ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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L'eau qui paroît la plus pure, c'est - à - dire la plus limpide, la plus inodore & la plus insipide, celle que tout le monde connoît sous le nom d'eau douce ou d'eau commune, n'est pas exempte de mêlange, n'est pas un corps simple ou homogene. La distillation de la plus pure de ces eaux présente toûjours un résidu au moins terreux.

Les Naturalistes & les Medecins distinguent les différentes especes d'eau douce par divers caracteres extérieurs, & sur - tout par leur lieu ou leur origine. Nous adoptons cette division, puisqu'en effet c'est du lieu & de l'origine des eaux que dépendent les différences qui les spécifient chimiquement.

Il faut remarquer que nous ne comptons point parmi les matieres qui alterent la simplicité de l'eau dou<-> ce, celles qui la troublent, qui sont simplement confondues avec l'élement aqueux, qui en sont séparables par la filtration, comme on les sépare en effet des eaux qu'on destine à la boisson. Voyez Filtre & Fontaine domestique.

Les principales especes d'eau douce, selon cette division, sont l'eau de pluie & de neige, l'eau de fon<-> taine, l'eau de puits, l'eau de riviere, & l'eau croupis<-> sante.

Nous exposerons dans un instant la composition la plus ordinaire de chacune de ces eaux, d'après les connoissances positives que nous avons acquises sur cette matiere par divers moyens chimiques; savoir la distillation, l'évaporation, & l'application de certains réactifs. Mais nous ne rapporterons ici que les résultats des recherches faites sur les eaux par ces moyens, nous réservant d'exposer leur emploi, leur usage & leur maniere d'agir, à l'article Minérale, (Eau); car les eaux minérales étant plus manifestement & plus diversement composées que les eaux douces, les effets des moyens chimiques seront plus marqués, plus évidens, plus distincts.

La légereté de l'eau est un signe de sa pureté. On détermine la gravité spécifique d'une eau, en la comparant à l'eau très - pure des Chimistes; savoir l'eau distillée de pluie ou de neige, par le moyen de divers aréometres. Voyez Aréometre.

Il est, outre ces moyens exacts, quelques signes auxquels on peut reconnoître la pureté des eaux; & ces signes sont très - suffisans, quand il ne s'agit de la déterminer que relativement aux besoins ordinaires de la vie: les voici tels qu'ils sont iapportés dans Rieger, introductio ad notitiam rerum naturalium, d'après les anciens auteurs de Medecine, d'Histoire naturelle & d'OE conomie rustique. « Cette eau est bonne ou pure, qui étant roulée dans un vaisseau de cuivre, n'y laisse point de taches; qui ayant boüilli dans un chauderon, & en ayant été versée par inclination, après qu'on l'y a laissée reposer un certain tems, n'a laissé au fond de ce vaisseau ni sable ni limon; dans laquelle les légumes sont bientôt cuits; dans le cours de laquelle il ne naît ni mousse ni jonc, & qui n'y laisse aucune espece d'ordure; qui ne donne point un mauvais teint à ceux qui en font leur boisson ordinaire, qui les laisse joüir au contraire d'une santé robuste, d'une couleur fraîche & vermeille; qui n'affecte ni leurs jambes, ni leurs yeux, ni leur gorge. Une couleur parfaitement limpide, une insipidité parfaite, & un manque absolu d'odeur, sont encore des caracteres essentiels à la bonne eau; ensorte que Pline a eu raison de dire que la bonne eau devoit être en quelque maniere semblable à l'air.... Ajoûtez à cela qu'elle dissout parfaitement le savon, qu'elle nettoye mieux le linge, qu'elle nourrit les meilleurs poissons, qu'elle tire mieux les teintures des diverses substances auxquelles on l'applique, comme le thé; qu'elle est la plus propre à faire du bon mortier; & qu'enfin on en prépare la plus excellente biere. Les eaux qui réunissent toutes ces propriétés, sont appellées légeres, vives, douces, subtiles, molles, mites, lenes; celles qui ont les qualités contraires, sont appellées du<-> res, crues, pesantes».

Eau de pluie & de neige. L'eau de pluie est ordinairement très - pure, elle a été élevée dans l'atmosphere par une véritable distillation; cependant, soit qu'elle ait volatilisé une partie des matieres auxquelles elle étoit unie avant son élevation, soit qu'après avoir été parfaitement épurée par ce moyen, elle se soit chargée de nouveau de diverses substances répandues dans l'air, il est démontré par de bonnes expériences, que l'eau de pluie, dans le plus grand état de pureté où il paroisse possible de l'obtenir, contient - en core quelques principes étrangers.

