ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"326"> ture dont il devint le chef, & conduisit les études d'Augustin & d'Annibal Carrache ses cousins. Voilà l'école de Bologne, dont les Carrache & leurs disciples ont rendu le nom si célebre dans la Peinture.

L'histoire de saint Benoît & celle de sainte Cécile, que Louis Carrache a peintes dans le cloître saint Michelin Bosco à Bologne, forme une des belles suites qu'il y ait au monde. Ce grand maître avoit un esprit fécond, un goût de dessein noble & toûjours gracieux: il mettoit beaucoup de correction dans ses ouvrages; sa maniere est non - seulement savante, mais pleine de graces, à l'imitation du Correge. Ses desseins arrêtés à la plume, sont précieux; il y regne une agréable simplicité, beaucoup d'expression, de correction, jointes à une touche délicate & spirituelle.

Carrache, (Augustin) né à Bologne en 1558, mort à Parme en 1602. Il étoit frere aîné d'Annibal, & cousin de Louis. Son goût le portoit également à toutes les Sciences & à tous les beaux Arts, mais il s'appliqua particulierement à la Gravûre & à la Peinture. Corneille Cort le guida dans la gravûre, & il s'est fait encore plus connoître en ce genre, que par ses tableaux. Cependant sa composition est savante; il donnoit à ses figures beaucoup de gentillesse, mais ses têtes n'ont point la fierté de celles d'Annibal. Ses grands ouvrages de peinture se voyent à Bologne, à Rome & à Parme.

Carrache, (Annibal) le grand Carrache, né à Bologne en 1560, mort en 1609. Son pere le destinoit à sa profestion de Tailleur d'habits: mais la nature l'avoit destiné à en faire un des premiers peintres de l'Europe. Louis Carrache son cousin, lui montra les principes de son art. L'étude qu'Annibal Carrache fit en même tems des ouvrages du Correge, du Titien, de Michel - Ange, de Raphael, du Parmesan, & des autres grands maîtres, lui donna un style noble & sublime, des expressions frappantes, un goût de dessein correct, fier, & majestueux, qu'il augmenta même à mesure qu'il diminua dans le goût du coloris: ainsi ses derniers ouvrages sont d'un dessein plus prononcé, mais d'un pinceau moins tendre, moins fondu, & moins agréable.

Il a aussi excellé dans le paysage; ses arbres sont d'une forme exquise, & d'une touche très - legere. Les desseins qu'il en a faits à la plume, ont un caractere & un esprit merveilleux. Il excelloit encore à dessiner des carlcatures, c'est - à - dire des portraits, qui en conservant la vraissemblance d'une personne, la représentent avec un air ridicule; & tel étoit son talent en ce genre, qu'il savoit donner aux animaux & même à des vases, la figure d'un homme qu'il vouloit critiquer.

La galerie du cardinal Farnese, ce magnifique chef - d'oeuvre de l'art, lui coûta huit années du travail le plus opiniâtre, le plus pénible, & le plus fini; il y prit des soins incroyables, pour mettre cet ouvrage au plus haut point de perfection: cependant il en fut récompensé, non comme un artiste qui venoit de faire honneur par ses rares talens à l'humanité & à sa patrie, mais comme un artisan dont on toise le travail. Cette espece de mépris le pénétra de douleur, & causa vraissemblablement sa mort, qui arriva quelque tems après.

Les desseins d'Annibal sont d'une touche également ferme & facile. La correction est la plus exacte dans ses figures; la nature y est parfaitement rendue. Il avoit un dessein fier, mais moins gracieux que celui de Louis Carrache. Ce célebre peintre a gravé à l'eau - forte plusieurs sujets, avec autant d'esprit que de goût. On a aussi gravé d'après lui. Ses grands morceaux de peinture sont à Bologne, à Parme, & à Rome. La chapelle de S. Grégoire in monte Celio da Soria, est de sa main. On admire la chambre qu'il a peinte à Monte Cavallo, palais de Rome que les papes habitent ordinairement l'été. On voit un S. Xavier d'Annibal Carrache dans l'église de la maison professe des Jésuites à Paris. Le S. Antoine, & le S. Pierre en pleurs de ce maître, sont au palais Borghese.

