ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"482"> leurs maîtres, & les électuaires ne cesserent de se multiplier jusqu'au tems où la Chimie s'empara heureusement de la Pharmacie, c'est - à - dire jusqu'à ce qu'on sût en état de découvrir & de démontrer que la plûpart des électuaires étoient des préparations monstrueuses, souvent inutiles, quelquefois dangereuses, toûjours très - dégoûtantes pour les malades.

En effet, l'électuaire a d'abord tous les inconvéniens des compositions comme telles: le plus grand de ces inconvéniens est celui qui dépend de l'action chimique ou menstruelle de certains ingrédiens les uns sur les autres; action qui détruit leurs vertus respectives. (Voyez Composition, Mêlange, Formule .) Or ce défaut doit d'autant plus décréditer tous les électuaires anciens, que leurs auteurs n'avoient aucun secours pour l'éviter. Secondement, la consistance de quelques - uns est telle que ces remedes sont exposés à un mouvement de fermentation qui dénature tous leurs ingrédiens. Cet inconvénient a passé pour un bien dans quelques têtes, nous lui devons en effet la vertu de la thériaque vieille: mais si le hasard nous a bien servi à cet égard, car un produit utile de la fermentation de cent drogues est un vrai présent du hasard, il nous a nui dans tous les autres cas: un électuaire qui a fermenté, est regardé par les connoisseurs comme un électuaire perdu; & voilà pourquoi la confection hamech, par exemple, telle qu'elle est décrite dans la pharmacopée de Paris, qui, par sa consistance, doit nécessairement fermenter, est une préparation défectueuse. Troisiemement, la difficulté de faire avaler à des malades une once d'un remede aussi dégoûtant qu'un électuaire, doit être comptée pour beaucoup: or c'est - là la dose ordinaire de ce remede; & ne sût - elle que de deux gros, comme c'est en effet celle de quelques - uns, le tourment d'avaler deux gros d'électuaire doit être épargné à un malade, s'il est possible.

Non seulement les Pharmaciens devenus Chimistes, arrêterent le débordement des électuaires, mais même ils entreprirent de réformer ceux qui étoient le plus en usage. Zwelfer chez les Allemands, le Fevre, Charas, Lémery, chez les François, se sont sur - tout distingués par ce projet. Je n'appelle le travail de ces auteurs que projet ou tentative; parce que soit qu'ils n'ayent pas assez osé contre l'autorité de la vénérable antiquité, & l'opinion unanime des Medecins de leur tems, soit que les lumieres de leur siecle ne fussent pas encore suffisantes pour produire une réforme complete, soit qu'il fût en effet impossible de faire un bon remede d'un électuaire, on peut avancer que les électuaires corrigés de ces auteurs sont encore des remedes assez imparfaits.

Il me semble donc que tout considéré, on peut proposer de supprimer tous les électuaires, au moins de n'en retenir que le petit nombre qui sont le moins imparfaits, tels que le diascordium, le diaprum, le lénitif, & le catholicon double, &c. Voyez les articles particuliers.

Quand on veut faire un électuaire, on commence par préparer la poudre selon l'art (Voy. Poudre.); ensuite si elle ne doit être unie qu'à du miel ou à un syrop, on n'a qu'à la mêler avec soin au miel écumé(Voyez Miel.), ou au syrop qu'on a préparé d'autre part. (Voyez Sirop.) Pour cela, on la répand à diverses reprises & peu - à - peu avec un tamis, & on l'introduit dans le miel ou dans le sirop, on brassant avec un bistortier. S'il doit entrer dans la composition de l'électuaire des pulpes, des extraits, des robs, &c. on délaye ces matieres avec une partie du sirop ou du miel encore chaud, on incorpore les poudres de la maniere que nous venons de dire, & on ajoûte enfin le reste du sirop ou du miel. Les vins s'employent à peu - près de la même façon que les sirops & le miel, & quelquefois mêlés ensemble. On peut s'en servir aussi pour dissoudre certaines matieres peu propres à être réduites en poudre, comme les sucres épaissis qui entrent dans la thériaque. Voyez Thériaque.

Tous ces mêlanges se font à froid, ou sur un feu très - leger dans quelques cas. Voyez les exemples particuliers.

Il n'y a qu'une seule loi pour la perfection dè l'électuaire, c'est que les poudres doivent être répandues très - uniformément, ensorte que l'électuaire ne soit pas grainé ou grumelé; on voit de quelle conséquence il est qu'on ne trouve pas dans une certaine portion d'un électuaire purgatif de petits amas de poudre composée ordinairement des purgatifs les plus violens.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des électuaires officinaux; on en prépare aussi de magistraux, mais qui sont plus connus sous le nom d'opiate. Voy. Opiate. (b)

ELEEN (Page 5:482)

* ELEEN, adj. (Mythol.) surnom de Jupiter. Il fut ainsi appellé du temple & de la statue d'or massif qu'il avoit dans la ville d'Elide sur le Pénée.

