ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"470"> priété; que le verre, les pierres prétieuses, la soie, la laine, le crin, & presque tous les poils des animaux, avoient la même vertu; qu'il suffit de bien sécher chacun de ces corps, & de les froter un peu, pour voir voler vers eux tous les corps legers qu'on leur présente. Sur ces exemples on a depuis chauffé un peu plus vivement, & froté avec plus de patience une infinité d'autres corps, & on leur a trouvé aussi la même propriété; ensorte qu'en poussant plus loin cet examen, on s'est assûré que tous les corps de la nature peuvent devenir électriques, pourvû qu'ils soient auparavant parfaitement séchés & frotés.

Néanmoins les métaux se sont constamment soustraits à cette épreuve; rougis, frotés, battus, limés, ils n'ont jamais donné le moindre signe d'attraction électrique; ensorte qu'ils font une exception à la regle générale, ainsi que l'eau & toutes les liqueurs qu'il est impossible de soûmettre au frotement.

En examinant à quel degré tous les corps de la nature deviennent électriques par l'effet du frotement, on voit que l'on peut descendre par une infinité de nuances de ceux qui s'électrisent beaucoup & facilement, à ceux dont la vertu se rend à peine sensible, jusqu'à ce qu'on arrive aux métaux sur lesquels, comme on vient de le dire, le frotement n'a aucun effet; c'est pourquoi on a partagé en deux classes générales tous les corps de la nature, suivant qu'ils sont plus ou moins susceptibles d'électricité.

On a compris dans la premiere classe, ceux qui s'électrisent tres - facilement après avoir été un peu chauffés & frotés, & on les appelle simplement corps électriques: tels sont,

1° Les diamans blancs & colorés de toutes especes, le rubis, le saphir, le péridore, l'émeraude, l'opale, l'amethyste, la topase, le beril, les grenats, enfin le crystal de roche, & tous ceux qu'on appelle cailloux du Rhin, de Médoc, &c.

2° Le verre & tous les corps vitrifiés; savoir les émaux de toute couleur, la porcelaine, le verre d'antimoine, de plomb, &c.

3° Les baumes, larmes & résines de toutes especes, telles que la poix noire, la poix - résine, la terebenthine cuite, la colophone, le baume du Pérou, le mastic, la gomme - copal, la gomme - lacque, & la cire, &c.

4° Les bitumes, le soufre, le succin, le jayet, l'asphalte, &c.

5° Certains produits des animaux, tels que la soie, les plumes, le crin, la laine, les cheveux, & tous les poils des animaux morts ou vivans.

La seconde classe contient les corps qui ne s'électrisent pas du tout par le frotement, ou du moins très - peu, & que l'on nomme pour cet effet non électriques; savoir,

1° L'eau & toutes les liqueurs aqueuses & spiritueuses, qui sont incapables de s'épaissir & d'être frotées.

2° Tous les métaux parfaits & imparfaits, & la plûpart des minéraux; savoir l'aimant, l'antimoine, le zinc, le bismuth, l'agathe, le jaspe, le marbre, le grais, l'ardoise, la pierre de taille, &c.

3° Tous les animaux vivans, à l'exception de leurs poils. On peut y joindre aussi la plûpart de leurs produits; savoir le cuir, le parchemin, les os, l'ivoire, la corne, les dents, l'écaille, la baleine, les coquilles, &c.

4° Enfin les arbres & toutes les plantes vivantes, & la plûpart des choses qui en dépendent, telles que le fil, la corde, la toile, le papier, &c.

Ce n'est pas que ces corps ne puissent jamais devenir électriques par d'autres moyens que par la chaleur & le frotement, mais parce que ces deux préparations leur sont ordinairement insuffisantes. En effet, quoique les métaux & les liqueurs ne puis<cb-> sent pas devenir électriques par la voie du frotement, ils le deviennent très - bien, comme nous le verrons dans la suite, dans la simple approche d'un autre corps électrisé. Il est vrai que ces corps ne peuvent manifester la vertu qu'ils recoivent, que dans de certaines circonstances, & qu'ils la perdent avec la même facilité qu'ils la reçoivent, si on ne prend pas quelque précaution pour la leur conserver, & la fixer, pour ainsi dire, dans leur étendue. Cette précaution, pour le dire d'avance, consiste à les poser sur des corps électriques un peu élevés, & à les éloigner suffisamment de ceux qui pourroient leur enlever les courans de matiere électrique, à mesure qu'on les répandroit sur eux.

Ainsi une barre de fer deviendra électrique par l'approche d'un tube de verre froté, si elle est soûtenue horisontalement par deux autres tuyaux de verre bien secs, ou suspendue par des cordons de soie, ou enfin posée sur un pain de résine de quelques pouces d'épaisseur; & on électrisera de même l'eau & les autres métaux, ainsi que tous les autres corps qui ne pouvant être électrisés que très - peu par le frotement, sont rangés dans la classe des nonélectriques. Ceux - ci acquéreront même beaucoup plus d'électricité par le moyen que nous venons d'indiquer, qu'on ne leur en pourroit jamais exciter en les frotant.

