ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"287"> présente; elle est féconde à son tour, & laisse échapper d'elle des êtres à l'infini.

26. Ce qui entend est différent de ce qui est entendu; mais de ce que l'un entend, & l'autre est entendu, sans être identiques, ils sont co - existans; & celui qui entend a en soi tout ce qu'il peut avoir de ressemblance & d'analogie, avec ce qu'il entend: d'où il s'ensuit:

27. Qu'il y a je ne sai quoi de suprème qui n'entend rien; une premiere émanation qui entend; une seconde qui est entendue, & qui conséquemment n'est pas sans ressemblance & sans affinité avec ce qui entend.

28. Où il y a intelligence, il y a multitude. L'intelligent ne peut être ce qu'il y a de premier, de simple, & d'un.

29. L'intelligent s'applique à lui - même & à sa nature; s'il rentre dans son sein & qu'il y consommo son action, il en découlera la notion de duité, de pluralité, & celle de tous les nombres.

30. Les objets des sens sont quelque chose; ce sont les images d'êtres; l'entendement connoît & ce qui est en lui, & ce qui est hors de lui, & il sait que les choses existent, sans quoi il n'y auroit point d'images.

31. Les intelligibles different des sensibles, comme l'entendement differe des sens.

32. L'entendement est en même tems une infinité de choses, dont il est distingué.

33. Autant que le monde a de principes divers de fécondité, autant il a d'ames différentes, autant il y a d'idées dans l'entendement divin.

34. Ce que l'on entend, devient intime; il s'institue une espece d'unité entre l'entendement & la chose entendue.

35. Les idées sont d'abord dans l'entendement; l'entendement en acte ou l'intelligence, s'applique aux idées. La nature de l'entendement & des idees est donc une; si nous les divisons, si nous en faisons des êtres essentiellement différens, c'est une suite de la marche de notre esprit, & de la maniere dont nous acquérons nos connoissances. Voilà le principe fondamental de la doctrine des idées innées.

36. L'entendement divin agit sur la matiere par ses idées, non d'une action extérieure & méchanique, mais d'une action intérieure & générale, qui n'est toutefois ni identique avec la matiere, ni séparée d'elle.

37. Les idées des irrationels sont dans l'entendement divin: mais elles n'y sont pas sous une forme irrationelle.

38. Il y a deux especes de dieux dans le ciel incorporel; les uns intelligibles, les autres intelligens: ceux - ci sont les idées, ceux - là des entendemens béatifiés par la contemplation des idées.

39. Le troisieme principe émané du premier, est l'ame du monde.

40. Il y a deux Vénus, l'une fille du ciel, l'autre fille de Jupiter & de Dioné; celle - ci préside aux amours des hommes; l'autre n'a point eu de mere: elle est née avant toute union corporelle, car il ne s'en fait point dans les cieux. Cette Vénus céleste est un esprit divin; c'est une ame aussi incorruptible que l'être dont elle est émanée; elle réside au - dessus de la sphere sensible; elle dédaigne de la toucher du pié: que dis - je du pié, elle n'a point de corps; c'est un pur esprit, c'est une quintessence de ce qu'il y a de plus subtil; inférieure, mais co - existante à son principe. Ce principe vivant la produisit; elle en fut un acte simple; il étoit avant elle; il l'a aimée de toute écernité; il s'y complaît; son bonheur est de la contempler.

41. De cette ame divine en sont émanées d'autres, quoiqu'elle soit une; les ames qui en sont éma<cb-> nées, sont des parties d'elle - même, qui pénetrent tout.

42. Elle se repose en elle - même; rien ne l'agite & ne la distrait; elle est toûjours une, entiere, & par - tout.

43. Il n'y a point eu de tems où l'ame manquât à cet univers; il ne pouvoit durer sans elle; il a toûjours été ce qu'il est. L'existence d'une masse informe ne se conçoit pas.

44. S'il n'y avoit point de corps, il n'y auroit point d'ame. Un corps est le seul lieu où une ame puisse exister; elle n'a aucun mouvement progressis sans lui; elle se meut, dégénere, & prend un corps en s'éloignant de son principe, comme un feu allumé sur une haute montagne, dont l'éclat vatoûjours en s'affoiblissant jusqu'où les ombres commencent.

45. Le monde est un grand édifice, co - existant avec l'architecte: mais l'architecte & l'édifice ne sont pas un, quoiqu'il n'y ait pas une molécule de l'édifice où l'architecte ne soit présent. Il a fallu que ce monde fût; il a fallu qu'il fût beau; il a fallu qu'il le fût autant qu'il étoit possible.

46. Le monde est animé, mais il est plûtôt en son ame, que son ame n'est en lui; elle le renferme; il lui est intime; il n'y a pas un point où elle ne soit appliquée, & qu'elle n'informe.

