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On voit par ces détails comment il est arrivé que ce qui devoit son origine à la nécessité, a été dans la suite du tems employé au secret, & enfin cultivé pour l'ornement. Mais par un effet de la vicissitude continuelle des choses, ces mêmes figures qui avoient d'abord été inventées pour la clarté, & puis converties en mysteres, ont repris à la longue leur premier usage. Dans les siecles florissans de la Grece & de Rome, elles étoient employées sur les monumens & sur les médailles, comme le moyen le plus propre à faire connoître la pensée; de sorte que le même symbole qui cachoit en Egypte une sagesse profonde, étoit entendu par le simple peuple en Grece & à Rome.
Tandis que ces deux nations savantes déchiffroient ces symboles à merveille, le peuple d'Egypte en oublioit la signification; & les trouvant consacrés dans les monumens publics, dans les lieux des assemblées de religion, & dans le cérémonial des fêtes qui ne changeoient point, il s'arrêta stupidement aux figures qu'il avoit sous ses yeux. N'allant pas plus loin que la figure symbolique, il en manqua le sens & la signification. Il prit cet homme habillé en roi, pour un homme qui gouvernoit le ciel, ou regnoit dans le Soleil; & les animaux figuratifs, pour des animaux réels. Voilà en partie l'origine de l'idolatrie, des erreurs, & des superstitions des Egyptiens, qui se transmirent à tous les peuples de la terre.
Au reste le langage a suivi les mêmes révolutions
& le même sort que l'écriture. Le premier expédient
qui a été imaginé pour communiquer les pensées
dans la conversation, cet effort grossier dû à la nécessité,
est venu de même que les premiers hiéroglyphes;
à se changer en mysteres par des figures & des
métaphores, qui servirent ensuite à l'ornement du
discours, & qui ont fini par l'élever jusqu'à l'art de
l'éloquence & de la persuasion. Voyez
Ecriture Chinoise (Page 5:360)
En effet, les caracteres de la Cochinchine, du Tongking, & du Japon, de l'aveu du P. du Halde, sont les mêmes que ceux de la Chine, & signifient les mêmes choses, sans toutefois que ces peuples en parlant s'expriment de la même sorte. Ainsi quoique les langues de ces pays - là soient très - différentes, & que les habitans ne puissent pas s'entendre les uns les autres en parlant, ils s'entendent fort bien en écrivant, & tous leurs livres sont communs,
Quelque déguisés que soient aujourd'hui ces caracteres, M. Warburthon croit qu'ils conservent encofe des traits qui montrent qu'ils tirent leur origine de la peinture & des images, c'est - à - dire de la représentation naturelle des choses pour celles qui ont une forme; & qu'à l'égard des choses qui n'en ont point, les marques destinées à les faire connoître ont été plus ou moins symboliques, & plus ou moins arbitraires.
M. Freret au contraire soûtient que cette origine est impossible à justifier, & que les caracteres chinois n'ont jamais eu qu'un rapport d'institution avec les choses qu'ils signifient. Voyez son idée sur cette matiere, mém. académiq. des Belles - Lett. tome Vl.
Sans entrer dans cette discussion, nous dirons seulement que par le témoignage des PP. Martini, Magaillans, Gaubil, Semedo, auxquels nous devons joindre M. Fourmont, il paroit prouvé que les Chinois se sont servis des images pour les choses que la peinture peut mettre sous les yeux, & des symboles, pour représenter par allégorie ou par allusion, les choses qui ne le peuvent être par elles - mêmes. Suivant les auteurs que nous venons de nommer, les Chinois ont eu des caracteres représentatifs des choses, pour celles qui ont une forme & des signes arbitraires, pour celles qui n'en ont point. Cette idée ne seroit - elle qu'une conjecture?
On pourroit peut - être, en distinguant les tems, concilier les deux opinions différentes au sujet des caracteres chinois. Celle qui veut qu'ils ayent été originairement des représentations grossieres des choses, se renfermeroit dans les caracteres inventés par Tsang - kié, & dans ceux qui peuvent avoir de l'analogie avec les choses qui ont une forme; & la tradition des critiques chinois, citée par M. Freret, qui regarde les caracteres comme des signes arbitraires dans leur origine, remonteroit jusqu'aux caracteres inventés sous Chun.
