ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"225"> ceux - ci quelques - uns étoient ingenus, c'est - à - dire libres; la plûpart des autres étoient serfs comme une grande partie du peuple; plusieurs des évêques qui dégraderent Louis le Débonnaire avoient été serfs.

Sous la premiere race de nos rois, les ecclésiastiques ne faisoient point au roi des dons à part, comme la noblesse & le peuple en faisoient chaque année; ils contribuoient néanmoins de plusieurs autres manieres à soûtenir les charges de l'état.

Nos rois les exempterent à la vérité, d'une partie des charges personnelles; mais les terres de l'Eglise demeurerent sujettes aux charges réelles.

Il y avoit même des tributs ordinaires, auxquels les ecclésiastiques étoient sujets comme les laïcs.

Grégoire de Tours rapporte que Theodebert roi d'Austrasie, petit - sils de Clovis, déchargea les églises d'Auvergne de tous les tributs qu'elles lui payoient: il fait aussi mention que Childebert roi du même pays, & petit - fils de Clotaire premier, affranchit pareillement le clergé de Tours de toutes sortes d'impôts.

Clotaire I. ordonna, en 568 ou 560, que les ecclé<-> siastiques payeroient le tiers de leur revenu; tous les évêques y souserivirent, à l'exception d'Injuriosus évêque de Tours, dont l'opposition fit changer le roi de volonté.

Pasquier & autres auteurs remarquent aussi que Charles Martel prit une partie du temporel des églises, & sur - tout de celles qui étoient de fondation royale, pour récompenser la noblesse françoise qui lui avoit aidé à combattre les Sarrasins. Les ecclésias<-> tiques contribuerent encore de son tems, pour la guerre qu'il préparoit contre les Lombards. Loiseau tient que cette levée fut du dixieme des revenus; & quelques - uns tiennent que ce sut là l'origine des décimes; mais on la rapporte plus communément au tems de Philippe Auguste, comme on l'a dit ci - devant au mot Décimes.

Sous la seconde race de nos rois, les ecclésiastiques ayant été admis dans les assemblées de la nation, offroient au roi tous les ans un don, comme la noblesse & le peuple.

Il y avoit même une taxe sur le pié du revenu des fiefs - aleux & autres héritages que chacun possedoit. Les historiens en font mention sous les années 826 & suivantes.

Fauchet dit qu'en 833 Lothaire reçut à Compiegne les présens que les évêques, les abbés, les comtes, & le peuple faisoient au roi tous les ans; que ces présens étoient proportionnés au revenu de chacun: Louis le Débonnaire les reçut encore des trois ordres à Orléans, Worms, & Thionville en 835, 836, & 837.

Le roi tiroit quelquefois des grands seigneurs & des évêques certaines subventions de deniers, & les autorisoit ensuite à y faire contribuer ceux qui leur étoient subordonnés; ainsi les seigneurs faisoient des levées sur leurs vassaux & censitaires, & les évêques sur les curés & autres bénéficiers de leur diocèse; c'est sans doute de - là, que dans un concile de Toulouse, tenu en 846, on trouve que chaque curé étoit tenu de fournir à son évêque une certaine contribution, consistante en un minot de froment & un minot d'orge, une mesure de vin, & un agneau, le tout évalué deux sols; & l'évêque avoit le choix de le prendre en argent ou en nature.

L'empereur Charles le Chauve fit en outre, en 877, une levée extraordinaire de deniers, tant sur les ecclésiastiques que sur les laïcs, à l'occasion de la guerre qu'il entreprit à la priere de Jean VIII. contre les Sarrasins, qui ravageoient les environs de Rome & de toute l'Italie. Fauchet dit que les évêques levoient sur les prêtres, c'est - à - dire sur les curés & autres bénéficiers de leur diocèse, cinq sous d'or pour les plus riches, & quatre deniers d'argent pour les moins aisés; que tous ces deniers étoient remis entre les mains des gens commis par le roi: on prit même quelque chose du thrésor des églises pour payer cette subvention, laquelle paroît être la seule de cette espece qui ait été levée sous la seconde race.

On voit aussi par les actes d'un synode, tenu à Soissons en 853, que les rois faisorent quelquefois des emprunts sur les fiefs de l'Eglise: en effet, Charles le Chauve, qui fut présent à ce synode, renonça à faire ce que l'on appelloit proesturias, c'est - à - dire de ces sortes d'emprunts, ou du moins des fournitures, devoirs, ou redevances, dont les fiefs de l'Eglise étoient chargés.

Les voyages d'outre - mer qui se firent pour les croisades & guerres saintes, furent proprement la source des levées, auxquelles on donna peu de tems après le nom de décimes.

Le premier & le plus fameux de ces voyages, fut celui qui se fit sous la conduite de Godefroi de Bouillon en 1096; les ecclésiastiques s'empresserent comme les autres ordres de contribuer à cette sainte expédition.

