ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"328"> possédoit cet homme rare, sont la récompense de ses soins, de ses peines, & de ses travaux assidus, plûtôt que les fruits de son génie; mais travail ou génie, ce que ce grand maître a exécuté servira toûjours de modele à tous les peintres à venir.

Les compagnons d'étude du Dominiquin, après l'avoir méprisé, devinrent ses rivaux, ses envieux, & furent enfin si jaloux de son rare mérite, qu'ils tâcherent de détruire ses ouvrages par des moyens aussi honteux, que ceux qui furent employés en France dans le même siecle contre les peintures de le Sueur.

Le Dominiquin a parfaitement réussi dans les fresques; ses tableaux à l'huile ne sont pas pour la plûpart aussi bons; le travail se fait sentir dans les desseins & les études qu'il a fait à la pierre noire & à la plume; sa touche en est peinée, & leur médiocrité donneroit quelquefois lieu de douter du nom de leur auteur.

Guerchin, (Jean - François Barbiéri da Cento, dit le) né à Cento près de Bologne en 1590, mort en 1666. Le surnom de Guercino ou de Guerchin lui fut donné parce qu'il étoit louche. L'école des Carraches, la vûe des ouvrages des grands maîtres, & son génie, le firent marcher dans le chemin de la renommée.

Il s'attacha à la maniere du Caravage, préférablement à celle du Guide & de l'Albane, qui lui parut trop foible. Quoiqu'il ait peint avec peu de correction & d'agrément, & qu'il eût été à souhaiter qu'il eût joint à son grand goût de composition, à son dessein, à la fierté de son style, plus de noblesse dans les airs de tête, & plus de vérité dans les couleurs locales; cependant ces défauts ne peuvent empêcher que le Guerchin ne passe pour un grand maître dans l'esprit des connoisseurs.

Le nombre de ses ouvrages répandus dans toute l'Italie, est presque incroyable; personne n'a travaillé avec plus de facilité & de promptitude; il a peint beaucoup à fresque; il a fait aussi une quantité prodigieuse de desseins, qui sont à la vérité de simples esquisses, mais pleines de feu & d'esprit.

Mola, (Pietro Francesco) né dans le Milanès en 1621, mort à Rome en 1666. Il entra dans l'école de l'Albane, & se rendit ensuite à Venise, où il prit du Bassan & du Titien le goût du coloris. Il étoit bon dessinateur, & excellent paysagiste. On remarque dans ses peintures du génie, de l'invention, & beaucoup de facilité. Ses principaux ouvrages sont à Rome.

Cignani, (Carlo) né à Bologne en 1628, mort à Forli en 1719. Disciple de l'Albane, il acquit une grande réputation dans son art. La coupole de la Madona del Fuoco de la ville de Forli, où cet artiste a représenté le paradis, fait admirer la beauté de son génie. Il eut dix - huit enfans, dont un seul lui survécut, & aucun d'eux ne devint peintre. Le Cignani étoit correct dans son dessein, gracieux dans son coloris, élégant dans ses compositions. Il peignoit avec facilité, drapoit avec goût, & manquoit seulement de feu dans l'expression des passions de l'ame. Ses demi - figures sont finies, & ses Vierges très - belles. La douceur des moeurs, jointe à la bonté, à l'humanité, & à la générosité, caractérisoient son ame. Ses principaux ouvrages sont à Rome, à Bologne, & à Forli. Article de M. le Chevalier. de J'aucourt.

Ecole Romaine (Page 5:328)

Ecole Romaine, (Peinture.) On trouve dans les ouvrages des habiles maîtres de cette école un goût formé sur l'antique, qui fournit une source inépuisable de beautés du dessein, un beau choix d'attitudes, la finesse des expressions, un bel ordre de plis, un style poétique embelli par tout ce qu'une heureuse imagination peut inventer de grand, de pathétique, & d'extraordinaire. La touche de cette école est facile, savante, correcte & gracieuse; sa composition est quelquefois bisarre, mais élégante.

