ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"209"> le champ la farine dans l'eau, elle se rassembleroit en une multitude de globules d'une grosseur plus ou moins considérable. Si nous l'y trempions comme le son, pour exprimer ensuite le fluide, il en résulteroit une masse que nous aurions ensuite une peine extrème à diviser; il faut donc, à mesure que l'on ajoûte le froment en farine, le broyer sec avec les doigts, & le laisser tomber en poudre, après quoi on agite l'eau & on la met devant l'animal, qui s'en abreuve quand il le peut ou quand il le veut.

L'eau miellée forme encore une boisson très - adoucissante; il ne s'agit que de mettre une plus ou moins forte dose de mies dans l'eau que l'on veut donner à boire au cheval, & de l'y délayer autant qu'il est possible. Il est néanmoins beaucoup de chevaux auxquels elle répugne, & qui n'en boivent point.

Souvent aussi la maladie & le dégoût sont tels, que nous sommes contraints de ne nourrir l'animal qu'en l'abreuvant. Alors nous donnons à la boisson encore plus de consistance, en y faisant cuire ou de la mie de pain, ou de l'orge mondé, ou de la farine d'orge tamisée; nous passons ensuite ces especes de panades, & nous les donnons au cheval avec la corne.

Du reste nous employons les décoctions, les infusions, les eaux distillées, &c.

Je ne puis rapporter qu'un seul exemple de l'efficacité des eaux minérales données en boisson à l'animal; mais je suis convaincu qu'elles lui seroient très - salutaires, si on les prescrivoit à - propos, & si on ajoûton ce secours à tous ceux que nous avons tirés de la Medecine du corps humain. Il étoit question d'un cheval poussif; les eaux minérales du Montd'or, très - propres à la cure de l'asthme, le rétablirent entierement.

2°. Les avantages que l'animal retire de l'usage exté<-> rieur de l'eau sont sensibles.

On peut dire que ses effets relativement à l'homme & au cheval sont les mêmes. Si l'eau froide excite dans les fibres une véritable constriction, si elle contraint les pores de la peau à se resserrer, c'en est assez pour penétrer les raisons de la prohibition des bains entiers, eu égard à tout animal en suenr, & pour être instruit du danger éminent qu'il y auroit de le tenir alors le corps plongé dans une riviere. Si en même tems ce fluide doit être envisagé toûjours à raison de sa froideur comme un repercussif, on ne doit point être étonné qu'on le prescrive dans les cas de fourbure, de crampes, d'entorses récentes, &c. & qu'on ordonne de l'employer en forme de bains pédilaves, lorsqu'à la suite d'un certain travail ou de trop de repos, ou d'autres causes quelconques, on veut prévenir ou dissiper l'engorgement des jambes en augmentant la force & la résistance des solides, & en les disposant à résister à l'affluence trop prompte & trop abondante des humeurs sur ces parties.

Ce seroit perdre un tems prétieux, que de rechercher ce que les anciens ont écrit sur cette matiere: quel fruit pourrions - nous en attendre? d'une part nous verrions Buellius soûtenir gravement que dès les premiers cinq mois on doit mener le poulain à l'eau, & le faire souvent entrer entierement dans la riviere afin de lui enseigner à nager: de l'autre nous ne serions que surpris du ton dogmatique & imposant avec lequel Columelle & Camérarius énoncent tous les principes qu'ils ont affecté de répandre sur ce point; l'un dans son traité sur les chevaux, cha<-> pitre v; & l'autre dans son hippocom. Abandonnons donc ces auteurs; les propriétés que nous avons assignées à l'eau froide suffiront pour indiquer les cas où elle nous conduira à la guérison de l'animal.

