ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"285"> dis que la lumiere qui fait effort en tout sens, pénétrera de toutes parts, & que l'esprit du siecle avancera la révolution qu'il a commencée, les arts méchaniques s'arrêteront où ils en sont, si le gouvernement dédaigne de s'intéresser à leurs progrès d'une maniere plus utile. Ne seroit - il pas à souhaiter qu'ils eussent leur académie? Croit - on que les cinquante mille francs que le gouvernement employeroit par an à la fonder & à la soûtenir, fussent mal employés? Quant à moi, il m'est démontré qu'en vingt ans de tems il en sortiroit cinquante volumes in - 4°. où l'on trouveroit à peine cinquante lignes inutiles; les inventions dont nous sommes en possession, se perfectionneroient; la communication des lumieres en feroit nécessairement naître de nouvelles, & recouvrer d'anciennes qui se sont perdues; & l'état présenteroit à quarante malheureux citoyens qui se sont épuisés de travail, & à qui il reste à peine du pain pour eux & pour leurs enfans, une ressource honorable & le moyen de continuer à la société des services plus grands peut - être encore que ceux qu'ils lui ont rendus, en consignant dans des mémoires les observations précieuses qu'ils ont faites pendant un grand nombre d'années. De quel avantage ne seroit - il pas pour ceux qui se destineroient à la même carriere, d'y entrer avec toute l'expérience de ceux qui n'en sortent qu'après y avoir blanchi? Mais faute de l'établissement que je propose, toutes ces observations sont perdues, toute cette expérience s'évanoüit, les siecles s'écoulent, le monde vieillit, & les arts méchaniques restent toûjours enfans.

Après avoir donné un abrégé historique de la vie des principaux Eclectiques, il nous reste à exposer les points fondamentaux de leur philosophie. C'est la tâche que nous nous sommes imposée dans le reste de cet article. Malgré l'attention que nous avons eu d'en écarter tout ce qui nous a paru inintelligible (quoique peut - être il ne l'eût pas été pour d'autres), il s'en faut beaucoup que nous ayons réussi à répandre sur ce que nous avons conservé, une clarté que quelques lecteurs pourront desirer. Au reste, nous conseillons à ceux à qui le jargon de la philosophie scholastique ne sera pas familier, de s'en tenir à ce qui précede; & à ceux qui auront les connoissances nécessaires pour entendre ce qui suit, de ne pas s'en estimer davantage.

Philosophie des Eclectiques.

Principes de la dialectique des Eclectiques. Cette partie de leur philosophie n'est pas sans obscurité; ce sont des idées aristotéliques si quintessenciées & si rafinées, que le bon sens s'en est évaporé, & qu'on se trouve à tout moment sur les confins du verbiage: au reste, on est presque sûr d'en venir - là toutes les fois qu'on ne mettra aucune sobriété dans l'argumentation, & qu'on la poussera jusqu'où elle peut aller. C'étoit une des ruses du Scepticisme. Si vous suiviez le sceptique, il vous égaroit dans des ténebres inextricables; si vous refusiez de le suivre, il tiroit de votre pusillanimité des inductions assez vraissemblables, & contre votre these en particulier, & contre la philosophie dogmatique en général. Les Eciectiques disoient:

1. On ne peut appeller véritablement être, que ce qui exclut absolument la qualité la plus contraire à l'entité, la privation d'entité.

2. Il y a dans le premier être, des qualités qui ont pour principe l'unité; mais l'unité ne se comptant point parmi les genres, elle n'empêche point l'être premier d'être premier, quoiqu'on dise de lui qu'il est un.

3. C'est par la raison que tout ce qui est un, n'est ni même, ni semblable, que l'unité n'empêche pas l'être premier d'être le premier genre, le genre su<-> prème.

4. Ce qu'on apperçoit d'abord, c'est l'existence, l'action, & l'état; ils sont un dans le sujet; en eux - mêmes, ils sont trois.

Voilà les fondemens sur lesquels Plotin éleve son système de dialectique. Il ajoûte:

5. Le nombre, la quantité, la qualité, ne sont pas des êtres premiers entre les êtres; ils sont postérieurs à l'essence: car il faut commencer par être possible.

6. La séité ou le soi, la quiddité ou le ce, l'identité, la diversité, ou l'altérité, ne sont pas, à proprement parler, les qualités de l'être; mais ce sont ses propriétés, des concomitans nécessaires de l'existence actuelle.

7. La relation, le lieu, le tems, l'état, l'habitude, l'action, ne sont point genres premiers; ce sont des accidens qui marquent composition ou défaut.

