ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"233"> ment théorique de la nature de cet échappement, & de la maniere la plus avantageuse de le construire; mais comme dans les échappemens en général, & dans celui - ci en particulier, il se mêle beaucoup de choses qu'il est très - difficile, pour ne pas dire impossible, de déterminer théoriquement, telles que les variations qui naissent des frottemens, des résistances, des huiles, des secousses, des différentes positions, &c. il faut dans ce cas - ci, comme dans tous les autres de cette nature où la théorie manque, avoir recours à l'expérience. C'est pourquoi en rapportant à la théorie, les choses qu'on y pourra rapporter, nous nous appuierons dans les autres, sur ce que l'expérience a appris aux Horlogers.

La propriété la plus remarquable de l'échappement ordinaire, c'est que l'action de la roue de rencontre sur le balancier, pour lui communiquer du mouvement, s'opere par de très - grands leviers; au lieu que la réaction du balancier sur cette roue, se fait au contraire par de très - petits; ce qui produit une grande liberté dans le régulateur, & augmente beaucoup sa puissance régulatrice.

Pour rendre ceci plus sensible, supposons que B (figure 19.) soit une puissance qui se meuve dans la direction constante B E, & qui pousse continuellement une palette C P, qui se meut circulairement autour du point C. Je dis que les efforts de cette puissance pour faire tourner la palette, seront entr'eux, dans les différentes situations C P, comme les quarrés des lignes C E, C p, qui expriment les distances des points p & E au centre.

Pour le démontrer, imaginons que la puissance agissant perpendiculairement en E, parcoure un très petit espace comme E G; imaginons de plus la palette & la puissance parvenues en p, & supposons que la puissance parcoure comme auparavant un espace t p égal à l'espace E G; l'arc décrit par le rayon p sera p d. Les arcs décrits par ces deux points des palettes p & E, dans ces différentes situations, seront donc comme les lignes p d & E G, ou son égal p t; mais à cause des triangles semblables E C p, t p d, on voit que ces lignes sont entr'elles comme C E & c p; ces arcs seront donc comme ces lignes. Or on sait par un des premiers principes de la méchanique, que les efforts d'une puissance sont en raison renversée des vîtesses qu'elle communique: ces forcés dans les points p & E seront donc en raison renversée de C E & de C p, qui expriment les vîtesses dans les points P & E, elles seront donc dans la raison de C p à C E: mais de plus elles seront appliquées à des leviers, qui seront encore en même raison; l'effort total dans les points E & p, sera donc comme le quarré d'E C est au quarré de p C.

Il suit de - là, que plus l'angle p C E, formé par la palette & par la perpendiculaire à la direction de la puissance augmente, plus la force de cette puissance augmente.

Il est facile à présent de faire l'application de cette proposition, à ce que nous avons avancé au sujet de la propriété de l'échappement ordinaire. Pour cet effet, qu'on imagine que la figure 24 représente la projection ortographique d'une roue de rencontre & des palettes d'un balancier. Les dents a & b seront celles qui étoient les plus près de l'oeil avant la projection, d e f celles qui en étoient les plus éloignées, & C P, C L représenteront la projection des palettes. Mais on peut regarder le mouvement des dents a & b dans la direction G M, comme ne différant pas beaucoup de leur mouvement circulaire, de même que celui des dents d e f en sens contraire de M en G; cela étant posé, C M étant perpendiculaire à ces deux directions, il est clair, par ce que nous avons démontré plus haut, qu'à mesure que la roue mene la palette, sa force augmente, & qu'enfin elle est la plus grande de toutes, lorsqu'elle est sur le point de la quitter, comme en P; parce qu'alors l'angle de la palette avec la perpendiculaire à la direction de la roue est le plus grand, & qu'au contraire la dent d, qui va rencontrer l'autre palette L t la pousse avec bien moins de force, puisque l'angle M C t formé par cette palette & par la perpendiculaire à la direction de la roue est beaucoup plus petit. Ceci prouve donc ce que nous avons avancé de la propriété de cet échappement; savoir, que la roue de rencontre a beaucoup plus de force pour communiquer du mouvement au balancier, qu'elle n'en a pour lui résister lorsqu'il réagit sur elle. Cette force seroit comme le quarré des leviers sur lesquels la roue agit dans ces deux points P & t, si cette roue se mouvoit en ligne droite, comme nous l'avons supposé pour la facilité de la démonstration; mais comme elle se meut circulairement, cette force croît dans un plus grand rapport; car le levier de cette roue par lequel elle agit sur la palette, diminue à mesure que l'inclinaison de cette palette augmente; puisque ce levier n'est autre chose que le sinus du complément de l'angle formé par le rayon de la roue, qui se termine à la pointe de la dent, & par celui qui est parallele à l'axe de la verge, angle qui augmente toûjours à mesure que la dent pousse la palette. La longueur de ce levier doit donc entrer aussi dans l'estimation de l'action de la roue de rencontre sur la palette: or plus le levier d'une roue diminue, plus sa force augmente. Il s'ensuit donc que le rapport des forces avec lesquelles la roue d'échappement agit sur la palette qu'elle quitte, & sur celle qu'elle rencontre, est dans la raison composée de la directe des quarrés des leviers des palettes par lesquels se fait cette action, & dans l'inverse des sinus des complémens des angles formés par le rayon qui le termine à la pointe de la dent, dans ces différentes positions, & par celui qui est parallele à l'axe de la verge.