Je ne conçois pas pourquoi nous bannissons ou nous oublions les bains d'eau chaude. Il est constant qu'ils ne peuvent que ramollir des fibres roides, tendues, & resserrées par les spasmes; ils procurent un relâchement dans toute l'habitude du corps; ils facilitent la circulation, ouvrent les pores, rarésient le sang, facilitent la dilatation du coeur & des arteres, & disposent enfin l'animal aux effets des médicamens qui doivent lui être administrés dans nombre de maladies. Je les ai employés très - souvent; & les épreuves que j'en ai faites m'ont persuadé que les succès qui suivroient cette pratique, sont tels qu'ils doivent nous faire passer sur les difficultés que nous offrent d'abord l'appareil & les préparations de ces sortes de remedes. Les douches d'eau simple & commune, froide ou chaude, injectée de loin sur l'animal avec une longue & grande seringue, semblable à celle dont les Maréchaux se servent communément pour donner des lavemens, ou versée de haut par le moyen d'une forte éponge que l'on exprime, sont encore d'une ressource admirable dans une multitude d'occasions. Celles d'eau commune dans laquelle on a fait bouillir des plantes qui ont telles & telles qualités selon le genre des maux que l'on doit combattre, ne sont pas d'une moindre utilité; & personne n'ignore les effets salutaires des fomentations & des bains artificiels résolutifs, astringens, anodins, fortifians, émolliens, &c. suivant les vertus communiquées à l'eau par les plantes médicinales auxquelles on l'associe. Plusieurs se servent de tems en tems du bouillon de tripe ou de l'eau dans laquelle on a lavé la vaisselle, mit harspuolen, pour laver les jambes des chevaux: ces especes de fomentations onctueuses ne sont pas à dédaigner; elles maintiennent les fibres dans un degré de souplesse qui en facilitent le jeu, & elles préviennent ces rettactions fréquentes des tendons qui arquent la jambe, & qui boutent ou boulletent presque tous les chevaux après un certain tems de service.

Les douches d'eaux minérales enfin, les applications des boues ou des sédimens épais de ces mêmes eaux, sont des remedes recommandables. J'ai vû deux chevaux de prix entierement délaissés à la suite d'un effort de reins, auquel on n'avoit pû radicalement remédier, & qui pouvoient à peine traîner leur derriere lorsqu'ils avoient cheminé l'espace d'une demi - lieue; les douches des eaux d'Aix en Savoie leur rendirent toute leur force & toute leur vigueur.

Chevaux qui craignent l'eau; chevaux qui s'y couchent. Rien n'est plus incommode que le vice dont sont atteints les premiers, & rien n'est en même tems plus dangereux que le défaut des seconds; je suggérerai ici en peu de mots les moyens de corriger l'un & l'autre.

Les chevaux qui redoutent l'eau au point de se défendre vivement, lorsqu'on veut les faire entrer dans une riviere, soit pour les abreuver, soit pour les y baigner, ou pour la leur faire guéer dans une route, ne peuvent être la plûpart affectés de terreur que conséquemment au bruit ou à la vivacité de son cours. Il ne s'agiroit que d'y accoûtumer leurs oreilles & leurs yeux prudemment & avec patience: la dureté, les coups, la rigueur, la surprise, sont de vaines armes pour les vaincre; & l'expérience nous apprend que l'effroi des châtimens est souvent plus préjudiciable, que celui du premier objet appréhendé. Tâchons donc toûjours de leur donner l'habitude de reconnoître & de sentir l'objet qu'ils craignent. Si nous n'imputons leur desobéisfance qu'à l'étonnement que leur cause le bruit de l'eau lorsqu'ils en abordent, il ést bon de les attacher pendant quelque tems dans le voisinage d'un moulin, insensiblement on les en approche, & enfin on les tient vis - à - vis la roue de ce même moulin, entre deux piliers, régulierement une heure ou deux dans la journée, ayant soin de les flater & de leur don<pb-> [p. 210] ner du pain, ou quelques poignées d'avoine. On pratique ensuite la même chose, relativement à l'effroi qu'occasionne en eux la rapidité des eaux qui roulent; après quoi on tente de les conduire dans la riviere même, en observant d'y faire entrer un autre cheval avant eux, & de le leur faire suivre en les caressant. On doit avoir attention de ne les y point d'abord mener trop avant; il n'est question dans le commencement que de les déterminer à obéir: on les y maintient plus ou moins de tems, & on les ramene à l'écurie. On gagne par cette voie peu - à - peu l'animal; & non - seulement, si les coups n'ont pas précédé cette méthode & ne l'ont pas rebuté, il n'aura pas besoin de l'exemple d'un autre cheval pour se soûmettre, mais il passera enfin sans peine la riviere entiere, dès que le cavalier qui le monte l'en sollicitera.

