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FAU (Page 5:186)
FAU, s. f. (Phys.) est un corps fluide, humide,
visible, transparent, pesant, sans goût, sans odeur,
qui éteint le feu, lorsqu'on en jette dessus en une certaine
quantité, &c. Voyez
Nous ne parlerons point ici de l'utilité de ce fluide: elle est assez connue. L'eau étoit un des quatre
élémens des anciens, voyez
On peut distinguer trois sortes d'eaux: eau de pluie,
qui forme les mares, les citernes, & plusieurs lacs:
eau de source, qui forme les fontaines, les puits, les
rivieres, &c. eau de mer, qui est bitumineuse, amere,
salée, & impotable. De cette division, il s'ensuit
que l'eau n'est jamais absolument pure. L'eau de pluie
même, en traversant l'air, & l'eau de source en traversant
les terres, se chargent nécessairement d'une
infinité de parties hétérogenes. Voyez
Si on met de l'eau pure dans des boules de métal que l'on soude ensuite, & qu'on veuille comprimer ces boules avec une presse, ou les applatir à coups de marteau, on trouvera que l'eau ne peut être condensée, mais qu'elle suinte en forme de rosée par les pores du métal: c'est - là le phénomene si connu qui prouve l'incompressibilité de l'eau. On peut conclure de - là, selon M. Musschenbrock, que les particules de l'eau sont fort dures: ce que le même physicien prouve encore par la douleur qu'on sent en frappant vivement la surface de l'eau avec la main, & par l'applatissement des balles de fusil tirees dans l'eau.
Les parties de l'eau ont entr'elles beaucoup d'adhérence;
voyez
La pesanteur spécifique de l'eau est à celle de l'or,
comme 1000 est à 19640, ou environ comme un à
19 [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. Mais l'eau est un peu plus pesante d'environ [omission: formula; to see, consult fac-similé version]
en hyver, qu'en été; parce qu'en général la chaleur
raréfie les corps. Voyez
Les particules de l'eau, quoique très - fines, puisqu'elles pénetrent les métaux, ne peuvent presque pénétrer le verre. A l'égard du degré de finesse de ces parties & de leur figure, c'est ce que les Philosophes ne peuvent, & peut - être ne pourront jamais déterminer. L'eau échauffée se raréfie de la vingt - sixieme partie de son volume, à compter du point d'où
Lorsqu'on a pompé l'air de l'eau, si on y remet
une bulle d'air, l'eau l'absorbe bien vîte; elle absorbera
de même une seconde bulle, & ainsi de suite,
jusqu'à ce qu'elle soit tout - à - fait imprégnée d'air=
mais cet air ne se change jamais en eau, puisqu'on
peut toûjours l'en retirer: comme aussi l'eau ne donne
jamais d'autre air que celui qui s'y trouvoit, ou
qu'on y a mis. Il se trouve dans notre atmosphere
divers fluides élastiques, qui s'insinuent aussi dans
l'eau. L'eau pleine d'air ou sans air, est à peu - près
de la même pesanteur spécifique; mais l'eau pleine
d'air est seulement un peu plus raréfiée: d'où M.
Musschenbroeck conclut que l'air enfermé dans l'eau,
est à peu - près aussi dense que l'eau. Sur les phénomenes
chimiques de l'eau, voyez la suite de cet ar<->
ticle; voyez aussi
L'eau éteint le feu, selon M. Musschenbroeck, parce que les corps ne brûlent qu'au moyen de l'huile qu'ils renferment, que l'huile brûlante a une chaleur de plus de 600 degrés, & que l'eau ne pouvant avoir une chaleur de plus de 212 degrés, n'en peut communiquer à l'huile. Il en rapporte encore d'autres raisons, qu'on peut voir dans son ouvrage, & que nous ne prétendons point garantir; d'autant plus que l'eau jettée en petite quantité sur un grand feu, l'augmente au lieu de l'éteindre; & qu'il y a des corps en feu, comme la poix, l'huile, &c. qu'on ne peut refroidir par le moyen de l'eau.
Sur les phénomenes de l'eau glacée, voyez
M. Mariotte prétend que l'état naturel de l'eau est d'être glacée, parce que la fluidité de l'eau vient du mouvement d'une matiere étrangere qui agite les parties de l'eau, & que le repos de cette matiere produit la glace. Il faudroit pour que cette raison fût bonne, 1°. que l'on connût bien certainement la cause de la congelation, 2° que le repos fût un état plus naturel aux corps que le mouvement. Voy. l'essai de physique de M. Musschenbroeck, d'où nous avons extrait la plus grande partie de cet article. (O)
Eau (Page 5:187)
Les eaux viennent ordinairement de sources naturelles, de ruisseaux, ou de machines qui les élevent des rivieres, des puits, & des citernes.
Les eaux naturelles sont celles qui sortant d'elles - mêmes de la terre, se rendent dans un réservoir
& font joüer les fontaines continuellement.
Les artificielles ou machinales sont élevées dans
un réservoir par le moyen des machines hydrauliques.
On appelle eaux jaillissantes, celles qui s'élevent
en l'air au milieu des bassins, & y forment des jets,
des gerbes, & des bouillons d'eau.
Les eaux plates sont plus tranquilles; elles fournissent
des canaux, des viviers, des étangs, des
miroirs, & des pieces d'eau sans aucun jet.
Les eaux courantes, produites par une petite riviere
ou ruisseau, forment des pieces d'eau & des
canaux très - vivans.
Les eaux vives & roulantes sont celles qui coulent
rapidement d'une source abondante, & que
leur extrème fraîcheur rend peu propres à la boisson.
Celles qui fournissent aux jets d'eau sont appellées
forcées; elles se confondent avec les jaillissantes.
Les eaux dormantes, par leur peu de mouvement
sujettes pendant l'été à exhaler de mauvaises
odeurs, sont peu estimées.
On appelle eaux folles, des pleurs de terre qui
produisent peu d'eau, & sont regardées comme de
fausses sources qui tarissent dans les moindres chaleurs.
Les eaux de pluie ou de ravine sont les plus legeres
de toutes; elles ne sont pas les plus claires,
mais elles se clarifient & s'épurent dans les citernes
& les étangs qu'elles fournissent ».
Eau (Page 5:188)
Elle doit être transparente, legere, insipide: on l'éprouve avec la noix de galle; & on observera qu'elle mousse avec le savon, & ne laisse aucune tache sur une assiette bien nette.
Par rapport au Jardinage, il faut expérimenter si les légumes y cuisent facilement; il y a de certaines qualités d'eau, où ils durcissent plûtôt que de cuire.
On doit encore en consulter le goût, eu égard aux fruits, étant certain qu'ils conservent, ainsi que les légumes, celui que l'eau y a communiqué, en se filtrant à - travers les terres.
Dans le cas où les sources & l'eau de riviere manquent, on a recours aux eaux de pluie ramassées dans des citernes: elle est la plus legere, & imprégnée du nitre de l'air: elle est plus féconde & plus pure.
Si on est réduit à l'eau de puits, il faut absolument pour en corriger la crudité, la laisser dégourdir ou attiédir aux rayons du soleil dans un bassin, dans des cuvettes, ou dans des tonneaux défoncés & enfoüis dans la terre: on pourroit même y jetter un peu de colombine ou de crotin de mouton pour l'échauffer, avant que d'en arroser les plantes. (K)
Eau (Page 5:188)
Premierement, comme principe constituant des corps naturels & des composés & mixtes artificiels,
L'eau considérée sous cet aspect est un élément ou premier principe, un corps particulier, simple, pur, indivisible, inproductible, & incommutable, que je prens ici dans son être solitaire & distinct, en un mot le corpuscule primitif de cet aggregé que tout le monde connoît sous le nom d'eau, & dont les propriétés physiques ont été exposées dans l'article précédent.
J'observe 1°. à propos de la doctrine des élémens
ou premiers principes, adoptée ici formellement, que
cette doctrine est directement opposée à l'opinion
regnante, qui admet une matiere premiere, homogene,
commune, universelle; mais qu'une pareille
matiere me paroît un être purement abstrait, & dont
on doit nier l'existence dans la Nature. Voyez le mot
J'observe 2°. à propos des qualités d'improductible
& d'incommutable accordées à l'eau, que le dogme
qui fait de cette substance le principe universel
de tous les corps, & qui suppose par conséquent sa
commutabilité, n'est qu'une opinion fondée sur des
spéculations & des expériences illusoires; que l'histoire
si connue du saule de Vanhelmont, qui paroît
avoir dû son accroissement & sa formation à l'eau
seule; celle de la citrouille élevée de la même maniere
par Boyle; le fait beaucoup plus décisif du
chêne élevé dans l'eau par notre célebre académicien
M. Duhamel; les distillations répetées de l'eau,
qui présentent toûjours un petit résidu terreux: que
tout cela, dis - je, ne prouve pas que l'eau puisse être
changée en terre, fournir seule des sels & des huiles,
&c. car il n'est pas difficile de déterminer l'origine
de la terre qui a formé les squelettes de ces végetaux,
& qui a concouru à la production de leurs
sels & de leurs huiles (V.
Personne ne pense plus aujourd'hui que l'air puissé
devenir de l'eau en se condensant; que les gouttes
d'eau qui paroissent sur les vîtres d'un appartement
dans certaines circonstances, soient de l'air
condensé; que les fontaines soient dûes à l'air condensé
dans des concavités soûterraines, &c. (voyez
Je ferai encore une observation particuliere sur
les qualités de corps pur, simple, & existant solitairement,
que j'attribue à l'eau principe: il faut remarquer
que ce ne sont pas ici des considérations abstraites,
mais que l'eau existe physiquement dans cet
état de pureté & de division actuelle, absolue, &
qu'on pourroit appeller radicale, & que toute combinaison
réelle de ce corps suppose cette division &
cette pureté. Voyez
L'idée que la saine Chimie nous donne de l'eau [p. 189]
L'eau concourt comme principe essentiel à la formation des sels, des huiles, des esprits ardens, & de toutes les matieres inflammables, de toutes les substances végétales & animales, & vraissemblablement des pierres proprement dites, & de tous les fossiles, excepté des substances métalliques.
L'eau constitue la base de toutes les humeurs animales;
de la seve & de tous les sucs végétaux, des
vins, des vinaigres; de la rosée, & de toutes les matieres
connues en Physique sous le nom de météores
aqueux. L'eau est essentielle à toute fermentation.