Le frotement a paru nécessaire en général pour exciter les mouvemens de la matiere électrique, & rendre apparens ses effets d'attraction & de répulsion, & il y a même très - peu de corps qui puissent devenir électriques sans cette préparation; cependant il suffit que quelques - uns le soient devenus sans ce secours, ni celui de la communication, pour qu'on puisse conclure que le frotement n'est pas absolument essentiel à la production des effets de l'électricité. En effet, un gros morceau de succin ou de jayet, dont la surface est large & bien polie, un cone de soufre fondu dans un verre à boire bien sec, &c. conserve de la vertu électrique pendant des années entieres & sans le secours d'aucun frotement, foible à la vérité, mais qui n'est pas moins bien caractérisée par l'attraction & la répulsion d'un cheveu. On peut joindre à ces exemples celui d'une pierre plate & orbiculaire que l'on trouve dans quelques - unes des rivieres de Ceylan, & qui attire & repousse successivement des paillettes, sans qu'il soit jamais besoin de la froter pour exciter sa vertu.

Mais si le frotement ne paroît pas absolument nécessaire pour produire de l'électricité, on ne sauroit nier qu'il n'y contribue infiniment; car sans parler du plus grand nombre des corps qui n'ont jamais de vertu électrique qu'à force de frotement, il est constant, par des expériences réitérées, que ceux même qui ont cette vertu sans ce secours, produisent des effets électriques d'autant plus considérables qu'ils sont plus vivement frotés.

Il est également nécessaire que les corps que l'on veut électriser par le frotement, soient exemts de toute humidité: celle qu'ils contiendroient dans leurs pores, & qui paroît d'ailleurs se répandre sur eux, paroît un obstacle bien décidé à ce qu'ils deviennent électriques. On a beau froter un corps humide, il n'a jamais qu'une vertu foible & languissante; au lieu que lorsqu'il est bien sec, le moindre frotement suffit pour exciter la matiere en abondance, & lui faire produire les effets les plus sensibles. De même la vertu électrique n'est jamais plus apparente dans un corps que lorsque l'air est bien sec & bien serein, sur - tout s'il souffle un vent frais du nord ou du nordest: au contraire lorsque le vent est du sud ou de l'oüest, & que l'air se trouve chargé de vapeurs humides, les effets de l'électricité sont à peine sensibles; en sorte que les corps qui ne montrent qu'une [p. 471] médiocre électricité par un tems sec, paroissent n'en point avoir du tout dans un tems humide & pluvieux, & c'est sans doute parce que les grandes chaleurs sont presque toûjours accompagnées d'humidité, que les expériences sur l'électricité réussissent moins bien en été qu'en hyver.

Cependant cette condition n'est pas plus essentielle que le frotement à la production de l'électricité: l'humidité enleve & détourne la matiere électrique, mais elle n'empêche pas qu'elle ne soit excitée; elle ne nous ôte que l'apparence de ses effets sans les anéantir véritablement: car si on respire sur un morceau d'ambre échauffé, ou sur un tuyau de verre, immédiatement apres qu'ils auroient été frotés, ils cesseront tout - à - coup de paroître électriques, mais leur vertu se rétablira aussi - tôt que l'humidité se sera évaporée, ensorte qu'ils produiront comme auparavant tous leurs effets d'attraction & de répulsion.

La flamme paroît nuire plus positivement à l'électricité; en approchant seulement une bougie allumée d'un tube de verre froté, ou d'une barre de fer électrisée par communication, on voit sensiblement diminuer leur vertu électrique, lors même que la bougie en est encore éloignée de 12 à 15 pouces. Cette vertu disparoît à vûe d'oeil, à mesure qu'on approche la bougie de plus près; ensorte que si on porte subitement la flamme sur ces corps électriques, leur vertu cesse aussi - tôt, & ne se rétablit qu'avec peine par un nouveau frotement. Le charbon & tous les corps embrasés produisent le même effet, aussi bien que les métaux qu'on a fait rougir jusqu'au blanc: ceux - ci n'ont cependant pas la même propriété, quand ils sont seulement bien échauffés & qu'ils ne commencent qu'à rougir; ce qui prouveroit que ce n'est pas par l'effet de la chaleur que disparoît la vertu électrique, mais plûtôt par l'effet des vapeurs & des émanations particulieres que les corps embrasés laissent échapper. On s'attend bien par cet effet de la flamme sur les corps actuellement électriques, que les corps enflammes ne sauroient guere être attirés; aussi l'approche d'un tube électrique n'excite - t - elle aucun mouvement dans la flamme d'une bougie, ni dans un morcean de papier enflammé & suspendu par un fil.