Il en est qui par une forte exception au terme générique d'animal philolutron, se gendarment au moindre attouchement & à l'impression la plus legere de l'eau, ou de quelqu'autre liquide sur leur peau. Cette répugnance quelquefois naturelle, mais provenant le plus souvent de la brutalité des palefreniers qui les épongent, cessera de subsister, si on les mouille legerement & avec douceur, & si les caresses accompagnent cette action, qu'il faut répéter dans l'écurie presque toutes les heures, & qui doit nécessairement précéder celle de les mener à l'eau. Au surplus, si cette crainte a sa source dans la nature de l'animal, il redoutera la riviere. Quand elle n'a pour cause que la rigueur des traitemens qu'il a essuyés, il y entre & y nage franchement sans aucun effroi: c'est ce dont j'ai été témoin plusieurs fois, & spécialement eu égard à un cheval qu'un écuyer sexagénaire s'occupoit à châtier & assommer de coups de foüet à l'écurie, sous prétexte de le mettre sur les hanches, & le tout tandis qu'on lui lavoit les crins. Cet animal qu'il faisoit baigner trois fois par jour pendant une heure au moins, dans l'espérance, disoit - il, de l'apprivoiser, sembloit se plaire dans l'eau: mais dès qu'on l'abordoit en tenant une éponge, & qu'on vouloit sur - tout entreprendre d'en peigner & d'en mouiller la criniere, il se défendoit avec fureur. Ce même écuyer m'ayant consulté, & m'ayant ingénument avoüé qu'il étoit l'auteur des desordres de son cheval, j'imaginal de l'en corriger, en l'exposant plusieurs jours sous une gouttiere, de maniere que l'eau qui en tomboit frappoit directement sur son encolure. Dans ce même tems, un palefrenier le flattoit, lui présentoit du pain, lui manioit les crins; il y passa bien - tôt l'éponge & le peigne, & l'animal fut enfin réduit.

Quelquefois l'appréhension du cheval que l'on veut embarquer, naît de l'aspect seul du bateau: alors on doit le familiariser avec l'objet; quelquefois aussi elle est suscitée par le bruit que font les piés sur les planches: en ce cas il faut recourir à une partie de l'expédient que j'ai proposé dans mon nou<-> veau Newkastle, pour dissiper la frayeur dont sont saisis quelques chevaux, qui refusent & se défendent, lorsqu'ils ont à peine fait deux pas sur un pont de bois: substituez des plateaux de chêne au pavé qui garnit la place qu'ils occupent dans l'écurie, le cheval étant sur ces plateaux, ses piés feront le même bruit que lorsqu'il entrera ou remuera dans le bateau, & il sera conséquemment forcé de s'y accoûtumer.

