ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"781"> étant une suite nécessaire de la diversité de grandeur, il ne seroit pas impossible que dans tout cet Univers il n'y eût pas un composé parfaitement égal à un autre. Quoiqu'il y ait des atomes, les uns anguleux, les autres crochus, leurs pointes ne s'émoussent point, leurs angles ne se brisent jamais. Je leur attribue la pesanteur comme une qualité essentielle, parce que se mouvant actuellement, ou tendant à se mouvoir, ce ne peut être qu'en conséquence d'une force intrinseque, qu'on ne peut ni concevoir ni appeller antrement que pondération. L'atome a deux mouvemens prmcipaux; un mouvement de chute ou de pondération qui l'emporte ou qui l'emporteroit sans le concours d'aucune action étrangere; & le choe ou le mouvement de réflexion qu'il reçoit à la rencontre d'un autre. Cette derniere espece de mouvement est variée selon l'infinie diversité des masses & des directions. La premiere étant une énergie intrinseque de la matiere, c'est elle qu'il faut regarder comme la conservatrice du mouvement dans la Nature, & la cause éternelle des compositions. La direction générale des atomes emportés par le mouvement de pondération, n'est point parallele; elle est un peu convergente; c'est à cette convergence qu'il faut rapporter les chocs, les cohérences, les compositions d'atomes, la formation des corps, l'ordre de l'Univers avec tous ses phénomenes. Mais d'où naît cette convergence? de la diversité originelle des atomes, tant en masse qu'en figure, & qu'en force pondérante. Telle est la vîtesse d'un atome & la nonrésistance du vuide, que si l'atome n'étoit arrêté par aucun obstacle, il parcourroit le plus grand espace intelligible dans le tems le plus petit. En effet, qu'est ce qui le retarderoit? Qu'est - ce que le vuide, eu égard au mouvement? Aussi - tôt que les atomes combinés ont formé un composé, ils ont dans ce compose, & le composé a dans l'espace différens mouvemens, différentes actions, tant intrinseques qu'extrinseques, tant au loin que dans le lieu. Ce qu'on appelle communément des élémens, sort des composés d'atomes; on peut regarder ces composés comme des principes, mais non premiers. L'atome est la cause premiere par qui tout est, & la matiere premiere dont tout est. Il est actif essentiellement & par lui même. Cette activité descend de l'atome à l'élément, de l'élément au composé, & varie selon toutes les composstions possibles. Mais toute activité produit ou le mouvement local, ou la tendance. Voilà le principe universel des destructions & des régenérations. Les vicissitudes des composés ne sont que des modes du mouvement, & des suites de l'actrvité essentielle des atomes qui les constituent. Combien de fois n'a - t - on pas attribué à des causes imaginaires, les effets de cette activité qui peut, selon les occurrences, porter les portions d'un être à des distances immenses, ou se. terminer à des ébranlemens, à des translations imperceptibles? C'est elle qui change le doux en acide, le mou en dur, &c. Et même, qu'est ce que le destin, sinon l'universalite des causes ou des activités propres de l'atome, considéré ou solitairement, ou en composition avec d'autres atomes? Les qualités essentielles connues des atomes, ne sont pas en grand nombre; elles suffisent cependant pour l'infinie variété des qualités des composés. De la séparation des atomes plus ou moins grande, naissent le dense, le rare, l'opaque, le transparent: c'est de là qu'il faut déduire encore la fluidité, la liquidité, la dureté, la mollesse, le volume, &c. D'où ferons - nous dépendre la figure, sinon des parties composantes; & le poids, sinon de la force intrinseque de pondération? cependant à parler avec exactitude, il n'y a rien qui soit absolument pesant ou leger. Il faut porter le même jugement du froid & du chaud. Mais qu'est - ce que le tems? C'est dans