Cette propriété de l'échappement étoit trop avantageuse, pour que les habiles horlogers ne s'efforçassent pas d'en profiter; aussi ne manquerent - ils pas de faire approcher la roue de rencontre aussi près de l'axe du balancier qu'ils le pûrent, pour obtenir par ce moyen la plus grande différence entre les forces dans les points P & t (voyez la même figure 24); car par - là l'angle M C P devenant le plus grand, & l'autre M C t le plus petit, cet effet en résultoit nécessairement. Mais bien - tôt ils s'apperçurent que cette pratique entraînoit de grands inconvéniens: 1°. le balancier décrivoit par - là de trop grands arcs à chaque vibration, ce qui le rendoit sujet aux renversemens & aux battemens: 2°. cela donnoit lieu à des palettes étroites, qui rendoient la montre trop sujette à se déranger par les différentes situations, l'inconvénient du jeu des pivots dans leurs trous étant beaucoup plus grand par rapport à des palettes étroites qu'à des palettes larges.

Après donc un très - grand nombre de tentatives & d'expériences, où l'on varia la longueur des palettes, l'angle qu'elles font entr'elles, & la distance de la roue de rencontre à l'axe du balancier, on trouva que l'angle de 90 degrés étoit le plus convenable pour les palettes, & que la roue de rencontre devoit approcher assez près de l'axe du balancier, pour qu'une dent de cette roue étant supposée au point où elle tombe sur une palette, après avoir abandonné l'autre, cette dent pût faire parcourir à la palette, pour la quitter de nouveau, un arc de 40 degrés.

En réfléchissant sur cette matiere, on pourroitimaginer qu'il seroit plus à propos que les palettes formassent entr'elles un angle au - dessus de 90 degrés, parce qu'alors l'arc total de réaction se feroit sur un plus petit levier. Mais comme des changemens iné<pb-> [p. 234] vitables font décroître la grandeur des vibrations; comme de plus l'échappement ne peut être parfaitement juste, & qu'il se fait toûjours un peu de chûte sur les palettes, quand le balancier commence à réagir, les Horlogers diminuent le levier par lequel la roue opere quand elle vient d'échapper: ce qu'ils ne peuvent faire sans augmenter celui qui se forme à la fin de la réaction. Ces deux leviers deviennent à très - peu près égaux, quand la montre a marché pendant un certain tems, le branle allant toûjours en diminuant.

L'expérience a encore montré aux Horlogers que le régulateur des montres doit avoir avec la force motrice un certain rapport, sans lequel ou il n'est pas assez puissant pour corriger les variations de cette force, ou il lui apporte une trop grande resistance à surmonter, ce qui rend la montre sujette à s'arrêter. La méthode que la pratique a enseignée pour donner au régulateur une puissance également éloignée de l'un & l'autre inconvénient, c'est de faire marcher les montres sans ressort spiral, comme elles le faisoient avant l'invention de ce ressort, & de donner au balancier une masse telle, que sa résistance laisse parcourir à l'aiguille sur le cadran 27 minutes par heure, & que le ressort spiral étant ajoûté, accélere dans un même tems d'une heure le mouvement de cette aiguille de 33 minutes. Il est bon de remarquer cependant que ce nombre de 27 minutes que doit aller une montre par heure sans ressort spiral, est conditionnel à la bonté de la montre; car ces différentes imperfections du roüage rendant la force motrice, tantôt plus grande, tantôt plus petite, obligent de faire aller les montres médiocres plus de 27, comme 28 & même 30, pendant qu'on peut ne faire aller que 26, & même moins, celles qui sont très bien faites.

Ayant apporté tous ses soins pour la disposition de l'échappement ordinaire, on y reconnoît trois propriétés considérables, la simplicité, la facilité d'exécution, & le peu de frottement qui se rencontre dans toutes les parties qui le composent. Il est fâcheux qu'avec tous ces avantages il ne puisse procurer une compensation suffisante des inégalités du roüage; inconvénient qui vient de ce que les montres, comme nous venons de le dire, vont 27 minutes par heure sans le secours du ressort spiral & par la seule puissance de la force motrice. En doublant la force motrice d'une montre, on la fait avancer d'environ une heure en 24.