Schidone, (Bartholomeo) né à Modene vers l'an 1560, mort à Parme en 1616. Il se mit sous la discipline d'Annibal Carrache, & s'attacha cependant à imiter le style du Correge, dont il a beaucoup approché. Sa passion pour le jeu, plaisir amer & si souvent funeste, le réduisit au point de mourir de douleur de ne pouvoir payer ce qu'il y perdit en une nuit. Les tableaux de ce charmant artiste sont très - rares; ceux qu'on voit de lui sont précieux pour le fini, pour les graces & la délicatesse de sa touche, pour le choix & la beauté de ses airs de têtes, pour la tendresse de son coloris, & la force de son pinceau; ses desseins sont pleins de feu & de goût. Il a fait en portraits une suite des princes de la maison de Modene.

Michel Ange de Caravage, (appellé communément Michel Ange Amérigi) naquit en 1569 au château de Caravage, situé dans le Milanes, & mourut en 1609. Ce peintre s'est rendu très - illustre par une maniere extrèmement forte, vraie, & d'un grand effet, de laquelle il est auteur. Il peignoit tout d'après nature, dans une chambre où la lumiere venoit de fort haut. Comme il a exactement suivi ses modeles, il en a imité les défauts & les beautés: car il n'avoit point d'autre idée que l'effet du naturel présent.

Son dessein étoit de mauvais goût; il n'observoit ni perspective, ni dégradation; ses attitudes sont sans choix, ses draperies mal jettées; il n'a connu ni les graces, ni la noblesse; il peignoit ses figures avec un teint livide, des yeux farouches, & des cheveux noirs. Cependant tout étoit ressenti; il détachoit ses figures, & leur donnoit du relief par un savant artifice du clair - obscur, par un excellent goût de couleurs, par une grande vérité, par une force terrible, & par un pinceau moëlleux, qui ont rendu son nom extrèmement célebre.

Le caractere de ce peintre, semblable à ses ouvrages, s'est toûjours opposé à son bonheur. Il eut une affaire fâcheuse à Milan; il en eut une autre à Rome avec le Josépin; il insulta à Malte un chevalier de l'ordre; en un mot il se fit des affaires avec tout le monde, fut misérable toute sa vie, & mourut sans secours sur un grand chemin. Il mangeoit seul à la taverne, où n'ayant pas un jour de quoi payer, il peignit l'enseigne du cabaret, qui fut vendue une somme considérable.

Ses desseins sont heurtés d'une grande maniere, la couleur y est rendue; un goût bisarre, la nature imitée avec ses défauts, des contours irréguliers, & des draperies mal jettées, peuvent les caractériser.

Ses portraits sont très - bons. Le roi de France a celui du grand maître de Vignacourt que ce peintre fit à Malte. Il y a, je crois, un de ses tableaux aux Dominicains d'Anvers, que Rubens appelloit son maître. On vante singulierement un cupidon du Caravage, & son tableau de l'incrédulité de S. Thomas, qu'il a gravé lui - même. Mais que dirons - nous de son Prométhée attaché au rocher? on ne peut regarder un moment cette peinture sans détourner la vûe, sans frissonner, sans ressentir une impression qui approche de celle que l'objet même auroit produite.