Quoi qu'il en soit: s'il est vrai que les caracteres
chinois ayent essuyé mille variations, comme on
n'en peut douter, il n'est plus possible de reconnoître
comment ils provienneut d'une écriture qui n'a
été qu'une simple peinture; mais il n'en est pas moins
vraissemblable que l'écriture des Chinois a dû commencer
comme celle des Egyptiens. Article de M. le
Chevalier
Ecriture des Egyptiens (Page 5:360)
1°. L'hiéroglyphique, qui se subdivisoit en curio<-> logique, dont l'écritûre étoit plus grossiere; & en tropi<-> que, où il paroissoit plus d'art.
2°. La symbolique, qui étoit double aussi; l'une plus simple, & tropique; l'autre plus mystérieuse, & allégorique.
Ces deux écritures, l'hiéroglyphique & la symboli<-> que, qui ont été connues sous le terme générique d'hiéroglyphes, que l'on distinguoit en hiéroglyphes propres & en hiéroglyphes symboliques, n'étoient pas formées avec les lettres d'un alphabet; mais elles l'étoient par des marques ou caracteres qui tenoient lieu des choses, & non des mots. [p. 361]
3°. L'épistolique, ainsi appellée parce qu'on ne s'en servoit que dans les affaires civiles.
4°. L'hiérogrammatique, qui n'étoit d'usage que dans les choses relatives à la religion.
Ces deux dernieres écritures, l'épistolique & l'hié<-> rogrammatique, tenoient lieu de mots, & étoient formées avec les lettres d'un alphabet.
Le premier degré de l'écriture hiéroglyphique, fut d'être employé de deux manieres; l'une plus simple, en mettant la partie principale pour le tout; & l'autre plus recherchée, en substituant une chose qui avoit des qualités ressemblantes, à la place d'une autre. La premiere espece forma l'hiéroglyphe curiologique; & la seconde, l'hiéroglyphe tropique. Ce dernier vint par gradation du premier, comme la nature de la chose & les monumens de l'antiquité nous l'apprennent; ainsi la Lune étoit quelquefois représentée par un demi - cercle, quelquefois par un cynocéphale. Dans cet exemple le premier hiéroglyphe est curio<-> logique; & le second, tropique. Les caracteres dont on se sert ordinairement pour marquer les signes du zodiaque, découvrent encore des traces d'origine égyptienne; ce font en effet des vestiges d'hiéroglyphes curiologiques réduits à un caractere d'écriture courante, semblable à celle des Chinois; cela. se distingue plus particulierement dans les marques astronomiques du Bélier, du Taureau, des Gémeaux, de la Balance, & du Verseau.
Toutes les écritures où la forme des choses étoit employée, ont eu leur état progressif, depuis le plus peut degré de perfection jusqu'au plus grand, & ont facilement passé d'un état à l'autre; ensorte qu'il y a eu peu de différence entre l'hiéroglyphe propre dans son dernier état, & le symbolique dans son premier état. En effet, la méthode d'exprimer l'hiéroglyphe tropique par des propriétés similaires, a dû naturellement produire du raffinement au sujet des qualités plus cachées des choses: c'est aussi ce qui est arrivé. Un pareil examen fait par les savans d'Egypte, occasionna une nouvelle espece d'écriture zoographique, appellée par les anciens symbolique.
Cependant les auteurs ont confondu l'origine de l'écriture hiéroglyphique & symbolique des Egyptiens, & n'ont point exactement distingué leurs natures & leurs usages différens. Ils ont présupposé que l'hiéroglyphe, aussi bien que le symbolé, étoient une figure mystérieuse; & par une méprise encore plus grande, que c'étoit une représentation de notions spéculatives de Philosophie & de Théologie: au lieu que l'hiéroglyphe n'étoit employé par les Egyptiens que dans les écrits publics & connus de tout le monde, qui renfermoient leurs réglemens civils & leur histoire.