la nature une suite d'événemens; & dans notre entendement, une notion qui est la source de mille erreurs: Il faut porter le même jugement de l'espace. Dans la nature, sans corps point d'espace; sans evenemens successifs, point de tems. Le mouvement & le repos sont des états dont la notion est inséparable en nous de celles de l'espace & du tems. Il n'y aura de productions nouvelles dans la nature, qu'autant que la composition diverse des atomes en admettra. L'atome incrée & inaltérable est le principe de toute génération & de toute corruption. Il fuit de son activite essentielle & intrinseque, qu'il n'y a nul composé qui soit éternel: cependant il ne seroit pas absolument impossible qu'après notre dissolution, il ne se fit une combinaison générale de toute la matiere, qui restituât à l'Univers le même aspect qu'il a, ou du moins une combinaison partielle des élémens qui nous constituent, en conséquence de laquelle nous ressusciterions; mais ce seroit sans mémoire du passé. La mémoire s'éteint au moment de la destruction. Le monde n'est qu'une petite portion de l'Univers, dont la foiblesse de nos sens a fixé les limites; car l'Univers est illimité. Considéré relativement à ses parties & à leur ordre réciproque, le monde est un; il n'a point d'ame: ce n'est donc point un dieu; sa formation n'exige aucune cause intelligente & suprème. Pourquoi recourir à de pareilles causes dans la Philosophie, lorsque tout a pû s'engendrer & peut s'expliquer par le mouvement, la matiere, & le vuide? Le monde est l'effet du hasard, & non l'exécution d'un dessein. Les atomes se sont mûs de toute éternité. Considérés dans l'agitation générale d'où les êtres devoient éclore dans le tems, c'est ce que nous avons nommé le chaos; considérés après que les natures furent écloses, & l'ordre introduit dans cette portion de l'espace, tel que nous l'y voyons, c'est ce que nous avons appellé le monde: ce seroit un préjugé que de concevoir autrement l'origine de la terre, de la mer, & des cieux. La combinaison des atomes forma d'abord les semences générales; ces semences se développerent, & tous les animaux, sans en excepter l'homme, furent produits seuls, isolés. Quand les semences furent épuisées, la terre cessa d'en produire, & les especes se perpétuerent par différentes voies de génération. Gardons - nous bien de rapporter à nous les transactions de la nature, les choses se sont faites, sans qu'il y eût d'autre cause que l'enchaînement universel des êtres materiels qui travaillât, soit à notre bonheur, soit à notre malheur. Laissons - là aussi les génies & les démons; s'ils étoient, beaucoup de choses, ou ne seroient pas, ou seroient autrement. Ceux qui ont imaginé ces natures n'étoient point philosophes, & ceux qui les ont vûes n'étoient que des visionnaires. Mais si le monde a commencé, pourquoi ne prendroit - il pas une fin? n'est - ce pas un tout composé? n'est - ce pas un composé fini? l'atome n'a - t - il pas conservé son activité dans ce grand composé, ainsi que dans sa portion là plus petite? cette activite n'y est - elle pas également un principe d'altération & de destruction? Ce qui révolte notre imagination, ce sont les fausses mesures que nous nous sommes faites de l'étendue & du tems; nous rapportons tout au point de l'espace que nous occupons, & au court instant de notre durée. Mais pour juger de notre monde, il faut le comparer à l'immensité de l'Univers, & à l'éternité des tems: alors ce globe eût - il mille fois plus d'étendue, rentrera dans la loi générale, & nous le verrons soûmis à tous les accidens de la molécule. Il n'y a d'immuable, d'inalterable, d'éternel, que l'atome; les mondes passeront, l'atome restera tel qu'il est. La pluralité des mondes n'a rien qui répugne. Il peut y avoir des mondes semblables au nô<pb-> [p. 782] tre; il peut y en avoir de différens. Il faut les considérer comme de