ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Si l'on attache à l'extrémité du tube des corps naturellement électriques, tels qu'un morceau de verre, un bâton de soufre ou de cire d'Espagne, ces corps ne diminueront pas non plus, comme nous l'avons déja dit, la vertu du tube, mais ils ne recevront jamais de lui comme les métaux la propriété d'attirer & de repousser de petits corps legers: d'où l'on voit que les courans de la matiere électrique passent avec une très - grande facilité dans les corps non électriques, puisque ceux - ci en deviennent électrisés, & qu'ils leur servent de moyens pour se dissiper & se répandre dans la terre; au lieu que les corps naturellement électriques ne reçoivent rien du tube, & ne sauroient transmettre ses émanations. Voici quelques expériences qui confirmeront cette vérité.

I. Expérience. Si on met une barre de fer ou tout autre corps non électrique sur un guéridon de verre d'un pié & demi de hauteur & bien sec, ou sur un pain de cire un peu épais, sur une masse de soufre ou de résme, &c. ensorte que cette barre soit absolument isolée & éloignée de tout autre corps; aussitôt qu'on approchera d'elle un tube de verre nouvellement froté, elle pourra attirer de petites feuilles d'or battu, ou d'autres corps legers, de tous les points de sa surface, & elle conservera cette vertu pendant quelques minutes, même après qu'on aura éloigné le tube.

Ces effets d'attraction & de repulsion seront d'autant plus vifs & plus sensibles, que le tube aura été plus rapidement froté, que l'air de l'atmosphere sera plus sec, ou dans l'égalité de toutes ces circonstances, suivant que la barre aura plus d'étendue en longueur & en surface; ensorte qu'un long tuyau de fer - blanc de quatre à cinq pouces de diametre, ainsi électrisé par le tube, paroîtra attirer beaucoup plus vivement qu'une simple barre de fer moins grosse & beaucoup plus pesante.

Mais si au lieu d'un corps métallique on met sur le guéridon de verre quelque corps que ce soit, facile à électriser par le frotement; par exemple, un long tuyau de verre bien sec, un écheveau de soie, un pain de résine, ou un long canon de soufre, aucun de ces corps ne deviendra électrique par l'approche du tube, ou ne recevra tout au plus qu'une très foible vertu.

Nous exceptons cependant un cas particulier, dans lequel le verre associé à des corps non - électriques, reçoit beaucoup d'électricité par communication. Ce cas, dont l'examen nous meneroit trop loin, a rapport à la fameuse expérience de Leyde. Voyez cette expérience au mot Coup - foudroyant.

II. Expérience. Lorsqu'on électrise une barre de fer posée sur un guéridon de verre, si quelqu'un y applique le bout du doigt, elle cessera aussi - tôt d'être électrique, quelque rapidement que l'on continue de froter le tube; & la même chose arrivera, si au lieu d'y mettre le doigt, on y attache une petite chaîne de métal qui traîne jusqu'à terre. Cependant si la personne qui touche la barre, est montée sur un pain de résine; ou si la chaîne, au lieu de traîner à terre, est soûtenue par un cordon de soie, non - seulement la barre deviendra électrique, comme à l'ordinaire, en approchant le tube, mais la personne & la chaîne recevront aussi de l'électricité par communication.

III. Expérience. Si au lieu de toucher à la barre avec le doigt, on lui touche avec un morceau de verre bien sec, un bâton de cire d'Espagne, un morceau d'ambre ou de jayet, elle deviendra tout aussi électrique à l'approche du tube, que si rien ne lui touchoit.

On voit donc par ces expériences, que les corps non - électriques, tels que les métaux, les hommes, &c. reçoivent de la matiere électrique par la simple approche du tube de verre froté; qu'ils transmettent cette même matiere, & la partagent avec les autres non - électriques qui leur sont contigus; au lieu que les corps naturellement électriques ne reçoivent rien du tube, & ne permettent pas à ses émanations de se répandre: car si le verre, la soie, la cire d'Espagne, le soufre, &c. n'avoient pas la propriété d'arrêter la matiere électrique, les phénomenes de l' é - lectricité ne nous seroient jamais rendus sensibles, & les courans de cette matiere se dissiperoient dans la terre sans que nous nous en apperçûssions, à mesure qu'ils sortiroient du tube. C'est pourquoi on employe ces sortes de corps pour supporter ceux à qui on veut communiquer de l'électricité. On se sert de cordons de soie, de crin ou de laine, quand ils ne sont pas trop pesans, & qu'il est plus commode de les suspendre. On pose les plus solides sur des pié - d'estaux garnis de glaces étamées par - dessous, sur des pains de cire jaune, ou sur des masses de poix & de résines seules ou mêlées ensemble, & auxquelles il est bon d'ajoûter du soufre en poudre, pour leur donner plus de dureté & de sécheresse. On verse ces matieres fondues & mêlées, dans des caisses de bois de deux piés en quarré, & de deux pouces de profondeur, ce qui forme des gâteaux très - commodes pour électriser des hommes. On doit toûjours prendre garde que tous ces supports soient bien secs & un peu chauffés auparavant que de faire les expériences; & l'on doit choisir, autant qu'il est possible, un lieu sec & vaste.