Voyez
Boerhaave, & plusieurs autres physiciens, disent
que l'eau est cachée dans un grand nombre de corps
où il est merveilleux de la trouver, & cela (car
Boerhaave s'explique) parce que ces corps n'ont aucune
des qualités extérieures de l'eau, qu'ils ne sont
ni mous ni humides, mais au contraire très - secs &
très - compactes, tels que le plâtre employé, le vieux
mortier, les parties très - dures des animaux, les
bois les plus durs gardés dans des lieux secs & chauds
pendant des siecles entiers, &c. Ceci est admirable
en effet, comme tous les phénomenes naturels sont
admirables, comme l'existence de l'univers est admirable,
mais non pas étonnant, unique, incroyable;
puisque c'est au contraire un fait dérivé très naturel'ement de cette observation générale, que
les principes constituans des corps ne sont jamais
sensibles, tant qu'ils sont actuellement combinés, &
que l'eau ne se manifeste pas plus par ses caracteres
sensibles dans l'esprit - de - vin rectifié, ou dans une
huile, que dans le tartre ou la stalactite, quoique
les premieres substances soient liquides & humides,
& que les dernieres soient seches & consiscantes:
en un mot, que l'eau puisse être renfermée dans des
corps secs & durs, cela n'est un phénomene ilolé,
un objet d'admiration, stupendum, mirabile, (Boerhaave, el. chem. de aqua, t. l. p. 314. ed. de Cavelier)
que pour quiconque ne sait envisager un corps que
sous l'image d'une masse revêtue de qualités sensibles,
pour qui l'eau est toûjours une substance molle
& fluide (sous une certaine température), un corps
physique, un aggregé. Nous insistons sur les inconvéniens
de cette mauvaise & très - peu philosophique
acception, toutes les fois que l'occasion s'en présente,
parce qu'on ne sauroit trop rappeller aux amateurs
de la Chimie (lectori philochimico), que la façon
de concevoir contraire, est absolument propre
& nécessaire au chimiste. Voyez la partie dogmatique
de l'article
Nous disons donc, mais sans annoncer cette vérité
par une formule d'adnuration, que l'eau est un
des matériaux de la composition de plusieurs corps
très - sees & très - durs. Nous savons ceci très - positivement, soit parce que quelques - uns de ces corps
se forment sous nos yeux, que nous disposons nous - mêmes
leurs principes à la combinaison, comme
lorsque nous gachons le plâtre, que nous préparons
le mortier, &c. (voyez
Si l'on ne peut pas établir démonstrativement que l'eau fait dans ces corps consistans, la fonction d'une espece de mastic, qu'elle est le vrai moyen d'union de leurs autres matériaux, qu'elle soûtient & lie leur aggrégation; on peut au moins se représenter assez exactement, sous cette image, sa maniere de concourir à la formation de ces corps. Quoi qu'il en soit, c'est à ce titre que nous l'employons dans la préparation du plâtre, du mortier, des colles, &c.
Secondement, l'eau appartient à la Chimie comme
menstrue ou dissolvant. Voyez
L'eau est le dissolvant de tous les sels, des extraits
des végétaux, des gommes, des mucilages, des corps
muqueux, de certaines couleurs végétales telles que
celle des fleurs de violette, du bois de Brésil, &c.
d'une partie des gommes - résines, des esprits ardens,
des savons, des sucs gélatineux & lymphatiques des
animaux, & même de leurs parties solides, si on l'applique
à ces dernieres substances dans la machine de
Papin. Voyez
Quoique l'eau ne dissolve pas le corps entier des terres,
cependant elle prend quelques parties dans la plûpart
des matieres terrestres, & sur - tout dans les terres
& pierres calcaires; elle agit très - efficacement sur la
chaux (V.
Quoique l'eau ne dissolve pas proprement le soufre,
les huiles, les baumes, les résines, les graisses,
les beurres, les bitumes, &c. elle extrait pourtant
quelque chose de toutes ces substances, & principalement
des huiles par expression, des baumes, & des
bitumes. Voyez
Les pierres vitrifiables, comme le vrai sable, le caillou, &c. le bon verre, les émaux, les terres argilleuses bien cuites, le charbon, ne donnent absolument rien à l'eau.
Il faut observer sur ce que nous venons de dire de
l'eau considérée comme menstrue, 1°. que selon la
loi la plus générale de la dissolution (voyez
Le sucre est de tous les corps connus celui que l'eau
dissout en plus grande quantité; une partie d'eau tient
deux parties de sucre en dissolution sous la température
moyenne de notre climat; car la même quantité
d'eau très - chaude en dissout bien davantage (voyez
2°. Qu'on n'observe point une pareille proportion
entre l'eau & les différens liquides avec lesquels elle
fait une union réelle; mais qu'au contraire une quantité
d'eau quelconque se combine chimiquement
avec une quantité quelconque d'un liquide auquel
elle est réellement miscible. Un gros d'eau se distribue
uniformément dans une pinte d'esprit - de - vin,
& y éprouve une dissolution réelle, comme une pinte
d'eau étend un gros d'esprit - de - vin, & contracte
avec ce dernier liquide une union réelle ou chimique.
En un mot, l'eau se mêle à tous les liquides
solubles par ce menstrue, comme l'eau s'unit avec
l'eau, l'huile avec l'huile, &c. Quelques chimistes,
du nombre de ceux qui ont considéré les phénomenes
chimiques le plus profondément, ont fait du
mêlange dont nous parlons, une espece particuliere
d'union, qu'ils ont distinguée de la dissolution ou
union menstruelle: mais ce n'est pas ici le lieu d'examiner
combien cette distinction est légitime. V.
C'est par la propriété qu'a l'eau de dissoudre certaines
substances, qu'elle nous devient utile pour
les separer de divers corps auxquels elles étoient
unies. C'est par - là qu'elle fournit un moyen commode
pour retirer les sels lixiviels de parmi les cendres,
le nitre des platras, les extraits des végétaux,
&c. en un mot, qu'elle est un instrument chimique
de l'analyse menstruelle, dont l'application est trèsétendue.
Voyez
Il est essentiel de se ressouvenir que l'eau que le chimiste emploie à titre de menstrue doit être pure, & que celle que la Nature peut lui fournir ne l'est pas ordinairement assez pour les opérations qui demandent beaucoup de précision. La distillation lui offre un moyen commode & suffisant pour retirer de l'eau la moins chargée de parties étrangeres, telle que l'eau de neige, d'en retirer, dis - je, une eau qu'il peut employer comme absolument pure. L'eau de neige distillée est donc l'eau pure des laboratoires; l'eau de pluie, l'eau de riviere, & même une eau commune quelconque, acquiert aussi par la distillation un degré de pureté qui peut être pris pour la pureté absolue.
L'ordre d'affinité de l'eau & de quelques - unes des substances quenous avons nommées, est tel que l'acide vitriolique & l'alkali fixe doivent être placés au premier rang, sans qu'on puisse leur assigner un ordre entr'eux; car lorsqu'on verse un de ces deux corps sur une eau chargée de l'autre, il agit sur ce dernier avec tant d'énergie, qu'il est impossible de distinguer s'il en opere la précipitation avant la dissolution, comme cela s'observe sensiblement de l'alkali versé sur une dissolution de cuivre.
L'acide vitriolique a plus de rapport avec l'eau, que tous les autres acides; il le leur enleve, il les concentre. L'ordre de tous ces autres acides entre eux, quant à leur affinité avec l'eau, n'est pas connu, & n'est peut - être pas connoissable.
Les esprits ardens (ordinairement représentés dans
Je dis, du moins par rapport à l'alkali fixe, pour
ne rien étabiir sur l'acide vitriolique, duquel on ne
sait pas en effet s'il y a plus de rapport avec l'eau que
l'esprit - de - vin; car on n'apprend rien sur ce point
par les phenomenes de la préparation de l'éther vitriolique
(voyez
Je dis en second lieu, l'alkali fixe ordinaire; car l'ordre de rapport de l'alkali fixe, de la soude, de l'eau, & de l'esprit - de - vin, n'a pas été observé que je sache, & il ne paroît pas qu'il doive être le même que celui de l'alkali fixe ordinaire.
L'alkali volatil uni à l'eau est précipité par l'espritde - vin rectifié, comme il est évident par la production
de l'offa de Vanhelmont. Voyez
Plusieurs sels neutres dissous dans l'eau, sont précipités par l'esprit - de - vin.
Plusieurs sels neutres unis à l'eau, sont précipités par l'alkali fixe, selon les expériences de M. Baron. (Voyez mém. étr. de l'acad. roy. des Scienc. vol. I.) Les sels neutres ont donc moins de rapport avec l'eau, que l'alkali fixe & que l'esprit - de - vin. Ils ont aussi avec ce menstrue une moindre affinité sans doute, que tous les acides minéraux; mais ceci n'a pas cté déterminé par des expériences, non plus que l'ordre d'affinité de toutes les autres substances solubles par l'eau.
Le chimiste qui se proposera d'étendre autant qu'il est possible, la table des rapports de M. Geoffroy, nous fournira sans doute toutes ces connoissances de détail, & il aura fait un travail très - utile.
Nous retirons dans les travaux ordinaires quelques
utilités pratiques du petit nombre de connoissances
que nous avons sur cette matiere: nous reduisons
sous une forme concrete, des sels neutres
très - avides d'eau, par le moyen de l'esprit - de - vin;
nous concentrons l'acide nitreux par l'acide vitriolique;
nous déphlegmons l'esprit - de - vin par le sel de
tartre. Voyez la table des rapports au mot
Troisiemement, le chimiste employe l'eau comme
instrument méchanique, ou, si l'on veut, physique;
il l'interpose entre le feu & certains corps auxquels
il veut appliquer un feu doux, & renfermé dans l'etendue
des degrés de chaleur dont ce liquide est susceptible.
Cet intermede (que j'appellerai faux, voy.
L'eau est l'instrument essentiel de la pulvérisation
philosophique, qu'on appelle aussi pulvérisation à
l'eau. Voyez
Le lavage par lequel on sépare une poudre plus
legere d'une poudre plus pesante, est encore une
opération méchanique que le chimiste exécute par
le moyen de l'eau. Voyez
Il est aisé d'appercevoir que l'eau, dans les derniers
usages que nous venons de rapporter, agit
comme liquide, & non pas comme liquide tel; &
voilà pourquoi elle est dans ces cas un agent physique,
& non pas un agent chimique. Voyez la partie
dogmatique de l'article
Eau douce ou eau commune. L'eau que la nature nous présente sous la forme d'un corps aggregé, est encore un objet chimique, entant que les différentes substances dont elle est toûjours mêlée, ne peuvent être découvertes & définies que par des moyens chimiques.
[p. 191]
L'eau qui paroît la plus pure, c'est - à - dire la plus limpide, la plus inodore & la plus insipide, celle que tout le monde connoît sous le nom d'eau douce ou d'eau commune, n'est pas exempte de mêlange, n'est pas un corps simple ou homogene. La distillation de la plus pure de ces eaux présente toûjours un résidu au moins terreux.
Les Naturalistes & les Medecins distinguent les différentes especes d'eau douce par divers caracteres extérieurs, & sur - tout par leur lieu ou leur origine. Nous adoptons cette division, puisqu'en effet c'est du lieu & de l'origine des eaux que dépendent les différences qui les spécifient chimiquement.
Il faut remarquer que nous ne comptons point parmi
les matieres qui alterent la simplicité de l'eau dou<->
ce, celles qui la troublent, qui sont simplement confondues
avec l'élement aqueux, qui en sont séparables
par la filtration, comme on les sépare en effet
des eaux qu'on destine à la boisson. Voyez
Les principales especes d'eau douce, selon cette division, sont l'eau de pluie & de neige, l'eau de fon<-> taine, l'eau de puits, l'eau de riviere, & l'eau croupis<-> sante.