L'échappement à verge a encore plusieurs défauts. Le pivot qui porte la roue de rencontre est chargé de toute la pression d'un engrenage, de toute l'action & la réaction des palettes; réaction d'autant plus grande, qu'elle se passe au - delà de ce pivot. D'ailleurs pour des raisons qu'on rapportera plus bas, on ne peut en faire usage dans les pendules; c'est pourquoi on leur applique ordinairement ou l'é<-> chappement à deux verges, ou celui que l'on doit à la sagacité du docteur Hook.

Un autre échappement à recul qui ne differe réellement que de nom du précédent, c'est l'échappement à piroüette. Voici en peu de mots en quoi il consiste. 1°. Les dents de la derniere roue formées comme celles d'une roue de champ, engrenent dans un pignon fixé sur l'axe du balancier. 2°. L'axe de la derniere roue (dans le cas précédent roue de rencontre), est ici une verge avec des palettes, lesquelles sont alternativement poussées par les dents de la roue de champ formées comme celles d'une roue de rencontre.

Sur ce simple exposé, il est aisé de voir que cet échappement ne differe point du précédent, si ce n'est qu'au lieu de se faire entre la derniere roue & le balancier, il se fait entre la roue de champ & la der<cb-> niere roue, qui par le moyen de son engrenage avec le pignon du balancier, fait faire à ce régulateur plusieurs tours à chaque vibration.

Le but qu'on se proposa dans cette construction fut de rendre les vibrations du balancier fort lentes comme d'une seconde, en lui laissant toûjours le même mouvement. M. Sulli dit (regle artificielle du tems, page 241.) qu'il a vû de ces sortes de montres qui n'avoient point de ressort spiral, & qui employoient deux secondes de tems dans chaque vibration. Il semble, dit le même auteur, « qu'on ait imaginé cette construction pour mieux imiter les vibrations d'une pendule à seconde, qui étoit alors une invention nouvelle & peu connue. Il se peut, ajoûte - t - il, aussi que les premieres montres à ressort spiral de M. Huyghens, ayant leur échappement de cette maniere, certains artistes antagonistes de cette nouveauté, dont ils ne comprenoient point la propriété, s'imaginerent que ces montres à piroüette devoient leur régularité plûtôt à la lenteur de leurs vibrations qu'à l'application de ce ressort dont ils essayerent de se passer ».

Description de l'échappement du docteur Hook, ou de l'échappement à ancre.

Dans cet échappement, sur l'axe du mouvement du pendule sont deux branches ou bras (fig. 25) qui embrassent une partie du rochet: l'un se terminant par une courbe, dont la convexité est tournée extérieurement; & l'autre aussi par une courbe dont la concavité est tournée intérieurement. Quand le rochet chasse le premier, le second situé de l'autre côté de l'axe est contraint de s'engager dans les dents qui lui sont correspondantes; d'où étant bien - tôt chassé, il oblige à son tour l'autre de se représenter à l'action du rochet, &c. C'est ainsi que sont restituées les pertes de mouvement du pendule; on va le voir plus amplement par le précis de la dissertation de M. Saurin (mémoires de l'acad. ann. 1720.) que nous allons rapporter.

« Tout le monde dit bien en général que c'est le poids moteur qui entretient les vibrations du pendule; mais comment les entretient - il? c'est une demande qu'on ne s'est pas même avisé de se faire. L'experience a conduit les Horlogers à donner à l'échappement la construction nécessaire pour cet effet; cependant il y en a très - peu à qui tout l'art de cette construction soit connu, & qui ne fussent embarrassés du problème que je propose, trouver la raison de la durée des vibrations: il sera résolu par l'exposition que je vais donner.

La figure 25 représente une roue de rencontre & une ancre avec son pendule dans l'état où ce régulateur est en repos. Il est alors vertical & l'ancre horisontal; c'est - à - dire qu'une droite A A qui joindroit les deux extrémités des faces de l'échap<-> pement, seroit perpendiculaire à la verticale C B. D'un côté, une dent de la roue s'appuie sur le point B de l'une des courbes, dont une partie A B est engagée dans la dent; de l'autre, une même partie A B s'avance entre deux dents, & est éloignée de l'une & de l'autre à peu - près de la même quantité.

Le poids moteur étant remonté, il s'en faut de beaucoup qu'il ait par lui - même la force de mettre le pendule en mouvement. Pour l'y mettre, il faut l'élever & le lâcher ensuite; tombant alors par sa propre pesanteur, & accéléré dans sa chûte par la dent H qui par supposition le pousse jusqu'en A, il remonte de l'autre côté. Pour lors la dent N rencontrant l'ancre en F, elle est contrainte de reculer un peu par le mouvement acquis du pendule; celui - ci retombant de nouveau par l'effort de la pesanteur, est encore accéléré dans sa chûte par la dent qui avoit reculé, & remonte

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