ELEGANCE (Page 5:482)

ELEGANCE, s. f. (Belles - Lettr.) ce mot vient, selon quelques - uns, d'electus, choisi; on ne voit pas qu'aucun autre mot latin puisse être son étymologie: en effet, il y a du choix dans tout ce qui est élégant. L'élégance est un résultat de la justesse & de l'agrément. On employe ce mot dans la Sculpture & dans la Peinture. On opposoit elegans signum à signum rigens; une figure proportionnée, dont les contours arrondis étoient exprimés avec mollesse, à une figure trop roide & mal terminée. Mais la sévérité des premiers Romains donna à ce mot, elegantia, un sens odieux. Ils regardoient l'élégance en tout genre, comme une afféterie, comme une politesse recherchée, indigne de la gravité des premiers tems: vitii, non laudis fuit, dit Aulu - Gelle. Ils appelloient un homme élégant, à - peu - près ce que nous appellons aujourd'hui un petit - maître, bellus homuncio, & ce que les Anglois appellent un beau. Mais vers le tems de Cicéron, quand les moeurs eurent reçû le dernier degré de politesse, elegans étoit toûjours une loüange. Cicéron se sert en cent endroits de ce mot pour exprimer un homme, un discours poli; on disoit même alors un repas élégant, ce qui ne se diroit guere parmi nous. Ce terme est consacré en françois, comme chez les anciens Romains, à la Sculpture, à la Peinture, à l'Eloquence, & principalement à la Poésie. Il ne signifie pas en Peinture & en Sculpture précisément la même chose que grace. Ce terme grace se dit particulierement du visage, & on ne dit pas un visage élégant, comme des contours élégans: la raison en est que la grace a toujours quelque chose d'animé, & c'est dans le visage que paroit l'ame; ainsi on ne dit pas une démarche élégante, parce que la démarche est animée.

L'élégance d'un discours n'est pas l'éloquence, c'en est une partie; ce n'est pas la seule harmonie, le seul nombre, c'est la clarté, le nombre & le choix des paroles. Il y a des langues en Europe dans lesquelles rien n'est si rare qu'un discours élégant. Des terminaisons rudes, des consonnes fréquentes, des verbes auxiliaires nécessairement redoublés dans une même phrase, offensent l'oreille, même des naturels du pays.

Un discours peut être élégant sans être un bon discours, l'élégance n'étant en effet que le mérite des paroles; mais un discours ne peut être absolument bon sans être élégant.

L'élégance est encore plus nécessaire à la Poésie que l'éloquence, parce qu'elle est une partie principale de cette harmonie si nécessaire aux vers. Un orateur peut convaincre, émouvoir même sans élé<pb-> [p. 483] gance, sans pureté, sans nombre. Un poëme ne peut faire d'effet s'il n'est élégant: c'est un des principaux mérites de Virgile: Horace est bien moins élégant dans ses satyres, dans ses épîtres; aussi y est - il moins poëte, sermoni propior.

Le grand point dans la Poésie & dans l'Art oratoire, est que l'élégance ne fasse jamais tort à la sorce; & le poëte en cela, comme dans tout le reste, a de plus grandes difficultés à surmonter que l'orateur: car l'harmonie étant la base de son art, il ne doit pas se permettre un concours de syllabes rudes. Il faut même quelquefois sacrifier un peu de la pensée à l'élégance de l'expression: c'est une gêne que l'orateur n'éprouve jamais.

Il est à remarquer que si l'élégance a toûjours l'air facile, tout ce qui a cet air facile & naturel, n'est cependant pas élégant. Il n'y a rien de si facile, de si naturel que, la cigale ayant chanté tout l'été, &, maitre corbeau sur un arbre perché. Pourquoi ces morceaux manquent - ils d'élégance? c'est que cette naïveté est dépourvûe de mots choisis & d'harmonie. Amans heureux, voulez - vous voyager? que ce soit aux rives prochaines, & cent autres traits, ont avec d'autres mérites celui de l'élégance.

On dit rarement d'une comédie qu'elle est écrite élégamment. La naïveté & la rapidité d'un dialogue familier, excluent ce mérite, propre à toute autre poésie. L'élégance sembleroit faire tort au comique, on ne rit point d'une chose élégamment dite; cependant la plûpart des vers de l'Amphitrion de Moliere, excepté ceux de pure plaisanterie, sont élégans. Le mélange des dieux & des hommes dans cette piece unique en son genre, & les vers irréguliers qui forment un grand nombre de madrigaux, en sont peut - être la cause.

Un madrigal doit bien plûtôt être élégant qu'une épigramme, parce que le madrigal tient quelque chose des stances, & que l'épigramme tient du comique; l'un est fait pour exprimer un sentiment délicat, & l'autre un ridicule.

Dans le sublime il ne faut pas que l'éléganc se remarque, elle l'affoibliroit. Si on avoit loüé l'elégance du Jupiter - Olympien de Phidias, c'eût été en faire une satyre. L'élégance de la Vénus de Praxitele pouvoit étre remarquée. Voyez Eloquence, Eloquent, Style, Goût , &c. Cet article est de M. de Voltaire.