Si l'on veut recueillir de l'eau de pluie dans la vûe de l'examiner - chimiquement, il faut pourvoir avec les soins les plus scrupuleux à ce qu'elle ne puisse contracter pendant cette opération le moindre mêlange, la moindre altération: on doit la recevoir dans des vaisseaux de verre auparavant rincés avec de l'eau distillée, & exposés immédiatement à la pluie, après que l'air a été suffisamment purgé par une pluie précedente, dans un lieu écarté & découvert: on doit encore avoir soin d'enfermer cette eau dans des boutcilles de verre bien propres, dès qu'il a cessé de pleuvoir. C'est avec ces précautions que M. Marggraf a ramassé pendant l'hyver de 1751, l'eau de pluie sur laquelle ce savant chimiste a fait les expériences qu'il rapporte dans l'histoire de l'académie de Berlin, (année 1752) sous le titre d'Examen chi<-> mique de l'eau. Le résultat de cet examen, exécuté par le procédé le mieux entendu & le plus démonstratif, est que « cent mesures, chacune de trente - six onces d'eau de pluie, ont donné cent & quelques grains d'une terre blanche tirant sur le jaunâtre, & sort subtile, qui dans toutes ses relations & qualités ressembloit parfaitement à une véritable terre calcaire.... un vrai sel en forme de petite pique, tout - à - sait semblable au nitre, &..... que ques crystaux cubiques qui ne différoient en rien du sel commun de cuisine. Ces deux sels pesoient seulement quelques grains, & ils étoient d'une couleur brunâtre; indice clair que cette eau, malgré toutes les précautions prises pour la recueillir, étoit cependant encore mêlée de particules visqueuses & huileuses; ce qui ne pouvoit guere être autrement, puisque notre air en toute saison de l'année est abondamment rempli de diverses exhalaisons, comme les pluies de l'été le font très - souvent connoître par leur seule odeur..... Les parties salines & terrestres qui sont contenues dans l'eau de pluie recueillie très - pure, se découvrent assez manifestement, si on fait pourrir l'eau de pluie en l'exposant à la chaleur du soleil.... Je l'y exposai pendant les mois de Mai, Juin, Juillet, Août, jusqu'à la moitié de Sept. de l'année 1752, pendant lesquels mois il fit un tems assez chaud. Dans le commencement je n'observai aucun changement remarquable; mais au bout d'un mois j'apperçûs un mouvement intérieur & de l'agitation: il s'élevoit de petites bulles, & on voyoit un limon verdâtre, assez semblable à celui qui couvre la surface de l'eau lorsqu'on dit qu'elle fleurit. Ce limon s'augmentoit de plus en plus, & s'attachoit en partie au fond, en partie aux côtés du vase. Si donc les parties susdites de notre eau de pluie etoient exemptes de mélange, & sur - tout que cette eau ne contînt point de parties mucilagineuses & huileuses, il n'y seroit arrivé aucune putréfaction; mais la lenteur avec laquelle cette putréfaction arrive, en comparaison de celle qu'éprouvent d'autres eaux plus impures, vient de ce qu'il ne s'y trouve qu'une [p. 192] très - petite quantité des parties sufdites: car l'eau poussée par la concentration de la même eau de pluie, faite en distillant, ayant été pareillement exposée à une égale chaleur du soleil, ne laissa pas appercevoir le moindre mouvement, bien loin d'éprouver la putréfaction & la séparation des parties terrestres.

Cent mesures d'eau de neige recueillie avec les précautions dont nous venons de parler pour l'eau de pluie, fournirent à M. Marggraf, par les mêmes moyens, soixante grains d'une véritable terre calcaire, & quelques grains de sel qui tenoient plus du sel de cuisine que du sel nitreux; en quoi il différoit du sel extrait de l'eau de pluie, lequel avoit plus de rapport avec le nitre. Toute la différence donc entre l'eau de pluie & l'eau de neige, n'est d'aucune importance, & se réduit à ce que l'acide de l'eau de pluie est plus nitreux, & qu'elle renferme plus de terre calcaire; au lieu que l'eau de neige a plûtôt un acide salin que nitreux, & contient une moindre quantité de terre calcaire. Au reste le peu de sel que j'avois tiré de l'eau de neige, étoit pareillement d'une couleur brunâtre; ce qui est un indice qu'il y a aussi des parties mucilagineuses & huileuses. Ayant exposé mon eau de neige à la chaleur du soleil pendant l'été de cette année, il lui arriva exactement les mêmes accidens qu'à l'eau de pluie, & elle vint aussi à putréfaction ».

Vanhelmont rapporte, & c'est un fait très - connu à - présent, que l'eau la plus pure dont on approvisionne nos navires, éprouve sous la ligne une véritable putréfaction; qu'elle devient roussâtre, ensuite verdâtre, & enfin rouge; que dans ce dernier degré d'altération elle répand une puanteur insupportable, & qu'elle se rétablit ensuite d'elle - même en peu de jours. Le même phénomene observé par M. Marggraf sur l'eau de neige & sur l'eau de pluie, l'une & l'autre beaucoup plus pure que celle qu'on charge sur nos vaisseaux, rend le premier beaucoup moins singulier. La putrescibilité de nos meilleures eaux est toûjours cependant une de leurs propriétés qui mérite le plus d'attention. Voyez Putréfaction.