Nous exposerons dans un instant la composition
la plus ordinaire de chacune de ces eaux, d'après les
connoissances positives que nous avons acquises sur
cette matiere par divers moyens chimiques; savoir
la distillation, l'évaporation, & l'application de certains
réactifs. Mais nous ne rapporterons ici que les
résultats des recherches faites sur les eaux par ces
moyens, nous réservant d'exposer leur emploi, leur
usage & leur maniere d'agir, à l'article
La légereté de l'eau est un signe de sa pureté. On
détermine la gravité spécifique d'une eau, en la comparant
à l'eau très - pure des Chimistes; savoir l'eau
distillée de pluie ou de neige, par le moyen de divers
aréometres. Voyez
Il est, outre ces moyens exacts, quelques signes
auxquels on peut reconnoître la pureté des eaux;
& ces signes sont très - suffisans, quand il ne s'agit de
la déterminer que relativement aux besoins ordinaires
de la vie: les voici tels qu'ils sont iapportés dans
Rieger, introductio ad notitiam rerum naturalium, d'après
les anciens auteurs de Medecine, d'Histoire naturelle
& d'OE conomie rustique.
Eau de pluie & de neige. L'eau de pluie est ordinairement très - pure, elle a été élevée dans l'atmosphere par une véritable distillation; cependant, soit qu'elle ait volatilisé une partie des matieres auxquelles elle étoit unie avant son élevation, soit qu'après avoir été parfaitement épurée par ce moyen, elle se soit chargée de nouveau de diverses substances répandues dans l'air, il est démontré par de bonnes expériences, que l'eau de pluie, dans le plus grand état de pureté où il paroisse possible de l'obtenir, contient - en core quelques principes étrangers.
Si l'on veut recueillir de l'eau de pluie dans la vûe
de l'examiner - chimiquement, il faut pourvoir avec
les soins les plus scrupuleux à ce qu'elle ne puisse
contracter pendant cette opération le moindre mêlange,
la moindre altération: on doit la recevoir
dans des vaisseaux de verre auparavant rincés avec
de l'eau distillée, & exposés immédiatement à la
pluie, après que l'air a été suffisamment purgé par
une pluie précedente, dans un lieu écarté & découvert: on doit encore avoir soin d'enfermer cette eau
dans des boutcilles de verre bien propres, dès qu'il a
cessé de pleuvoir. C'est avec ces précautions que M.
Marggraf a ramassé pendant l'hyver de 1751, l'eau
de pluie sur laquelle ce savant chimiste a fait les expériences
qu'il rapporte dans l'histoire de l'académie
de Berlin, (année 1752) sous le titre d'Examen chi<->
mique de l'eau. Le résultat de cet examen, exécuté
par le procédé le mieux entendu & le plus démonstratif,
est que
Cent mesures d'eau de neige recueillie avec les
précautions dont nous venons de parler pour l'eau
de pluie, fournirent à M. Marggraf, par les mêmes
moyens, soixante grains d'une véritable terre calcaire,
& quelques grains de sel qui tenoient plus
du sel de cuisine que du sel nitreux; en quoi il
différoit du sel extrait de l'eau de pluie, lequel
avoit plus de rapport avec le nitre. Toute la différence
donc entre l'eau de pluie & l'eau de neige,
n'est d'aucune importance, & se réduit à ce que
l'acide de l'eau de pluie est plus nitreux, & qu'elle
renferme plus de terre calcaire; au lieu que l'eau
de neige a plûtôt un acide salin que nitreux, &
contient une moindre quantité de terre calcaire.
Au reste le peu de sel que j'avois tiré de l'eau de
neige, étoit pareillement d'une couleur brunâtre;
ce qui est un indice qu'il y a aussi des parties mucilagineuses
& huileuses. Ayant exposé mon eau
de neige à la chaleur du soleil pendant l'été de cette
année, il lui arriva exactement les mêmes accidens
qu'à l'eau de pluie, & elle vint aussi à putréfaction ».
Vanhelmont rapporte, & c'est un fait très - connu
à - présent, que l'eau la plus pure dont on approvisionne
nos navires, éprouve sous la ligne une véritable
putréfaction; qu'elle devient roussâtre, ensuite
verdâtre, & enfin rouge; que dans ce dernier
degré d'altération elle répand une puanteur insupportable,
& qu'elle se rétablit ensuite d'elle - même en
peu de jours. Le même phénomene observé par M.
Marggraf sur l'eau de neige & sur l'eau de pluie, l'une
& l'autre beaucoup plus pure que celle qu'on charge
sur nos vaisseaux, rend le premier beaucoup moins
singulier. La putrescibilité de nos meilleures eaux est
toûjours cependant une de leurs propriétés qui mérite
le plus d'attention. Voyez
Voilà des expériences exactes, qui établissent une grande analogie entre l'eau de pluie & l'eau de neige; ensorte que l'on doit au moins douter que l'opinion qui fait regarder l'eau de pluie comme très - salutaire pour la boisson, & l'eau de neige très - insalubre au contraire; que cette opinion, dis - je, soit suffisamment fondée: ou penser au moins que l'insalubrité, la prétendue dureté, crudité, &c. des eaux des neiges ou des glaces fondues, dépendent de certains accidens arrivés à la neige pendant qu'elle couvroit la surface de la terre, qu'elle étoit retenue sur - tout pendant de longs hyvers sur le sommet des montagnes.
Au reste il est trés - raisonnable de penser que la composition de la pluie & de la neige doivent varier dans les différens pays, dans les différentes saisons, par les différens vents, & par les autres circonstances qui modifient diversement l'état de l'athmosphere. M. Hellot recueillit au mois d'Aout 1735, dans des terrines isolées avec soin, de l'eau d'orage qui avoit une odeur sulphureuse, & qui précipitoit l'huile de chaux, comme auroit fait un esprit de vitriol très affoibli. M. Grosse a eu du tartre vitriolé, en faisant dissoudre du sel de tartre pur dans de l'eau d'orage qu'il avoit ramassée à Passy en 1724. Voyez mémoire sur le phosphore de Kunckel, &c. à la fin; mém. de l'académie royale des Sciences, année 1737.
L'eau de pluie & l'eau de neige se conservent très bien,
si on les ramasse avec les précautions rapportées
à l'article
L'eau distillée de pluie ou de neige est inaltérable,
Eau de fontaine. Les variétés des eaux de fontaine
sont très - considérables, parce que les entrailles de
la terre que ces eaux parcourent, renferment une
grande quantité de diverses matieres dont l'eau peut
se charger par une vraie dissolution. Si quelques - uns
de ces principes sont contenus dans une eau de source
en une proportion suffisante pour altérer sensiblement
les qualités extérieures de l'eau pure, une pareille
eau est appellée minérale, voyez
On trouve des eaux de fontaine qui sont autant ou plus pures que l'eau de neige: celles - ci naissent ordinairement dans les contrées où les pierres de la nature des grais, des quartz, des cailloux, sont dominantes. Les sources d'eau douce qui sortent d'un banc d'argile pure, sont aussi communément assez simples. Les pays où l'on ne trouve que des pierres & des terres calcaires, comme marbre, pierres coquilleres, craie, marne, &c. fournissent au contraire des eaux chargées d'une terre de ce genre, qui s'y trouve en partie nue, & en partie combinée avec un peu d'acide vitriolique sous la forme de selenite. La raison de ceci, c'est que la terre vitrifiable & la terre argilleuse ne sont que peu solubles, peut - être même absolument insolubles, par l'élément aqueux & par l'acide dont il peut être chargé, au lieu que les terres calcaires sont soûmises à l'action de ces menstrues.
Eau de puits. Il paroît que l'eau de puits ne doit pas différer originairement de l'eau de fontaine, & que si on la trouve plus communément chargée de terre & de diverses substances salines, c'est qu'étant ramassée dans une espece de bassin où elle est peu renouvellée, elle se charge de tout ce que l'eau qui vient de la surface de la terre, lui amene par une espece de li<-> xiviation, & des ordures que l'air peut lui apporter sous la forme de poussiere. Cette conjecture est d'autant plus fondée, que c'est une ancienne observation que l'eau de puits devient d'autant plus pure, qu'elle est plus tirée.
L'eau des puits varie considérablement dans les différens pays, & dans les différens lieux du même pays; nouvelle preuve que sa composition lui vient principalement des couches de terre supérieures à celle dans laquelle se trouvent les sources du toît. Quoi qu'il en soit, on trouve des puits qui fournissent une eau aussi pure que la meilleure eau de riviere, mais toûjours avec la circonstance de les tirer sans interruption.
L'eau des puits de Paris est prodigieusement seleniteuse
& chargée de terre calcaire; dans quelques
puits même, au point d'en être trouble. M. Marggraf
a trouvé l'eau des puits de Berlin très - chargée de terre
calcaire, & d'une petite portion de terre gypseuse:
ces eaux lui ont fourni aussi du vrai sel marin & du
nitre. Ce dernier produit mérite une considération
particuliere, relativement à une prétention sur l'origine
du nitre, contredite par un fait rapporté dans
les mémoires de l'académie royale des Sciences, &
par celui - ci. Voyez
Eau de riviere. La composition de l'eau de riviere, en exceptant toûjours les matieres qui la troublent après les inondations, est dûe 1°. aux principes dont [p. 193]
Comme les eaux de fontaine pures sont plus ordinaires que celles qui sont très - terreuses, & que ces dernieres se purisient vraissemblablement dans leur course, l'eau de riviere doit être peu chargée de matieres détachées de l'intérieur de la terre; elle varie davantage, selon la nature du terrein qu'elle parcourt. Celle qui coule sur un beau sable, sur des gros caillous, ou sur une couche de pierre vitrifiable, est très - pure. Celles qui, comme la Marne, coulent dans un lit de craie, ou dans un terrein bas & marécageux, comme la plûpart des rivieres de la Hollande & celles de la Marche de Brandebourg, selon Fréd. Hoffman; celles - ci, dis - je, sont très impures. La rapidité des rivieres est encore une cause très - efficace de la pureté de leurs eaux, tant parce qu'elles s'épurent, qu'elles éprouvent une précipitation spontanée, une vraie décomposition par le mouvement intérieur de leurs parties, que parce que les rivieres rapides ne sont point poissonneuses, & qu'il ne peut croître que très - peu de plantes dans leur lit. Le Rhin, le Rhone, & presque toutes les grandes rivieres du royaume, fournissent des eaux très - pures; parce qu'elles coulent dans un beau lit, qu'elles sont rapides, & peu poissonneuses. Les rivieres très - lentes & très - poissonneuses d'Hongrie, roulent une eau très - chargée de divers principes qui la disposent facilement à la corruption. Deux plantes dangereuses, l'hippuris & le conserva, ou mousse d'eau, s'etant extrèmement multipliées dans le lit de la Seine en l'année 1731, qui fut très - seche, il régna à Paris des maladies qui dépendoient évidemment de la qualité que ces plantes avoient communiquée à l'eau, selon l'observation de M. de Jussieu (Mém. de l'acad. roy. des Sc. ann. 1733) Toutes les immondices que les égoûts des villes peuvent porter dans une grande riviere, ne l'alterent pas au point qu'on l'imagine communément. L'eau de la Seine, prise au - dessous de l'hôtel - Dieu & de tous les égouts de Paris, & même dans le voisinage de ces égouts, & au - dessous des bateaux des blanchisseurs, n'est point sensiblement souillée; la masse immense & continuellement renouvellée d'eau, dans laquelle ces ordures sont noyées, empêche qu'elles n'y soient sensibles: en un mot l'eau de la Seine, puisée sur le bord de la riviere, entre le pont - neuf & le pont - royal, sans la moindre précaution, est excellente pour la boisson & pour l'usage des arts chimiques; & l'auteur des nouvelles fontaines domestiques a eu raison d'attribuer aux fontaines de cuivre, les dévoiemens qu'éprouvent assez ordinairement, par la boisson de l'eau de la Seine, les étrangers nouvellement transplantés à Paris, au lieu d'en accuser l'impureté de cette eau.