Le coloris est la partie qu'elle a négligée davantage, défaut commun à presque tous ceux qui ont correctement dessiné. Ils ont crû qu'ils perdroient le fruit de leurs tableaux, s'ils laissoient ignorer au monde à quel point ils possédoient cette partie, & qu'on leur pardonneroit aisément tout ce qui leur manqueroit d'ailleurs, quand on seroit content de la régularité de leurs desseins, de la correction dans les proportions, de l'élégance dans les contours, & de la délicatesse dans les expressions, objets essentiels de l'art.

Mais les intentions de cet art ne se trouvent pas moins dans le coloris que dans le dessein; car le peintre qui est l'imitateur de la nature, ne sauroit imiter cette nature, que parce qu'elle est visible; & elle n'est visible, que parce qu'elle est colorée. Disons donc que si le dessein est le fondement du coloris, s'il subsiste avant lui, c'est pour en recevoir sa perfection. Le peintre ébauche d'abord son sujet par le moyen du dessein; mais il ne peut le finir que par le coloris, qui, répandant le vrai sur les objets dessinés, y jette en même tems toute la perfection dont la peinture est susceptible.

Les peintres de l'école romaine ont le bonheur de nommer Raphael à leur tête; & il est certain que son mérite éminent, & les disciples qu'il a formés, sont la plus grande gloire de cette école. D'ailleurs les plus célebres artistés du monde, à commencer par Michel - Ange, ont embelli Rome de leurs chefs - d'oeuvre, afin de s'immortaliser eux - mêmes. Fn effet toutes les églises & tous les palais de cette capitale sont ornés des merveilles de l'art & de la nature. On ne peut voir sans étonnement la multitude de belles choses que Rome possede, malgré la perte de celles que les richesses des pays étrangers lui ont enlevees & lui enlevent journellement. Ses ruines seules lui procurent sans cesse d'admirables morceaux de seulpture antique, des statues, des colonnes, des basreliefs, &c. En un mot il n'y a qu'à profiter dans son séjour pour ceux qui veulent s'instruire des beaux Arts; aussi vient - on de toutes parts les y étudier. C'est un noble hommage, dit M. de Voltaire, que rend à Rome ancienne & moderne le desir de l'imiter; & l'on n'a point encore cessé de lui rendre cet hommage pour la peinture, quoiqu'elle soit dénuée depuis un tems considérable de peintres, dont les ouvrages puissent passer à la postérité. Plus cette derniere réflexion est vraie, plus ma liste de l'école romaine doit devenir moins nombreuse, en y comprenant même le curieux Antoine de Messine, qui porta de Flandres en Italie la découverte de la peinture à l'huile.

Antoine de Messine, ainsi nommé de cette ville sa patrie, florissoit vers l'an 1430. Il a été le premier des Italiens qui ait peint à l'huile. Ayant eu l'occasion de voir à Naples un tableau que le roi Alphonse venoit de recevoir de Flandres, il fut si surpris de la vivacité, de la force, & de la douceur des couleurs de ce tableau, qu'il quitta toutes ses affaires pour aller trouver Jean Van - Eyck, qu'on lui avoit dit être l'auteur de ce bel ouvrage. On sait quelles furent les suites du voyage d'Antoine; Van - Eyck lui communiqua noblement son secret: de retour à Venise, Bellin le lui arracha adroitement, & le rendit public dans cette ville.

Cependant Antoine l'avoit confié à un de ses éleves nommé Dominique. Ce Dominique appellé à Florence, en fit part généreusement à André del Castagno, qui par la plus noire ingratitude & par l'avidité du gain assassina son ami & son bienfaiteur. Tous ces évenemens arrivant coup sur coup, répandirent promptement le mystere de la peinture à l'huile dans toute l'Italie. Les écoles de Venise & de Florence en [p. 329] firent usage les premieres; mais celle de Rome ne tarda pas long - tems à les imiter.

