ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"189"> principe étant ainsi déterminée, voici l'histoire chimique de cette substance.

L'eau concourt comme principe essentiel à la formation des sels, des huiles, des esprits ardens, & de toutes les matieres inflammables, de toutes les substances végétales & animales, & vraissemblablement des pierres proprement dites, & de tous les fossiles, excepté des substances métalliques.

L'eau constitue la base de toutes les humeurs animales; de la seve & de tous les sucs végétaux, des vins, des vinaigres; de la rosée, & de toutes les matieres connues en Physique sous le nom de météores aqueux. L'eau est essentielle à toute fermentation. Voyez Sel, Huile, Esprit, Flamme, Pierre, Fossile, Substances animales, Végétal, Substances métalliques, Humeur, Seve, Vin, Vinaigre, Rosée, Pluie, Neige, Grêle, Fermentation

Boerhaave, & plusieurs autres physiciens, disent que l'eau est cachée dans un grand nombre de corps où il est merveilleux de la trouver, & cela (car Boerhaave s'explique) parce que ces corps n'ont aucune des qualités extérieures de l'eau, qu'ils ne sont ni mous ni humides, mais au contraire très - secs & très - compactes, tels que le plâtre employé, le vieux mortier, les parties très - dures des animaux, les bois les plus durs gardés dans des lieux secs & chauds pendant des siecles entiers, &c. Ceci est admirable en effet, comme tous les phénomenes naturels sont admirables, comme l'existence de l'univers est admirable, mais non pas étonnant, unique, incroyable; puisque c'est au contraire un fait dérivé très naturel'ement de cette observation générale, que les principes constituans des corps ne sont jamais sensibles, tant qu'ils sont actuellement combinés, & que l'eau ne se manifeste pas plus par ses caracteres sensibles dans l'esprit - de - vin rectifié, ou dans une huile, que dans le tartre ou la stalactite, quoique les premieres substances soient liquides & humides, & que les dernieres soient seches & consiscantes: en un mot, que l'eau puisse être renfermée dans des corps secs & durs, cela n'est un phénomene ilolé, un objet d'admiration, stupendum, mirabile, (Boerhaave, el. chem. de aqua, t. l. p. 314. ed. de Cavelier) que pour quiconque ne sait envisager un corps que sous l'image d'une masse revêtue de qualités sensibles, pour qui l'eau est toûjours une substance molle & fluide (sous une certaine température), un corps physique, un aggregé. Nous insistons sur les inconvéniens de cette mauvaise & très - peu philosophique acception, toutes les fois que l'occasion s'en présente, parce qu'on ne sauroit trop rappeller aux amateurs de la Chimie (lectori philochimico), que la façon de concevoir contraire, est absolument propre & nécessaire au chimiste. Voyez la partie dogmatique de l'article Chimie.

Nous disons donc, mais sans annoncer cette vérité par une formule d'adnuration, que l'eau est un des matériaux de la composition de plusieurs corps très - sees & très - durs. Nous savons ceci très - positivement, soit parce que quelques - uns de ces corps se forment sous nos yeux, que nous disposons nous - mêmes leurs principes à la combinaison, comme lorsque nous gachons le plâtre, que nous préparons le mortier, &c. (voyez Platre, Mortier); soit parce que nous savons retirer cette cau de ces produits de l'art, & de plusieurs corps naturels, par le moyen du feu, & que nous en retirons en effet du plus grand nombre des corps secs & solides, à la formation desquels nous avons avancé que l'eau concouroit comme principe essentiel; soit enfin parce que nous établissons par des analogies très - séverement déduites, l'origine de certains composés dont la Nature nous cache la formation, sur leur rapport avec d'autres corps dont l'eau est un principe démontré; c'est ainsi que nous sommes fondés à admettre l'eau pour un des principes constituans de toutes les pierres qui ne sont pas produites ou altérées par le feu, par les phénomenes qui leur sont communs avec certaines substances salines. Voyez Sel & Pierre.

Si l'on ne peut pas établir démonstrativement que l'eau fait dans ces corps consistans, la fonction d'une espece de mastic, qu'elle est le vrai moyen d'union de leurs autres matériaux, qu'elle soûtient & lie leur aggrégation; on peut au moins se représenter assez exactement, sous cette image, sa maniere de concourir à la formation de ces corps. Quoi qu'il en soit, c'est à ce titre que nous l'employons dans la préparation du plâtre, du mortier, des colles, &c.

Secondement, l'eau appartient à la Chimie comme menstrue ou dissolvant. Voyez Menstrue.

L'eau est le dissolvant de tous les sels, des extraits des végétaux, des gommes, des mucilages, des corps muqueux, de certaines couleurs végétales telles que celle des fleurs de violette, du bois de Brésil, &c. d'une partie des gommes - résines, des esprits ardens, des savons, des sucs gélatineux & lymphatiques des animaux, & même de leurs parties solides, si on l'applique à ces dernieres substances dans la machine de Papin. Voyez Machine de Papin ou Digesteur.

