ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"304"> l'espece de philosophie, qu'on nomme autrement & plus communément scholastique, qui a substitué les mots aux choses, & les questions frivoles ou ridicules, aux grands objets de la véritable Philosophie; qui explique par des termes barbares des choses inintelligibles; qui a fait naître ou mis en honneur les universaux, les cathégories, les prédicamens, les degrés métaphysiques, les secondes intentions, l'horreur du vuide, &c. Cette philosophie est née de l'esprit & de l'ignorance. On peut rapporter son origine, ou du moins sa plus brillante époque, au douzieme siecle, dans le tems où l'université de Paris a commencé à prendre une forme éclatante & durable. Le peu de connoissances qui étoit alors répandu dans l'univers, le défaut de livres, d'observations, & le peu de facilité qu'on avoit à s'en procurer, tournerent tous les esprits du côté des questions oisives; on raisonna sur les abstractions, au lieu de raisonner sur les êtres réels: on créa pour ce nouveau genre d'étude une langue nouvelle, & on se crut savant parce qu'on avoit appris cette langue. On ne peut trop regretter que la plûpart des auteurs scholastiques ayent fait un usage si misérable de la sagacité & de la subtilité extrème qu'on remarque dans leurs écrits; tant d'esprit mieux employé, eût fait faire aux Sciences de grands progrès dans un autre tems; & il semble que dans les grandes bibliotheques on pourroit écrire au - dessus des endroits où la collection des scholastiques est renfermée, ut quid perditio hoec?

C'est à Descartes que nous avons l'obligation principale d'avoir secoüé le joug de cette barbarie; ce grand homme nous a détrompés de la philosophie de l'école (& peut - être même, sans le vouloir, de la sienne; mais ce n'est pas dequoi il s'agit ici). L'université de Paris, grace à quelques professeurs vraiment éclairés, se delivre insensiblement de cette lepre; cependant elle n'en est pas encore tout - à - fait guérie. Mais les universites d'Espagne & de Portugal, grace à l'inquisition qui les tyrannise, sont beaucoup moins avancées; la Philosophie y est encore dans le même état où elle a été parmi nous depuis le douzieme jusqu'au dix - septieme siecles; les professeurs jurent même de n'en jamais enseigner d'autre: cela s'appelle prendre toutes les précautions possibles contre la lumiere. Dans un des journaux des savans de l'année 1752, à l'article des nouvelles lit<-> téraires, on ne peut lire sans étonnement & sans affliction, le titre de ce livre nouvellement imprimé à Lisbonne (au milieu du dix - huitieme siécle): Syste<-> ma aristotelicum de formis substantialibus, &c. cunt dissertatione de accidentibus absolutis. Ulyssipone 1750. On seroit tenté de croire que c'est une faute d'impression, & qu'il faut lire 1550. Voyez Aristotélisme, Scholastique, &c.

Nous seroit - il permis d'observer que la nomenclature inutile & fatigante, dont plusieurs sciences sont encore chargées, est peut - être un mauvais reste de l'ancien goût pour la philosophie de l'école? Voy. Botanique, Méthode, &c. (O)

Ecoles de Droit (Page 5:304)

Ecoles de Droit, (Jurispr:) sont des lieux où l'on enseigne publiquement la Jurisprudence.

Il n'y avoit point encore d'école publique de cette espece, sous les premiers empereurs romains; les jurisconsultes qu'ils avoient autorisés à répondre sur le droit, n'avoient d'autre fonction que de donner des consultations à ceux qui leur en demandoient, & de composer des commentaires sur les lois.

Ceux qui s'adonnoient à l'étude de la Jurisprudence, s'instruisoient par la lecture des lois & des ouvrages des jurisconsultes, & en conversant avec eux.

Quelques - uns de ces jurisconsultes, tels que Quintus Mucius, & peu après Trébatius, Cascelius, & Ofilius, tenoient chez eux des assemblées qui étoient en quelque sorte publiques par le concours de ceux qui y venoient pour apprendre sous eux la Jurisprudence.

Le jurisconsulte Ofilius avoit formé un éleve nommé Atteius Capiton, & Trébatius avoit de même formé Antistitius Labeo; ces deux éleves furent chacun auteurs d'une secte fameuse: savoir, Capiton de la secte des Sabiniens, ainsi appellée de Massurius Sabinus, premier disciple de Capito & premier chef de cette secte: Labeo fut auteur de la secte des Proculéiens, ainsi appellée de Proculus, un de ses sectateurs.

Ces assemblées des jurisconsultes avec leurs éleves & leurs sectateurs, formoient des especes d'éco<-> les, mais qui n'étoient point publiques.

La loi 5, au ff. de extraord. cogn. parle néanmoins de professeurs en droit civil, qui sont appellés pro<-> fessores juris civilis; mais ce n'étoient pas des prosesseurs publies: on les appelloit aussi juris studiosi, nom qui leur étoit commun avec leurs éleves & avec les assesseurs des juges.