Perugin, (Pierre) né à Perouse en 1446, mort dans la même ville en 1524. Elevé dans la pauvreté, il résolut, pour s'en tirer, de s'attacher à la peinture, dont les merveilles occupoient l'Italie, sur - tout depuis la divulgation du secret de la Peinture à l'huile. Le Perugin, après avoir étudié le dessein, se rendit à Florence où il prit des leçons avec Léonard de Vinci d'André Verrochio, qui florissoit alors dans cette ville. Une longue vie lui permit de faire un grand nombre d'ouvrages; & d'un autre côté beaucoup d'oeconomie, le mirent dans l'opulence, dont l'avarice l'empêcha de joüir. Enfin un silou lui ayant dérobé sa cassette, dans laquelle il portoit toûjours son argent avec lui, la douleur de cette perte causa sa mort. L'incendie du bourg de S. Pierre représentée dans la chapelle de Sixte au vatican, passe pour le chef - d'oeuvre du Perugin. Mais sa plus grande gloire est d'avoir eu Raphael pour disciple: je dis encore que c'est sa plus grande gloire, parce qu'il en profita lui - même, & qu'il devint le disciple à son tour. On voit par les tableaux que le Perugin a faits à la chapelle de Sixte au vatican, qu'il avoit appris de Raphael.

Raphael Sanzio, né à Urbin en 1483, mort à Rome en 1520. Voilà le roi de la peinture depuis le rétablissement des beaux Arts en Italiè! Il n'a point encore eu d'égal, quoique l'art de la Peinture renferme présentement une infinité d'observations & de connoissances, qu'il ne renfermoit pas du tems de ce grand génie. Ses ouvrages ont porté son nom par tout le monde; ils sont presque aussi connus que l'Enéide de Virgile. Voyez ce que dit l'abbé Dubos du tableau de l'école d'Athenes, de celui d'Attila, de celui où Jesus Christ donne les clés à S. Pierre, du tableau appeilé la messe du pape Jules; enfin du tableau de la transfiguration de Notre - Seigneur qu'on regarde comme le chef - d'oeuvre de ce peintre; j'allois dire de la Peinture, si le souvenir des ouvrages de l'antiquité & le jugement du Poussin n'avoient arrêté mon enthousiasme.

Digne rival de Michel Ange, jamais personne ne reçut peut - être en naissant plus de goût, de génie, ni de talens pour la peinture que Raphael; & peut - être personne n'apporta - t - il jamais plus d'application à cet art; Perugin n'est connu que pour avoir été maître de Raphael. Mais bien - tôt cet artiste laissa le Perugin & sa maniere, pour ne prendre que celle de la belle nature. Il puisa les beautés & les richesses de son art dans les chefs - d'oeuvres de ses prédécesseurs. Sur le bruit des ouvrages que Léonard de Vinci faisoit à Florence, il s'y transporta deux fois pour en profiter. Il continua de former la délicatesse de son goût sur les statues & sur les bas - reliefs antiques, qu'il dessina long - tems avec l'attention & l'assiduité la plus soûtenue. Enfin il joignit à cette délicatesse de goût portée au plus haut point, une grandeur de maniere, que la vûe de la chapelle de Michel Ange lui inspira tout d'un coup. Le pape Jules II. le fit travailler dans le Vatican sur la recommandation de Bramante; & c'est alors qu'il peignit les ouvrages immortels dont j'ai parlé ci - dessus, outre ceux que ses disciples firent sur ses desseins.

Indépendamment de l'étude que Raphael faisoit d'après les sculptures & les plus beaux morceaux de l'antique qui étoient sous ses yeux, il entretenoit des gens qui dessinoient pour lui tout ce que l'Italie & la Grece possédoient de rare & d'exquis.

On remarque qu'il n'a laissé que peu ou point d'ouvrages imparfaits, & qu'il les finissoit extrèmement, quoique promptement. C'est pour cela qu'on voit de lui un crayon de petites parties, comme des mains, des piés, des morceaux de draperies, qu'il dessinoit trois ou quatre fois pour un même sujet, afin d'en faire un choix convenable.

