ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"737"> sît avorter: d'autres mangent du linge, de la chaux, du cuir, des excrémens mêmes, selon l'observation de Borelli, cent. III. observ. 2. d'autres des cendres, du charbon, de la craie, du sel, du vinaigre, &c. & ne prennent aucun bon aliment avec goût, pendant qu'elles usent avec avidité de ces différentes ordures.

La plûpart de ces choses sont aussi l'objet de l'appétit dépravé des filles; mais il est rare qu'elles soient aussi excessives dans leurs desirs déréglés que les femmes grosses: la dépravation de l'appétit dans les filles est toûjours accompagnée d'un vice des humeurs, qui peche par sa quantité ou par sa qualité, qui dispose le plus souvent à la suppression des regles, ou en est une suite. Ce vice est différent, selon la différence des objets absurdes de l'appétit dépravé: ce vice dominant se fait connoître par les nausées, les vomissemens, les douleurs que les personnes affectées rapportent à l'estomac, la pâleur du visage, & autres symptomes qui dépendent de ce vice, dont il n'est d'ailleurs pas possible de déterminer précisément la nature particuliere, qui fait varier le goût pour les différentes matieres qui font l'objet de l'appétit dépravé.

Il est plus aisé de juger des suites que peut avoir cette affection, & de prévoir si elle se terminera par le rétablissement de la santé, ou par la mort, si elle dégénérera en quelqu'autre maladie. Lorsqu'elle est simple, il n'y a rien à en craindre, quand même elle auroit duré depuis long - tems. Les obstructions, la cachexie, les pâles - couleurs, l'hydropisie, la fievre lente, &c. sont les maladies auxquelles elle se trouve souvent jointe, & qu'elle peut aussi produire par les effets de la mauvaise nourriture. Les femmes enceintes sont ordinairement délivrées du malacia, & même du pica, environ le quatrieme mois de leur grossesse: parce que l'enfant qu'elles portent dans leur sein, a acquis alors assez d'accroissement pour consumer toute la partie surabondante des humeurs qui se portent à la matrice; par conséquent elle n'est plus dans le cas d'y engorger les vaisseaux, d'y croupir, de refluer dans la masse & d'y produire les mauvais effets mentionnés. Si la dépravation de l'appétit subsiste au - delà du quatrieme mois, elle devient dangereuse, parce qu'elle dépend d'une autre cause que la simple grossesse, & qu'elle prive le foetus de la nourriture; alors elle ne peut qu'être extremement nuisible à la mere & à l'enfant. On a vû différentes sortes d'envies terminées par la mort: mais, dans ces cas, elles n'etoient pas simples; elles n'étoient que des symptomes de maladies plus considérables, qui sont devenues mortelles, sans qu'on pût en accuser les envies dont elles étoient accompagnées.

On doit en général se proposer deux objets dans la curation de l'appétit dépravé; savoir, de corriger l'erreur de l'imagination, & le vice dominant du corps: si c'est l'esprit qui est le plus affecté, le medecin doit y faire beaucoup d'attention, & s'appliquer particulierement à le remettre en bon état, par des remedes moraux: s'il y a indice de mauvais sucs abondans dans les premieres ou dans les secondes voies, on doit faire ensorte qu'ils soient évacués, ou qu'ils changent de qualité & s'améliorent: il faut presque toujours, dans cette affection, traiter en même tems le corps & l'esprit. Après avoir employé les remedes généraux, selon qu'ils sont indiqués, on doit ensuite avoir recours aux altérans appropriés au vice dominant des humeurs; & comme elles sont le plus souvent épaisses, grossieres & disposées à former des obstructions, on fait usage avec succès de legers apéritifs, rendus plus actifs par degré, sous duserentes formes. Les eaux minétales, celles de Balaruc, surtout, comme purgati<cb-> ves, & celles de Vals comme altérantes, ou toutes autres de nature approchante, sont très - recommandées dans ce cas. Si le sang peche par acrimonie, comme lorsqu'il a contracté ce vice par l'usage excessif, qui a précédé, du poivre, du sel, de la chaux, & autres choses semblables, après avoir rempli les préalables convenables, on doit employer les humectans, les rafraichissans & les adoucissans, auxquels on pourra associer efficacement les legers apéritifs, les laitages, & les eaux minérales acidules.

Au reste, on doit avoir beaucoup égard dans le traitement de la dépravation de l'appétit, à la différence de l'âge, du sexe & du tempérament des personnes qui en sont affectées. Il est de la prudence du medecin de varier les remedes, conséquemment à ces diversités; & dans le cas où cette affection ne dépend que de la grossesse, il doit se tenir oisif, ou au moins ne donner des secours qu'avec un extrème ménagement; car il y a à craindre qu'en travaillant à guérir le pica ou le malacia des femmes grosses, on ne leur fasse faire des fausses couches, comme il est arrivé quelquefois: d'ailleurs il est très - rare que les choses dont elles usent, pour satisfaire leur appétit dépravé, leur soient nuisibles, selon ce que montre l'expérience journaliere.