8. Le retour de l'entendement sur son premier acte lui offre nombre, c'est - à - dire un & plusieurs; force, intensité, remission, puissance, grandeur, infini, quantité, qualité, quiddité, similitude, différence, diversité, &c. d'où découlent une infinité d'autres notions. L'entendement se joue en allant de lui - même aux objets, & en revenant des objets à lui - même.

9. L'entendement occupé de ses idées, ou l'intelligence est inhérente à je ne sai quoi de plus général qu'elle.

10. Après l'entendement, je descends à l'ame qui est une en soi, & en chaque partie d'elle - même à l'infini. L'intelligence est une de ses qualités; c'est l'acte pur d'elle une en soi, ou d'elle une en chaque partie d'elle - même à l'infini.

11. Il y a cinq genres analogues les uns aux autres, tant dans le monde intelligible, que dans le monde corporel.

12. Il ne faut pas confondre l'essence avec la corporéité, ou matérialité; celle - ci enferme la notion de flux, & on l'appelleroit plus exactement généra<-> tion.

13. Les cinq genres du monde corporel, qu'on pourroit réduire à trois, sont la substance, l'accident qui est dans la substance, l'accident dans lequel est la substance, le mouvement, & la relation. Ac<-> cident se prend évidemment ici pour mode; & l'ac<-> cident dans lequel est la substance, est selon toute apparence, le lieu.

14. La substance est une espece de base, de suppôt; elle est par elle - même, & non par un autre; c'est ou un tout, ou une partie: si c'est une partie, c'est la partie d'un composé qu'elle peut compléter, & qu'elle complete, tant que le tout est tout.

15. Il est essentiel à une substance qu'on ne puisse dire d'elle qu'elle est un sujet. Sujet se prend ici lo<-> giquement.

16. On seroit conduit à la division des substances génériques en especes, par les sensations, ou par la considération des qualités simples ou composées, par les formes, les figures, & les lieux.

17. C'est le nombre & la grandeur qui constituent la quantité; c'est la relation qui constitue le tems & l'espace. Il ne faut point compter ces êtres parmi les quantités.

18. Il faut considérer la qualité en elle - même dans son mouvement & dans son sujet.

19. Le mouvement sera ou ne sera pas un genre, selon la maniere dont on l'envisagera; c'est une progression de l'être, la nature de l'être restant la même ou changeant.

20. L'idée de progression commune à tout mouvement, entraîne l'idée d'exercice d'une puissance ou force.

21. Le mouvement dans les corps est une tendance d'un corps vers un autre, qui doit en être sollicité [p. 286] au mouvement. Il ne faut pas confondre cette tendance avec les corps mus.

22. Pour rencontrer la véritable distribution des mouvemens, il vaut mieux s'attacher aux différences intérieures, qu'aux différences extérieures, & distinguer les forces en forces animées & forces inanimées; ou mieux encore, en forces animées par l'art ou par la sensation.

23. Le repos est une privation, à moins qu'il ne soit éternel.

24. Les qualités actives & passives, ne sont que des manieres différentes de se mouvoir.

25. Quant à la relation, elle suppose pluralité d'êtres considérés par quelque qualité qui naisse essentiellement de la pluralité.

Voilà le système des genres ou des prédicamens que la secte éclectique avoit adopté. On ne disconviendra pas, si l'on se donne la peine de le lire avec attention, qu'à - travers bien des notions obscures & puériles, il n'y en ait quelques - unes de fortes & de très - philosophiques.

Principes de la métaphysique des Eclectiques. Autre labyrinthe d'idées sophistiques, où Plotin se perd lui - même, & où le lecteur nous pardonnera bien de nous égarer quelquefois. Les Eclectiques disoient:

1. Il y a les choses & leur principe; le principe est au - dessus des choses; sans le principe, les choses ne seroient pas. Tout procede de l'être principe; cependant c'est sans mouvement, division, ni multiplication de lui - même. Voilà la source des émanations éclectiques.

2. Ce principe est l'auteur de l'essence & de l'être; il est premier; il est un; il est simple: c'est la cause de l'existence intelligible. Tout émane de lui, & le mouvement & le repos; cependant il n'a besoin ni de l'un ni de l'autre. Le mouvement n'est point en lui, & il n'y a rien en quoi il puisse se reposer.

3. Il est indéfinissable. On l'appelle infini, parce qu'il est un; parce que l'idée de limite n'a rien d'analogue avec lui, & qu'il n'y a rien à quoi il aboutisse: mais son infinitude n'a rien de commun avec celle de la matiere.

4. Comme il n'y a rien de meilleur que le principe de tout ce qui est, il s'ensuit que ce qu'il y a de meilleur, est.

5. Il est de la nature de l'excellent de se suffire à soi - même. Qu'appellerons - nous donc excellent, si ce n'est ce qui étoit avant qu'il y eût rien, c'est - à - dire avant que le mal fût.

