ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"237"> régularité qu'elles ont quand elles sont récemment nettoyées; d'abord il se fait, comme je l'ai dit, un frottement sur la portion cylindrique qui y produit de l'usure, & par conséquent des variations dans la justesse. Il est vrai que pour rendre ce frottement moins sensible, on met de l'huile au cylindre; mais par - là le mouvement de la montre devient susceptible de toutes les variations auxquelles ce fluide est sujet.

Mon pere a imaginé un moyen de remédier en partie à ces accidens: c'est de placer les courbes de façon qu'elles touchent la circonférence du cylindre & ses levres à différentes hauteurs, en les éloignant plus ou moins du plan de la roue; de façon que (fig. 23.) si l'une vient s'appuyer en A, par exemple, sa voisine agisse en C, une autre en D, &c. par - là, si le rochet a treize, les altérations dans la régularité, causées par l'usure, peuvent être diminuées dans le rapport de treize à l'unité; mais il faut convenir que cela rend cette roue plus difficile à faire.

Echappement des pendules à secondes de M. Graham. On a vû (article Cycloide) que les petites oscillations du pendule approchent plus de l'isochronisme que les grandes, & qu'elles sont en même tems moins sujettes à être dérangées par les inégalités de la force motrice.

Pour joüir de ces avantages, M. Graham allonge considérablement les bras de l'ancre, auxquels il fait embrasser environ la moitié du rochet, & réserve en outre une distance (fig. 21.) A B de la circonférence de ce rochet au centre de mouvement de l'ancre: de plus les parties C D, E F sont des portions de cercle décrites du centre B.

Quand la roue a écarté, par exemple, le plan incliné D P que lui opposoit un des bras, l'autre branche lui présente la portion de cercle E F; de façon que la dent reposant successivement sur des points toûjours également distans du centre de mouvement B de l'ancre, le pendule peut achever sa vibration sans que le roüage rétrograde, comme avec l'ancre du docteur Hook.

Le témoignage avantageux que MM. les Académiciens qui ont été au Nord, ont rendu à la pendule de M. Graham, ne permet pas de douter que cet échappement ne soit un des meilleurs, quoiqu'il paroisse sujet à beaucoup de frottemens. On pourroit peut - être reprocher à l'auteur le retranchement des courbes compensatrices pratiquées sur les faces de l'ancre ordinaire. A cela il répondroit sans doute que les arcs étant extrèmement diminués, ces courbes deviendroient superflues. En effet, M. de Maupertuis a observé qu'en retranchant la moitié du poids moteur de cette pendule, ce qui réduit les arcs de quatre degrés vingt minutes à rois degrés, ces grandes différences ne causent qu'un avancement de trois secondes & demie à quatre secondes par jour: cette courbe seroit donc assez inutile, & moralement impossible à construire exactement.

Après avoir donné la description de ces différens échappemens de montre & de pendule, & après avoir fait mention des avantages & des inconvéniens de chacun d'eux en particulier, ce seroit ici le lieu de déterminer ceux qui sont les meilleurs, & qui doivent être employés préférablement aux autres. Mais si la chose est facile par rapport à ceux des pendules, l'échappement de M. Graham, & celui à deux verges perfectionné par mon pere, satisfaisant l'un & l'autre très - bien à tout ce que l'on peut exiger du meilleur échappement, il n'en est pas de même à l'égard des échappemens de montre; car quoique l'é<-> chappement à roue de rencontre, & celui de M. Graham, ou à cylindre, réunissent diverses propriétés avantageuses, ils sont encore éloignés de la perfection requise; leurs avantages & leurs inconvéniens semblent même tellement se balancer, qu'il paroît que si l'un doit être préféré à l'autre, ce n'est pas qu'il procure aux montres une plus grande justesse, mais parce que celle qu'il leur procure est plus durable & plus constante.

En effet, on ne peut disconvenir que les montres à échappement à cylindre n'aillent avec beaucoup de justesse, & même quelquefois, lorsqu'elles sont nouvellement nettoyées, & qu'il y a de l'huile fraîche au cylindre, avec une justesse supérieure à celle des montres à roues de rencontre, parce qu'elles ne sont sujettes alors à d'autres irrégularités (n'étant point ici question de celles qui naissent de l'action de la chaleur sur le ressort spiral), qu'à celles qui sont produites par les inégalités de la force motrice; inégalités que cet échappement, comme nous l'avons remarqué plus haut, a la propriété de compenser. Mais cette justesse des montres à cylindre ne se soûtient pas; car les frottemens qui sont dans cet échap<-> pement, tant sur les levres du cylindre que sur ses circonférences convexes & concaves, augmentent dès que l'huile commence à se dessécher, & produisent des variations qui diminuent bientôt la justesse de ces montres. Devenus ensuite plus considérables, ces frottemens donnent lieu à l'usure; & à mesure qu'elle fait du progrès & que l'huile se desseche, les variations augmentent, & quelquefois à un tel point, qu'on a vû des montres à cylindre avancer ou retarder de cinq ou six minutes & plus en 24 heures, sans qu'il fût possible de parvenir à les régler.