Elégance (Page 5:483)

Elégance, (Peinture.) L'élégance en Peinture consiste principalement dans la beauté du choix, & la délicatesse de l'exécution: c'est done une maniere d'être qui embellit les objets ou dans le dessein, ou dans la forme, ou dans la couleur, ou dans tous les trois ensemble, sans en détruire le vrai. Heureux présent du ciel, qu'on tient de la naissance, & qui ne dépend ni des maîtres, ni des préceptes! Le goût naturel donne l'élégance aux ouvrages de l'artiste, le goût la fait sentir à l'amateur.

Cette partie de la Peinture brille admirablement dans l'antique & dans Raphaël. N'imaginons pas néanmoins, par cette raison, qu'elle soit nécessairement fondée sur la correction du dessein, & qu'elle lui soit toûjours subordonnée; elle peut se trouver éminemment dans des ouvrages qui sont d'ailleurs négligés. Elle se trouve, par exemple, dans la plûpart des tableaux du Correge, où ce célebre maître peche souvent contre la justesse des proportions, tandis que dans ces mêmes tableaux il se montre par ses contours coulans, legers & sinueux, un peintre plein de graces & d'élégance. Voyez Correge, au mot Ecole Lombarde.

Cependant celui qui joint l'élégance à la correction, attache encore davantage par cette perfection nos avides regards. Un peintre de cet ordre éleve notre esprit, après l'avoir agréablement étonné, remplit notre attente, & touche presqu'au sublime de l'art. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ELEGIAQUE (Page 5:483)

ELEGIAQUE, adj. (Belles - Lett.) se dit de ce qui appartient à l'élégie, & s'applique plus particulierement à l'espece de vers qui entroient dans l'élégie des anciens, & qui consistoient en une suite de distiques formés d'un hexametre & d'un pentametre. Voyez Elégie, Distique, &c.

Cette forme de vers a été en usage de très - bonne heure dans les élégies, & Horace dit qu'on en ignore l'auteur:

Quis tamen exiguos elegos emiserit autor Grammatici certant, & adhuc sub judice lis est. Il avoit dit auparavant que la forme du distique avoit d'abord été employée pour exprimer la plainte, & qu'elle le fut ensuite aussi pour exprimer la satisfaction & la joie:

Versibus impariter junctis querimonia primùm, Post etiam inclusa est voti sententia compos. Sur quoi nous proposons aux savans les questions suivantes: 1°. pourquoi les anciens avoient - ils pris d'abord cette forme de vers pour les élégies tristes? est - ce parce que l'uniformité des distiques, les repos qui se succedent à intervalles égaux, & l'espece de monotonie qui y regnent, rendoient cette forme propre à exprimer l'abattement & la langueur qu'inspire la tristesse? 2°. Pourquoi ces mêmes vers ont - ils ensuite été employés à exprimer les sentimens d'une ame contente? seroit - ce que cette même forme, ou du moins le vers pentametre qui y entre, auroit une sorte de legereté & de facilité propres à exprimer la joie? seroit - ce qu'à mesure que les hommes se sont corrompus, l'expression des sentimens tendres & vrais est devenue moins commune & moins touchante, & qu'en conséquence la forme des vers consacrés à la tristesse, a été employée par les poëtes (bien ou mal - à - propos) à exprimer un sentiment contraire, par une bisarrerie à - peu - près semblable à celle qui a porté nos musiciens modernes à composer des sonates pour la flûte, instrument dont le caractere sembloit être d'exprimer la tendresse & & la tristesse? (O)

M. Marmontel nous a communiqué sur ce sujet les réflexions suivantes. L'inégalité des vers élégiaques les distingue, dit - il, des vers héroiques, dont la marche soûtenue caractérise la majesté:

Arma, gravi numero, violentaque bella parabam Edere, materiâ conveniente modis. Par erat inferior versus: risisse Cupido Dicitur, atque unum subripuisse pedem. Ovid. Am. lib. I. el. 1. Mais comment cette mesure pouvoit - elle peindre également deux affections de l'ame opposées? c'est ce qui est encore sensible pour nos oreilles, continue M. Marmontel, malgré l'altération de la prosodie latine dans notre prononciation.

La tristesse & la joie ont cela de commun, que leurs mouvemens sont inégaux & fréquemment interrompus: l'un & l'autre suspendent la respiration, coupent la voix, rompent la mesure: l'une s'affoiblit, expire, & tombe; l'autre s'anime, tressaillit & s'élance. Or le vers pentametre a cette propriété, que ses interruptions peuvent être ou des chûtes ou des élans, suivant l'expression qu'on lui donne: la mesure en est donc également docile à peindre les mouvemens de la tristesse & de la joie. Mais comme dans la nature les mouvemens de l'une & de l'autre ne sont pas aussi fréquemment interrompus que ceux du vers pentametre, on y a joint, pour les suspendre & les soûtenir, la mesure ferme du vers héroïque: de - là le mélange alternatif de ces deux vers dans l'élégie.

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