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L'envie est particulierement la ruine des républiques. Tandis que les Achéens ne porterent point d'envie à celui qui étoit le premier en mérite, & qu'ils lui obéirent, non - seulement ils se maintinrent libres au milieu de tant de grandes villes, de tant de grandes puissances, & de tant de tyrans, mais de plus par cette sage conduite ils affranchirent & sauverent la plûpart des villes greques.
Quoi qu'il en soit des effets de l'envie contre les
gens vertueux dans toutes sortes de gouvernemens,
Pindare dit avec raison que pour l'appaiser il ne faut
pas abandonner la vertu; ce seroit acheter trop cher
la paix avec cette passion lâche & maligne, d'autant
plus qu'elle illustre son objet, lorsqu'elle travaille à
l'obscurcir: car à mesure qu'elle s'acharne sur le mérite
supérieur qui la blesse, elle rehausse l'éclat de
l'hommage involontaire qu'elle lui rend, & manifeste
davantage la bassesse de l'ame qu'elle domine.
C'est ce qui faisoit dire à Thémistocle qu'il n'envioit
point le sort de qui ne fait point d'envieux; & à Cicéron, qu'il avoit toûjours été dans ce sentiment,
que l'envie acquise par la vertu, étoit de la gloire.
Article de M. le Chevalier
Envie (Page 5:735)
Lorsque l'envie est poussée à ce degré qui la rend
si nuisible à l'économie animale, qu'elle peut être
regardée comme une vraie maladie, il faut la traiter
comme l'affection hypocondriaque. Les bains domestiques,
les eaux minérales, le laitage, les anodyns,
peuvent produire de bons effets; mais à ces
remedes physiques il convient de joindre les remedes
moraux, que la philosophie & la religion fournissent,
pour tâcher de guérir l'esprit en même tems
que l'on travaille à changer la disposition du corps:
sans ceux - ci, ceux là sont ordinairement inefficaces.
Voyez
Envie (Page 5:735)
Les affections désignées par ces différens termes, ne different, selon eux, que par l'intensité & la du<cb->
La dépravation d'appétit de la premiere espece, est commune parmi les filles & les semmes; les enfans des deux sexes y sont fort sujets: les hommes en sont très - ratement affectés. Il ne conste presque par aucun exemple que les vieillards ayent éprouvé cette sorte d'indisposition. On ne voit guere que les femmes grosses qui ayent des envies passionnées pour certains alimens plûtôt que pour d'autres, ce qui leur arrive ordinairement pendant les premiers mois de la grossesse; mais elles ne sont pas moins sujetes au vice d'appétit de la premiere espece, pour lequel elles ont une disposition qui leur est commune avec toutes les personnes de leur sexe.
Le sentiment naturel qui nous porte à prendre la nourriture convenable pour corriger le vice que contractent nos humeurs, lorsqu'elles ne sont pas renouvellées, & pour réparer les pertes qui se font par l'action de la vie, tant des parties solides que des parties fluides de notre corps; ce sentiment qui sert le plus à exciter nos sens pour la conservation de notre individu, nous fait avoir naturellement en horreur tout ce qui est connu de nature à pouvoir nuire à l'économie animale, étant pris en forme d'alimens; & il nous fait aussi répugner à manger des choses qui ne sont pas d'usage, dans la crainte qu'elles ne soient pas salutaires: ainsi le sentiment contraire, qui porte à faire usage des choses absurdes, de mauvaise qualité, ou de celles que l'on n'employe pas ordinairement pour se nourrir, ne peut pas être produit par une disposition naturelle des organes, dont la fonction est d'exciter à manger. On ne peut pas même attribuer la cause prochaine de la dépravation de l'appétit, au vice des humeurs salivaires, stomacales, & autres de telle ou de telle nature, parce qu'il est certain que ce vice supposé, de quelque nature qu'il puisse être, ne peut suffire pour déterminer par lui - même cette dépravation, telle que l'observation l'a fait connoître, sans qu'il s'y joigne une autre condition essentielle pour l'établir.
