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Si l'on fait remonter l'institution des prêtres égyptiens jusqu'au tems d'Hermès Trismégiste, il n'y eut dans l'état aucun ordre de citoyens plus ancien que l'ordre ecclésiastique; & si l'on examine avec attention quelques - unes des lois fondamentales de cette institution, on verra combien il étoit impossible que l'ordre des hiérophantes ne devînt pas nombreux, puissant, redoutable, & qu'il n'entraînât pas tous les maux dont l'Egypte fut desolée.
Il n'en étoit pas dans l'Egypte ainsi que dans les autres contrées du monde payen où un temple n'avoit qu'un prêtre & qu'un dieu. On adoroit dans un seul temple égyptien un grand nombre de dieux. Il y avoit un prêtre au moins pour chaque dieu, & un séminaire de prêtres pour chaque temple. Combien n'étoit - il pas facile de prendre trop de goût pour un état où l'on vivoit aisément sans rien faire; où placé à côté de l'autel, on partageoit l'hommage avec l'idole, & l'on voyoit les autres hommes prosternés à ses piés; où l'on en imposoit aux souverains mêmes; où l'on étoit regardé comme le ministre d'en - haut & l'interprete de la volonté du ciel; où le caractere sacré dont on étoit revêtu permettoit beaucoup d'injustices, & mettoit presque toûjours à couvert du châtiment; où l'on avoit la confiance des peuples; où l'on dominoit sur les familles dont on possédoit les secrets; en un mot où l'on réunissoit en sa personne, la considération, l'autorité, l'opulence, la fainéantise & la sécurité. D'ailleurs il étoit permis aux prêtres Egyptiens d'avoir des femmes, & il est d'expérience que les femmes des ministres sont très - fécondes.
Mais pour que l'hyérophantisme engloutît tous les autres états & ruinât plus sûrement encore la nation, la prêtrise égyptienne fut une de ces professions dans lesquelles les fils étoient obligés de succéder à leurs peres. Le fils d'un prêtre étoit prêtre - né; ce qui n'empêchoit point qu'on ne pût entrer dans l'ordre écclésiastique sans être de famille sacerdotale. Cet ordre enlevoit donc continuellement des membres aux autres professions, & ne leur en restituo> jamais aucun.
Mais il en étoit des biens & des acquisitions ai> que des personnes. Ce qui avoit appartenu une fois aux prêtres ne pouvoit plus retourner aux laïcs. La richesse des prêtres alloit toûjours en croissant comme leur nombre. D'ailleurs la masse des superstitions lucratives d'une contrée suit la proportion de ses prêtres, de ses devins, de ses augures, de ses diseurs de bonne avanture, & de tous ceux en général qui tirent leur subsistance de leur commerce avec> ciel.
Ajoûtons à ces considérations qu'il n'y avoit peut - être sur la surface de la terre aucun sol plus favorable à la superstition que l'Egypte. Sa fecondation étoit un prodige annuel. Les phénomenes qui accompagnoient naturellement l'arrivée des eaux, leur sejour & leur retraite portoient les esprits à l'étonnement. L'émigration réguliere des lieux bas vers les lieux hauts; l'oisiveté de cette demeure; le sems qu'on y donnoit à l'étude de l'astronomie; la vie sedentaire & renfermée qu'on y menoit; les météores, les exhalaisons, les vapeurs sombres & malsaines qui s'élevoient de la vase de toute une vaste contrée, trempée d'eau & frappée d'un soleil ard> les monstres qu'on y voyoit éclore; une infinité d'évenemens produits dans le mouvement général de toute l'Egypte s'ensuyant à l'arrivée de son fleuve, & > descendant des montagnes à mesure que les plaines se découvroient; tant de causes ne pouvoient manquer de rendre cette nation superstitieuse; car la >uperstition est par - tout une suite nécessaire des ph><-> nomenes surprenans dont les raisons sont ignorées.
Mais lorsque dans une contrée le rapport de ceux qui travaillent à ceux qui ne font rien, va toûjours en diminuant, il faut à la longue que les bras qui s'occupent ne puissent plus suppléer à l'inaction de ceux qui demeurent oisifs, & que la condition de la fainéantise y devienne onéreuse à elle - même. Ce fut aussi ce qui arriva en Egypte; mais le mal étoit alors trop grand pour y remédier. Il fallut >andonner les choses à leur torrent. Le gouvernement en fut ébranlé. L'indigence & l'esprit d'intérêt engen<pb-> [p. 437]
L'Egypte fut superstitieuse dans tous les tems; parce que rien ne nous garantit entierement de l'influence du climat, & qu'il n'y a guere de notions antérieures dans notre esprit à celles qui nous viennent du spectacle journalier du sol que nous habitons. Mais le mal n'étoit pas aussi général sous les premiers dépositaires de la sagesse de Trismégiste, qu'il le devint sous les derniers hyérophantes.
Les anciens prêtres de l'Egypte prétendoient que
leurs dieux étoient adorés même des barbares. En
effet le culte en étoit répandu dans la Chaldée, dans
presque toutes les contrées de l'Asie, & l'on en retrouve
encore aujourd'hui des traces très - distinctes parmi les céremonies religieuses de l'Inde. Ils regardoient
Osiris, Isis, Orus, Hermès, Anubis,
comme des ames célestes qui avoient généreusement
abandonne le sejour de la felicité suprème, pris un
corps humain & accepté toute la misere de notre
condition, pour converser avec nous, nous instruire
de la nature du juste & de l'injuste, nous communiquer
les sciences & les arts, nous donner des
lois, & nous rendre plus sages & moins malheureux.