On peut presque dire la même chose des filles, dont les envies ridicules les portent à manger des choses si peu propres à être digérées, qui ne paroissent cependant pas produire les mauvais effets qu'elles produiroient, si elles en mangeoient en santé de même qualité, ou en aussi grande quantité: elles prennent avec une extrème avidité du mortier, des scories de fer, ou seulement des croûtes de pain en abondance. Tout cela est extrèmement sec; cependant quelques - unes ne boivent presque point, pour détremper ces matieres dans l'estomac? c'est que ce viscere est plus copieusement abreuvé dans ces cas des sucs salivans, que dans l'état naturel; ce qui supplée au défaut de la boisson, dissout ces matieres concressibles, & les empêche de se former en masse, qui sortiroit difficilement du ventricule, le tirailleroit par son poids, le blesseroit par ses aspérités, & produiroit les mêmes effets dans les boyaux, si elle pouvoit y être portée en détail. Ces filles, ainsi affectées, n'ont de l'appétit que pour des choses de cette espece, & leur appétit est excessif à cet égard: ce dont elles se rassassient semble en être le remede; car celles qu'on empêche de se satisfaire, en suivant leur goût dépravé, ne sont que très - difficilement guéries, & l'auroient été beaucoup plûtôt, si on les avoit laissées libres à cet égard.

Boerhaave rapporte, proelect. in instit. §. 803. qu'un habitant d'Amsterdam, extrèmement riche, qui avoit un dégoût insurmontable pour toutes sortes d'alimens, & menoit une vie miserable avec tous ses biens, les remedes n'étant d'aucun effet, eut enfin idée de manger des anchois; il s'en rassassia, & recouvra la santé. Les poules, qui ne se nourrissent que de grains, engendrent beaucoup d'acides; ce qui les porte à manger souvent du gravier, & elles périssent si elles n'en trouvent pas: la raison en est évidente. Les enfans & les filles cachectiques débiles, sont tort sujets à engendrer des sucs acides dans les premieres voies; c'est ce qui les porte naturellement à manger des matieres terreuses, cretacées, & autres propres à absorber les acides & à en corriger la mauvaise qualité, en faisant par ce mêlange un corps neutre: & ces matieres ne nuisent point, tant que l'acide est le vice dominant. Les Medecins se proposent la même indication à remplir, lorsqu'ils employent les absorbans, surtout dans les maladies des entans, &c. Tout cela prouve que les envies, qui portent à manger des choses qui paroissent [p. 738] si absurdes, sont causées par quelque humeur dominante, dont le vice est d'une nature souvent inconnue, qui ne peut être corrigé que par les choses mêmes qui font l'objet de l'appétit dépravé. C'est sur ce fondement qu'Hippocrate recommande aux Medecins d'avoir égard aux fantaisies des malades pour des choses absurdes, quoiqu'elles paroissent contraires au caractere de la maladie.

Au reste, le pica & le malacia des filles & autres, étant presque toujours un symptome de quelque maladie principale, comme des obstructions, des suppressions de regles, des pâles - couleurs, ils doivent être traités conformément à la cause de la maladie dont ils dépendent. Voyez Obstruction, Suppression, Pales - Couleurs .

On a vû des personnes avoir des envies de choses qui ne sont point relatives à la nourriture. Salmuth, observ. fait mention d'une espece de pica, dans lequel ceux qui en étoient affectés souhaitoient & se proeuroient ardemment de voir des choses blanches, & étoient tristes, mélancoliques, sans - appétit, lorsqu'ils ne pouvoient pas se satisfaire. Ceux qui ont été piqués de la tarentule ont aussi des fureurs pour certaines couleurs: ils ont quelquefois la passion de se rouler dans la boue, de courir, de battre, &c. les danses, les divertissemens dissipent, dans ces cas, ces sortes de fantaisies. Certaines filles ont la passion d'aimer les mauvaises odeurs, comme celle des cuirs tannés, moisis, de la fumée de la chaux, de la poussiere des cendres. M. de Sauvages parle, dans ses classes de maladies, d'un homme d'esprit qui, étant affecté de mélancolie, s'occupoit principalement à compter le nombre des escaliers, des carreaux de vitre, des briques & autres choses semblables: il ne cessoit de répéter cette opération, & il s'y portoit avec passion; c'étoit là son envie.

Ce mot se dit aussi des taches ou autres choses contre nature qui paroissent sur le corps des enfans nouveaux - nés, que l'on attribue au pouvoir de l'imagination des femmes enceintes, d'imprimer sur le corps des enfans renfermés dans leur sein, les figures des objets qui les ont frappées particulierement, ensuite des fantaisies qu'elles ont eues pour certaines choses, sans pouvoir se satisfaire; ce qui a fait donner proprement le nom d'envie à ces défectuosités. C'est mal - à - propos qu'elles sont nommées ainsi, lorsqu'elles sont réputées une suite de la crainte, de la frayeur, ou de tout autre sentiment de l'ame, qui n'est point agréable: ces marques sont appellées des Latins d'une maniere plus générique, noevi, & des Grecs SPILOI, SPIL/O/MATA. Voyez Foetus, Grossesse, Imagination . (d)

Envie (Page 5:738)

* Envie, (Myth.) Les poëtes grecs & romains en ont fait une divinité infernale: ils ont dit qu'elle avoit les yeux louches, le corps décharné, le front pâle, l'air inquiet, la tête coiffée de serpens, &c.