Eau croupissante, stagnans. Le degré d'impureté auquel ces eaux - ci peuvent parvenir, n'a d'autres bornes que leur faculté de dissoudre, jusqu'à saturation, toutes les matieres qu'elles peuvent attaquer, les plantes, les poissons, les insectes, les fumiers, & toutes les matieres répandùes sur la surface d'un terrein habité & cultivé. Leur état de composition se décele à la vûe, à l'odeur, & au goût. Nous ne saurions entrer dans un plus grand détail sur cette matiere. (b)
Eau salée, eau de la mer, des fontaines, & puits sa<->
lans. Voyez
Eaux minérales & médicinales, voyez
Eau commune (Page 5:193)
L'eau a un usage particulier dans la cuite des emplâtres.
Voyez
Elle est la base des émulsions, du plus grand nombre
de sirops, &c. Voyez
Eau (Page 5:193)
Eau commmune (Page 5:193)
Cette boisson salutaire a été de tout tems comblée des plus grands éloges par les Philosophes & par les Medecins; la santé la plus constante & la plus vigoureuse a été promise aux buveurs d'eau, comme un ample dédommagement des plaisirs passagers que l'usage des liqueurs fermentées auroit pû leur procurer. La loi de la nature interprétée sur l'exemple des animaux, a fourni aux apologistes de l'eau un des argumens, sur lesquels ils ont insisté avec le plus de complaisance. Plusieurs medecins de ce siecle nous ont donné des explications physiques & méchaniques des bons effets de l'eau. Mais il est un autre ordre de medecins qui échangeroient volontiers ces savantes spéculations, contre une bonne suite d'observations exactes. Nous nous en tiendrons avec ceux - ci, à ce que nous apprénd sur ce point important de diete, un petit nombre de faits dont la certitude est incontestable.
Premierement, nous n'avons aucun moyen d'apprétier au juste l'utilité de l'eau, considérée génériquement comme boisson, mise en opposition avec la privation absolue de toute boisson. Les exemples des gens qui ne boivent point, sont trop rares pour que nous puissions évaluer contradictoirement les effets absolus de l'eau dans la digestion, la circulation, la nutrition, les secrétions. Il est prouvé cependant par plus d'une observation, qu'on peut vivre & se bien porter sans boire.
Secondement: les bûveurs d'eau, mis en opposition avec les bûveurs de vin (selon la maniere ordinaire de considérer les vertus diététiques de l'eau), joüissent plus communément d'une bonne santé que ces derniers. Les premiers sont moins sujets à la goutte, aux rougeurs des yeux, aux tremblemens de membres, & aux autres incommodités, que l'on compte [p. 194]
Les bûveurs d'eau sont peu sujets aux indigestions; l'eau est, selon la maniere de parler vulgaire, le meilleur dissolvant des alimens. La plûpart des personnes qui se portent bien, éprouvent après le repas, pendant lequel elles n'ont bû que de l'eau, cette légereté de corps & cette sérénité paisible de l'ame, qui annoncent la digestion la plus facile & la meilleure.
En mangeant des fruits ou des sucreries, il faut boire nécessairement de l'eau; le palais même qui est le premier juge des boissons & des alimens, décide par un sentiment très - distinct en faveur de l'eau.
Les bûveurs d'eau passent pour très - vigoureux
avec les femmes, dans l'exercice vénérien; mais
peut - être ne se sont - ils fait une réputation à cet
égard, que par la comparaison qu'on a faite de leur
talent avec l'impuissance des hommes perdus d'ivrognerie.
Voyez
Au reste, il n'est personne qui n'apperçoive que
ce sont moins ici les propriétés réelles de l'eau, que
l'exemption des inconvéniens qu'entraîne l'usage
immodéré des liqueurs fermentées. Voyez l'article
Il n'est pas vrai que les paysans des pays où les
liqueurs vineuses manquent, soient plus forts & plus
laborieux que ceux où ces liqueurs sont si communes,
que le paysan en peut faire sa boisson ordinaire.
Voyez
En général, il vaut mieux boire l'eau froide que
chaude. Dans le premier état, elle remplit mieux
les vûes de la nature, c'est - à - dire, qu'elle pourvoit
mieux au besoin que l'on cherche à satisfaire en bûvant
de l'eau; elle appaise la soif, & ranime davantage,
reficit; elle plaît à l'estomac sain, comme au
palais. L'eau chaude, au contraire, ne desaltere
point & ne ranime point; elle ne plaît point à l'estomac,
non plus qu'aux organes du goût: les nausées
& le vomissement qu'elle exoite, quand elle est
échauffée à un certain degré, en sont une preuve.
Cette observation générale n'empêche point que
dans certains cas particuliers, dans celui où se trouvent,
par exemple, les personnes qui ont l'estomac
trop sensible, ou pour exprimer un état plus évident,
les personnes qui ont éprouvé que l'eau froide dérangeoit
leur digestion, ou même leur causoit des coliques,
des hoquets, &c. accidens qu'on observe quelquefois
chez des femmes vaporeuses, & chez certains
mélancoliques, on ne doive user d'eau chaude.
V.
Il n'est pas si évident que, dans le cas des simples rhûmes, où l'on est assez généralement dans l'usage de chauffer l'eau qu'on boit, cette pratique soit aussi nécessaire que dans le cas précédent. Dans le premier, elle est fondée sur un fait: dans le dernier, ce pourroit bien n'être que sur une prétention; il sera cependant toûjours prudent de boire chaud pendant qu'on est enrhûmé, jusqu'à ce qu'il soit décidé par des bonnes observations, que la boisson de l'eau froide n'est pas dangereuse dans les rhûmes. On a prétendu en Angleterre, qu'elle étoit curative. Voy. l'article suivant.
Au reste, en continuant à reclamer les observations, nous établirons que dans les sujets sains, la boisson de l'eau froide, & même à la glace, ne produit aucun mal connu; & que l'usage habituel de l'eau chaude (ou des infusions théiformes qui sont la même chose, à quelque legere nuance d'activité près), affoiblit l'estomac, rend le corps lourd & paresseux, & l'esprit sans chaleur & sans force.
Ce que nous venons d'établir, ne détruit point cette sage loi diététique, qui défend de boire de l'eau
L'eau bûe en trop grande quantité pendant les chaleurs
de l'été, dispose à suer, & affoiblit singulierement.
Voyez
L'eau la plus pure est la meilleure pour la boisson.
Voyez ci - dessus, à l'article
Les eaux des neiges & des glaces fondues, passent
pour la principale cause des goëtres & des tumeurs
écroüelleuses, auxquelles sont sujets les habitans
des montagnes. Voyez
On a imaginé divers moyens de purifier les mauvaises
eaux. Le meilleur & le plus praticable est de
les faire bouillir après les avoir exposées à la putréfaction,
& ensuite de les filtrer, ou de les laisser déposer
par le repos. Voyez
L'application extérieure de l'eau est encore de notre
sujet. L'immersion totale du corps dans l'eau est
généralement connue sous le nom de bain. Voyez
Les femmes, pendant le tems des regles ou des
vuidanges, ne doivent point tremper les piés ou les
mains dans l'eau froide, ni s'exposer d'aucune autre
façon au contact immédiat de l'eau froide. On a vû
souvent ces évacuations s'arrêter par cette cause,
avec tous les accidens dont ne sont que trop souvent
suivies ces suppressions. Voyez
Tout le monde sait que les personnes qui sont exposées
par état à souffrir la pluie, à garder long - tems
des habits mouillés sur le corps, à dormir sur la terre
humide, quelquefois dans une vraie boue, ou même
dans l'eau, &c. tels que les soldats, les pêcheurs de
profession, les chasseurs passionnés, ceux qui travaillent
sur les rivieres, &c. que ces personnes, dis - je,
sont très - sujettes aux douleurs rhùmatismales, &
même à certaines paralysies. Voyez
Les ouvriers & les manoeuvres, qui ont continuellement
les jambes dans l'eau, sont particulierement
sujets à une espece d'ulceres malins qui attaquent
cette partie, & qui sont connus sous le nom
de loups. Voyez
Eau commune (Page 5:195)
C'est contre cette crainte systématique, qui avoit apparemment séduit quelques esprits au commencement de ce siecle, que Hecquet s'éleva avec tant de zele & de bonne - foi. Personne n'ignore l'excès jusqu'auquel il poussa ses prétentions, plus systématiques encore, en faveur de la boisson de l'eau: la mémoire toute récente de sa méthode, & plus encore le portrait le plus ressemblant que nous a tracé l'ingénieux auteur de Gilblas, sous le nom du docteur Sangrado, rendent présente cette singuliere époque
En reduisant tous ces témoignages, & les observations connues à leur juste valeur, nous ne craindrons pas d'établir.
1°. Que la méthode de traiter les maladies aiguës
par le secours de la boisson abondante des remedes
aqueux, des délayans dont l'eau fait le seul principe
utile (V.
2°. Que la nécessité, & même l'utilité de la boisson dans le traitement des maladies aiguës, à titre de secours secondaire, disposant les organes & les humeurs à se préter plus aisément aux mouvemens de la nature, ou à l'action des remedes curatifs; que l'utilité de la boisson, dis - je, à ce titre n'est rien moins que démontrée; qu'aucune observation claire & précise ne reclame en sa faveur; & qu'on trouveroit peut - être plus aisément des faits, qui prouveroient qu'elle est nuisible dans quelques cas.