Le Caravage a fait pendant son séjour à Malte, pour l'église de ce lieu, la décollation de S. Jean. Le grand autel de l'église de S. Louis à Rome, est peint par le Caravage; il a peint un Christ porté au sépulchre, dans l'église de sainte Marie in Vallicella. Tous ces morceaux ont un relief étonnant. [p. 327]

Guido Réni, que nous appellons le Guide, naquit à Bologne en 1575, & mourut dans la même ville en 1642. Denis Calvart fut son premier maître; il passa ensuite sous la discipline des Carraches, & ne fut pas long - tems sans se distinguer par la supériorité de son génie. Le pape Paul V. exerca ses talens, qu'il ne pouvoit se lasser d'admirer. Il lui donna pour preuve de son estime particuliere, un équipage & une forte pension.

Alors le Guide vivoit honorablement, & joüissoit de sa renommée; mais semblable au Schidone, l'amour du jeu vint par malheur s'emparer de son ame: il y faisoit des pertes considérables, qui le mettoient continuellement dans l'indigence, & qu'il réparoit néanmoins par sa facilité prodigieuse à manier le pinceau: obligé de satisfaire aux ouvrages qu'on lui demandoit de tous côtés, il reçut long - tems un prix considérable des chefs - d'oeuvre, qui sortoient de son attelier avec une promptitude étonnante. Enfin devenu vieux, & ne trouvant plus dans son pinceau la même ressource qu'il lui procuroit dans le fort de l'âge, d'ailleurs poursuivi par ses créanciers, abandonné, comme il est trop ordinaire, par ceux même qu'il mettoit au nombre de ses amis, ce célebre artiste mourut de chagrin.

La grandeur, la noblesse, le goût, la délicatesse, & par - tout une grace inexprimable, sont les marques distinctives qui caractérisent toutes les productions de cet aimable peintre, & qui les rendent l'objet d'une admiration générale.

Les ouvrages que le Guide a laissés à Rome & à Bologne, sent ce qu'il a fait de plus considérable. On vante beaucoup son crucifix, qui est dans la chapelle de l'Annonciade; S. Laurent in Lucina, son Ariane, sa Vierge qui coud, David vainqueur de Goliath, & l'enlevement d'Helene par Paris: ces deux derniers tableaux sont à l'hôtel de Toulouse, & pechent néanmoins du côté de l'expression, qui n'est point assez vive ni assez animée. Mais le couvent des Carmelites du fauxbourg Saint - Jacques possede un admirable tableau du Guide, dont le sujet est une Annonciation. Son martyre des Innocens est connu de tout le monde. La famille Ludovisio à Rome possede quatre beaux tableaux du Guide, une Vierge, une Judith, une Lucrece, & la conversion de S. Paul. Enfin le tableau de ce grand maître, qui a fait le plus de bruit dans Rome, est celui qu'il peignit en concurrence du Dominiquin dans l'église de S. Grégoire.

Il travailloit également bien à huile & à fresque. Il se plaisoit à la musique, & à sculpter. Il a gravé à l'eau - forte beaucoup de sujets de piété, d'après Annibal Carrache, le Parmesan, &c. On a aussi beaucoup gravé d'après le Guide.

Ses desseins se font connoître par la franchise de sa main, par la legereté de sa touche, par un grand goût de draperies joint à la beauté de ses airs de têtes. Il ne faut pas croire, dit M. Mariette à ce sujet, que le Guide se soit élevé si haut, sans s'être assujetti à un travail opiniâtre: l'on s'en apperçoit aisément, & sur - tout dans les desseins qu'il a faits en grand pour ses études. Tout y est détaillé avec la derniere précision; l'on y voit un artiste qui consulte perpétuellement la nature, & qui ne se fie point à l'heureux talent qu'il a de l'émbellir.

Albane, (François) né à Bologne en 1578, mort dans la même ville en 1660. Son pere, marchand de soie, voulut inutilement le faire de sa profession. La passion dominante du fils, le décida pour la Peinture. Il se mit d'abord chez Denis Calvart dont nous avons parlé ci - dessus, & pour son bonheur il y trouva le Guide. Ils se lierent d'une étroite amitié, & ne tarderent pas à passer ensemble dans l'école des Carraches; ensuite ils se rendirent à Rome, où l'Albane perfectionna ses talens, & devint un des plus agréables & des plus savans peintres du monde. Il cultiva toute sa vie l'étude des belles - lettres, & se servit utilement & ingénieusement des lumieres qu'elles lui fournirent, pour enrichir ses inventions des ornemens de la Poésie.