Quoique l'eau ne dissolve pas le corps entier des terres, cependant elle prend quelques parties dans la plûpart des matieres terrestres, & sur - tout dans les terres & pierres calcaires; elle agit très - efficacement sur la chaux (V. Chaux); elle se charge de beaucoup de parties des terres & pierres gypseuses, calcinées ou non calcinées; elle a aussi quelque prise sur les chaux métalliques, & même sur les substances métalliques inaltérécs, principalement sur le fer, le mercure, & l'antimoine, ce qui est prouvé par les vertus médicinales des décoctions de ces substances. Tous les métaux triturés avec l'eau, passent pour fournir un certain sel; l'or même, le plus fixe des métaux, par une longue trituration avec l'eau pure, fournit un sel jaune, selon la prétention de plusieurs habiles chimistes. M. Pott propose le doute suivant sur l'origine de ce produit, de l'existence duquel on pourroit peut - être douter aussi légitimement: an hic effectus tantum diutino triturationis motui, sali etiam ut vocane insipido in aquâ contento attribuendus sit, adhuc hoereo. (Pott, hisioria particular. corporum solutionis, §. 3.) Bécher dit que l'eau distillée un grand nombre de fois devient si corrosive, qu'elle dissout les métaux. Phys. subt. sect. V. cap. xj. L'auteur de la chimie hydraulique a des prétentions singulieres sur cet effet de la trituration avec l'eau. Voyez Hydraulique, (Chimie).

Quoique l'eau ne dissolve pas proprement le soufre, les huiles, les baumes, les résines, les graisses, les beurres, les bitumes, &c. elle extrait pourtant quelque chose de toutes ces substances, & principalement des huiles par expression, des baumes, & des bitumes. Voyez Huile.

Les pierres vitrifiables, comme le vrai sable, le caillou, &c. le bon verre, les émaux, les terres argilleuses bien cuites, le charbon, ne donnent absolument rien à l'eau.

Il faut observer sur ce que nous venons de dire de l'eau considérée comme menstrue, 1°. que selon la loi la plus générale de la dissolution (voyez Menstrue), l'eau ne dissout que des quantités déterminées de tous les corps consistans, que nous avons dit être entierement solubles par ce menstrue; elle s'en charge jusqu'à un terme connu dans l'art sous le nom de saturation, & au - delà duquel la dissolution n'a plus lieu, tout étant d'ailleurs égal. Voyez Saturation. [p. 190]

Le sucre est de tous les corps connus celui que l'eau dissout en plus grande quantité; une partie d'eau tient deux parties de sucre en dissolution sous la température moyenne de notre climat; car la même quantité d'eau très - chaude en dissout bien davantage (voyez Menstrue, Sirop). La quantité de la plûpart des sels requise pour saturer une certaine quantité d'eau, a été observée Voyez Sel.

2°. Qu'on n'observe point une pareille proportion entre l'eau & les différens liquides avec lesquels elle fait une union réelle; mais qu'au contraire une quantité d'eau quelconque se combine chimiquement avec une quantité quelconque d'un liquide auquel elle est réellement miscible. Un gros d'eau se distribue uniformément dans une pinte d'esprit - de - vin, & y éprouve une dissolution réelle, comme une pinte d'eau étend un gros d'esprit - de - vin, & contracte avec ce dernier liquide une union réelle ou chimique. En un mot, l'eau se mêle à tous les liquides solubles par ce menstrue, comme l'eau s'unit avec l'eau, l'huile avec l'huile, &c. Quelques chimistes, du nombre de ceux qui ont considéré les phénomenes chimiques le plus profondément, ont fait du mêlange dont nous parlons, une espece particuliere d'union, qu'ils ont distinguée de la dissolution ou union menstruelle: mais ce n'est pas ici le lieu d'examiner combien cette distinction est légitime. V. Menstrue.

C'est par la propriété qu'a l'eau de dissoudre certaines substances, qu'elle nous devient utile pour les separer de divers corps auxquels elles étoient unies. C'est par - là qu'elle fournit un moyen commode pour retirer les sels lixiviels de parmi les cendres, le nitre des platras, les extraits des végétaux, &c. en un mot, qu'elle est un instrument chimique de l'analyse menstruelle, dont l'application est trèsétendue. Voyez Menstruelle, (Analyse). C'est à ce titre qu'elle a mille usages oeconomiques & diététiques; qu'elle nous sert à blanchir notre linge, à dégraisser nos étoffes, à nous préparer des bouillons, des gélées, des syrops, des boissons agréables comme orgeat, limonade, &c. qu'elle nous sournit plusieurs remedes sous une forme commode, salutaire, & agréable. Voyez Eau, Pharmacie.

Il est essentiel de se ressouvenir que l'eau que le chimiste emploie à titre de menstrue doit être pure, & que celle que la Nature peut lui fournir ne l'est pas ordinairement assez pour les opérations qui demandent beaucoup de précision. La distillation lui offre un moyen commode & suffisant pour retirer de l'eau la moins chargée de parties étrangeres, telle que l'eau de neige, d'en retirer, dis - je, une eau qu'il peut employer comme absolument pure. L'eau de neige distillée est donc l'eau pure des laboratoires; l'eau de pluie, l'eau de riviere, & même une eau commune quelconque, acquiert aussi par la distillation un degré de pureté qui peut être pris pour la pureté absolue.