47. Cette ame si grande par sa nature, suit le monde par - tout; elle est par - tout où il est.

48. La perfection des êtres, auxquels l'ame du monde est présente, est proportionnée à la distance du premier principe.

49. La beauté des êtres est en raison de l'énergie de l'ame en chaque point; ils ne sont que ce qu'elle les fait.

50. L'ame est comme assoupie dans les êtres inanimés: mais ce qui s'allie à un autre, tend à se l'assimiler; c'est ainsi qu'elle vivifie autant qu'il est en elle, ce qui de soi n'est point vivant.

51. L'ame se laisse diriger sans effort; on la captive en lui offrant quoi que ce soit qu'elle puisse supporter, & qui la contraigne à céder une portion d'elle - même; elle n'est pas difficile sur ce qu'on lui expose, un miroir n'admet pas plus indistinctement la représentation des objets.

La nature universelle contient en soi la raison d'une infinité de phénomenes; & elle les produit, quand on sait la provoquer.

Voilà les principes d'où Plotin & les Eclectiques déduisirent leur enthousiasme, leur trinité, & leur théurgie spéculative & pratique; voilà le labyrinthe dans lequel ils s'égarerent. Si l'on veut en suivre tous les détours, on conviendra qu'il. leur en auroit coûté beaucoup moins d'efforts pour rencontrer la vérité.

Principes de la psychologie des Eclectiques. Ce que l'on enseignoit dans l'école alexandrine sur la nature de l'ame de l'homme, n'étoit ni moins obscur ni plus solide que ce qu'on y débitoit sur la nature du premier principe, de l'entendement divin, & de l'ame du monde.

1. L'ame de l'homme & l'ame du monde ont la même nature, ce sont comme les deux soeurs.

2. Cependant les ames des hommes ne sont pas à l'ame du monde, ce que les parties sont au tout; autrement l'ame du monde divisée, ne seroit pas toute entiere par - tout.

3. Il n'y a qu'une ame dans le monde, mais chaque homme a la sienne. Ces ames different, parce qu'elles n'ont pas été des écoulemens de l'ame universelle. Elles y reposoient seulement, en attendant des corps; & les corps leur ont été départis dans le tems, par l'ame universelle qui les domine toutes.

4. Les essences vraies ne résident que dans le monde intelligible; c'est aussi le séjour des ames; c'est de<pb-> [p. 288] là qu'elles passent dans notre monde: ici, elles sont unies à des corps; là, elles en attendent & n'en ont point encore.

5. L'entendement est la plus importante des essences vraies. Il n'est ni divisé ni discret. Les ames lui sont co - existantes dans le monde intelligible; aucun intervalle ne les sépare ni de lui, ni les unes des autres. Si les ames éprouvent une sorte de division, ce n'est que dans ce monde, où leur union avec les corps les rend susceptibles de mouvement. Elles sont présentes, absentes, éloignées, étendues; l'espace qu'elles occupent a ses dimensions; on y distingue des parties, mais elles sont indivisibles.

6. Les ames ont d'autres différences que celles qui résultent de la diversité des corps: elles ont chacune une maniere propre de sentir, d'agir, de penser. Ce sont les vestiges des vies antérieures. Cela n'empêche point qu'elles n'ayent conservé des analogies qui les portent les unes vers les autres. Ces analogies sont aussi dans les sensations, les actions, les passions, les pensées, les goûts, les desirs, &c.

7. L'ame n'est ni matérielle ni composée, autrement on ne pourroit lui attribuer ni la vie ni l'intelligence.

8. Il y a des ames bonnes, il y en a de mauvaises. Elles forment une chaîne de différens ordres. Il y a des ames du premier, du second, du troisieme ordre, &c. cette inégalité est en partie originelle, en partie accidentelle.

9. L'ame n'est point dans le corps, comme l'eau dans un vase. Le corps n'en est point le sujet; ce n'est point non plus un tout dont elle soit une partie; nous savons seulement qu'elle y est présente, puisqu'elle l'anime.

10. A parler exactement, l'ame est moins dans le corps que le corps n'est dans l'ame. Entre les fonctions de l'homme, la faculté de sentir & de végeter est du corps; celle d'appercevoir & de réflechir est de l'ame.

11. Les puissances de l'ame sont toutes sous chaque partie du corps; mais l'exercice en chaque point est analogue à la nature de l'organe.

12. L'ame séparée du corps ne reste point ici, où il n'y a point de lieu pour elle: elle rentre dans le sein du principe d'où elle est émanée: les places n'y sont pas indifférentes: la raison & la justice les distribuent.

13. L'ame ne prend point les formes des corps: elles ne souffrent rien des objets. S'il se fait une impression sur le corps, elle s'en apperçoit; & appercevoir, c'est agir.

