ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"496"> l'Histoire que comme un recueil d'expériences morales faites sur le genre humain, recueil qui seroit sans doute beaucoup plus complet s'il n'eût été fait que par des philosophes, mais qui, tout informe qu'il est, renferme encore les plus grandes leçons de conduite, comme le recueil des observations médicinales de tous les âges, malgré tout ce qui lui manque & qui lui manquera peut - être toûjours, forme néanmoins la partie la plus importante & la plus réelle de l'art de guérir. L'Histoire appartient donc à la classe des Sciences, quant à la maniere de l'étudier & de se la rendre utile, c'est - à - dire quant à la partie philosophique.

2°. Il en est de même des Arts tant méchaniques que libéraux: dans les uns & les autres ce qui concerne les détails est uniquement l'objet de l'artiste; mais d'un côté les principes fondamentaux des Arts méchaniques sont fondés sur les connoissances mathématiques & physiques des hommes, c'est - à - dire sur les deux branches les plus considérables de la Philosophie; de l'autre, les Arts libéraux ont pour base l'étude fine & délicate de nos sensations. Cette métaphysique subtile & profonde qui a pour objet les matieres de goût, sait y distinguer les principes absolument généraux & communs à tous les hommes, d'avec ceux qui sont modifiés par le caractere, le génie, le degré de sensibilité des nations ou des individus; elle démêle par ce moyen le beau essentiel & universel, s'il en est un, d'avec le beau plus ou moins arbitraire & plus ou moins convenu: également éloignée & d'une décision trop vague & d'une discussion trop scrupuleuse, elle ne pousse l'analy se du sentiment que jusqu'où elle doit aller, & ne la resserre point non plus trop en - deçà du champ qu'elle peut se permettre; en comparant les impressions & les affections de notre ame, comme le métaphysicien ordinaire compare les idées purement spéculatives, elle tire de cet examen des regles pour rappeller ces impressions à une source commune, & pour les juger par l'analogie qu'elles ont entr'elles; mais elle s'abstient ou de les juger en elles - mêmes, ou de vouloir apprétier les impressions originaires & primitives par les principes d'une philosophie aussi obscure pour nous que la structure de nos organes, ou de vouloir enfin faire adopter ses regles par ceux qui ont reçu soit de la nature soit de l'habitude une autre façon de sentir. Ce que nous disons ici du goût dans les Arts libéraux, s'applique de soi - même à cette partie des Sciences qu'on appelle Belles - Lettres. C'est ainsi que les élémens de toutes nos connoissances sont renfermés dans ceux d'une philosophie bien entendue. Voyez Philosophie.

Nous n'ajoûterons plus qu'un mot sur la maniere d'étudier quelques sortes d'élémens que ce puisse être, en supposant ces élémens bien faits. Ce n'est point avec le secours d'un maître qu'on peut remplir cet objet, mais avec beaucoup de méditation & de travail. Savoir des élémens, ce n'est pas seulement connoître ce qu'ils contiennent, c'est en connoître l'usage, les applications, & les conséquences; c'est pénétrer dans le génie de l'inventeur, c'est se mettre en état d'aller plus loin que lui, & voilà ce qu'on ne fait bien qu'à force d'étude & d'exercice: voilà pourquoi on ne saura jamais parfaitement que ce qu'on a appris soi - même. Peut - être feroit - on bien par cette raison, d'indiquer en deux mots dans des élémens l'usage & les conséquences des propositions démontrées. Ce seroit pour les commençans un sujet d'exercer leur esprit en cherchant la démonstration de ces conséquences, & en faisant disparoître les vuides qu'on leur auroit laissés à remplir. Le propre d'un bon livre d'élémens est de laisser beaucoup à penser.