3°. Que certaines méthodes particulieres, nées hors du sein de l'art, & qui ont eu une vogue passagere dans quelques pays, telles que celle d'un ecclésiastique anglois nommé M. Hancock, & celle du P. Bernardo - Maria de Castrogianne capucin sicilien; que ces méthodes, dis - je, ne sauroient être tentées qu'avec beaucoup de circonspection, & même de méfiance, par les Medecins légitimes. Le premier des deux guérisseurs que nous venons de nommer, donnoit l'eau froide comme souverain fébrifuge; & il prétend avoir excité, dans tous les cas où il a éprouvé ce remede, des sueurs abondantes qui prévenoient les fievres qui auroient été les plus longues & les plus dangereuses, telles que la fievre maligne, &c. si on donnoit le remede à tems, c'est - à - dire dès le premier ou le second jour de la maladie, & qu'il l'enlevoit même quelquefois lorsqu'elle étoit bien établie, c'est - à - dire si elle étoit déjà à son quatrieme ou à son cinquieme jour. Le capucin a guéri toutes les maladies aiguës & chroniques, en faisant boire de l'eau à la glace, & observer une diete plus ou moins severe. M. Hancock guérissoit par les sueurs; le capucin avoit grand soin de les éviter, il ne vouloit que des évacuations par les selles. On trouvera ces deux méthodes exposées dans le recueil intitulé vertus de l'eau commune; la premiere dans une dissertation fort sage & fort ornée d'érudition médicinale; & la seconde avec tout l'appareil de témoignages qui annoncent le charlatanisme le plus décidé. Le remede anglois contre la toux, savoir quelques verres d'eau froide prise en se mettant au lit, qui est un rejetton du système du chapelain Hancock, dont quelques personnes font usage parmi nous, ne sauroit passer pour un remede éprouvé.
4°. Les vertus réelles & évidentes de l'eau se ré<pb-> [p. 196]
Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des effets
de l'eau prise intérieurement; ses usages extérieurs
ne sont pas moins étendus, peut - être sont - ils plus
réels, au moins plus efficaces. L'eau s'applique extérieurement
sous la forme de bain (voyez
L'eau froide jettée avec force sur le visage, arrête
les évanoüissemens (voyez
Eaux distillées (Page 5:196)
La base de ces liqueurs est de l'eau; & même la partie qui n'est pas eau, dans celles qui sont le plus chargées de divers principes, est si peu considérable, qu'elle ne sauroit être déterminée par le poids ni par la mesure.
Les différens principes qui peuvent entrer dans la composition des eaux distillées, sont 1°. la partie aromatique des plantes & des animaux: 2°. une certaine substance qui ne peut pas être proprement appellée odeur ou parfum, puisqu'elle s'éleve des substances même que nous appellons communément inodo<-> res, mais qui se rend pourtant assez sensible à l'odorat, pour fournir des caracteres plus ou moins particuliers de la substance à laquelle elle a appartenu; cette partie aromatique & cette substance beaucoup moins sensible, sont connues parmi les Chimistes sous le nom commun d'esprit recteur, que Boerhaave a remis en usage: 3°. les alkalis volatils spontanés des végétaux: 4°. la partie vive de plusieurs plantes, qui a imposé à Boerhaave & à ses copistes pour de l'alkali volatil, telle que celle de l'ail, de l'oignon, de la capucine, de l'estragon, &c. 5°. l'acide volatil spontané que j'ai découvert dans le marum,
C'est pour l'usage médicinal que l'on prépare communément les eaux distillées, & l'on expose au feu les matieres desquelles on les retire, dans un appareil tel qu'il est impossible de pousser la distillation au - delà de la production de ces eaux, qui sont l'unique objet de cette opération. L'artiste retire de cette méthode beaucoup de commodité, puisqu'il est toûjours sûr de son opération, sans qu'il soit obligé à gouverner son feu avec une attention pénible, & qui pourroit souvent être insuffisante.
Les produits qu'un plus haut degré de feu détacheroit des sujets de l'opération dont il s'agit, mêlés, quoiqu'en petite quantité, à une eau distillée, la coloreroient, lui donneroient une odeur d'empyreume, altéreroient ses vertus médicinales, & la disposeroient à une altération plus prompte: voilà précisément les inconvéniens qu'on évite dans le procédé que nous avons annoncé & que nous allons exposer.
On exécute cette opération dans deux appareils
différens; la maniere de procéder par le premier appareil
consiste à placer les matieres à distiller dans
une cucurbite de cuivre étamé, ou d'étain pour le
mieux, à adapter cette cucurbite dans un bain - marie, à la recouvrir d'un chapiteau armé d'un réfrigérant,
& à distiller par le moyen du feu appliqué au
bain, jusqu'à ce que la liqueur qui passe soit trop peu
chargée d'odeur ou trop peu sapide. V. les
On peut exécuter aussi cette opération par l'application
du feu nud, au moyen d'un ancien alembic
appellé chapelle ou rosaire, voyez
Dans le second appareil on met les matieres à dissiller
dans une cucurbite de cuivre étamé; on verse
sur ces matieres une certaine quantité d'eau; on recouvre
la cucurbite d'un chapiteau armé de son réfrigerant,
& on retire par le moyen du feu appliqué
immédiatement à la cucurbite, une certaine quantité
de liqueur déterminée par une observation transmise
d'artiste à artiste, & conservée dans les pharmacopées.
Voyez les
On traite ordinairement par le premier procedé les fleurs odorantes, telles que les roses, les oeillets, la fleur d'orange, celle de muguet, de tilleul, &c. On distille toûjours, selon le même procedé, le petit nombre de substances animales dont les eaux distil<-> lées sont en usage en Medecine; savoir, le miel, le lait, la bouse de vache, le frai de grenouilles, l'arriere - faix, le jeune bois de cerf, les limaçons, &c.
Les eaux distillées de cette premiere maniere, sont connues dans quelques livres sous le nom d'eaux es<-> sentielles.
On distille aussi au bain - marie, & sans addition, les plantes cruciferes, telles que le cochlearia & le cresson, pour faire ce qu'on appelle les esprits volatils de ces plantes. On distille ces mêmes plantes par le même procédé, mais en ajoûtant de l'esprit - de - vin pour faire leurs esprits volatils. On a coûtume d'ajoûter aussi un peu d'eau dans la distillation des fleurs d'orange au bain - marie.
On traite de la seconde maniere toutes les autres substances végétales, dont on s'est avisé de retirer des eaux distillées, plantes fraîches & seches, fleurs, calices, semences, écorces, bois, racines, &c. & même la plûpart de celles que nous venons de donner pour les sujets ordinaires de la distillation au bain - marie.
Les produits de cette derniere opération s'appellent proprement eaux distillées. [p. 197]
Il faut observer que lorsque ces dernieres eaux
sont bien préparées, & sur - tout lorsqu'elles ont été
très - chargées des principes volatils des plantes par
des cohobations répetées (voyez
Les eaux essentielles, rétirées des substances odorantes,
sont cependant plus aromatiques & plus durables
que celles qui sont rétirées des mêmes substances
par l'addition de l'eau. Cela vient, pour la partie
aromatique, de ce que dans la premiere opération
toute la partie aromatique du sujet traité passe avec
l'eau essentielle; au lieu que dans la seconde, une
partie de ce principe reste unie à une huile essentielle
qui s'éleve avec l'eau dans la distillation du plus
grand - nombre des plantes odorantes (voyez
Voilà donc les principales différences des deux
opérations: l'addition d'une eau étrangere & un feu
plus fort, distinguent la derniere de la premiere. On
verra à l'article
Après avoir donné une idée générale de ces opérations, voici les observations particulieres que nous croyons les plus importantes.
Premierement, il importe très - fort pour l'exactitude
absolue de la préparation, & plus encore pour
son usage médicinal, que les vaisseaux qu'on employe
à la distillation des eaux dont il s'agit, ne puissent
leur communiquer rien d'étranger, & sur - tout
de nuisible. C'est pour se conformer à cette regle
(qui n'est qu'une application d'une loi générale du
manuel chimique), que nous avons recommandé
de se servir de cucurbites d'étain autant qu'il étoit
possible: il est plus essentiel encore que les chapiteaux
soient faits de ce métal, que les principes les
plus actifs élevés dans la distillation dont nous parlons
n'attaquent point, du moins sensiblement, au
lieu que le cuivre est manifestement entamé par plusieurs
de ces principes. Voyez
La pauvreté chimique ne permet pas de penser aux chapiteaux d'argent ou d'or, qui seroient sans contredit les meilleurs. Les alembics de verre, recommandés dans la pharmacopée de Paris pour la distillation des plantes alkalines, ne peuvent servir que pour un essai, ou dans le laboratoire d'un amateur, mais jamais dans celui d'un artiste qui exécute ces distillations en grand: car la fracture à laquelle ces vaisseaux sont sujets, la prodigieuse lenteur de la distillation dans des alembics dont on ne peut presque pas rafraîchir les chapiteaux, l'impossibilité d'en avoir d'une certaine capacité; tout cela, dis - je, rend cette opération à - peu - près impraticable. On a eu raison cependant de préferer les vaisseaux de verre aux vaisseaux de cuivre, malgré tous les inconvéniens de l'emploi des premiers; mais l'étain, com<cb->
2°. Si le réfrigérant adapté au chapiteau d'étain,
ne condense pas assez au gré de l'artiste certains principes
très - volatils, il a la ressource du serpentin ajoûté
au bec du chapiteau. Voyez
3°. Si les substances à distiller sont dans un état sec ou solide, il est bon de les faire macérer à froid ou à chaud, pendant un tems proportionné à l'état de chaque matiere. Les bois & les racines seches doivent être rapés, les racines fraîches pilées ou coupées par rouelles; les écorces seches, comme celles de canelle, concassées, &c. N. B. Que les bois, les racines, & les écorces se traitent par le second procédé.
4°. L'on doit avoir soin dans la distillation avec addition d'eau, de ne remplir la cucurbite que d'une certaine quantité de matiere, telle que le plus grand volume qu'elle acquerra dans l'opération, n'excede pas la capacité de la cucurbite; car si ces matieres en se gonflant passoient dans le chapiteau, non - seulement l'opération seroit manquée, mais même si le bee du chapiteau venoit à se boucher, ce qui arrive souvent, dans ce cas le chapiteau pourroit être enlevé avec effort, & l'artiste être blessé ou brûlé. Les plantes qu'on appelle grasses, & sur - tout celles qui sont mucilagineuses, font sur - tout risquer cet accident.
5°. Aucun artiste n'observe les doses d'eau prescrites dans la plûpart des pharmacopées, & il est en effet très - inutile d'en prescrire: la regle générale qu'ils se concentent d'observer, est d'employer une quantité d'eau suffisante, pour qu'il y ait au fond du vaisseau; sous la plante, le bois ou l'écorce traitée, toutes matieres qui surnagent pour la plûpart; qu'il y ait, dis - je, au fond de la cucurbite trois ou quatre pouces d'eau, plus ou moins, selon la capacité du vaisseau, ou un ou deux pouces au - dessus des bois plus pesans que l'eau, comme gayac, &c.
6°. On ne voit point assez à quoi peut être bonne l'eau demandée dans la pharmacopée de Paris, dans les distillations exécutées par notre premier procédé: il semble qu'il vaudroit mieux la supprimer.
Les eaux distillées sont ou simples ou composées. Les eaux simples sont celles qu'on retire d'une seule substance distillée avec l'eau: les eaux composées sont le produit de plusieurs substances distillées ensemble avec l'eau.
Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des eaux distillées proprement dites, c'est - à - dire de celles qui ne sont mêlées à aucun principe étranger, ou tout au plus à une petite quantité d'eau commune, qui est une substance absolument identique avec celle qui constitue leur base.