Il épousa en secondes noces une femme qui lui apporta en dot peu de richesses, mais une grande beauté. Elle servit plus d'une fois de modele à l'Albane, qui la peignoit tantôt en nymphe, tantôt en Vénus, tantot en déesse. Il en eut douze enfans, & prit le même plaisir à les peindre en amours; sa femme les tenoit dans ses bras, ou les suspendoit avec des bandelettes, & les lui présentoit dans toutes les attitudes touchantes qu'il a si bien exprimées dans ses petits tableaux. De - là vient qu'ils se sont dispersés comme des pierres précieuses par toute l'Europe, & ont été payés très - chérement: il ne faut pas s'en étonner; la legereté, l'enjouement, la facilité, & la grace, caracterisent les ouvrages de l'Albane.

Lanfranc, (Jean) né à Parme de parens pauvres en 1581, mort à Rome dans l'opulence en 1647. Discrple des Carraches, il fit des progrès rapides qui lui acquirent promptement de la célébrité, des richesses, & beaucoup d'occupation. Il excelloit dans les grandes machines, & se montra dans ce genre un des premiers peintres du monde. La voûte de la premiere chapelle de l'église de S. Pierre, & la coupole de S. André della Vallé à Rome, justifierent la hardiesie & l'étendue de son génie.

Les papes Paul V. & Urbain VIII. comblerent Lanfranc de biens & d'honneurs; mais sur - tout un caractere doux & tranquille, une femme aimable, & des enfans qui réunissoient tous les talens d'agrément, le rendirent heureux.

Ses principaux ouvrages sont à Rome, à Naples, & à Plaisance. Toute la chapelle de S. Jean - Baptiste à Rome, est de sa main.

Domin quin, (Dominique Zampiéri, dit le) né à Bologne en 1581, mort en 1641. Il se mit sous la diseipline des Carraches, & remplit la prophétie d'Annibal son maître, qui prédit que le Dominiquin nourriroit un jour la Peinture. Cependant ses études furent tournées en ridicule, ses premieres productions méprisées, sa persévérance traitée de tems perdu, & son silence de stupidité.

En effet la nature lui donna un esprit paresseux, pesant, & stérile; mais par son opiniâtreté dans le travail, il acquit de la facilité, de la fécondité, de l'imagination, j'allois presque dire du génie: du moins sa persévérance opiniâtre, la bonté cachée de son esprit, & la solidité de ses réflexions, lui tenant lieu du don de la nature, que nous appellons <-> nie, ont fait produire au Dominiquin des ouvrages dignes de la postérité.

Absorbé dans son art, il amassa peu - à - peu un thrésor de science; qui se découvrit en son tems. Son esprit enveloppé comme un ver à soie l'est dans sa coque, après avoir long - tems travaillé dans la solitude, se développa, s'anima, prit l'essor, & se fit admirer non - seulement de ses confreres qui avoient tâché de le dégoûter, mais des Carraches même qui l'avoient soûtenu. En un mot, les pensées du Dominiquin s'éleverent insensiblement au point qu'il s'en faut peu qu'elles ne soient arrivées jusqu'au sublime, si l'on ne veut pas convenir qu'il y a porté quelques - uns de ses ouvrages; comme le martyre de S. André, la communion de S. Jerôme, le S. Sébastien qui est dans la seconde chapelle de l'église de saint Pierre, le Musée, & autres morceaux admirables, qu'il a faits à Rome à la chapelle du thrésor de Naples, & à l'abbaye de Grotta Ferrata; monumens éternels de sa capacité.

Je crois bien que les parties de la peinture que

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