Ils se disoient descendans de ces êtres immortels, &
les héritiers de leur divin esprit. Doctrine excellente
à débiter aux peuples; aussi n'y avoit - il anciennement
aucun culte superstitieux dont les ministres
n'eussent quelque prétention de cette nature; ils réunirent
quelquefois la souveraineté avec le acerdoce.
Ils étoient distribués en différentes classes employées
à différens exercices, & distinguées par des
marques particulïeres. Ils avoient renoncé à toute
occupation manuelle & prophane. Ils erroient sans
cesse entre les simulacres des dieux, la démarche
composée, l'air austere, la contenance droite, & les
mains renfermées sous leurs vêtemens. Une de leurs
fonctions principales étoit d'exhorter les peuples à
garder un attachement inviolable pour les usages du
pays; & ils avoient un assez grand intérêt à bien
remplir ce devoir du sacerdoce. Ils observoient le
ciel pendant la nuit; ils avoient des purifications
pour le jour. Ils célebroient un office qui consistoit à
chanter quelques hymnes le matin, à midi, l'après - midi,
& le soir. Ils remplissoient les intervalles par
l'étude de l'arithmétique, de la géométrie & de la
physique expérimentale,
Les chantres étoient à la tête, ayant à là main quelques symboles de l'art musical. Les chantres étoient particulierement versés dans les deux livres de Mercure qui renfermoient les hymnes des dieux & les maximes des rois.
Ils étoient suivis des tireurs d'horoscopes, portant la palme & le cadran solaire, les deux symboles de l'astrologie judiciaire. Ceux - ci étoient savans dans les quatre livres de Mercure sur les mouvemens des astres, leur lumiere, leur coucher, leur lever, les conjonctions & les oppositions de la lune & du soleil.
Après les tireurs d'horoscopes, marchoient les scribes des choses sacrées, une plume sur la tête, l'écritoire, l'encrier & le jonc à la main. Ils avoient la connoissance de l'hyérogliphe, de la cosmologie, de la géographie, du cours du soleil, de la lune & des autres planetes, de la topographie de l'Egypte & des lieux consacrés, des mesures, & de quelques autres objets relatifs à la politique & à la religion.
Après les horoscopistes venoient ceux qu'on appelloit les stolites, avec les symbobes de la justice, & les coupes de libations. Ils n'ignoroient rien de ce qui concerne le choix des victimes, la discipline des temples, le culte divin, les cérémonies de la religion, les sacrifices, les prémices, les hymnes, les prieres, les f>tes, les pompes publiques, & antres matieres qui composoient dix des livres de Mercure.
Les prophetes fermoient la procession. Ils avoient la poitrine nue; ils portoient dans leur sein découvert l'hydria; ceux qui veilloient aux pains sacrés les accompagn>ient. Les prophetes étoient initiés à tout ce qui a rapport à la nature des dieux & à l'esprit des lois; ils présidoient à la répartition des impôts; & les livres sacerdotaux, qui contenoient leur science, étoient au nombre de dix.
Toute la sagesse égyptienne formoit quarante - deux volumes, dont les six derniers, à l'usage des pastophores, traitoient de l'Anatomie, de la Medecine, des maladies, des remedes, des instrumens, des yeux, & des femmes. Ces livres étoient gardés dans les temples. Les lieux où ils étoient déposés, n'étoient accessibles qu'aux anciens d'entre les prêtres. On n'initioit que les naturels du pays, qu'on faisoit passer auparavant par de longues épreuves. Si la recommandation d'un souverain contraignoit à admettre dans un séminaire quelque personnage étranger, on n'épargnoit rien pour le rebuter. On enseignoit d'abord au néophite l'épistolographie, ou la forme & la valeur des caracteres ordinaires. De - là il passoit à la connoissance de l'Ecriture - sainte ou de la science du sacerdoce, & son cours de théologie finissoit par les traités de l'hyérogliphe ou du style lapidaire, qui se divisoit en caracteres parlans, symboliques, imitatifs, & allégoriques.
Leur philosophie morale se rapportoit principalement
à la commodité de la vie & à la science du gouvernement.
Si l'on considere qu'au sortir de leur école, Thalès sacrifia aux dieux, pour avoir trouvé le
moyen de décrire le cercle & de mesurer le triangle;
& que Pythagore immola cent boeufs, pour avoir découvert
la propriété du quarré de l'hypothenuse, on
n'aura pas une haute opinion de leur géométrie. Leur
astronomie se reduisoit à la connoissance du lever &
du coucher des astres, des aspects des planetes, des
solstices, des équinoxes, des parties du zodiaque;
connoissance qu'ils appliquoient à des calculs astrologiques
& généthliaques. Eudoxe publia les premieres
idées systématiques sur le mouvement des corps
célestes; Thalès prédit la premiere éclipse: soit que
ce dernier en eût inventé la méthode, soit qu'il l'eût
apprise en Egypte, qu'étoit - ce que l'astronomie égyptienne? il y a toute apparence que leurs observations
ne devoient leur réputation qu'à l'inexactitude de celles
qu'on faisoit ailleurs. La gamme de leur musique
avoit trois tons, & leur lyre trois cordes. Il y avoit
long - tems que Pythagore avoit cessé d'être leur disciple,
lorsqu'il s'occupoit encore à chercher les rapports
des intervalles des sons. Un long usage d'em<pb->
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