grands tourbillons appuyés les uns contre les autres, qui en resserrent entre eux de plus petits, & qui remplissent ensemble le vuide infini. Au milieu du mouvement général qui produisit le nôtre, cet amas d'atomes que nous appellons Terre, occupa le centre; d'autres amas allerent former le ciel & les astres qui l'éclairent. Ne nous en laissons pas imposer sur la chûte des graves: les graves n'ont point de centre commun; ils tombent parallelement. Concluons - en l'absurdité des Antipodes. La Terre n'est point un corps sphérique; c'est un grand disque que l'atmosphere tient suspendu dans l'espace: la Terre n'a point d'ame; ce n'est donc point une divinité. C'est à des exhalaisons soûterraines, à des choes subits, à la rencontre de certains élémens opposés, à l'action du feu, qu'il faut attribuer ses tremblemens. Si les fleuves n'augmentent point les mers, c'est que relativement à ces volumes d'eaux, à leurs immenses reservoirs, & à la quantité de vapeurs que le Soleil éleve de leur surface, les fleuves ne sont que de foibles écoulemens. Les eaux de la mer se répandent dans toute la masse terrestre, l'arrosent, se rencontrent, se rassemblent, & viennent se précipiter derechef dans les bassins d'où elles s'étoient extravasées: c'est dans cette circulation qu'elles sont dépouillées de leur amertume. Les inondations du Nil sont occasionnées par des vents étésiens, qui soûlevent la mer aux embouchures de ce fleuve, y accumulent des digues de sable, & le font refluer sur lui - même. Les montagnes sont aussi anciennes que la terre. Les plantes ont de commun avec les animaux, qu'elles naissent, se nourrissent, s'accroissent, dépérissent, & meurent: mais ce n'est point une ame qui les vivifie; tout s'exécute dans ces êtres par le mouvement & l'interposition. Dans les animaux, chaque organe élabore une portion de semence, & la transmet à un réservoir commun: de - là cette analogie propre aux molécules séminales, qui les sépace, les distribue, les dispose chacune à former une partie semblable à celle qui l'a préparée, & toutes, à engendrer un animal semblable. Aucune intelligence ne préside à ce méchanisme. Tout s'exécutant comme si elle n'existoit point, pourquoi donc en supposerions - nous l'action? Les yeux n'ont point été faits pour voir, ni les piés pour marcher: mais l'animal a eu des piés, & il a marché; des yeux, & il a vû. L'ame humaine est corporelle; ceux qui assûrent le contraire ne s'entendent pas, & parlent sans avoir d'idées. Si elle étoit incorporelle, comme ils le prétendent, elle ne pourroit ni agir, ni souffrir; son hétérogénéité rendroit impossible son action sur le corps. Recourir à quelque principe immatériel, afin d'expliquer cette action, ce n'est pas résoudre la difficulté, c'est seulement la transporter à un autre objet. S'il y avoit dans la nature quelque être qui pût changer les natures, la vérité ne seroit plus qu'un vain nom: or pour qu'un être immatériel fût un instrument applicable à un corps, il faudroit changer la nature de l'un ou de l'autre. Gardons - nous cependant de confondre l'ame avec le reste de la substance animale. L'ame est un composé d'atomes si unis, si legers, si mobiles, qu'elle peut se séparer du corps sans qu'il perde sensiblement de son poids. Ce réseau, malgré son extrème subtilité, a plusieurs qualités distinctes; il est aérien, igné, mobile, & sensible. Répandu dans tout le corps, il est la cause des passions, des actions, des mouvemens, des facultés, des pensées, & de toutes les autres fonctions, soit spirituelles, soit animales; c'est lui qui sent, mais il tient cette puissance du corps. Au moment où l'ame se sépare du corps, la sensibilité s'évanoüit, parce que c'étoit le résultat de leur union; les sens ne sont qu'un toucher diversifié; il s'écoule sans cesse des corps mêmes, des simulacres qui leur sont semblables, & qui viennent frapper nos