Louis le Jeune le premier de nos rois qui se croisa, lorsqu'il partit en 1147, fit une levée de deniers sur les ecclésiastiques pour la dispense qu'il leur accorda de faire ce voyage. Ce fait est prouvé par trois pieces que rapporte Duchesne: 1°. un titre de l'abbaye de S. Benoit - sur - Loire, qui porte que cette abbaye fut d'abord taxée à 1000 marcs d'argent, ensuite à 500; qu'ensuite on s'accorda à 300 marcs & 500 besans d'or: 2°. par une lettre d'un abbé de Ferriere à l'abbé Suger, alors regent du royaume en l'absence de Louis le Jeune, ou cet abbé demande du tems pour payer le restant de sa taxe: 3°. une autre lettre du chapitre & des habitans de Brioude à Louis le Jeune, où ils parlent d'une couronne qu'ils avoient mise en gage pour payer au roi ce qu'ils lui avoient promis.

Une chronique de l'abbaye de Morigny nous apprend encore, qu'Eugene III. étant arrivé en France lorsque le roi étoit sur le point de partir pour la Terre sainte, les églises du royaume firent tous les frais de son séjour, qui fut fort long, puisque le premier Avril 1148 il tint un concile à Reims.

Il n'est point fait mention d'aucune autre subvention extraordinaire fournie par les ecclesiastiques, jusqu'à la dixme ou décime saladine sous Philippe Auguste, depuis lequel les subventions fournies par le clergé ont été appellées décimes, dons gratuits, & subventions, comme on l'a expliqué aux mots Décimes & Dons gratuits, & qu'on le dira au mot Subvention.

Outre les redevances & subventions que les ecclé<-> siastiques payoient en argent, dès le commencement de la monarchie, ils devoient aussi au roi le droit de gîte ou procuration, & le service militaire.

Le droit de gîte consistoit à nourrir le roi & ceux de sa suite, quand il passoit dans quelque lieu où des ecclésiastiques séculiers ou réguliers avoient des terres; ils étoient aussi obligés de recevoir ceux que le roi envoyoit de sa part dans les provinces, & les ambassadeurs.

A l'égard du service militaire, ils le devoient comme sujets & comme propriétaires de biens fonds, long tems avant que l'on connût en France l'usage des fiefs & du service dû par les vassaux.

Hugues abbé de S. Bertin, l'un des fils de Charlemagne, qui étoit général de l'armée de Charles le Chauve son oncle, fut tué dans la bataille qu'il donna près de Toulouse le 7 Juin 844.

Abbon, parlant du siége de Paris par les Normans, dit qu'Ebolus abbé de Saint - Germain - des - Prez, alloit à la guerre avec Golenus évêque de Paris.

Lorsque les ecclésiastiques devinrent possesseurs de [p. 226] fiefs, ce fut un titre de plus pour les obliger au service militaire, comme ils continuerent en effet de le rendre. Dès qu'il y avoit guerre, les églises étoient obligées d'envoyer à l'armée leurs hommes ou vasfaux, & un certain nombre de personnes, & de les y entretenir à leurs dépens: les évêques & abbés devoient être à la tête de leurs vassaux.

Il est dit dans les capitulaires, que l'on présenta une requête à Charlemagne, tendante à ce que les ecclésiastiques fussent dispensés du service militaire, & il paroît que c'étoient les peuples qui le demandoient, représentans au roi que les ecclésiastiques serviroient l'état plus utilement en restant dans leurs églises, & s'occupant aux prieres pour le roi & ses sujets, qu'en marchant à l'ennemi & au combat, ce qui confirme que quand ils venoient en personne à l'armée, ils n'étoient pas ordinairement simples spectateurs du combat.

La réponse de Charlemagne fut qu'il accordoit volontiers la demande, mais que de telles affaires devoient être concertées avec tous les ordres.

Les prélats furent cependant dispensés de se trouver en personne à l'armée, à condition d'y envoyer leurs vassaux sous la conduite de quelqu'autre seigneur; mais les évêques insisterent alors pour continuer à faire le service militaire en personne, craignant que s'ils le cessoient, cela ne leur fît perdre leurs fiefs & n'avilît leur dignité.

Il paroît même que les successeurs de Charlemagne rétablirent l'obligation du service militaire de la part des ecclésiastiques; on en trouve en effet plusieurs preuves.

Rouillard, en son histoire de Melun, pag. 322. fait mention d'un ecclésiastique, lequel, sous Louis le Débonnaire, en 871, commandoit l'armée des Esclavons.

La chronique manuscrite de l'abbaye de Mouson, fait aussi mention d'Adalberon archevêque de Reims, qui assiégea le château de. Vuarch en 971.

Ordericus Vitalis dit sur l'année 1094, que Philippe I. assiégeant la forteresse de Breval, les abbés y conduisirent leurs vassaux, & que les curés s'y trouverent à la tête de leurs paroissiens, chacun rangés sous leurs bannieres.

Philippe Auguste, en 1209, confisqua les fiefs des évêques d'Auxerre & d'Orléans pour avoir quitté l'armée, prétendant qu'ils ne devoient le service que quand le roi y etoit en personne.

Joinville parle de son prêtre, qui se battoit vaillamment contre les Turcs.