Or les montres à échappement à roue de rencontre, bien faites, sont exemptes de pareils écarts; leur régularité est plus durable, & elles sont moins sujettes aux influences du froid & du chaud. De tout cela il résulte que nonobstant que leur justesse ne soit pas si grande, comme nous l'avons dit, que celle que l'on observe quelquefois dans les bonnes montres à cylindre, cependant on peut dire que dans un tems donné, pourvû qu'il soit un peu long, elles iront mieux que celles ci, c'est - à - dire que la somme de leurs variations sera moindre; car rien n'est plus commun que de voir des montres à roüe de rencontre aller très - bien pendant des deux ou trois ans sans être nettoyées; ce qui est très rare dans les montres à cylindre, leur justesse ne se soûtenant pas si longtems: il ne leur faut pas même quelquefois un terme si long pour qu'elles se mettent à varier. On en voit qui six mois après avoir été nettoyées, ont déjà perdu toute leur justesse; ce qui arrive ordinairement lorsque l'échappement n'est pas bien fait, ou que le cylindre n'est pas aussi dur qu'il pourroit l'être: car alors il s'use, il se tranche, & il n'y a plus à compter sur la montre. L'échappement à roüe de rencontre a encore cet avantage, qu'il est facile à faire, & les montres où on l'employe faciles à raccommoder. L'échappement à cylindre est au contraire très - difficile à faire, il y a très - peu d'horlogers en état de l'exécuter dans le degré de perfection requis, & conséquemment un fort petit nombre capable de raccommoder les montres où il est adapté; car étant peu instruits de ce qui peut rendre cet échappement plus ou moins parfait, ils sont dans l'impossibilité de remédier aux accidens qui peuvent y arriver, & aux changemens que l'usure ou quelqu'autre cause peut y produire. Il y a en effet si peu d'horlogers en état de bien raccommoder les montres à cylindre, qu'il y en a un très - grand nombre du célebre M. Graham qui sont gâtées pour avoir passé par des mains peu habiles. Il résulte de tout ce que nous venons de dire, que les montres à échappement, à verge ou à roue de rencontre, sont en général d'un meilleur service que celles qui sont à cylindre, & que ces dernieres ne doivent être préférées que par des astronomes ou des personnes qui ont besoin d'une montre [p. 238] qui aille avec beaucoup de justesse pendant quelque tems, & qui sont à portée de les faire nettoyer souvent, & raccommoder par d'habiles horlogers: encore, pour qu'ils en obtiennent la justesse dont nous venons de parler, faut - il qu'elles soient très - bien faites.

Tel étoit donc l'état de l'échappement à cylindre en 1750, que nous écrivions cet article, que, tout bien examiné, nous croyions qu'il valoit mieux en général faire usage de l'échappement à roue de rencontre. Depuis, c'est - à - dire en 1753, M. Caron le fils l'a perfectionné, ou plûtôt en a inventé un autre qui remédie si bien à un des principaux inconvéniens qu'on lui reprochoit, que nous nous croyons obligés d'en ajoûter ici la description.

Dans cet échappement, comme dans celui à cylindre, la roue de rencontre est parallele aux platines. On donne à cette roue tel nombre de dents que l'on veut: ordinairement elle en a trente. Ces dents sont formées comme celles d'une roue ordinaire, excepté qu'elles sont un peu plus longues & plus déliées; elles portent à leur extrémité des chevilles qui, situées perpendiculairement à ses surfaces supérieure & inférieure, sont rangées alternativement sur ces deux surfaces, desorte qu'il y en a quinze d'un côté de la roüe, & quinze de l'autre. L'axe du balancier est une espece de cylindre creux, entaillé de façon qu'il paroît composé de deux simples portions de cylindre réunies par une petite tige placée fort près de la circonférence convexe. Cette tige porte une palette en forme de virgule, dans laquelle on distingue deux parties: l'une circulaire & concave dans la suite de la concavité du cylindre, c'est sur elle que les chevilles de la roue de rencontre doivent se reposer; l'autre est droite, & sert de levée ou de levier d'impulsion aux mêmes chevilles, pour les vibrations du balancier. Au point diamétralement opposé à la tige, est un pédicule qui porte une virgule ou croissant semblable au premier, placé de façon que la roue de rencontre passe entre les deux palettes, & les rencontre alternativement par ses chevilles opposées.