On risque souvent sa vie avec ceux qui se couchent dans l'eau. Il en est qui se dérobent à cet effet si subtilement, & d'une maniere si imperceptible, que le cavalier n'a pas même le tems de se servir de sa main & de ses jambes pour les soûtenir & pour les en empêcher. On ne sauroit leur faire perdre ce vice sans une grande attention à leur mouvement, qu'il est nécessaire de prévenir. Je dois néanmoins avertir qu'il est rare que les éperons & les autres châtimens suffisent pour les en guérir; mais j'ai éprouvé sur un des plus beaux chevaux limousins, dont cette dangereuse habitude diminuoit considérablement le prix, un moyen qui le rendit très - docile, & qui lui ôta jusqu'au desir de se coucher. Je le montai, après m'être pourvû de deux ou trois flacons de verre recouverts d'osier, & remplis d'eau; je le menai à un ruisseau, & je saisis exactement le tems où il commençoit à fléchir les jambes, pour lui casser sur la nuque un de ces mêmes flacons: le bruit du verre, l'eau qui passoit au - travers de l'osier, & qui couloit dans ses oreilles, fit sur lui une telle impression, qu'il se hâta de traverser ce ruisseau; je le lui fis repasser, & j'usai du même châtiment: au bout de cinq ou six jours, l'animal gagnoit avec rapidité, & sans aucun dessein de s'arrêter, l'autre côté du torrent: & depuis cette leçon il n'a jamais donné le moindre signe de la plus legere envie de se plonger dans l'eau. On peut encore prendre, au lieu des flacons, deux balles de plomb, percées & suspendues à une petite ficelle; on les lui laisse tomber dans les oreilles, lorsqu'il est prêt à se coucher; & s'il continue son chemin, on les retire. (e)

Eaux (Page 5:210)

Eaux, (Manege & Maréchall.) maladie cutanée qui tire sa dénomination du premier de ses symptomes, & à laquelle sont très - sujets les jeunes chevaux, qui n'ont pas jetté ou qui n'ont jetté qu'imparfaitement, ainsi que tous les chevaux de tout âge qui sont épais, dont les jarrets sont pleins & gras, dont les jambes sont chargées de poils, & qui ont été nourris dans des terreins gras & marécageux, &c.

Elle se décele par une humeur foetide, & par une sorte de sanie, qui sans ulcérer les parties, suintent d'abord à - travers les pores de la peau qui revêt les extrémités inférieures de l'animal, spécialement les postérieures. Dans le commencement, on les apperçoit aux paturons: à mesure que le mal fait des progrès, il s'étend, il monte jusqu'au boulet, & même jusqu'au milieu du canon; la peau s'amortit, devient blanchâtre, se détache aisément & par morceaux; & le mal cause l'enflûre totale de l'extrémité qu'il attaque. Selon les degrés d'acrimonie & de purulence de la matiere qui slue, & selon le plus ou le moins de corrosion des tégumens, la partie affectée est plus ou moins dégarnie de poil: l'animal qui ne boitoit point d'abord, souffre & boite plus ou moins: & il arrive enfin que la liaison du sabot & de la couronne à l'endroit du talon, est en quelque façon détruite.

Lorsque je remonte aux causes de la maladie dont il s'agit, je ne peux m'empêcher d'y voir & d'y reconnoître le principe d'une multitude d'autres maux que nous ne distinguons de celui - ci qu'attendu leur situation, & dont les noms & les divisions ne servent qu'à multiplier inutilement les difficultés, & qu'à eloigner le maréchal du seul chemin qui le conduiroit au but qu'il se propose. Tels sont les arrêtes ou les queues de rat, les grappes, les mules traversines, la crapaudine humorale, les crevasses, le peigne, le mal d'âne, &c. qui ne sont, ainsi que les eaux, que des maladies cutanées, produites par une même cause générale interne, ou par une même cause générale externe: quelquefois par l'une & l'autre ensemble.

Supposons, quant à la premiere, une lymphe plus ou moins âcre, & plus ou moins épaisse; sa viscosité l'empêchant de s'évaporer par la transpiration, elle gonflera les tuyaux excrétoires de la peau, & elle ne pourra que séjourner dans le tissu de ce tégument, sur lequel elle fera diverses impressions, selon la différence de son caractere. Si elle n'est pas infiniment grossiere & infiniment visqueuse, les embar<pb->

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