On ignore quel est le plus électrique de tous les corps, à cause de la difficulté qu'il y a de les comparer exactement volume à volume; cependant on a reconnu en général que le diamant & les pierres précieuses, le crystal de roche, &c. deviennent plus fortement électriques que les corps résineux: mais il n'y en a pas dont les Physiciens se soient plus servis que du verre, tant parce qu'il est naturellement très - électrique, que parce que l'on a la facilité de lui donner toute sorte de formes commodes, comme celle d'un tube, d'un globe ou d'un cylindre. Le tube a ordinairement trois piés de longueur, un pouce & demi de diametre, & une ligne & demie d'épaisseur: ces dimensions ne sont que commodes, & ne sont point essentielles pour produire de l'électricité: il est plus avantageux qu'il soit fermé hermétiquement par une de ses extrémités, & que l'on puisse boucher l'autre avec un bouchon de liége, pour empêcher la poussiere & l'humidité de s'y introduire. On le frote suivant sa longueur après l'avoir un peu séché au feu; & de toutes les matieres qu'on peut employer pour le froter, il n'y en a pas qui réussisse mieux que la main seche, ou garnie d'un morceau de papier pour en absorber l'humidité. Les effets de cet instrument sont très - sensibles, il est souvent le plus commode, & c'est par son moyen que les Physiciens ont fait leurs principales découvertes sur l'électricité.

Pour éviter la fatigue du frotement, & aussi pour rendre les phénomenes électriques beaucoup plus forts & plus apparens, on a substitué au tube un globe de verre creux, d'environ un pié de diametre & aussi d'une ligne & demie d'épaisseur: par le moyen de deux calotes de bois tournées & mastiquées extérieurement aux endroits de ses poles, on peut le retenir entre deux pointes comme les ouvrages du tour, & le faire tourner rapidement sur son axe par le mouvement d'une grande roue semblable à celle dont se servent les couteliers. (Voyez la figure 78 expliquée dans nos Planches de Physique.) En appliquant les mains sous l'équateur de ce globe, tandis qu'il tourne avec rapidité, on excite sur cette partie de sa surface un mouvement beaucoup plus vif qu'on ne peut faire avec le tube. la matiere électrique est excitée en bien plus grande abondance, & il en résulte de plus grands effets. Quoiqu'il soit plus avantageux de froter ce globe avec les mains nues & bien seches, quelques Physiciens ont imaginé pour une plus grande simplicité & uniformité, de le froter avec un coussinet un peu concave & serré convenablement contre l'équateur du globe; ils ont employé avec succès différentes matieres pour recouvrir ce coussinet, & quelques - uns ont préféré une feuille de papier doré, dont la dorure est appliquée contre le globe. L'usage du coussinet a fait imaginer de substituer au globe un vaisseau de verre cylindrique, qu'on peut faire tourner & froter de la même maniere. Voyez la figure 79.

Le verre froté sous l'une ou l'autre de ces formes, acquiert en peu de tems une vertu électrique très considérable, elle se fait appercevoir par le mouvement des corps legers qu'il attire vivement à la distance de deux à trois piés; on sent alors, en approchant le visage ou la main, l'impression de la matiere électrique qui se répand de dessus le verre, & qui fait l'effet d'un voile délié qu'on passeroit très - legerement sur la peau de ces parties. Ces émanations continuent à se répandre tant que l'on frote le verre; & lorsqu'on cesse de froter, elles continuent encore quelque tems en diminuant graduellement jusqu'à ce qu'enfin elles s'évanoüissent.

L'application des autres corps électriques bien secs, sur la superficie du tube ou du globe frotés, ne diminue pas sensiblement leur vertu: on a beau les toucher en différens endroits avec un autre tube de verre, un morceau d'ambre, de soufre ou de cire d'Espagne, on n'appercevra aucun changement ni dans l'étendue de leurs émanations ni dans leur vivacité à attirer ou à repousser les corps legers, non plus que dans la durée de leur vertu. Au contraire le voisinage des corps non électriques, ou leur application immédiate sur le tube, diminue très promptement l'électricité qu'on a produite par le frotement, ensorte qu'on éteint presqu'en un moment toute sa vertu, en l'empoignant dans l'endroit où il a été froté, ou bien en le présentant par cet endroit à du métal ou à quelqu'autre corps aussi peu électrique.

Cette propriété qu'ont les métaux d'éteindre presque en un instant la vertu d'un corps électrique froté, n'a lieu qu'autant qu'ils établissent une communication entre le corps électrique & la terre, au moyen de laquelle les émanations qu'il répand se dirigent & se transmettent promptement à notre globe; car si l'on applique à l'extrémité d'un tube un corps non électrique quelconque, comme un morceau de métal; & qu'on frote le tube à l'ordinaire, en prenant garde que ce corps qu'on aura attaché au tube ne touche point à aucun autre, non seulement ce métal ne diminuera pas la vertu du tube, parce qu'il n'établit plus de communication avec la terre, mais il deviendra lui - même électrique, & sera capable d'attirer & de repousser les petits corps legers.

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