L'école de Beryte ou Beroé, ville de Phénicie, paroît être la plus ancienne école publique de droit: c'est de - là qu'elle est nommée nutrix legum dans la constitution de Justinien, de ratione & methodo juris, §. 7. On ne sait pas précisément en quel tems elle fut fondée. Justinien en parle comme d'un établissement déjà ancien, qui avoit - été fait par ses prédécesseurs; & on la trouve déjà établie dans la loi premiere, au code qui oetate vel professione se excu<-> sant, laquelle est des empereurs Dioclétien & Maxime, qui regnoient en 285. Nicéphore Calliste, Sozomene, & Sidoine Apollinaire, en font aussi mention. Mais le premier qui en ait parlé, selon que le remarque M. Menage en ses amenités de droit, est Grégoire Thaumaturge, lequel vivoit sous Alexandre Severe, dont l'empire commença en 222. Cette école étoit une des plus florissantes, & distinguée des autres en ce qu'il y avoit alors quatre professeurs en droit: au lieu que dans les autres dont on va parler, il n'y en avoit que deux. Les incendies, les inondations, & les tremblemens de terre, qui ruinerent Béryte en divers tems, entre autres le tremblement de terre qui arriva du tems de l'empereur Constant, n'empêcherent pas que l'école de droit ne s'y rétablît. Elle le fut de nouveau par Justinien, & étoit encore célebre dans le septieme siecle, & qualifiée de mere des lois, comme on voit dans Zacharie de Myrilene:

Les empereurs Théodose le jeune & Valentinien III. établirent une autre école de droit à Constantinople en 425. Cette école étoit remplie par deux professeurs, dont l'un nommé Léontius, fut honoré des premiers emplois.

Quelques - uns ont avancé, mais sans preuve, que les mêmes empereurs avoient aussi établi deux professeurs de droit à Rome; il paroît seulement que l'é<-> cole de Rome étoit déjà établie avant Justinien.

En effet, cet empereur voulant que l'étude du droit fût mieux reglée que par le passé, restraignit la faculté d'enseigner le droit aux trois écoles ou académies qui étoient déjà établies dans les trois principales villes de l'empire, qui étoient Rome, Constantinople, & Beryte. Théodore & Cratinus furent professeurs à Constantinople; Dorothée & Anatolius, à Beryte; ceux de Rome furent sans doute aussi choisis parmi les jurisconsultes, auxquels Justinien adresse sa constitution au sujet de l'étude du droit.

Pour animer le zele de ces professeurs & leur attirer plus de considération, Justinien les fit participer aux premieres charges de l'empire; Théophile fut fait conseiller d'état, Cratinus thrésorier des libéralités du prince, Anatolius consul: tous furent [p. 305] affranchis des charges publiques, & on leur accorda les mêmes priviléges qu'aux professeurs des autres sciences.

Avant Justinien, l'étude du droit se bornoit à une legere explication de quelques ouvrages des jurisconsultes; le cours du droit duroit néanmoins quatre années.

Dans la premiere, on expliquoit les principaux titres des institutes de Caïus & de quatre traités, de vetere re uxoriâ, de tutelis, de testamentis, & de lega<-> tis. A la fin de cette année, les étudians étoient appellés dupondii; ce qui, selon quelques - uns, signifioit gens qui ne valoient encore que deux dragmes, c'est - à - dire gens qui étoient encore peu avancés; d'autres pensent qu'on les appelloit ainsi, parce que dans cette année on leur apprenoit à faire la supputation des parties de l'as romain, pour l'intelligence du partage des successions, & à faire le dupondius, c'est - à - dire la duplication de l'as, que l'on divisoit quelquefois en vingt - quatre onces au lieu de douze; ce que l'on appelloit dupondium facere.

La seconde année se passoit à voir deux traités l'un de judiciis, l'autre de rebus.

La troisieme étoit employée à leur expliquer les titres de ces mêmes traités que l'on avoit omis de leur expliquer l'année précédente; on y voyoit aussi les principaux endroits des huit premiers livres de Papinien.

La quatrieme & derniere année n'étoit plus proprement une année de leçons; car les étudians travailloient seuls sur les réponses du jurisconsulte Paul, dont ils apprenoient par coeur & récitoient les titres les plus importans.

Il étoit assez ordinaire que les étudians au bout de ce cours de droit, séjournassent encore plusieurs années dans la même ville où étoit l'école, afin de s'instruire plus à fond de la Jurisprudence; c'est pourquoi la loi 2, au code de incolis, décide qu'ils pouvoient séjourner dix ans dans ce lieu sans y acquérir de domicile.

Justinien régla que le cours de droit seroit de cinq années au lieu de quatre, & changea le plan des études.

Depuis ce tems, dans la premiere année on enseignoit aux étudians d'abord les institutes de Justinien: le reste de cette année, on leur expliquoit les quatre premiers livres du digeste; à la fin de cette année, on les appelloit Justiniani novi, titre que l'empereur lui - même leur attribua pour les encourager.

