plus déliée.
L'esprit est diffus dans toute la substance de l'ame,
comme l'ame est diffuse dans toute la substance
du corps; il lui est uni; il ne forme qu'un être avec
elle; il produit ses actes dans des instans presqu indivisibles;
il a son siége dans le coeur en effet c'est delà
qu'émanent la joie, la tristesse, la force, la pusillanimité,
&c. L'ame pense, comme l'oeil voit, par
des simulacres ou des idoles; elle est affectée de deux
sentimens généraux, la peine & le plaisir. Troublez
l'état naturel des parties du corps, & vous produirez
la douleur; restituez les parties du corps dans leur
état naturel, & vous ferez éclore le plaisir. Si ces
parties au lieu d'osciller pouvoient demeurer en repos,
ou nous cesserions de sentir, ou, fixés dans un
état de paix inaltérable, nous éprouverions peut - être
la plus voluptueuse de toutes les situations. De la peine
& du plaisir, naissent le desir & l'aversion. L'ame
en général s'épanoüit & s'ouvre au plaisir; elle se fletrit
& se resserre à la peine. Vivre, c'est éprouver ces
mouvemens alternatifs. Les passions varient selon la
combinaison des atomes qui composent le tissu de
l'ame. Les idoles viennent frapper le sens; le sons
éveille l'imagination; l'imagination excite l'ame, &
l'ame fait mouvoir le corps. Si le corps tombe d'affoiblissement
ou de fatigue, l'ame accablée ou distraite
succombe au sommeil. L'état où elle est obsédée
de simulacres errans qui la tourmentent ou qui
l'amusent involontairement, est ce que nous appellerons
l'insomnie ou le rêve, selon le degré de conscience
qui lui reste de son état. La mort n'est que la
cessation de la sensibilité. Le corps dissous, l'ame est
dissoute; ses facultés sont anéanties; elle ne pense
plus; elle ne se ressouvient point; elle ne souffre ni
n'agit. La dissolution n'est pas une annihilation; c'estseulement
une séparation de particules élémentaines.
L'ame n'étoit pas avant la formation du corps, pourquoi
seroit - elle après sa destruction? Comme il n'y a
plus de sens après la mort, l'ame n'est capable ni de
peine, ni de plaisir. Loin de nous donc la fable des enfers
& de l'élisée, & tous ces récits mensongers dont la
superstition effraye les méchans qu'elle ne trouve pas
assez punis par leurs crimes mêmes, ou repaît les bons
qui ne se trouvent pas assez récompensés par leur
propre vertu. Concluons, nous, que l'étude de la
nature n'est point superflue, puisqu'elle conduit l'homme
à des connoissances qui assûrent la paix dans son
ame, qui affranchissent son esprit de toutes vaines
terreurs, qui l'élevent au niveau des dieux, & qui le
ramenent aux seuls vrais motifs qu'il ait de remplir
ses devoirs Les astres sont des amas de feu. Je compare
le Soleil à un corps spongieux, dont les cavités
immenses sont pénétrées d'une matiere ignée, qui
s'en élance en tout sens. Les corps célestes n'ont
point d'ame: ce ne sont donc point des dieux. Parmi ces corps, il y en a de fixes & d'errans: on appelle
ces derniers planetes. Quoiqu'ils nous semblent
tous sphériques, ils peuvent être ou des cylindres,
ou des cones, ou des disques, ou des portions
quelconques de sphere; toutes ces figures & beaucoup
d'autres ne répugnent point avec les phénomenes.
Leurs mouvemens s'exécutent, ou en conséquence
d'une révolution générale du ciel qui les emporte,
ou d'une translation qui leur est propre & dans
laquelle ils traversent la vaste étendtie des cieux qui
leur est perméable. Le Soleil se leve & se couche,
en montant sur l'horison & descendant au - dessous,
ou en s'allumant à l'orient & s'éteignant à l'occident,
consumé & reproduit journel ement. Cet astre est
le foyer de notre monde: c'est de - là que toute la
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