sens. Les sens sont communs à l'homme & à tous les animaux. La raison peut s'exercer, même quand les sens se reposent. J'entens par l'esprit, la portion de l'ame la plus déliée. L'esprit est diffus dans toute la substance de l'ame, comme l'ame est diffuse dans toute la substance du corps; il lui est uni; il ne forme qu'un être avec elle; il produit ses actes dans des instans presqu indivisibles; il a son siége dans le coeur en effet c'est delà qu'émanent la joie, la tristesse, la force, la pusillanimité, &c. L'ame pense, comme l'oeil voit, par des simulacres ou des idoles; elle est affectée de deux sentimens généraux, la peine & le plaisir. Troublez l'état naturel des parties du corps, & vous produirez la douleur; restituez les parties du corps dans leur état naturel, & vous ferez éclore le plaisir. Si ces parties au lieu d'osciller pouvoient demeurer en repos, ou nous cesserions de sentir, ou, fixés dans un état de paix inaltérable, nous éprouverions peut - être la plus voluptueuse de toutes les situations. De la peine & du plaisir, naissent le desir & l'aversion. L'ame en général s'épanoüit & s'ouvre au plaisir; elle se fletrit & se resserre à la peine. Vivre, c'est éprouver ces mouvemens alternatifs. Les passions varient selon la combinaison des atomes qui composent le tissu de l'ame. Les idoles viennent frapper le sens; le sons éveille l'imagination; l'imagination excite l'ame, & l'ame fait mouvoir le corps. Si le corps tombe d'affoiblissement ou de fatigue, l'ame accablée ou distraite succombe au sommeil. L'état où elle est obsédée de simulacres errans qui la tourmentent ou qui l'amusent involontairement, est ce que nous appellerons l'insomnie ou le rêve, selon le degré de conscience qui lui reste de son état. La mort n'est que la cessation de la sensibilité. Le corps dissous, l'ame est dissoute; ses facultés sont anéanties; elle ne pense plus; elle ne se ressouvient point; elle ne souffre ni n'agit. La dissolution n'est pas une annihilation; c'estseulement une séparation de particules élémentaines. L'ame n'étoit pas avant la formation du corps, pourquoi seroit - elle après sa destruction? Comme il n'y a plus de sens après la mort, l'ame n'est capable ni de peine, ni de plaisir. Loin de nous donc la fable des enfers & de l'élisée, & tous ces récits mensongers dont la superstition effraye les méchans qu'elle ne trouve pas assez punis par leurs crimes mêmes, ou repaît les bons qui ne se trouvent pas assez récompensés par leur propre vertu. Concluons, nous, que l'étude de la nature n'est point superflue, puisqu'elle conduit l'homme à des connoissances qui assûrent la paix dans son ame, qui affranchissent son esprit de toutes vaines terreurs, qui l'élevent au niveau des dieux, & qui le ramenent aux seuls vrais motifs qu'il ait de remplir ses devoirs Les astres sont des amas de feu. Je compare le Soleil à un corps spongieux, dont les cavités immenses sont pénétrées d'une matiere ignée, qui s'en élance en tout sens. Les corps célestes n'ont point d'ame: ce ne sont donc point des dieux. Parmi ces corps, il y en a de fixes & d'errans: on appelle ces derniers planetes. Quoiqu'ils nous semblent tous sphériques, ils peuvent être ou des cylindres, ou des cones, ou des disques, ou des portions quelconques de sphere; toutes ces figures & beaucoup d'autres ne répugnent point avec les phénomenes. Leurs mouvemens s'exécutent, ou en conséquence d'une révolution générale du ciel qui les emporte, ou d'une translation qui leur est propre & dans laquelle ils traversent la vaste étendtie des cieux qui leur est perméable. Le Soleil se leve & se couche, en montant sur l'horison & descendant au - dessous, ou en s'allumant à l'orient & s'éteignant à l'occident, consumé & reproduit journel ement. Cet astre est le foyer de notre monde: c'est de - là que toute la

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