L'ordre d'affinité de l'eau & de quelques - unes des substances quenous avons nommées, est tel que l'acide vitriolique & l'alkali fixe doivent être placés au premier rang, sans qu'on puisse leur assigner un ordre entr'eux; car lorsqu'on verse un de ces deux corps sur une eau chargée de l'autre, il agit sur ce dernier avec tant d'énergie, qu'il est impossible de distinguer s'il en opere la précipitation avant la dissolution, comme cela s'observe sensiblement de l'alkali versé sur une dissolution de cuivre.

L'acide vitriolique a plus de rapport avec l'eau, que tous les autres acides; il le leur enleve, il les concentre. L'ordre de tous ces autres acides entre eux, quant à leur affinité avec l'eau, n'est pas connu, & n'est peut - être pas connoissable.

Les esprits ardens (ordinairement représentés dans les expériences chimiques par l'esprit - de - vin) occupent le second rang, du moins par rapport à l'alkali fixe ordinaire qui les déphlegme.

Je dis, du moins par rapport à l'alkali fixe, pour ne rien étabiir sur l'acide vitriolique, duquel on ne sait pas en effet s'il y a plus de rapport avec l'eau que l'esprit - de - vin; car on n'apprend rien sur ce point par les phenomenes de la préparation de l'éther vitriolique (voyez Ether vitriolique), & je crois que personne ne s'est encore avisé de mêler de l'acide vitriolique concentré, à de l'esprit - de - vin foible, pour s'instruire du degré d'affinité dont il s'agit.

Je dis en second lieu, l'alkali fixe ordinaire; car l'ordre de rapport de l'alkali fixe, de la soude, de l'eau, & de l'esprit - de - vin, n'a pas été observé que je sache, & il ne paroît pas qu'il doive être le même que celui de l'alkali fixe ordinaire.

L'alkali volatil uni à l'eau est précipité par l'espritde - vin rectifié, comme il est évident par la production de l'offa de Vanhelmont. Voyez Offa de Vanhelmont.

Plusieurs sels neutres dissous dans l'eau, sont précipités par l'esprit - de - vin.

Plusieurs sels neutres unis à l'eau, sont précipités par l'alkali fixe, selon les expériences de M. Baron. (Voyez mém. étr. de l'acad. roy. des Scienc. vol. I.) Les sels neutres ont donc moins de rapport avec l'eau, que l'alkali fixe & que l'esprit - de - vin. Ils ont aussi avec ce menstrue une moindre affinité sans doute, que tous les acides minéraux; mais ceci n'a pas cté déterminé par des expériences, non plus que l'ordre d'affinité de toutes les autres substances solubles par l'eau.

Le chimiste qui se proposera d'étendre autant qu'il est possible, la table des rapports de M. Geoffroy, nous fournira sans doute toutes ces connoissances de détail, & il aura fait un travail très - utile.

Nous retirons dans les travaux ordinaires quelques utilités pratiques du petit nombre de connoissances que nous avons sur cette matiere: nous reduisons sous une forme concrete, des sels neutres très - avides d'eau, par le moyen de l'esprit - de - vin; nous concentrons l'acide nitreux par l'acide vitriolique; nous déphlegmons l'esprit - de - vin par le sel de tartre. Voyez la table des rapports au mot Rapport; voyez Précipitation.

Troisiemement, le chimiste employe l'eau comme instrument méchanique, ou, si l'on veut, physique; il l'interpose entre le feu & certains corps auxquels il veut appliquer un feu doux, & renfermé dans l'etendue des degrés de chaleur dont ce liquide est susceptible. Cet intermede (que j'appellerai faux, voy. Intermede) est connu dans l'art sous le nom de bain - marie (voyez Feu, Chimie). L'eau sert de la même façon dans la cuite des emplâtres qui contiennent des chaux de plomb. Voyez Emplatre.

L'eau est l'instrument essentiel de la pulvérisation philosophique, qu'on appelle aussi pulvérisation à l'eau. Voyez Pulvérisation.

Le lavage par lequel on sépare une poudre plus legere d'une poudre plus pesante, est encore une opération méchanique que le chimiste exécute par le moyen de l'eau. Voyez Lavage.

Il est aisé d'appercevoir que l'eau, dans les derniers usages que nous venons de rapporter, agit comme liquide, & non pas comme liquide tel; & voilà pourquoi elle est dans ces cas un agent physique, & non pas un agent chimique. Voyez la partie dogmatique de l'article Chimie. (b)

Eau douce ou eau commune. L'eau que la nature nous présente sous la forme d'un corps aggregé, est encore un objet chimique, entant que les différentes substances dont elle est toûjours mêlée, ne peuvent être découvertes & définies que par des moyens chimiques.

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