Comme on distinguoit les hiéroglyphes propres en curiologiques & en tropiques, on a distingué de même en deux especes les hiéroglyphes symboliques; savoir en tropiques, qui approchoient plus de la nature de la chose; & en énigmatiques, où l'on appercevoit plus d'art. Par exemple, pour signifier le Soleil, quelquefois les Egyptiens peignoient un faucon; c'étoit - là un symbole tropique: d'autres fois ils peignoient un scarabée avec une boule ronde dans ses pattes; c'étoit - là un symbole énigmatique. Ainsi les caracteres proprement appellés symboles énigma<-> tiques, devinrent à la longue prodigieusement différens de ceux appellés hieroglyphiques curiologiques.
Mais lorsque l'étude de la Philosophie, qui avoit occasionné l'écriture symbolique, eut porté les savans d'Egypte à écrire beaucoup, ils se servirent, pour abréger, d'un caractere courant, que les anciens ont appellé hiérographique, ou hiéroglyphique abregé, qui conduisit à la méthode des lettres par le moyen d'un alphabet, d'après laquelle méthode l'é<-> criture épistolique a été formée.
Cependant cet alphabet épistolique occasionna bientôt l'invention d'un alphabet sacré, que les prêtres égyptiens réserverent pour eux - mêmes, afin de servir à leurs spéculations particulieres. Cette écri<-> ture fut nommée hiérogrammatique, à cause de l'usage auquel ils l'ont approprié.
Que les prêtres égyptiens ayent eu pour leurs
rits & leurs mysteres une pareille écriture, c'est ce
que nous assûre expressément Hérodote, liv. II. ch.
xxxvj. & il ne nous a pas toûjours rapporté des faits
aussi croyables. Celui - ci doit d'autant moins nous
surprendre, qu'une écriture sacrée, destinée aux secrets
de la religion, & conséquemment différente de
l'écriture ordinaire, a été mise en pratique par les prêtres
de presque toutes les nations: telles étoient les
lettres ammonéennes, non entendues du vulgaire, &
dont les prêtres seuls se servoient dans les choses sacrées: telles étoient encore les lettres sacrées des Babyloniens, & celles de la ville de Méroé. Théodoret
parlant des temples des Grecs en général, rapporte
qu'on s'y servoit de lettres qui avoient une forme
particuliere, & qu'on les appelloit sacerdotales. Enfin
M. Fourmont & d'autres savans sont persuadés que
cette coûtume générale des prêtres de la plûpart des
nations orientales, d'avoir des caracteres sacrés, destinés
pour eux uniquement, & des caracteres propha<->
nes ou d'un usage plus vulgaire, destinés pour le public,
regnoit aussi chez les Hébreux. Article de M.
le Chevalier
Ecriture hiéroglyphique (Page 5:361)
Ecriture - Sainte (Page 5:361)
On a déjà traité fort au long dans les volumes
précédens, un grand nombre de questions concernant
l'Ecriture - sainte, aux articles
I. L'autnenticité des Livres saints n'a besoin d'autres
preuves pour les Chrétiens, que le jugement &
la décision de l'Eglise, qui, en insérant ces Livres
dans le canon ou catalogue des Ecritures, a déclaré
avec une autorité suffisante pour les fideles, & sur
des motifs bien fondés, que ces Livres avoient été
inspirés, écrits par les auteurs dont ils portent le
nom; & qu'ils n'avoient été ni supposés dans leur
origine; ni interpolés ou corrompus dans la suite des
siecles. Mais cette assertion ne suffit pas contre l'incrédule,
& il faut lui démontrer par les regles ordinaires
de la critique, que ces Livres que nous nommons
divins, n'ont été ni supposés ni altérés, &
qu'ils ne sont point le pur ouvrage des hommes: sans
cela, quelle force tous les argumens tirés des Livres
saints, auront - ils aux yeux de l'homme disposé &
même intéressé à tout contester? La grande difficulté,
c'est que ces Livres cités à tout propos, dit - il,
par les Chrétiens & par les Juifs, en preuve du
dogme ou de la morale reçûe chez les uns & chez les
autres, ou chez ces deux peuples ensemble, n'ont
jamais été connus ni conservés que chez eux; qu'ils
avoient trop d'intérêt à ne les pas diviniser, pour
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