Les expériences suivantes vont répandre encore plus de lumiere sur toutes ces observations, en même tems qu'elles feront connoître de nouvelles propriétés de la matiere électrique. Nous avons préféré de rapporter celles dans lesquelles on électrise par communication une ou plusieurs personnes, parce qu'elles nous découvrent quelques phénomenes que le sentiment seul peut faire appercevoir; mais à l'exception de ces phénomenes, on doit entendre que tout ce qui arrive à des personnes électrisées, arrive aussi aux métaux & aux autres corps non - électriques, pourvû qu'ils soient exactement dans les mêmes circonstances.

IV. Expérience. Si dans un lieu suffisamment spacieux on fait monter un homme sur un pain de résine bien sec, d'environ quinze pouces de diametre, & de sept à huit pouces d'épaisseur, & que d'une main cet homme touche legerement la partie supérieure du globe tandis qu'on le frote & qu'il tourne avec rapidité, au bout de quelques secondes il deviendra électrique depuis les piés jusqu'à la tête, ainsi que dans ses habits, & on pourra observer les phénomenes suivans.

1°. Son autre main & toutes les parties de son corps attireront & repousseront de très loin les petits corps legers; savoir à la distance de trois à quatre piés, & même davantage, si le tems est favorable.

2°. Tous les corps non - électriques qu'il tiendra dans sa main, s'électriseront comme lui, pourvû qu'ils ne touchent qu'à lui seul, ou qu'ils soient supportés par des corps électriques bien séchés. Bien loin que ces corps en s'électrisant diminuent la vertu que la personne aura reçûe du globe, elle paroîtra au contraire un peu plus forte, tant dans cette personne que dans les corps qu'elle tiendra: & si on augmente prodigieusement l'étendue de ces corps, sur - tout en surface & en longueur, par exemple, si on fait communiquer cette personne à une longue chaîne de fer, ou encore mieux à de gros & longs tuyaux de fer - blanc suspendus à des cordons de soie, la vertu électrique paroîtra de beaucoup plus forte dans la personne électrisée, ainsi que la surface de la chaîne ou des tuyaux. [p. 473]

3°. Si cette personne donne la main à une autre semblablement posée sur un pain de résine, celle - ci deviendra aussi électrique que la premiere; & il en arrivera de même à autant de personnes que l'on voudra, pourvû qu'elles soient toutes posées sur des matieres électriques, comme des pains de résine, &c. & qu'elles se communiquent uniquement entr'elles, soit en se donnant la main, soit en tenant les extrémités d'une barre ou d'une chaîne de fer, ou de tout autre corps semblable qui puisse transmettre l'électricité. Mais la vertu cessera dans toutes à la fois, si une personne qui n'est point électrique, en touche une seule de la bande, ou s'il y a quelqu'autre communication directe avec des corps non - électriques. Il est cependant arrivé quelquefois, lorsque l'électricité étoit bien forte, qu'une personne est descendue de dessus le pain de résine, & a marché quelques pas dans une chambre, sans perdre entierement son électricité: mais on a toûjours observé que sa vertu diminuoit très - rapidement; & que cette expérience, qui paroît contraire aux effets ordinaires de l'électricité, n'avoit lieu que dans un tems très - sec, & sur un plancher naturellement un peu électrique.

4°. Si la premiere personne qui a sa main étendue sur le globe cesse de le toucher tandis qu'on le frote, elle conservera pendant quelque tems l'électricité qu'elle aura reçue, ainsi que toutes les personnes qui seront électrisées avec elle, cependant les effets d'attraction & de répulsion s'affoibliront insensiblement jusqu'au point de disparoître; mais ils s'évanoüiroient sur le champ, si cette personne en touchoit une autre qui ne fût pas électrique.

Les grands tuyaux de fer - blanc électrisés de cette maniere, conservent leur électricité bien plus longtems que les animaux après qu'on a interrompu leur communication avec le globe; ce qui arrive vraissemblablement parce que leur matiere électrique ne se dissipe pas comme dans les animaux avec celle de la transpiration; mais ils perdent comme eux dans un instant toute la vertu qui leur a été communiquée, dès qu'une personne qui n'est point électrique leur touche du bout du doigt en quelque point que ce soit. Le départ de la matiere électrique est marqué comme son entrée par une étincelle qui frappe le doigt de celui qui leur touche, & cette étincelle est également vive en quelque endroit qu'on présente le doigt.