Il est outre cela dans l'art plusieurs préparations,
soit simples soit composées, qui portent le nom d'eau
spiritueuse, ou même d'eau simplement, & qui sont
des produits de la distillation de diverses substances
aromatiques avec les esprits ardens ou avec le vin;
telles sont l'eau de cannelle spiritueuse, l'eau de mélisse
ou eau des carmes, l'eau de la reine d'Hongrie,
&c. On prépare ces eaux comme les eaux distillées
proprement dites: les regles de manuel sont les mêmes
pour les deux opérations; il faut seulement ne
pas négliger dans la distillation des eaux spiritueuses,
les précautions qu'exige la distillation des esprits ardens.
Voyez
Au reste, toutes les préparations de cette espece
ne sont pas connues dans l'art sous le nom d'eau;
cette dénomination est bornée par l'usage à un certain
nombre: plusieurs autres exactement analogues
à celles - ci portent le nom d'esprit (voyez
On trouvera un exemple de distillation d'une eau
essentielle à l'article
De tous les remedes inutiles dont l'ignorance & la charlatanerie remplirent les boutiques des apothicaires, lors de la conquête que fit la Chimie, de la Medecine & de la Pharmacie, nul ne s'est multiplié avec tant d'excès que les eaux distillées. Les vûes chimériques de séparer le pur d'avec l'impur, de concentrer les principes des mixtes, d'exalter leurs vertus médicinales qu'on crut principalement remplir par la distillation; ces vûes chimériques, dis - je, nous ont fourni plus d'eaux distillées parfaitement inutiles, que les connoissances réelles des propriétés de diverses plantes ne nous en ont procuré dont on ne sauroit trop célebrer les vertus.
Les eaux distillées des plantes parfaitement inodores,
sont privées absolument de toute vertu medicinale,
aussi - bien que les eaux distillées des viandes,
du lait, & des autres substances animales dont nous
avons fait mention au commencement de cet article.
Elles ne different de l'eau pure que par une saveur
& une odeur herbacée, laiteuse, &c. & par la
propriété de graissèr, dont nous avons déjà parlé.
Zwelfer a le premier combattu la ridicule confiance
qu'on eut pour ces préparations, & sur - tout le projet
de nourrir un malade avec de l'eau distillée de
chapon (Voyez
Les eaux distillées aromatiques sont cordiales, toniques,
antispasmodiques, stomachiques, sudorifiques,
emmenagogues, alexiteres, & quelquefois
purgatives, comme l'eau - rose (voyez
Les eaux distillées des plantes alkalines ou cruci<cb->
Les eaux distillées spiritueuses possedent toutes les vertus des précédentes, & même à un degré supérieur; & de plus elles sont employées dans l'usage extérieur, comme discussives, repercussives, vulnéraires, dissipant les douleurs: on les respire aussi avec succès dans les évanoüissemens legers, les naufées, &c.
Outre toutes ces acceptions plus ou moins propres du mot eau, on l'employe encore dans un sens bien moins exact pour défigner plusieurs substances chimiques & pharmaceutiques: on connoît sous ce nom des infusions, des décoctions, des dissolutions, des ratafiats, des préparations même dont l'eau n'est pas un ingrédient, telles que l'eau de Rabel, l'eau de lavande, &c. Les principales eaux chimiques ou pharmaceutiques très - improprement dites, sont les suivantes:
Eau alumineuse (Page 5:198)
Prenez des eaux distillées de roses, de plantain & de renoüée, de chacune une livre; d'alun purifié trois gros: faites dissoudre votre sel, & filtrez: gardez pour l'usage.
Eaux Antipleuretiques (Page 5:198)
On peut avancer hardiment que de ces quatre
eaux, trois sont absolument incapables de remplir
l'indication que les anciens medecins se proposoient
en les prescrivant; savoir d'exciter la sueur. Ces
trois eaux sont celles de scabieuse, de pissenlit, &
de coquelicot. Ces eaux ne sont chargées d'aucune
partie médicamenteuse des plantes dont elles sont tirées
(voyez
Que peut - on espérer en général des premieres &
de la derniere dans le traitement de la pleurésie? Ceci
sera examiné à l'article Pleurésie. Voy.
Eau de cailloux (Page 5:198)
Eau de Chaux (Page 5:198)
Eau des Carmes (Page 5:198)
Eau de casse - lunette (Page 5:198)
Eaux cordiales (Page 5:198)
Eau - forte (Page 5:198)
Eau de Goudron (Page 5:198)
Eau mercurielle (Page 5:198)
Il est essentiel d'employer l'eau distillée, pour étendre la dissolution du mercure dont il s'agit ici; [p. 199]
Eau - mere (Page 5:199)
Eau de Mille - fleurs (Page 5:199)
Eau phagedenique (Page 5:199)
Eau de Rabel (Page 5:199)
Prenez quatre onces d'huile de vitriol, & douze onces d'esprit de vin rectifié; versez peu - à - peu dans un matras l'acide sur l'esprit - de - vin, en agitant votre vaisseau, & gardez votre mélange dans un vaisseau fermé, dans lequel vous pouvez le faire digérer à un feu doux.
L'eau de Rabel est l'acide vitriolique dulcifié. Voyez
Eau régale (Page 5:199)
Eau saphirine, Eau bleue (Page 5:199)
En voici la préparation, d'après la pharmacopée universelle de Lemery.
Prenez de l'eau de chaux vive filtrée, une chopine; de sel ammoniac bien pulverisé, une dragme: l'une & l'autre mêlés ensemble, seront jettés dans un vaisseau de cuivre, dans lequel on les laissera pendant la nuit; après quoi on filtrera la liqueur, qui sera gardée pour l'usage.
L'eau saphirine n'est autre chose qu'une eau chargée
d'une petite quantité d'huile de chaux, & d'un
peu d'alkali volatil, coloré par le cuivre qu'il a dessous.
Voyez
Cette eau est un collyre irritant, tonique & dessiccatif.
Voyez les cas particuliers dans lesquels il
convient, à l'article
Eau verte (Page 5:199)
Eau - de - vie (Page 5:199)
Eau vulnéraire (Page 5:199)
Eau - de - vie (Page 5:199)
Cette chaudiere est placée contre un mur, à un pié d'élévation du sol de la terre, dans une maçonnerie de brique jointe avec du mortier de chaux & de sable, ou de ciment, qui la joint & la couvre toute entiere jusqu'au bord du tranchant du collet, sauf le fond qui est découvert. Cette chaudiere est soûtenue dans cette maçonnerie par deux ou trois ances de cuivre, longues chacune de cinq pouces, & d'un pouce d'épaisseur, qui sont adhérantes à la chaudiere. Cette maçonnerie prend depuis le sol de la terre; & le vuide qui reste depuis le sol de la terre jusqu'à la chaudiere, s'appelle le fourneau. Ce fourneau a deux ouvertures, l'une dans le devant, & l'autre au fond: celle du devant est de la hauteur du fourneau, & d'environ dix à onze pouces de large: c'est par - là qu'on fait entrer le bois sous la chaudiere. L'ouverture du fond est large d'environ quatre pouces en quarré; elle s'éleve dans une cheminée faite exprès, par où s'échappe la fumée. Il y a à chacune de ces ouvertures, une plaque de fer que l'on ôte & que l'on replace au besoin, pour modérer l'action du feu: on en parlera ci - après.
C'est cette chaudiere qui contient le vin, où il boût par l'action du feu que l'on entretient dessous. On ne remplit pas en entier la chaudiere de vin, parce qu'il faut laisser un espace à l'élévation du vin, quand il boût, afin qu'il ne surmonte pas au - dessus de la chaudiere. L'ouvrier (que l'on nomme un brû<-> leur, ce sont ordinairement des tonneliers) qui travaille à la conversion du vin en eau - de - vie, sait l'espace qu'il doit laisser vuide pour l'élévation du vin bouillant. La plûpart de ces brûleurs, pour connoître ce vuide, appliquent leurs bras au pli du poignet sur le tranchant du bord de la chaudiere, & laissent pendre leur main ouverte & les doigts étendus dans la chaudiere; & lorsqu'ils touchent du bout du doigt le vin qui est dans la chaudiere, il y a assez de vin, & il n'y en a pas trop.
Ce vuide est toûjours ménagé, quoiqu'on mette autre chose que du vin dans la chaudiere; car il faut savoir qu'après la bonne eau - de - vie tirée, il reste une quantité d'autre eau - de - vie (qu'on appelle seconde), qui n'a presque pas plus de force ni de goût que si on mêloit dans de bonne eau - de - vie [omission: formula; to see, consult fac-similé version] d'eau commune; dans laquelle seconde pourtant il y a encore une partie de bonne eau - de - vie que l'on ne veut pas perdre, & que l'on retire en la faisant bouillir une seconde fois avec de nouveau vin dans la chaudiere: on appelle cette seconde fois, une seconde chauffe ou une double chauffe, parce qu'ordinairement on remet dans la chaudiere tout ce qui est venu de la premiere chauffe, soit bonne eau - de - vie ou seconde; ainsi il faut moins de vin à cette double chauffe qu'à la premiere. Il y a des gens qui à toutes les chauffes mettent à part la bonne eau - de - vie qui en vient: on appelle cela lever à toutes les chauffes. Pour la seconde chauffe ils ne mettent que la seconde qui est venue de la premiere chauffe: il y a quelquefois jusqu'à 60 ou 70 pintes de seconde, plus ou moins, suivant la qualité du vin. On dira ci - après comment on connoît qu'il n'y a plus d'esprit dans ce qui vient de la chaudiere, & que ce qui y reste n'est bon qu'à être jetté dehors.
Lorsque la chaudiere est remplie jusqu'où elle doit l'être, on met du feu sous le fourneau; on se sert d'abord de bois fort combustible, comme du sarment de vigne, du bouleau ou autre menu bois, qui donnant plus de flamme que le gros bois, a une chaleur plus vive: on en met sous le fourneau, & on l'y entretient toûjours vif, autant qu'il en faut pour faire bouillir cette chaudiere; on appelle cela, en termes de l'art, mettre en train. Quand la chaudiere [p. 200]
On couvre cette chaudiere avec le chapeau: on appelle cela coiffer la chaudiere, pour empêcher l'exhalaison de la fumée du vin, parce que c'est dans cette fumée que se trouve l'esprit du vin qui fait l'eau - de - vie. On fait ensorte qu'il ne reste entre le chapeau & le collet de la chaudiere aucune ouverture par où la fumée puisse s'échapper; & pour y réussir, après que le chapeau est entré & bien enfoncé dans le collet de la chaudiere, on met de la cendre seche autour du collet, pour la fermer presque hermétiquement.
Ce tuyau ou cette queue de chapeau va se joindre dans un autre vaisseau de cuivre ou d'étain, que l'on appelle serpentine, parce qu'elle est faite en serpent replié. C'est un ustensile fait de différens tuyaux adaptés & soudés les uns aux autres en rond & en spirale, qui n'en font qu'un. Ce tuyau peut avoir un pouce & demi de diametre à son embouchure, & est réduit à un pouce à son extrémité; il est composé de six à sept tournans en spirale, élevés les uns sur les autres d'environ six à sept pouces; ensorte que la serpentine, dans toute sa hauteur appuyée sur ses tournans, peut avoir trois piés & demi ou environ. Ces tuyaux tournans sont assujettis par trois bandes de cuivre, ou du même métal dont est la serpentine, qui y sont jointes du haut en - bas pour en empêcher l'abaissement.