ENVIEUX, JALOUX (Page 5:738)

ENVIEUX, JALOUX, synon. Voici les nuances par lesquelles ces mots different. 1°. On est jaloux de ce qu'on possede, & envieux de ce que possedent les autres: c'est ainsi qu'un amant est jaloux de sa maîtresse, un prince jaloux de son autorité. 2°. Quand ces deux mots sont relatifs à ce que possedent les autres, envieux dit plus que jaloux: le premier marque une disposition habituelle & de caractere; l'autre peut désigner un sentiment passager: le premier désigne aussi un sentiment actuel plus fort que le second. On peut être quelquefois jaloux sans être naturellement envieux; la jalousie, surtout au premier mouvement, est un sentiment dont on a quelquefois peine à se défendre: l'envie est un sentiment bas, qui ronge & tourmente celui qui en est pénétré. (O)

ÉNUMERATION (Page 5:738)

ÉNUMERATION. (Art poétique.) Cette figure de Rhétorique est admirable en Poésie, parce qu'elle rassemble, dans un langage harmonieux, les traits les plus frappans d'un objet qu'on veut dépeindre, afin de perluader, d'émouvoir & d'entrainer l'esprit, sans lui donner le tems de se reconnoître. Je n'en citerai qu'un seul exemplé, tiré de la tragédie d'Athalie.

Jehu, qu'avoit choisi sa sagesse profonde; Jehu, sur qui je vois que votre espoir se fonde, D'un oubli trop ingrat a payé ses bienfaits. Jehu laisse d'Achab l'affreuse fille en paix; Suit des rois d'Israël les prophanes exemples; Du vil dieu de l'Egypte a conservé les temples. Jehu, sur les hauts lieux, osant enfin offrir Un téméraire encens que Dieu ne peut souffrir, N'a, pour servir sa cause & venger ses injures, Ni le coeur assez droit, ni les mains assez pures. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Enumération, Dénombrement (Page 5:738)

Enumération, Dénombrement, (Hist. anc.) l'action de compter ou de marquer le nombre des choses. Voyez Numération.

Au tems de la naissance de Notre Seigneur, César - Auguste avoit ordonné qu'on fît le dénombrement du monde, ou plûtôt du peuple de son empire; quoique d'habiles auteurs croyent que ce census ou denombrement, dont parle S. Luc, ne s'étendit pas sur tout l'empire, mais qu'il fut particulier à la Judée. Voyez Perizonius, de censu judaïco, & Berger, de vüs militaribus.

On étoit à Rome dans l'usage de faire le dénombrement de toutes les familles. Ce fut Servius Tullius qui fit le premier, lequel ne se trouva comprendre que 80 mille hommes: Pompée & Crassus en firent un second, qui fut de 400 mille hommes: celui de César ne fut que de 100 mille hommes; ainsi la guerre civile avoit fait périr 300 mille citoyens romains.

Sous Auguste, en l'an 725, les citoyens romains, dans toute l'étendue de l'empire, se trouverent monter à quatre millions soixante - trois mille. L'an 746 on fit encore le dénombrement des citoyens romains, qui se trouva monter à quatre millions deux cens trente - trois mille. L'an 766, qui fut le dernier de la vie d'Auguste, ce prince fit avec Tibere un autre dénombrement des citoyens romains, dont le nombre se trouva monter à quatre millions cent trente - sept mille personnes. Claude fit un nouveau dénombrement l'an 48 de Jesus - Christ; & suivant le rapport de Tacite, les citoyens romains répandus dans tout l'empire, se trouvoient monter alors à six millions soixante - quatre mille, quoique d'autres représentent ce nombre comme beaucoup plus grand. Une médaille de Claude très - rare marque plus précisément le dénombrement fait par Claude, qu'elle appelle ostensio, & qu'elle fait monter à sept millions de personnes en état de porter les armes, sans parler des armées qui étoient sur pié, & qui montoient à cinquante légions, cinquante - sept cohortes & soixante soldats. Après cette énumération, nous n'en trouvons plus jusqu'à celle de Vespasien, qui a été la derniere. Voyez l'article Dénombrement, Chambers. (G)

ENVOI (Page 5:738)

* ENVOI, s. m. (Gramm.) action par laquelle on fait transporter une chose d'un lieu à un autre. On dit faire un envoi de marchandises par terre ou par eau, faire un envoi de lettres de change par un courier ou par un exprès. (G)

ENVOIE (Page 5:738)

ENVOIE, (Marine.) terme de commandement que l'on fait au timonnier de pousser la barre du gouvernail, pour mettre le vaisseau vent devant. (Z)

ENVOILER (Page 5:738)

* ENVOILER, (s') v. pass. (Art. méchan.) il se dit de tout corps qui venant à se tourmenter, se fléchit, & dont les parties qui étoient auparavant dans un

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