On doit être en état de juger maintenant si des élémens complets des Sciences, peuvent être l'ouvrage d'un homme seul: & comment pourroient - ils l'être, puisqu'ils supposent une connoissance universelle & approfondie de tous les objets qui occupent les hommes? je dis une connoissance approfondie; car il ne faut pas s'imaginer que pour avoir effleuré les principes d'une science, on soit en état de les enseigner. C'est à ce préjugé, fruit de la vanité & de l'ignorance, qu'on doit attribuer l'extrème disette où nous sommes de bons livres élémentaires, & la foule de mauvais dont nous sommes chaque jour inondés. L'éleve à peine sorti des premiers sentiers, encore frappé des difficultés qu'il a éprouvées, & que souvent même il n'a surmontées qu'en partie, entreprend de les faire connoître & surmonter aux autres; censeur & plagiaire tout ensemble de ceux qui l'ont précédé, il copie, transforme, étend, renverse, resserre, obscurcit, prend ses idées informes & confuses pour des idées claires, & l'envie qu'il a eu d'être auteur pour le desir d'être utile. On pourroit le comparer à un homme qui ayant parcouru un labyrinthe à tâtons & les yeux bandés, croiroit pouvoir en donner le plan & en développer les détours. D'un autre côté les maîtres de l'art, qui par une étude longue & assidue en ont vaincu les difficultés & connu les finesses, dédaignent de revenir sur leurs pas pour faciliter aux autres le chemin qu'ils ont eu tant de peine à suivre: peut - être encore frappés de la multitude & de la nature des obstacles qu'ils ont surmontés, redoutent - ils le travail qui seroit nécessaire pour les applanir, & qui seroit trop peu senti pour qu'on pût leur en tenir compte. Uniquement occupés de faire de nouveaux progrès dans l'art, pour s'élever, s'il leur est possible, au - dessus de leurs prédécesseurs ou de leurs contemporains, & plus jaloux de l'admiration que de la reconnoissance publique, ils ne pensent qu'à découvrir & à jouir, & préferent la gloire d'augmenter l'édifice au soin d'en éclairer l'entrée. Ils pensent que celui qui apportera comme eux dans l'étude des Sciences, un génie vraiment propre à les approfondir, n'aura pas besoin d'autres élémens que de ceux qui les ont guidés eux - mêmes, que la nature & les réflexions suppléeront infailliblement pour lui à ce qui manque aux livres, & qu'il est inutile de faciliter aux autres des connoissances qu'ils ne pourront jamais se rendre vraiment propres, parce qu'ils sont tout - au - plus en état de les recevoir sans y rien mettre du leur. Un peu plus de réflexion eût fait sentir combien cette maniere de penser est nuisible au progrçs & à la gloire des Sciences; à leur progrès, parce qu'en facilitant aux génies heureux l'étude de ce qui est connu, on les met en état d'y ajoûter davantage & plus promptement; à leur gloire, parce qu'en les mettant à la portée d'un plus grand nombre de personnes, on se procure un plus grand nombre de juges éclairés. Tel est l'avantage que produiroient de bons élémens des Sciences, élémens qui ne peuvent être l'ouvrage que d'une main fort habile & fort exercée. En effet, si on n'est pas parfaitement instruit des vérités de détail qu'une Science renferme, si par un fréquent usage on n'a pas apperçu la dépendance mutuelle de ces vérités, comment distinguera - t - on parmi elles les propositions fondamentales dont elles dérivent, l'analogie ou la différence de ces propositions fondamentales, l'ordre qu'elles doivent observer entr'elles, & sur - tout les principes au - delà desquels on ne doit pas remonter? c'est ainsi qu'un chimiste ne parvient à connoître les mixtes qu'après des analyses & des combinaisons fréquentes & variées. La comparaison est d'autant plus juste, que ces analyses apprennent au chimiste non - seulement quels sont les principes dans lesquels un corps se résout, mais encore, ce qui n'est pas moins important, les [p. 497] bornes au - delà desquelles il ne peut se résoudre, & qu'une expérience longue & réitérée peut seule faire connoître.

Des élémens bien faits, suivant le plan que nous avons exposé, & par des écrivains capables d'exécuter ce plan, auroient une double utilité: ils mettroient les bons esprits sur la voie des découvertes à faire, en leur présentant les découvertes déjà faites; de plus ils mettroient chacun plus à portée de distinguer les vraies découvertes d'avec les fausses; car tout ce qui ne pourroit point être ajoûté aux élémens d'une Science comme par forme de supplément, ne seroit point digne du nom de découverte. Voyez ce mot. (O)

Après avoir exposé ce qui concerne les élémens des Sciences en général, nous allons maintenant dire un mot des élémens de Mathématique & de Physique, en indiquant, pour répondre à l'objet de cet ouvrage, les principaux livres où ils sont traités.

Les élémens des Mathématiques ont été expliqués dans des cours & des systèmes qu'ont donnés différens auteurs. Voyez Cours.

Le premier ouvrage de cette espece est celui de Hérigone, publié en latin & en françois l'an 1664, en dix volumes. Cet auteur y a renfermé les élémens d'Euclide, les données du même, &c. avec les élémens d'Arithmétique, d'Algebre, de Trigonométrie, d'Architecture, de Géographie, de Navigation, d'Optique, des Sphériques, d'Astronomie, de Musique, de Perspective, &c. Cet ouvrage a cela de remarquable, que l'auteur y employe par - tout une espece de caractere universel, de maniere que sans se servir absolument d'aucun langage, on peut en entendre toutes les démonstrations, pourvû que l'on se souvienne seulement des caracteres qui y sont employés. Voyez Caractere.

Depuis Hérigone, d'autres auteurs ont expliqué les élémens de différentes parties de Mathématiques, particulierement le jésuite Schott dans son cursus mathematicus, publié en 1674; Jonas Moore, dans son nouveau système de Mathématiques, imprimé en anglois en 1681; Dechales dans son cursu, machematicus, qui parut en 1674; Ozanam dans son cours des Mathématiques, publié en 1699: mais personne n'a donné de cours de Mathématiques plus étendu ni plus approfondi que M. Wolf; son ouvrage a été publié sous le titre de elementa matheseos universae, en deux volumes in - 4°, dont le premier parut en 1713, & le second en 1715: depuis il y a eu une édition de Geneve en 1733, en cinq volumes in - 4°: en général cet ouvrage fait honneur à son auteur, quoiqu'il ne soit pas exempt de fautes; mais c'est le meilleur ou le moins mauvais que nous ayons jusqu'ici.