On unit la queue du chapeau à la serpentine, en faisant entrer le petit bout de la queue du chapeau dans l'ouverture du haut de la serpentine, où cette queue entre d'un pouce & demi ou environ: on lutte bien l'un & l'autre avec du linge & de la terre grasse bien unie, afin qu'il ne sorte point de fumée qui vienne de la chaudiere.
Cette serpentine est, comme l'on doit le comprendre, éloignée du corps de la chaudiere & de la maçonnerie qui l'environne, de l'espace de dix pouces ou environ: elle est placée dans un tonneau ou autre vaisseau de bois fait en forme de tonneau, que l'on appelle pipe en bien des endroits. Cette serpentine y est posée debout & à - plomb, penchant néanmoins tant - soit - peu sur le devant, pour faciliter l'écoulement de la liqueur qui y passe: elle y est assujettie ou par des pattes de fer, des crampons & des pieces de bois qui, sans l'endommager, peuvent la rendre immobile & la tenir dans un état stable. Il y a à cette pipe trois trous ou ouvertures, l'un au haut, du côté de la chaudiere, par lequel sort de la longueur d'un pouce le bout d'en - haut de la serpentine; l'autre trou au bas, dans le devant de la pipe, par où sort de la longueur de trois pouces ou environ, le petit bout de la serpentine; & un autre trou dans le derriere de la pipe, où l'on a ajusté une fontaine ou gros robinet. Lorsque la serpentine est bien posée dans la pipe, & que la pipe elle - même est bien assujettie en équilibre, on bouche bien les trois trous de la pipe: on calfeutre les deux premiers avec de
Pour savoir si la serpentine est bien posée & a assez de pente, on prend une balle de fusil qui ne soit pas d'un trop gros calibre, & on la laisse couler dans la grande ouverture de la serpentine; elle doit rouler aisément, faire tous les tours de la serpentine, & sortir par le petit bout: alors elle est bien posée. Si la balle s'arrête dans la serpentine, ce qui peut quelquefois être causé par un grain de soudure des tuyaux, que le poëlier aura laissé échapper dans le dedans des tuyaux, en la soudant, ou parce que la serpentine n'est pas bien soudée: il faut faire sortir cette balle; & pour y réussir, il faut mettre dans le trou de la serpentine la queue du chapeau renversé, c'est - à - dire son vuide en - dehors, & jetter dans ce chapeau environ un seau d'eau, laquelle s'écoulant à force dans cette serpentine, entraînera avec elle la balle qui y est restée; & si la pipe n'est pas droite ou posée comme il faut, il faut la rétablir, & remettre cette balle jusqu'à ce qu'elle passe.
Pour savoir s'il n'y a point de petits trous à la chaudiere, au chapeau ou à la serpentine, il faut, pour la serpentine, la remplir d'eau avant de la mettre dans la pipe, boucher bien le trou d'en - bas avec un bouchon de liége qui ferme bien juste, & souffler par le gros bout avec un soufflet qui prenne bien juste: s'il y a quelque sinus, l'eau sortira par - là, attendu que le vent du soufflet la presse vivement: alors il faut faire souder cet endroit avant de la mettre dans la pipe; s'il n'y a point de trou, on sentira que l'eau fait résistance au vent du soufflet: on le retire, parce que la serpentine est bien jointe & bien soudée. Pour le chapeau, il faut le mettre entre ses yeux & le jour, le vuide du côté des yeux; s'il y a des sinus, on les verra; s'il n'y en a point, le chapeau est en bon état. Pour la chaudiere on s'apperçoit qu'il y a un ou des trous, quand on voit dégoutter du vin dans le feu, ou quelqu'endroit de la maconnerie mouillé: il faut alors demaçonner la chaudiere, pour réparer le mal.
Quand tous les ustensiles sont en ordre, on remplit la pipe d'eau froide, n'importe de quel fond elle vienne, soit de riviere, de puits, de pluie, ou de mer: celle de mer est la moins bonne, parce qu'elle est plûtôt chaude. Il faut que l'eau surmonte la serpentine d'environ un pié. Cette eau sert à rafraîchir l'eau - de - vie qui sort bouillante de la chaudiere, en s'élevant en vapeur vers les parois du chapeau, s'écoule par l'ouverture du chapeau, passe dans la queue de ce chapeau, & de - là dans les tours de la serpentine, & en sort par le petit bout, où elle est reçûe dans un bassiot couvert, qui est dans un trou en terre au bas de la pipe, & où elle entre au moyen d'un petit vase de cuivre ou d'autre métal, qui est fait en forme d'un petit entonnoir plat, que l'on place sur le petit bout de la serpentine: cet entonnoir est percé à l'autre bout d'un trou, sous lequel il y a une petite queue ou douille, qui entre dans un trou fait exprès au bassiot, par où se vuide l'eau - de - vie qui vient de la chaudiere. On appelle le trou en terre où l'on place le bassiot, faux bassiot. On donne à ces ustensiles les noms qui sont en usage dans la province où l'on s'en sert.
On a dit que cette eau dans la pipe sert à rafraîchir l'eau - de - vie avant qu'elle entre dans le bassiot; car quand elle y entre chaude, elle est ordinairement âcre, ce qui lui vient des parties du feu dont elle est remplie en sortant de la chaudiere; & plûtôt elle se décharge de ces parties ignées, & plus l'eau - de - vie est douce & agréable à boire, sans rien perdre de sa force: ainsi il est à - propos de rafraîchir cette eau de [p. 201]
Ce bassiot est fait avec des douves, comme sont celles des tonneaux; il est lié avec des cerceaux, comme on lie les tonneaux; il est fermé ou foncé dessus & dessous pour la conservation, & empêcher l'évaporation de l'eau - de - vie qui y entre. Ce bassiot a deux trous sur son fond d'en - haut, qui ont chacun leur bouchon mobile; l'un des trous est celui où entre la queue du petit entonnoir, & l'autre sert pour sonder & voir combien il y a d'eau - de - vie de venue. Ce bassiot est jaugé à la jauge d'usage dans le pays, afin que l'on puisse savoir précisément ce qu'il contient. On sait ce qu'il y a dedans d'eau - de - vie, quoiqu'il ne soit pas plein; on a pour cela un bâton fait exprès, sur lequel on a mesuré exactement les pots & veltes de liqueur que l'on y a mise, à mesure qu'on l'a jaugé, tellement que quand il n'y a dans le bassiot que quatre, cinq, six, sept pots plus ou moins de liqueur, en coulant le bâton dedans & l'appuyant au fond du bassiot, l'endroit où finit la hauteur de la liqueur qui est dans le bassiot, doit marquer sur le bâton le nombre des pots ou veltes qui y sont contenues, & cela par des marques graduées & numérotées, qui sont empreintes ou entaillées sur ce bâton. Ce bassiot doit être posé bien à - plomb & bien solide dans le faux bassiot. On sait que pour un pot il faut deux pintes, & que la velte contient quatre pots.
On a dit qu'au fourneau qui est sous la chaudiere, il y avoit deux ouvertures; l'une pour y faire entrer le bois, & l'autre pour laisser échapper la fumée. Ces deux ouvertures ont chacune leur fermeture de fer; celle de devant par une plaque de fer, avec une poignée, pour la placer ou l'enlevér à volonté: on appelle cette plaque, une trappe. L'ouverture de la fumée a également sa fermeture, mais elle n'est pas placée à l'orifice du trou; on sait que par ce trou, la fumée du feu monte dans la cheminée pour se répandre dans l'air; la fermeture de ce trou est placée au - dessus de la maçonnerie de la chaudiere, un peu sur le côté: ensorte que le tuyau de cette fumée, qui prend sous la chaudiere, est un peu dévoyé, pour gagner le conduit de la cheminée. Cette fermeture consiste dans une plaque de ser, longue environ d'un pié, & large de quatre pouces & demi, ce qui doit boucher le tuyau de la cheminée: ainsi ce tuyau ne doit avoir que cela de largeur, & être presque quarré; on appelle cette fermeture, une tirette, parce qu'on la tire pour l'ôter, & on la pousse pour la remettre, c'est - à - dire pour ouvrir & fermer ce trou, qui répond au - dehors au - dessus de la chaudiere par une fente, dans le mur du tuyau de la cheminée; il ne faut pas néanmoins que cette tirette bouche tout - à - fait le tuyau de la cheminée, parce que pour l'entretien du feu, il faut qu'il s'en exhale un peu de fumée, sans quoi il seroit étouffé sous le fourneau: ainsi il peut rester autour de la tirette une ligne ou deux de vuide.
Ces deux plaques de fer servent pour entretenir le feu sous le fourneau dans un degré égal de chaleur; & quand il n'y a pas assez d'air, on tire tantsoit - peu la tirette; s'il y en a trop, on la pousse tout - à - fait: de façon que le feu qui est sous la chaudiere, n'étant point animé par un air étranger, brûle également, & entretient le bouillon de la chaudiere dans une égale effervescence, ce qui fait que l'eau - de - vie vient toûjours presque également & doucement; ce qui contribue beaucoup à sa bonté.
Quand la chaudiere est coiffée, on continue à mettre du menu bois sous le fourneau, jusqu'à ce
Quand la chaudiere est en bon train, que le bassiot pour la réception de l'eau - de - vie est bien posé, on laisse venir l'eau - de - vie tout doucement, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'esprit supérieur dans le vin; car il faut savoir que dans le vin il y a trois sortes de choses, un esprit fort & supérieur, un esprit foible ou infirme, & une partie épaisse, compacte & flegmatique. L'esprit fort & supérieur, est celui qui forme l'eau - de - vie, qui est inflammable, évaporable, fort, brûlant, savoureux, brillant comme du crystal, qui avec sa force a de la douceur qui est agréable à l'odorat & au goût, quoique violent: cet esprit, quand le feu le détache par son activité des parties grossieres qui l'enveloppent, forme une liqueur extrèmement claire, brillante, vive, & blanche; ce que nous appellons eau - de - vie, la bonne & forte eau - de - vie. L'esprit foible & infirme, est celui qui s'exhale des parties épaisses, après que l'esprit fort comme plus subtil est sorti: cet esprit foible est assez clair, blanc, transparent; mais il n'a pas, comme l'esprit fort, cette vivacité, cette inflammabilité, cette saveur, ce bon goût & cette bonne odeur qu'a l'esprit fort: cet esprit n'est dit foible & infirme, que parce qu'il est composé de quelques parties d'esprit fort, & de parties aqueuses & flegmatiques, lesquelles étant supérieures de beaucoup à celles de l'esprit fort, l'absorbent & le rendent tel qu'on vient de le dire; & comme il y a encore dans ce mêlange des particules de l'esprit fort que l'on veut avoir, & qui feront, comme le pur esprit fort, de bonne eau - de<-> vie, c'est ce qui fait qu'après la bonne eau - de - vie tirée, on laisse venir jusqu'à la fin cet esprit foible, pour le repasser dans une seconde chauffe. On appelle cet esprit foible, en terme de fabrication d'eau<-> de - vie, la seconde, c'est - à - dire la seconde eau - de - vie. La troisieme partie du vin, qui est le reste du dedans de la chaudiere, après que ces deux esprits en sont sortis, est - une matiere liquide, trouble & brune, qui n'a aucune propriété pour tout ce qui regarde l'eau<-> de - vie: aussi la laisse - t - on couler dehors par des canaux faits exprès, où elle se vuide par un tuyau de cuivre long d'un pié & de deux pouces de diametre, qui est joint & soudé à la chaudiere sur le côté près le fond, afin que tout puisse se bien vuider; lequel tuyau est bien & solidement bouché pendant toute la chauffe. On appelle cette derniere partie du vin, la décharge, c'est - à - dire cette partie grossiere qui chargeoit les esprits du vin, & que le feu a séparée & divisée.