14. L'ame est la raison derniere des choses du monde intelligible, & la premiere raison des choses de celui - ci. Alternativement citoyenne de l'une & de l'autre, elle ne fait que se ressouvenir de ce qui se passoit dans l'un, quand elle croit apprendre ce qui se passe dans l'autre.

15. C'est l'ame qui constitue le corps. Le corps ne vit point; il se dissout. La vie & l'indissolubilité ne sont que de l'ame.

16. Le commerce de l'ame avec le corps éleve à l'existence de quelqu'être, qui n'est ni le corps ni l'ame; qui réside en nous; qui n'a point été créé; qui ne perit point, & par lequel tout persevere & dure.

17. Cet être est le principe du mouvement. C'est lui qui constitue la vie du corps, par une qualité qui lui est essentiellê, qu'il tient de lui - même, & qu'il ne perd point. Les Platoniciens l'appelloient AYTOXSVNSIA, antoquinésie.

18. Les ames sont alliées par le même principe éternel & divin qui leur est commun.

19. Le vice & la peine leur sont accidentelles. Celui qui a l'ame pure ne doute point de son immortalité.

20. Il regne entre les ames la même harmonie que dans l'univers. Elles ont leurs révolutions, comme les astres ont leur apogée & leur périgée. Elles descendent du monde intelligible dans le monde matériel, & remontent du monde matériel dans le monde intelligible; de - là vient qu'on lit au ciel leurs destinées.

21. Leur révolution périodique est un enchaînement de transformations, à - travers lesquelles elles passent d'un mouvement tantôt accéleré tantôt retardé. Elles descendent du sein du premier principe jusqu'à la matiere brute, & remontent de la matiere brute jusqu'au premier principe.

22. Dans le point de leur orbe le plus élevé, il leur reste de la tendance à descendre; dans le point le plus bas il leur en reste à remonter. Dans le premier cas, c'est le caractere d'émanation qui ne peut jamais être détruit: dans le second, c'est le caractere d'émanation divine qui ne peut jamais être effacé.

23. L'ame, en qualité d'être créé, souffre & se détériore; en qualité d'être éternel, elle reste la même, sans souffrir, s'améliorer, ni se détériorer. Elle est différente ou la même, selon qu'on la considere dans un point distinct de sa révolution périodique, ou relativement à son entiere révolution; elle se déteriore en descendant du premier principe vers le point le plus bas de son orbe; elle s'ameliore en re montant de ce point vers le premier principe.

24. Dans son périgée, elle est comme morte. Le corps qu'elle informe est une espece de sépulcre où elle conserve à peine la mémoire de son origine. Ses premiers regards vers le monde intelligible qu'elle a perdu de vùe, & dont elle est séparée par des espaces immenses, annoncent que son état stationnaire va finir.

25. La liberté cesse, lorsque la violence de la sensation ou de la passion ôte tout usage de la raison: on la recouvre à mesure que la sensation ou la passion perd de sa force. On est parfaitement libre, lorsque la passion & la sensation gardent le silence, & que la raison parle seule; c'est l'état de contemplation: alors l'homme s'apperçoit, se juge, s'accuse, s'absout, se reforme sur ce qu'il observe dans son entendement. Ainsi la vertu n'est autre chose qu'une obéissance habituelle de la volonté, à la lumiere & aux conseils de l'entendement.

26. Tout acte libre change l'état de l'ame, soit en bien soit en mal, par l'addition d'un nouveau mode. Le nouveau mode ajoûté la détériore toûjours lorsqu'elle descend dans sa révolution, s'éloignant du premier principe, s'attachant à ce qu'elle rencontre, en conservant en elle le simulacre. Ainsi dans la contemplation qui l'améliore & qui la ramene au premier principe, il faut qu'il y ait abstraction de corps & de tout ce qui y est analogue. C'est le contraire dans tout acte de la volonté qui altere la pureté originelle & premiere de l'ame; elle fuit l'intelligible; elle se livre au corporel; elle se matérialise de plus en plus; elle s'enfonce dans ce tombeau; l'énergie de l'entendement pur & de l'habitude contemplative s'évanoüit; l'ame se perd dans un enchaînement de métamorphoses qui la défigurent de plus en plus, & d'où elle ne reviendroit jamais, si son essence n'étoit indestructible. Reste cette essence vivante, & avec elle une sorte de mémoire ou de conscience; ces germes de la contemplation éclosent dans le tems, & commencent à tirer l'ame de l'abysme de ténebres où elle s'est précipitée, & à l'élancer vers la source de son émanation ou vers Dieu.

27. Ce n'est ni par l'intelligence naturelle, ni par l'application, ni par aucune des manieres d'appercevoir les choses de ce monde, que nous nous élevons à la connoissance & à la participation de Dieu; c'est par la présence intime de cet être à notre ame,

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