Voilà des expériences exactes, qui établissent une grande analogie entre l'eau de pluie & l'eau de neige; ensorte que l'on doit au moins douter que l'opinion qui fait regarder l'eau de pluie comme très - salutaire pour la boisson, & l'eau de neige très - insalubre au contraire; que cette opinion, dis - je, soit suffisamment fondée: ou penser au moins que l'insalubrité, la prétendue dureté, crudité, &c. des eaux des neiges ou des glaces fondues, dépendent de certains accidens arrivés à la neige pendant qu'elle couvroit la surface de la terre, qu'elle étoit retenue sur - tout pendant de longs hyvers sur le sommet des montagnes.

Au reste il est trés - raisonnable de penser que la composition de la pluie & de la neige doivent varier dans les différens pays, dans les différentes saisons, par les différens vents, & par les autres circonstances qui modifient diversement l'état de l'athmosphere. M. Hellot recueillit au mois d'Aout 1735, dans des terrines isolées avec soin, de l'eau d'orage qui avoit une odeur sulphureuse, & qui précipitoit l'huile de chaux, comme auroit fait un esprit de vitriol très affoibli. M. Grosse a eu du tartre vitriolé, en faisant dissoudre du sel de tartre pur dans de l'eau d'orage qu'il avoit ramassée à Passy en 1724. Voyez mémoire sur le phosphore de Kunckel, &c. à la fin; mém. de l'académie royale des Sciences, année 1737.

L'eau de pluie & l'eau de neige se conservent très bien, si on les ramasse avec les précautions rapportées à l'article Citerne.

L'eau distillée de pluie ou de neige est inaltérable, si on l'expose même à la chaleur du soleil & à l'abord libre de l'air, selon l'expérience de M. Marggraf, que nous avons rapportée ci - dessus en passant, & dont nous faisons mention ici plus expressément, pour confirmer ce que nous avons avancé de la pureté de cette eau dans l'article Eau, (Chimie.)

Eau de fontaine. Les variétés des eaux de fontaine sont très - considérables, parce que les entrailles de la terre que ces eaux parcourent, renferment une grande quantité de diverses matieres dont l'eau peut se charger par une vraie dissolution. Si quelques - uns de ces principes sont contenus dans une eau de source en une proportion suffisante pour altérer sensiblement les qualités extérieures de l'eau pure, une pareille eau est appellée minérale, voyez Minérale, (Eau.) Si au contraire elle n'est altérée par aucun principe qui se manifeste par des caracteres sensibles, tels que l'odeur, la saveur, la couleur, certains dépôts, des vertus medicinales évidentes, &c. elle est rangée parmi les eaux douces.

On trouve des eaux de fontaine qui sont autant ou plus pures que l'eau de neige: celles - ci naissent ordinairement dans les contrées où les pierres de la nature des grais, des quartz, des cailloux, sont dominantes. Les sources d'eau douce qui sortent d'un banc d'argile pure, sont aussi communément assez simples. Les pays où l'on ne trouve que des pierres & des terres calcaires, comme marbre, pierres coquilleres, craie, marne, &c. fournissent au contraire des eaux chargées d'une terre de ce genre, qui s'y trouve en partie nue, & en partie combinée avec un peu d'acide vitriolique sous la forme de selenite. La raison de ceci, c'est que la terre vitrifiable & la terre argilleuse ne sont que peu solubles, peut - être même absolument insolubles, par l'élément aqueux & par l'acide dont il peut être chargé, au lieu que les terres calcaires sont soûmises à l'action de ces menstrues.

Eau de puits. Il paroît que l'eau de puits ne doit pas différer originairement de l'eau de fontaine, & que si on la trouve plus communément chargée de terre & de diverses substances salines, c'est qu'étant ramassée dans une espece de bassin où elle est peu renouvellée, elle se charge de tout ce que l'eau qui vient de la surface de la terre, lui amene par une espece de li<-> xiviation, & des ordures que l'air peut lui apporter sous la forme de poussiere. Cette conjecture est d'autant plus fondée, que c'est une ancienne observation que l'eau de puits devient d'autant plus pure, qu'elle est plus tirée.

L'eau des puits varie considérablement dans les différens pays, & dans les différens lieux du même pays; nouvelle preuve que sa composition lui vient principalement des couches de terre supérieures à celle dans laquelle se trouvent les sources du toît. Quoi qu'il en soit, on trouve des puits qui fournissent une eau aussi pure que la meilleure eau de riviere, mais toûjours avec la circonstance de les tirer sans interruption.

L'eau des puits de Paris est prodigieusement seleniteuse & chargée de terre calcaire; dans quelques puits même, au point d'en être trouble. M. Marggraf a trouvé l'eau des puits de Berlin très - chargée de terre calcaire, & d'une petite portion de terre gypseuse: ces eaux lui ont fourni aussi du vrai sel marin & du nitre. Ce dernier produit mérite une considération particuliere, relativement à une prétention sur l'origine du nitre, contredite par un fait rapporté dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, & par celui - ci. Voyez Nitre.

Eau de riviere. La composition de l'eau de riviere, en exceptant toûjours les matieres qui la troublent après les inondations, est dûe 1°. aux principes dont

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