Lorsqu'il s'est passé un certain tems depuis que
l'on a pris de la nourtiture, on se sent porté à en
prendre de nouveau. L'homme le plus appliqué à
l'étude, occupé des plus profondes méditations,
peut à la vérité s'abstenir de manger pendant un tems
considérable; mais il éprouve enfin, même contre
son gré, & quelque résolution qu'il ait formée de
prolonger encore l'abstinencè, l'aiguillon de la faim
qui le presse, l'inquiete, l'importune p> quelque
cause que ce soit, jusqu'à ce qu'il ait pris des alimens.
Le corps, la machine ont des droits dont il
n'est pas au pouvoir de la volonté de les frustrer.
Voyez
Cependant, quel que puisse être le vice des organes ou des sucs digestifs, soit dans la bouche, soit dans l'estomac, qui concourent à exciter ce sentiment salutaire, il pourra bien former une cause dé<pb-> [p. 736]
Il est souvent arrivé à des personnes susceptibles de la dépravation d'appétit, d'en contracter le vice & l'habitude même, d'après une trop forte application à considérer dans un tableau quelque chose qui pût être l'objet de cette dépravation. On ne peut pas dire avec fondement, que dans ce cas l'humeur viciée reflue dans la bouche ou dans l'estomac, précisément à cause de l'attention que l'on donne à regarder une peinture. On ne peut pas dire non plus que la cause de cette affectation est engendrée subitement à cette occasion, si on la fait consister dans le vice de quelqu'humeur ou de quelqu'organe que ce puisse être; l'imagination ne s'est tournée à desirer ardemment telle ou telle chose, que conséquernment à ce que cette chose lui a été présentée dans ce tableau. Il ne paroît pas que l'on puisse rendre autrement raison de ce phénomene, d'autant plus que ce desir immodéré des choses absurdes ou autres, qui constitue la dépravation de l'appétit, subsiste quelquefois pendant long - tems, comme un objet fixe de délire, qui détourne l'esprit de toute autre pensée, qui ne l'occupe que de la chose desirée, soit pour se la procurer, soit pour s'en fournir & en continuer l'usage; ensorte que cette affection peut se faire sentir presque sans relâche, ou au moins par des retours très - fréquens.
Elle est tellement de la nature des maladies qui dépendent principalement du vice de l'imagination, que l'on a souvent guéri des personnes qui avoient l'appétit dépravé, en éloignant soigneusement tout ce qui pouvoit rappeller ou fixer l'idée de l'objet de cet appétit; en évitant même d'en faire mention, & en ne présentant que de bons alimens qui pûssent effacer l'idée des mauvais dont on étoit occupé.
On ne doit pas être surpris de voir les femmes surtout
très - sujetes à cette espece de maladie spirituelle,
si l'on fait attention à ce qu'elles ont des organes
beaucoup plus délicats & plus sensibles que les hommes;
qu'elles menent ordinairement une vie plus
sédentaire; qu'elles ont l'imagination plus vive;
qu'elles éprouvent pour la plûpart de fréquens dérangemens
dans leurs fonctions, à cause du flux
menstruel, dont la diminution & la suppression, soit
à l'égard des filles par maladie, soit à l'égard des
femmes par la grossesse, font des changemens dans
la circulation du sang, qui, après avoir croupi dans
les vaisseaux utérins, reflue dans la masse des humeurs,
s'y mêle, & la corrompt de maniere qu'il
s'ensuit bien des troubles dans l'économie animale,
que l'on ne sauroit attribuer à la seule quantité du
sang excédente par le défaut d'évacuation périodique,
puisque les saignées répetées, qui en enlevent
plus qu'il n'en est retenu de trop, ne font pas le plus
souvent cesser ces desordres. Voyez
Il résulte par conséquent de toutes ces dispositions, que les personnes du sexe sont plus susceptibles d'engendrer de mauvaises humeurs, & de fournir matiere aux causes déterminantes & prochaines qui peuvent produire la dépravation de l'appétit. C'est dans cette idée que Riviere dit que les humeurs domi<cb->