Les leçons de la seconde année rouloient sur les sept livres de judiciis, ou sur les huit livres de rebus, au choix des professeurs; on y joignoit les livres du digeste qui traitent de la dot, des tutelles & curatelles, des testamens, & des legs; & à la fin de cette année, les étudians prenoient le nom d'édictales, ce qui étoit déjà d'usage, & fut seulement confirmé par Justinien, lequel dit que ce nom ex edicto eis erat antea positum.

Dans la troisieme année, on repassoit d'abord ce que l'on avoit vû dans la précédente; on expliquoit ensuite les vingt & vingt - un livres du digeste, dont le premier contient beaucoup de réponses de Papinien; on voyoit aussi l'un des huit livres qui traitent de rebus; & pour graver dans la mémoire des étudians le souvenir de Papinien, en l'honneur duquel ils célébroient un jour de réjoüissance, Justinien leur conserva le titre de Papinianistoe, qu'ils portoient déjà auparavant.

On employoit la quatrieme année à expliquer les réponses du jurisconsulte Paul, & les livres qui formoient les quatrieme & cinquieme parties du digeste, suivant la division que Justinien en avoit fait en sept parties. On faisoit faire aux étudians pendant cette année, des exercices à - peu - près fembla<cb-> bles aux examens & aux theses d'aujourd'hui, dans lesquels ils répondoient aux questions qui leur étoient proposées, d'où ils étoient appellés LU/HAI, ou suivant Turnebe, LU/HOI, c'est - à - dire solutores.

Enfin dans la cinquieme année, les professeurs expliquoient le code de Justinien; & à la fin de cette année, les étudians étoient appellés WROLU/TAI, c'est - à - dire gens en état d'enseigner les autres: ce qui revient assez à nos licentiés.

Phocas étant parvenu à l'empire, fit composer en grec par Théophile, une paraphrase sur les institutes de Justinien; il fit aussi traduire en grec le digeste & le code; & depuis ce tems, les leçons publiques de droit furent faites en grec sur ces trois ouvrages.

L'empereur Basile & ses successeurs substituerent aux livres de Justinien la compilation du droit, qu'ils firent faire sous le titre de basiliques.

L'étude du droit romain fut abolie en Orient, depuis 1453 que Mahomet II. s'empara de Constantinople.

Pour ce qui est de l'Italie, quoique Justinien eût confirmé l'établissement d'une école de droit à Rome, & qu'il eût intention d'y faire enseigner & observer ses lois, les incursions que les barbares firent en ce pays peu de tems après sa mort, furent cause que les livres de Justinien se perdirent presque aussitôt qu'on avoit commencé à les connoître; de sorte que l'on continua d'y enseigner le code théodosien, les institutes de Caius, les fragmens d'Ulpien, les sentences de Paul.

Lorsque le digeste fut retrouvé à Amalphi, ville d'Italie, ce qui arriva vers le milieu du douzieme siecle, Papon professoit le droit à Boulogne; Warner, appellé en latin Irnerius, fut mis à sa place & se mit à enseigner le digeste: ce professeur étoit Allemand de naissance. Il n'y avoit pourtant point encore d'é<-> coles de droit en Allemagne; Haloander jurisconsulte du même pays, fut le premier qui vers l'an 1500, mit en vogue l'étude des lois romaines dans sa patrie.

En France l'étude du droit romain eut à - peu - près le même sort qu'en Italie.

Il y eut une école de droit, établie à Paris peu de tems après celle de théologie. On peut la regarder comme une suite de celle de Boulogne. Elle existoit dès le tems de Philippe Auguste. Il en est fait mention dans Rigord, qui vivoit peu après sous Louis VIII.

Pierre Placentin jurisconsulte, natif de Montpellier, y établit une école de droit, où il enseignoit les lois de Justinien dés l'année 1166. Il alla ensuite à Boulogne, où il professa quatre ans avec succès; puis revint à Montpellier.

Il y a apparence que l'on enseignoit aussi le droit romain dans plusieurs autres villes de France, puisque le concile de Tours défendit aux religieux d'étudier en droit civil, qu'on appelloit alors la loi mondaine.

Cette défense n'ayant point été suivie, Honorius III. la renouvella en 1225, par la fameuse decrétale super specula; en conséquence de laquelle il fut long - tems défendu d'enseigner le droit civil dans l'université de Paris. & dans les autres villes & lieux voisins.

Depuis cette défense, on n'enseignoit plus à Paris que le droit canon. Philippe - le - Bel, en 1312, rétablit l'étude du droit civil à Orléans; elle fut aussi établie dans la suite en plusieurs autres universités: mais elle ne fut rétablie dans celle de Paris, que par la déclaration du roi du mois d'Avril 1679.

L'étude du droit françois fut établie dans les éco<-> les de Paris, par une déclaration de l'année suivante.

Quant aux divers lieux où l'on a tenu les écoles de droit; cette école de droit étoit d'abord dans le parvis de Notre - Dame, sous la direction du chapitre de Notre - Dame & du chançelier de cette église.

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