Il mourut à la fleur de son âge, n'ayant que trente - sept ans, épuisé par l'amour qu'il avoit pour les femmes, & mal gouverné par les medecins à qui il avoit caché la cause de son mal. Les grands peintres ne sont pas ceux qui ont couru la plus longue carriere; le Parmesan, Watteau, le Sueur, Lucas de Leyden, le Correge, sont morts entre trente - six & quarante ans; Vandyck à quarante - deux ans, le Valentin & le Giorgion à trente - deux & trente - trois ans.

Raphaël refusa de se marier avec la niece d'un cardinal, parce qu'il se flatoit de le devenir, suivant la promesse que Léon X. lui en avoit faite.

Un heureux génie, une imagination feconde, une composition simple, & en même tems sublime, un beau choix, beaucoup de correction dans le dessein, de graces & de noblesse dans les figures, de finesse dans les pensées, de naturel & d'expression dans les attitudès; tels sont les traits auxquels on peut reconnoître la plûpart de ses ouvrages. Pour le coloris, il est fort au - dessous du Titien; & le pinceau du Correge est sans doute plus moëlleux que celui de Raphaël.

Ce célebre maître manioit parfaitement le crayon; sés desseins sont singulierement recherchés: on peut les distinguer à la hardiesse de sa main, aux contours coulans de sa figure, & sur - tout à ce goût élégant & gracieux qu'il mettoit dans tout ce qu'il faisoit.

Le Roi possede quelques tableaux de chevalet de Raphael, entr'autres une vierge connue sous le nom de la belle jardiniere. Il y a deux beaux morceaux de ce savant maître au palais royal: savoir une sainte famille, tableau d'environ deux piés & demi de haut sur vingt pouces de large, & S. Jean dans le desert; M. le duc d'Orléans régent du royaume paya vingt mille livres ce dernier tableau de Raphaël. Enfin on a beaucoup gravé d'après ce grand homme. Voyez sa vie, vous y trouverez bien d'autres détails.

On compte parmi ses disciples, Jules Romain, Perrin del Vaga, & plusieurs autres; mais on doit compter pour peintres tous ceux qui ont sû profiter des ouvrages de Raphaël.

Primatice, né à Bologne en 1490, mort à Paris en 1570. Jules Romain perfectionna ses principes; le duc de Mantoue l'employa à décorer son beau château du T. Les ouvrages de stuc qu'il y fit donnerent une si grande idée de ses talens, qu'il fut appellé à la cour par François I. Il a embelli Fontainebleau de statues qui furent jettées en bronze, de ses peintures, & de celles que Nicolo, & plusieurs autres éleves, ont faites sur ses desseins; mais le peu d'ouvrages qui nous restent de cet artiste (car la plûpart ne subsistent plus), méritent seulement d'être loüés pour le coloris & les attitudes des figures. On voit sans peine qu'ils sont peints de pratique, & manquent de correction; cependant c'est réellement à lui & à maitre Roux, que la France est redevable du bon goût de la peinture.

Jules Romain (son nom de famille est Julio Pippi), né à Rome en 1492, mort à Mantoue en 1546. Il a été le premier & le plus savant des disciples de Raphaël. Sujets d'histoire, tableaux de chevalet, ouvrages à fresque, portraits, paysages; il excella dans tous ces genres. Il se montra un peintre également sage, spirituel & gracieux, comme simple imitateur de Raphaël. Ensuite se livrant tout à coup à l'essor de son génie, & se traçant une route nouvelle, il ne mérita pas de moindres éloges. Aucun maître n'a mis dans ses tableaux plus d'esprit & de savoir; en un mot ses ouvrages, malgré les défauts qu'on peut leur reprocher, feront toûjours l'admiration du public.

Ce célebre artiste embellit le château du T du duc de Mantoue, comme architecte & comme peintre.

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