Le pere Thomassin prétend que les évêques & les abbés n'étoient dans les armées, que pour contenir leurs vassaux & troupes à leur solde, & qu'ils ne faisoient pas le service de gens de guerre, ce qui est une erreur; car outre les exemples que l'on a déjà rapportés du contraire, il est certain que les ecclé<-> siastiques continuerent encore long - tems de servir en personne, & que les plus valeureux se battoient réellement contre les ennemis, tandis que ceux qui étoient plus pacifiques levoient les mains au ciel: ceux qui se battoient, pour ne point tomber en irrégularité en répandant le sang humain, s'armoient d'une massue de bois pour étourdir & abbattre ceux contre qui ils combattoient.

Ce fut Guerin, élu depuis peu évêque de Senlis, qui rangea l'armée avant la bataille de Bouvines, en 1214; il ne combattit cependant pas de la main à cause de sa qualité d'évêque; mais Philippe cousin du roi & évêque de Beauvais, se souvenant que le pape l'avoit repris pour s'être déjà trouvé en un autre combat contre les Anglois, assommoit dans celui - ci les ennemis avec une massue, d'un coup de laquelle il terrassa le comte de Salisbury; il s'imaginoit par ce moyen être à couvert de tout repro<cb-> che, prétendant que ce n'étoit pas répandre le sang, comme cela lui étoit défendu à cause de sa qualité d'évêque.

Quelques évêques & abbés obtenoient des dispenses de servir en personne, & envoyoient quelqu'un en leur place; d'autres étoient dispensés purement & simplement du service, comme Philippe Auguste l'accorda en 1200 à l'évêque de Paris, & Philippe III. à Gerard de Moret abbé de S. Germain - des - Prez; mais nos rois étoient fort retenus dans la concession de ces dispenses, qui tendoient à affoiblir les forces de l'état.

Pour être convaincu de l'usage constant où étoient les ecclésiastiques de faire le service militaire pour leurs fiefs, ou au moins d'envoyer quelqu'un en leur place, il suffit de parcourir les rôles des anciens bans & arriere - bans, qui sont rapportés à la suite du traité de la noblesse par de la Roque, dans lesquels sont compris les évêques, abbés, prieurs, chanoines, & autres bénéficiers, les religieux, & même les religieuses, & cela depuis Philippe Auguste jusque fort avant dans le xjv. siecle.

Philippe le Bel, en 1303, écrivit à tous les archevêques & évêques des lettres circulaires, qu'ils eussent à se rendre avec leurs gens à son armée de Flandre; & par d'autres lettres de la même année, il demande à tous les gens d'église un secours d'hommes & d'argent à proportion des terres qu'ils possédoient; il ordonna encore, en 1304, à tous les ecclésiastiques de son royaume, de se trouver en personne à son armée à Arras, ainsi qu'ils y étoient obligés par le serment de fidélité.

De même Philippe V, dans des lettres du 4 Juin 1318, adressées au bailli de Vermandois, dit: Nous vous envoyons plusieurs lettres, par lesquelles nous requérons & semonnons les prélats, abbés, barons, nobles, & autres, ... qu'ils soient en chevaux & en armes appareillés suffisamment selon leur état, & le plus fortement qu'ils le pourront, à la quinzaine prochaine à Arras, &c.

Il y eut encore pendant long tems plusieurs prélats & autres ecclésiastiques, qui faisoient en personne le service militaire qu'ils devoient pour leurs fiefs.

On voit dans les registres de la chambre des comptes, qu'Henri de Thoire & de Villars, étant évêque de Valence & depuis archevêque de Lyon, porta les armes, avec Humbert sire de Thoire & de Villars, son frere aîné, dans les armées de Philippe de Valois en Flandres, dans les années 1337, 1338, 1340, 1341, & 1342, ayant six chevaliers & quatre - vingt - deux écuyers de leur compagnie.

Jean de Meulant évêque de Meaux, se trouva aussi en 1339 & 1340, dans les armées de Flandres.

Renaut Chauveau évêque de Châlons, assista à la bataille de Poitiers où il fut tué; & Guillaume de Melun archevêque de Sens, y fut fait prisonnier.

A la bataille d'Azincourt, donnée le 25 Octobre 1415, Guillaume de Montaigu archevêque de Sens, qui fut le seul entre les ecclésiastiques qui se trouva en personne à cette journée, fit admirer son grand courage dont il avoit déjà donné des preuves en d'autres occasions; il se porta dans celle - ci aux endroits les plus dangereux, & y perdit la vie.

Louis d'Amboise cardinal & évêque d'Alby, s'employa aussi fort utilement au siége de Perpignan l'an 1475.

Dans la suite, au moyen des contributions d'hommes & d'argent que les ecclésiastiques ont fournies, ils ont été peu - à - peu dispensés de servir en personne, & même entierement exemptés du ban & de l'arriere - ban, tant par François I. le 4 Juillet 1541, que par contrat du 29 Avril 1636, sous le regne de Louis XIII.

Depuis le regne de Constantin, les ecclésiastiques

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