5°. Si une personne qui n'est point électrisée approche graduellement la main du visage de la premiere, elle sentira l'impression d'une atmosphere fluide, qui environne tout le corps de la personne électrisée, & en continuant d'approcher le doigt de quelque partie saillante, du nez, par exemple, le doigt & le nez paroîtront lumineux dans l'obscurité; enfin quand ces deux parties s'approcheront encore davantage, il sortira avec bruit une étincelle trèséclatante qui frappera les deux personnes en même tems, & leur fera sentir une douleur d'autant plus vive que l'électricité sera plus forte. Cette étincelle sortira pareillement de toutes les parties de la personne électrisée, desquelles on approchera le doigt, & même au - travers de ses habits.

C'est dans l'explosion de cette étincelle, que s'élance la matiere électrique dans les corps auxquels elle se communique; ainsi des tuyaux de fer - blanc suspendus par des cordons de soie, seront électrisés tout - d'un - coup par une seule étincelle qui sort du doigt de la personne électrisée par le globe: & toutes choses égales d'ailleurs, cette étincelle sera, comme la vertu attractive, d'autant plus forte que ces tuy aux auront plus d'étendue en surface & en longueur.

6°. Lorsqu'on s'approche assez près d'unepersonne électrisée, on sent exhaler de son corps une odeur extraordinaire que quelques - uns rapportent à celle du phosphore d'urine: cette odeur est remarquable dans toutes les parties de la personne électrisée, & même dans tous les corps non électriques qu'elle tient dans sa main. elle sort de même d'un tuyau de fer - blanc électrisé immédiatement par le globe, & elle s'imprime pendant quelque tems dans les corps que l'on présente à ceux qui sont électrisés pour en faire sortir de la lumiere.

V. Expérience. On a posé sur des cordons de soie tendus horisontalement, à quatre ou cinq piés au - dessus de la surface de la terre, un sil - de - ser d'un quart de ligne de diametre, & long d'environ deux mille toises: une de ses extrémités etoit arrêtée par un cordon de soie au - dessus du globe, afin d'en recevoir de l'électricité, & on a suspendu à l'autre une balle de plomb, de laquelle on approchoit de tems en tems des feuilles d'or battu, pour reconnoître si elle devenoit électrique.

Après cinq ou six tours de roue l'électricité a passé dans le sil - de - fer, & s'est communiquée très - promptement jusqu'à la balle de plomb, ensorte que les feuilles d'or ont été attirées & repoussées à la distance de cinq à six pouces.

2°. Cette balle est devenue pareillement électrique en quelqu'endroit du sil - de - fer qu'elle ait été suspendue, soit à son extrémité proche du globe, soit dans son milieu, soit partout ailleurs dans toute son étendue: il y a beaucoup d'apparence que la matiere électrique se répandroit également dans un filde - fer d'une longueur encore bien plus considérable.

3°. Tous les corps qu'on s'est avisé de substituer à la balle de plomb se sont électrisés pareillement, & ont attiré la feuille d'or, mais non pas tous avec une égale vivacité; car les métaux, les animaux vivans, & les liqueurs, ont attiré toûjours plus vivement que le bois, la pierre, & les autres corps un peu électriques; en général ceux - ci attiroient d'autant plus foiblement qu'ils avoient plus de dispositien à s'électriser par la voie du frotement.

4°. Non - seulement la balle de plomb & tous les corps suspendus ont attiré & repoussé les seuilles d'or, mais il en est sorti lorsqu'on leur a présenté le doigt, des étincelles lumineuses, comme lorsqu'on électrisoit une personne posée sur un gateau de résine; & cette étincelle n'a pas été plus vive lorsque la balle étoit suspendue proche du globe, que lorsqu'elle étoit à l'autre extrémité du fil - de - fer.

5°. Tous ces effets ont entierement cessé lorsqu'une personne qui n'étoit point électrique a pince le fil - de - fer proche l'une ou l'autre de ses extremités, & ils ont recommence à paroître des qu'on a cessé de le toucher. Cependant si cette personne étoit montée sur un gateau de résine, elle avoit beau toucher le fil - de - fer, il restoit aussi electrique qu'auparavant.

6°. Les mêmes effets arrivoient, quoiqu'avec un peu plus de peine, quand on substituoit aux cordons de soie qui servoient de supports, des cordons de crin ou de laine: mais il ne paroissoit rien si les cordons étoient de chanvre, de fil, ou si les cordons de soie étoient mouillés, & encore moins si on s'étoit servi de fil d'archal ou de laiton, ou de toute autre matiere qui pût transmettre l'électricité.

7°. Lorsqu'on substituoit au grand fil - de - fer une corde de chanvre, la balle pendue à son extrémité devenoit électrique, mais avec plus de difficulté que lorsqu'elle étoit au bout du fil - de - fer, sur - tout si la corde étoit seche; car lorsque la corde étoit bien mouillée, l'électricité passoit beaucoup mieux.

8°. Si on substituoit au fil - de - fer un cordon de soie bien sec, ou un long tuyau de verre, ils ne recevoient l'un & l'autre qu'une électricité très - foible;

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