Les élémens d'Euclide sont le premier, & selon plusieurs personnes le meilleur livre d'élémens de Géométrie. On a fait un grand nombre d'éditions & de commentaires sur les quinze livres des élémens de cet auteur. Oronce Finé est le premier qui a publié, en 1530, les six premiers livres de ces élémens avec des notes pour expliquer le sens d'Euclide. Peletier fit la même chose en 1557. Nic. Tartaglia fit un commentaire vers ce même tems sur les quinze livres entiers; il y ajoûta même quelque chose de lui.

Dechales, Hérigone, & d'autres, ont pareillement travaillé beaucoup sur les élémens d'Euclide, ainsi que Barrow, recommandable sur - tout par la précision & la rigueur de ses démonstrations. Mais comme les quinze livres entiers ne paroissent pas nécessaires, principalement aux jeunes Mathématiciens, quelques auteurs se sont appliqués seulement à bien éclaircir les six premiers livres, avec l'onzieme & le douzieme tout au plus. On ne finiroit pas, si l'on vouloit rapporter les différentes éditions qu'on en a faites: celles qui passent pour les meil<cb-> leures, sont une édition françoise de Dechales & une latine d'André Tacquet: celle de Dechales, qu'on estime le plus, a été faite à Paris en 1709 par Ozanam; & la meilleure de Tacquet est une édition de Cambridge faite en 1703 par Whiston.

Quelques auteurs ont réduit en syllogismes toutes les démonstrations d'Euclide, pour faire voir comment l'on s'éleve, par une chaîne de raisonnemens, à une démonstration complete. Pierre Ramus n'approuva pas l'ordre d'Euclide, comme il le paroît par son discours sur les quinze livres de cet auteur; c'est ce qui le détermina à compiler vingt - trois nouveaux livres d'élémens, suivant la méthode scholastique, mais sans succès. Arnaud, en 1667; Gaston Pardiés, Jésuite, en 1680; le P. Lamy, en 1685; Poliniere, en 1704; & depuis 20 ans M. Rivard, ont publié le fond de la doctrine d'Euclide, suivant une nouvelle méthode particuliere à chacun d'eux.

Il y a quelques années que M. Clairaut, de l'académie des Sciences de Paris, publia une Géométrie où les propositions ne paroissent qu'à mesure qu'elles sont occasionnées par les besoins des hommes qui les ont découvertes: cette méthode est très - lumineuse, & n'a point la sécheresse des précédentes; mais, outre que l'auteur y suppose quelquefois sans démonstration ce qui à la rigueur pourroit en avoir besoin, les propositions, ainsi que dans toutes les autres méthodes, n'y sont point déduites immédiatement les unes des autres, & forment plûtôt un assemblage qu'un édifice de propositions; cependant une chaine non interrompue de vérités, seroit le système le plus naturel & le plus commode, en même tems qu'elle offriroit à l'esprit l'agréable spectacle de générations en ligne directe: or c'est ce que l'on a exécuté dans les institutions de Géométrie, imprimées à Paris en 1746, chez de Bure l'aîné. Toutes les propositions de cet ouvrage sont déduites immédiatement les unes des autres, & donnent occasion à la résolution d'un fort grand nombre de problèmes curieux & utiles, ainsi qu'à des réflexions sur les développemens de l'esprit humain; ce qui répand quelque agrément sur une matiere qui ne comporte par elle - même que trop de sécheresse. Moyennant cet apas ou cet artifice, la Géométrie élémentaire a été mise à la portée de la plus tendre enfance, ainsi que l'expérience l'a démontré, & le démontre tous les jours. On desireroit que M. Clairaut, dans les excellens élémens d'Algebre qu'il a publiés, eût mis les opérations du calcul plus à portée des commençans. Voyez Algebre.

Sur les élémens des différentes parties des Mathématiques, voy. Algebre, Différentiel, Intégral, Méchanique, Optique, Astronomie , &c.

Les meilleurs élémens de Physique sont l'essai de Physique de Musschenbroeck, les élémens de s'Gravesande, les leçons de Physique de M. l'abbé Nollet, & plusieurs autres. Voyez Physique. (E)

Elemens (Page 5:497)

Elemens, (Géomét. trans.) On appelle ainsi dans la géométrie sublime, les parties infiniment petites ou différentielles d'une ligne droite, d'une courbe, d'une surface, d'un solide. Ainsi (Pl. d'anal. fig. 18.) le petit espace P M m p, formé par les deux ordonnées infiniment proches P M, m p, & par l'arc M m de la courbe, est l'élément de l'espace A P M; P p est l'élément de l'abscisse; Mm, celui de la courbe, &c. Voy. Différentiel, Fluxions, Indivisibles, Intégrai, Infini , &c. (O)

Elémens (Page 5:497)

Elémens, en Astronomie. Les Astronomes entendent communément par ce mot les principaux résultats des observations astronomiques, & généralement tous les nombres essentiels qu'ils employent à la construction des tables du mouvement des planetes. Ainsi les élémens de la théorie du soleil, ou plûtôt de la terre, sont son mouvement moyen & son excentricité, &

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