6. L'excellent est la source du beau; il en est l'extrème; il doit en être la fin.

7. Ce qui n'a qu'une raison d'agir, n'en agit pas moins librement: car l'unité de motif n'offre point l'idée de privation, quand cette unité émane de la nature de l'être; c'est un corollaire de son excellence. Le premier principe est donc libre.

8. La liberté du premier principe n'a rien de semblable dans les êtres émanés de lui. Il en faut dire autant de ses autres attributs.

9. Si rien n'est au - dessus de ce qui étoit avant tout, il ne faut point remonter au - delà; il faut s'arrêter à ce premier principe, garder le silence sur sa nature, & tourner toutes ses recherches sur ce qui en est émané.

10. Ce qui est identique avec l'essence, prédomine sans ôter la liberté; l'acte est essentiel, sans être contraint.

11. Lorsque nous disons du premier principe qu'il est juste, excellent, miséricordieux, &c. cela signifie que sa nature est toûjours une & la même.

12. Le premier principe posé, d'autres causes sont superflues; il faut descendre de ce principe à l'entendement, ou à ce qui conçoit, & de l'entendement à l'ame: c'est - là l'ordre naturel des êtres. Le genre intelligible est borné à ces objets; il n'en renferme ni plus ni moins. Il n'y en a pas moins, parce qu'il y a diversité entr'eux. Il n'y en a pas davantage, parce que la raison démontre que l'énumération est complete. Le premier principe tel que nous l'admettons, ne peut être simplifié; & l'entendement est, mais simplement, c'est - à - dire sans qu'on puisse dire qu'il soit ou en repos, ou en mouvement. De l'idée de l'entendement à l'idée de raison, & de celle - ci à l'idée d'ame, il y a procession ininterrompue; on ne conçoit aucune nature moyenne entre l'ame & l'entendement. Plotin file ces notions avec une subtilité infinie, & les dirige contre les Gnostiques, dont il bouleverse les éons & toutes les familles divines. Mais ce n'étoit - là que la moitié de son but; il en déduit encore une trinité hypostatique, qu'il oppose à celle des Chrétiens.

13. Il y a un centre commun entre les attributs divins: ces attributs sont autant de rayons qui en émanent; ils forment une sphere, au - delà des limites de laquelle rien n'est lumineux: tout veut être éclairé.

14. Il n'y a que l'être simple, premier & immobile qui puisse expliquer comment tout est émané de lui; c'est à lui qu'il faut s'adresser pour s'en instruire, non par une priere vocale, mais par des élans réitérés qui portenr l'ame au - delà des espaces ténébreux qui la séparent du principe éternel dont elle est émanée. Voilà le fondement de l'enthousiasme éclectique.

15. Lorsqu'on applique le terme de génération à la production des principes divins, il en faut écarter l'idée du tems. Il s'agit ici de transactions qui se sont passées dans l'éternité.

16. Ce qui émane du premier principe, s'en émane sans mouvement. S'il y avoit mouvement dans le premier principe, l'être émané seroit le troisieme être mu, & non pas le second. Cette émanation se fait sans qu'il y ait dans le premier principe, ni répugnance, ni consentement.

17. Le premier principe est au centre des êtres qui s'en émanent; en repos, comme le soleil au centre de la lumiere & du monde.

18. Ce qui est fécond & parfait, engendre de toute éternité.

19. L'ordre de perfection suit l'ordre d'émanation; l'être de la premiere émanation est l'être le plus parfait après le principe: cet être fut l'entendement, N=Z.

20. Toute émanation tend à son principe; c'est un centre où il a été nécessaire qu'elle se reposât pendant toute la durée, où il n'y avoit d'être qu'elle & son principe: alors ils étoient réunis, mais distingués, car l'un n'étoit pas l'autre.

21. L'émanation premiere est l'image la plus parfaite du premier principe; elle est de lui, sans intermede.

22. C'est de cette émanation la premiere, la plus pure, la plus digne du premier principe, qui n'a pû naître que de ce principe, qui en est la vive image, qui lui ressemble plus que la lumiere au corps lumineux, que sont émanés tous les êtres, toute la sublimité des idées, tous les dieux intelligibles.

23. Le premier principe d'où tout est émané, réabsorbe tout; c'est en rappellant les émanations dans son sein, qu'il les empêche de dégénérer en matiere.

24. L'entendement ou la premiere émanation, ne peut être stérile, si elle est parfaite. Qu'a - t - elle donc engendré? L'ame, seconde émanation moins parfaite que la premiere, plus parfaite que toutes les émanations qui l'ont suivie.

25. L'ame est un hypostase du premier principe; elle y est inhérente, elle en est éclairée, elle la re<pb->

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