Si quelques hommes se trouvent avoir des dispositions approchantes de celles que l'on observe dans les femmes, ils sont aussi sujets qu'elles à l'affection dont il s'agit; c'est pourquoi on en a vû d'un tempérament délicat ressentir comme elles tous les effets de la dépravation de l'appétit. C'est par la même raison que quelques jeunes garçons ont aussi des envies, des fantaisies de manger certains alimens, ou autres choses qu'ils prennent comme alimentaires: mais il n'est pas aussi aisé de rendre raison d'un pareil vice dans les vieillards, qui n'est pas sans exemple: on en trouve un entr'autres dans Manget, Bibl. med. pract. tom. III. à l'égard d'un artisan d'un âge assez avancé, à qui il étoit arrivé plusieurs fois d'éprouver une dépravation d'appétit bien marquée, & des vomissemens très - fréquens & très - fatiguans, toutes les fois que sa femme devenoit enceinte. Ces symptomes ne pouvoient être vraissemblablement qu'une suite de la lésion de l'imagination de cet homme, dont la sensibilité sur l'état de sa femme, qui étoit sans doute la premiere affectée, changeoit la disposition des fibres de son cerveau, & établissoit la cause prochaine d'une sorte de délire mélancolique concernant les alimens, tel que celui de sa femme. Il n'est pas d'ailleurs rare, quant au vomissement de cet homme, que des personnes se sentent des nausées & vomissent même en voyant vomir quelqu'un.
La dépravation de l'appétit peut être facilement distinguée de toute autre maladie, par les signes caractéristiques mentionnés dans la définition de cette maladie, sous le nom d'envie. La différence des especes de cette affection a aussi été suffisamment établie au commencement de cet article: ainsi lorsque des femmes grosses n'ont des envies que pour des alimens d'usage ordinaire, cette dépravation d'appétit, qui ne consiste que dans le desir immodéré, & souvent hors de saison, de ces alimens, doit être distinguée, par le nom de malacie, du violent desit des choses absurdes, qui constitue la maladie appellée pica: celle - là se change souvent en celle - ci. En effet, on voit journellement des femmes enceintes qui ont les fantaisies les plus singulieres: plusieurs souhaitent de mordre des animaux, d'étrangler des oiseaux avec les dents; quelques - unes mangent même des animaux vivans. Drincavel rapporte de sa mere, qu'elle avoit mangé des écrevisses crues. Forestus, liv. VIII. obs. 7. fait mention de plusieurs femmes enceintes, qui avoient dévoré des anguilles vivantes: il parle aussi d'une qui avoit mangé toute la peau d'une brebis, avec sa laine. Il est même arrivé, selon Langius, lib. II. epist. 12. qu'une femme grosse avoit eu une forte envie de mordre le bras d'un jeune boulanger, & qu'il avoit faliu la satisfaire, à quelque prix que ce fût, pour éviter qu'elle ne se blessât. Une autre, selon le même auteur, avoit eu une fantaisie de cette espece, bien plus violente encore; c'étoit de se nourrir de la chair de son mari: quoiqu'elle l'aimât tendrement, elle ne laissa pas de le tuer, pour assouvir son cruel appétit; & après avoir mangé une partie de son corps, elle sala le reste, pour le conserver & s'en rassafier à plusieurs reprises. Ce sont là des exemples très - rares, au moins, s'ils sont bien certains.
Mais ce qui arrive plus communément, c'est que
les femmes grosses ayent des envies de manger des
choses absur des & nuisibles, telles que du poivre en
grande quantité. Nicolas Florentin, sermon. V. >
IV. cap. xxxvj. dit en avoir vû une qui en avoit
mange près de vingt livres, sans que cet excès la
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