On laisse venir cette eau - de - vie dans le bassiot jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'esprit fort; & pour le connoître, on a une petite bouteille de crystal bien transparente, longue de quatre à cinq pouces, d'un pouce de diametre dans son milieu, & d'un peu moins dans ses extrémités: on l'appelle une preuve, parce qu'elle sert à éprouver; avec laquelle bouteille on
Quand on veut avoir de l'eau - de - vie très - forte, on leve le bassiot dès qu'elle perd; on n'y laisse entrer aucune partie de seconde: on appelle cela, couper à la serpentine, ou de l'eau - de - vie coupée à la serpentine. Et pour recevoir ensuite la seconde, on place un autre bassiot où étoit le premier, qui reçoit cette seconde, comme le premier avoit reçu la bonne eau - de<-> vie.
Mais comme cette eau - de - vie coupée à la serpentine n'est pas une eau - de - vie de commerce, où on ne la demande pas si forte, quoiqu'on l'y reçoive bien; quand on la vend telle, les brûleurs - marchands - vendeurs y laissent venir une partie de la seconde, qui tempere le feu & la vivacité de cette premiere eau<-> de - vie.
Il y a eu dans une province du royaume (l'Aunis) où l'on fabrique beaucoup d'eau - de - vie, des contestations au sujet de ce mêlange de la seconde avec la bonne eau - de - vie, ou de l'eau - de - vie sorte; les acheteurs disoient qu'il y avoit trop de seconde, & que cela rendoit l'eau - de - vie extrèmement foible au bout de quelques jours, sur - tout après quelque transport & trajet sur mer; les vendeurs de leur côté disoient que non, & qu'ils fabriquoient l'eau - de - vie comme ils avoient toûjours fait, & que s'il y avoit de la fraude, elle ne venoit pas de leur part: ensorte que cela mettoit dans ce commerce d'eau - de - vie des contestations qui le ruinoient; chacun crioit à la mauvaise foi, chacun se plaignoit, & peut - être les deux parties avoient raison de se plaindre l'une de l'autre. Sur ces contestations, & pour rétablir & faire refleurir cette branche du commerce, le Roi, par les soins & attentions de M. de Boismont, intendant de la province, a interposé son autorité; & par son arrêt du conseil du 10 Avril 1753, sa Majesté a ordonné, art. 1. que les eaux - de - vie seront tirées au quart, garniture comprise, c'est - à - dire que sur seize pots d'eau - de - vie forte il n'y aura que quatre pots de seconde. Pour entendre ceci, il faut se rappeller ce que l'on a ci - devant dit; que la forte eau - de - vie venoit dans le bassiot; qu'elle étoit forte jusqu'à ce qu'elle eût perdu; que pour savoir ce qui en étoit venu, & combien il y en avoit dans le bassiot, on avoit un bâton fait exprès, sur lequel il y avoit des marques numérotées qui indiquoient la quantité de liqueur qu'il y avoit dans le bassiot: ainsi supposant qu'en sondant avec le bâton, il marque qu'il y a de la liqueur jusqu'au n°. 20, cela veut dire qu'il y a vingt pots d'eau - de - vie dans le bassiot; ainsi y ayant vingt pots d'eau - de - vie forte, on peut la rendre & la [p. 203]
Lorsque cette eau - de - vie est venue avec sa garniture, on leve le bassiot sur le champ pour y en placer un autre, afin de recevoir tout le reste de la seconde; & l'on peut dès ce moment vuider ce premier bassiot, & mettre cette bonne eau - de - vie dans un tonneau ou futaille, appellée barrique ou piece; & l'on peut dire qu'il y a dans cette barrique 25 pots de bonne eau - de - vie marchande, & faite conformément aux intentions du Roi.
Cette futaille, piece, ou barrique, doit être fabriquée suivant le réglement porté par l'arrêt du conseil du 17 Août 1743, rendu aux instances de M. de Barentin, intendant alors de la province, qui vouloit soûtenir ce commerce, où il voyoit dès - lors naître des contestations qui le ruineroient infailliblement, si l'on n'alloit au devant par l'interposition de l'autorité souveraine; ces futailles doivent donc être faites conformément à ce réglement, pour qu'elles puissent jauger juste & velter juste, en terme de commerce, ce qu'elles contiennent: ce que l'on sait par le moyen d'une jauge ou velte numerotée & graduée suivant toutes les proportions géométriques, & approuvée par la police des lieux, laquelle velte l'on glisse diagonalement dans la barrique par la bonde d'icelle.
Il y a pour ce commerce d'eau - de - vie des courtiers auxquels on peut s'adresser: ces gens là sont chargés de la part des marchands - commissionnaires, ou autres, de l'achat de cette liqueur; & comme dans les contestations reglées par l'arrêt du conseil de 1753, les courtiers avoient été compris dans les plaintes respectives, le Roi par son édit a établi dans la ville de la Rochelle des agréeurs, pour l'acceptation & pour le chargement des eaux - de - vie: ensorte que sur le certificat des agréeurs à l'acceptation, les eaux - de<-> vie sont réputées bonnes; & sur le certificat des agréeurs au chargement, les eaux - de - vie ont été embarquées & chargées bonnes, & cela afin de faire cesser les plaintes des marchands - commettans des provinces éloignées, qui se plaignoient qu'on leur envoyoit de l'eau - de - vie trop foible.
C'est ainsi que se fabrique & se commerce l'eau<-> de - vie, qui a un flux & reflux continuel dans le prix.
Comme l'on veut conserver tout ce qui est esprit dans le vin que l'on brûle, on fait l'épreuve à la fin de la chauffe, pour savoir s'il y a encore quelque esprit dans ce qui vient de la chaudiere; & pour cela l'ouvrier brûleur reçoit du tuyau de la serpentine dans un petit vase, un peu de la liqueur qui vient; & une chandelle flambante à la main, il verse de cette liqueur sur le chapeau brûlant de la chaudiere, & présente la flamme de la chandelle au courant de cette liqueur versée: si le feu y prend, & qu'il y ait encore quelque peu de flamme bleuâtre qui s'éleve, c'est une marque qu'il y a encore de l'esprit dans ce qui vient, & on attend qu'il n'y en ait plus. Quand la flamme de la chandelle n'y prend point, ce n'est plus qu'un flegme inutile: ainsi on leve le chapeau de la chaudiere, & on laisse échapper par le tuyau qui est au - bas de la chaudiere, toute la décharge, c'est - à - dire toute cette liqueur grossiere, impure, & inutile qui reste dans la chaudiere, qui s'écoule dehors, ou dans des trous ou fossés faits exprès, où elle
Lorsque l'on a deux chaudieres, on les accole l'une contre l'autre; mais il faut autant de façon à chacune, c'est - à - dire il faut les mêmes ustensiles, un fourneau à part, une cheminée à part, & une conduite & un gouvernement à part. Si on a plusieurs chaudieres, on peut les construire dans le même endroit, mais toûjours chacune doit être garnie de ses ustensiles particuliers.
Les termes dont on s'est servi pour la fabrication
& le commerce de cette eau - de - vie, peuvent être
différens dans les différentes provinces où l'on fait
de l'eau - de - vie: mais le fond de la fabrique & du commerce,
est toûjours le même. Voyez l'article
Eaux - fortes (Page 5:203)
Eaux sures (Page 5:203)
Eau donner (Page 5:203)
Eaux ameres de jalousie (Page 5:203)
Voici comment on procédoit: le prêtre présentoit
à la femme l'eau de jalousie, en lui disant:
Eau lustrale (Page 5:203)
Eau - benite (Page 5:204)
Les évêques grecs ou leurs grands vicaires font le 5 Janvier sur le soir l'eau - benite, parce qu'ils croyent que Jesus - Christ a été baptisé le 6 de ce même mois; mais ils n'y mettent point de sel, & ils trouvent fort à redire (on ne sait pas pourquoi) que nous en mettions dans la nôtre. On boit cette eau - benite, on en asperge les maisons, on la répand chez tous les particuliers; ensuite le lendemain jour de l'épiphanie, les papas font encore de l'eau - benite nouvelle qui s'employe à benir les églises prophanées & à exorciser les possédés.
Les prélats arméniens ne font de l'eau - benite qu'une fois l'année; & ils appellent cette cérémonie le baptême de la croix, parce que le jour de l'épiphanie ils plongent une croix dans l'eau, après avoir récité plusieurs oraisons. Dès - que l'eau - benite est faite, chacun en emporte chez soi; les prêtres arméniens, & sur - tout les prélats, retirent de cette cérémonie un profit très - considérable.
Il y avoit parmi les Hébreux une eau d'expiation dont parle le chap. xjx. du livre des nombres. On prenoit de la cendre d'une vache rousse, on mettoit cette cendre dans un vase où l'on jettoit de l'eau, avec laquelle on faisoit des aspersions dans les maisons, sur les meubles, & sur les personnes qui avoient touche quelque chose d'immonde. Telle est apparemment l'origine de benir avec de l'eau, vers le tems de pâques, dans quelques pays catholiques, les maisons, les meubles, & même les alimens.
Enfin les Payens avoient aussi leur eau sacrée.
Voyez l'article
Il est assez vraissemblable, comme le prétend le
P. Carmeli, que la connoissance qu'on avoit des vertus
de l'eau, engagea les hommes à s'en servir pour
les cérémonies religieuses. Ils observerent que cet
élément entretenoit, nourrissoit & faisoit végéter
les plantes; ils lui trouverent la propriété de laver,
de nettoyer & de purifier les corps. Ils regarderent
en conséquence les fleuves, les rivieres & les fontaines,
comme des symboles de la divinité; ils porterent
dès - lors jusqu'à l'idolatrie le respect qu'ils
avoient pour l'eau, & lui offrirent un encens sacrilége.
Enfin elle fut employée dans les rits sacrés
presque par tous les peuples du monde; & cet usage
est venu jusqu'à nous. Il ne faut donc point douter
que l'eau d'expiation des Juifs, l'eau lustrale des
Payens, & l'eau - benite des Chrétiens, ne partent du
même principe; mais l'application en est bien différente,
puisque nous ne sommes ni Juifs ni Payens.
Article de M. le Chevalier
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