D'après cette courte description, il est facile de concevoir comment se fait le jeu de cet échappement. On voit, par exemple, qu'une cheville de la roue agissant sur la levée du pédicule, elle la fait tourner de dehors en - dedans; ensuite de quoi cette cheville échappant, celle qui la suit tombe sur la partie circulaire concave qui appartient à l'autre croissant, sur laquelle elle s'appuie ou se repose jusqu'à ce que la vibration étant achevée, elle glisse & pasfe sur la levée de ce croissant, & la chasse de dedans en - dehors, & ainsi de suite. Il est clair par la nature & la construction de cet échappement, qu'il compense les inégalités du roüage & de la force motrice, comme celui de M. Graham, ou à cylindre, & (ce qui le rend de beaucoup supérieur à ce dernier) que ses levées ne sont point sujettes à l'usure, comme les levres du cylindre de M. Graham. Cette usure étant, comme nous l'avons observé, un des plus grands inconvéniens de son échappement, on n'aura pas de peine à découvrir la cause de cet avantage du nouvel échappement, si l'on fait attention que l'usure étant produite uniquement par l'action répetée des dents de la roue de rencontre sur les levres du cylindre, elle ne peut avoir lieu dans l'échappement que nous venons de décrire; car les chevilles y parcourant toute la levée, il s'ensuit que le frottement qu'éprouve chacun des points de cette levée dans le tour de la roue, est à celui qu'éprouvent les levres du cylindre dans le même tour de sa roue, comme la surface des points des chevilles qui frottent sur cette levée, est à celle des faces des dents de cette même roue: or comme les chevilles peuvent être très - fines, & qu'ainsi cette surface peut n'être pas la quarantieme partie de celle des faces des dents de la roue à cylindre, le frottement sur ces levées ne sera pas la quarantieme partie de celui qui se fait sur les levres du cylindre; & ainsi l'usure qui pourroit en résulter, sera insensible. Cet échappement a encore un autre avantage sur celui de M. Graham; c'est que les repos s'y font à égale distance du centre, puisqu'ils se font sur la circonférence concave du cylindre; au - lieu que dans celui de ce célebre horloger ils se font à différentes distances du centre, les dents reposant tantôt sur la circonférence concave du cylindre, & tantôt sur sa circonférence convexe.

On pourroit objecter que dans cet échappement, & on l'a même fait, le diametre intérieur du cylindre devant être égal à l'intervalle entre deux chevilles, plus une de ces chevilles, il devient plus gros par rapport à sa roue, que celui de l'échappe<-> ment de Graham; mais on répondroit que cette grosseur du cylindre n'est point déterminée par la nature du nouvel échappement, & qu'on peut le faire plus petit (ce qui est encore un nouvel avantage), comme on l'a fait effectivement depuis qu'il a été découvert.

Il étoit bien flateur pour un horloger d'avoir imaginé un pareil échappement; mais plus il avoit lieu de s'en applaudir, plus il avoit lieu de craindre que quelqu'un ne lui enlevât l'honneur de sa découverte: c'est aussi ce qui pensa arriver à M. Caron. Cependant M. le comte de Saint - Florentin ayant demandé à l'académie royale des Sciences son jugement sur la contestation élevée entre lui & un autre horloger qui vouloit s'attribuer l'invention du nouvel échappement, elle décida le 24 Février 1754, sur le rapport de MM. Camus & de Montigny (commissaires nommés pour examiner les différens titres des contendans), que M. Caron en étoit le véritable au<-> teur, & que celui qui lui disputoit la gloire de cette découverte, n'avoit fait que l'imiter. C'est, je crois, le premier jugement de cette espece que l'académie ait prononcé; cependant il seroit fort à souhaiter qu'elle décidât plus souvent de pareilles disputes, ou qu'il y eût dans la république des Lettres un tribunal semblable, qui en mettant un frein à l'envie qu'ont les plagiaires de s'approprier les inventions des autres, encourageroit les génies véritablement capables d'inventer, en leur assûrant la propriété de leurs découvertes.

Au reste si nous avons rapporté cette anecdote au sujet de l'échappement de M. Caron, c'est que nous avons crû qu'elle ne seroit pas déplacée dans un ouvrage consacré, comme celui - ci, non - seulement à la description des Arts, mais encore à l'histoiré des découvertes qu'on y a faites, & à en assûrer, autant qu'il est possible, la gloire à ceux qui en sont les véritables auteurs. (T)

* Echappement de M. Caron fils, corrigé. Depuis la contestation élevée entre M. Caron & M. le Paute, sur l'invention de l'échappement à virgules, il en est survenu une autre sur sa perfection, entre l'inventeur & M. de Romilly habile horloger. Cette nouvelle contestation a été aussi portée au tribunal de l'académie des Sciences. Voici en abrégé les prétentions de M. de Romilly. 1°. Dans l'échappement de M. Caron, l'axe du balancier porte un cylindre qui avoit, lors de l'invention, pour diametre intérieur l'intervalle de deux chevilles; c'est sur cette circonférence concave que se font les deux repos de l'échappement à virgules. Le cylindre est divisé en deux par une entaille perpendiculaire à son axe, & l'on ne réserve qu'une petite colonne qui tient assemblés les deux cylindres. M. de Romilly prétend avoir réduit le diametre intérieur du cylindre à n'admettre qu'une cheville. 2°. Aux deux extrémités de l'intervalle sont deux plans en forme de

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