ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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EAUX ET FORESTS (Page 5:204)

EAUX ET FORESTS, (Jurispr.) On comprend ici sous le terme d'eaux les fleuves, les rivieres navigables, & autres; les ruisseaux, étangs, viviers, pêcheries. Il n'est pas question ici de la mer; elle fait un objet à part pour lequel il y a des reglemens & des officiers particuliers.

Le terme de forêts signifioit anciennement les eaux aussi - bien que les bois, présentement il ne signifie plus que les forêts proprement dites, les bois, garen<-> nes, buissons.

Sous les termes conjoints d'eaux & forêts, la Jurisprudence considere les eaux, & tout ce qui y a rapport, comme les moulins, la pêche, le curage des rivieres; elle considere de même les forêts, & tous les bois en général, avec tout ce qui peut y avoir rapport.

Les eaux & forêts du prince, ceux des communautés & des particuliers, sont également l'objet des lois, tant pour déterminer le droit que chacun peut avoir à ces sortes de biens, que pour leur conservation & exploitation.

On entend aussi quelquefois par le terme d'eaux & forêts les tribunaux & les officiers établis pour connoître spécialement de toutes les matieres qui ont rapport aux eaux & forêts.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que les eaux & forêts ont mérité l'attention des lois; il paroît que dans tous les tems & chez toutes les nations, ces sortes de biens ont été regardés comme les plus précieux.

Les Romains qui avoient emprunté des Grecs une partie de leurs lois, avoient établi plusieurs regles par rapport aux droits de propriété ou d'usage que chacun pouvoit prétendre sur l'eau des fleuves & des rivieres, sur leurs rivages, sur la pêche, & autres objets qui avoient rapport aux eaux.

La conservation & la police des forêts & des bois paroît sur - tout avoir toûjours mérité une attention particuliere, tant à cause des grands avantages que l'on en retire par les différens usages auxquels les bois sont propres, & sur - tout pour la chasse, qu'à cause du long espace de tems qu'il faut pour produire les bois.

Aussi voit - on que dans les tems les plus reculés il y avoit déjà des personnes préposées pour veiller à la conservation des bois.

Salomon demanda à Hiram roi de Tyr, la permission de faire couper des cedres & des sapins du Liban pour bâtir le temple.

On lit aussi dans Esdras, lib. II. cap. ij. que quand Nehemias eut obtenu du roi Artaxercès surnommé Longuemain, la permission d'aller rétablir Jerusalem, il lui demanda des lettres pour Asaph garde de fes forêts, afin qu'il lui fît délivier tout le bois nécessaire pour le rétablissement de cette ville.

Aristote en toute république bien ordonnée désire des gardiens des forêts, qu'il appelle ULWQOUS2 sylvoe rum custodes.

Ancus Martius quatrieme roi des Romains, réunit les forêts au domaine public, ainsi que le remarque Suétone.

Entre les lois que les décemvirs apporterent de Grece, il y en avoit qui traitoient de glande, arbo<-> ribus, & pecorum pasiu.

Ils établirent même des magistrats pour la garde & conservation des forêts, & cette commission étoit le plus souvent donnée aux consuls nouvellement créés, comme il se pratiqua à l'égard deBibulus & de Jule - César, lesquels étant consuls, curent le gouvernement général des forêts, ce que l'on désignoit par les termes de provinciam ad sylvam & colles; c'est ce qui a fait dire à Virgile: Si canimus sylvas, sylvoe sunt consule dignoe. Voyez Suétone en la vie de Jule<-> César.

Les Romains établirent dans la suite des gouverneurs particuliers dans chaque province pour la conservation des bois, & firent plusieurs lois à ce sujet. Ils avoient des forestiers ou receveurs établis pour le revenu & profit que la république percevoit sur les bois & forêts, & des préposés à la conservation des bois & forêts nécessaires au public à divers usages, comme Alexandre Severe, qui les réservoit pour les thermes.

Lorsque les Francs firent la conquête des Gaules, ce pays étoit pour la plus grande partie couvert de vastes forêts, ce que nos rois regarderent avec raison comme un bien inestimable.

La conservation des bois paroissoit dès - lors un [p. 205] objet si important, que les gouverneurs ou gardiens de Flandres, avant Baudouin surnommé Bras - de - fer, étoient nommés forestiers, à cause que ce pays étoit alors couvert pour la plus grande partie de la forêt Chambroniere: le titre de forestiers convenoit d'ailleurs aussi - bien aux eaux qu'aux forêts.

Les rois de la seconde race défendirent l'entrée de leurs forêts, afin que l'on n'y commît aucune entreprise. Charlemagne enjoignit aux forestiers de les bien garder; mais il faut observer que ce qui est dit des forêts dans les capitulaires, doit quelquefois s'entendre des étangs ou garennes d'eau, qui étoient encore alors comprises sous le terme de forêts.

Aymoin fait mention que Thibaut Filetoupe étoit forestier du roi Robert, c'est - à - dire inspecteur général de ses forêts. Il y avoit aussi dès - lors de simples gardes des forêts, appellés saltuarios & sylvarios custodes.

La plus ancienne ordonnance que l'on ait trouvée des rois de la troisieme race, qui ait quelque rapport aux eaux & forêts, est une ordonnance de Louis V I. de l'an 1115, concernant les mesureurs & arpenteurs des terres & bois.

Mais dans le siecle suivant il y eut deux ordonnances faites spécialement sur le fait des eaux & fo<-> rêts; l'une par Philippe - Auguste, à Gisors en Novembre 1219; l'autre par Louis VIII. à Montargis en 1223.

Les principaux réglemens faits par leurs successeurs, par rapport aux eaux & forêts, sont l'ordonnance de Philippe - le - Hardi, en 1280; celle de Philippe - le - Bel, en 1291 & en 1309; celle de Philippe V. en 1318, de Charles - le - Bel, en 1326; du roi Jean, en 1355; de Charles V. en 1376; de Charles VI. en 1384, 1387, 1402, 1407 & 1415; de François I. en 1515, 1516, 1518, 1520, 1523, 1534, 1535, 1539, 1540, 1543, 1544 & 1545; d'Henri II. en 1548, 1552, 1554, 1555, 1558; de Charles IX. en 1561, 1563, 1566 & 1573; d'Henri III. en 1575, 1578, 1579, 1583 & 1586; d'Henri IV. en 1597; de Louis XIII. en 1637; & de Louis XIV. au mois d'Août 1669.

Cette derniere ordonnance est celle qu'on appelle communément l'ordonnance des eaux & forêts, parce qu'elle embrasse toute la matiere, & réiume ce qui étoit dispersé dans les précédentes ordonnances. Elle est divisée en trente - deux titres différens, qui contiennent chacun plusieurs articles. Elle traite d'abord dans les quatorze premiers titres, de la compétence des officiers des eaux & forêts; savoir de la jurisdiction des eaux & forêts en général, des officiers des maîtrises, des grands - maîtres, des maîtres particuliers, du lieutenant, du procureur du roi, du garde - marteau, des greffiers, gruyers, huissiersaudienciers, gardes généraux, sergens & gardes des forêts & bois tenus en grueries, grairies, &c. des arpenreurs, des assises, de la table de marbre, des juges en dernier ressort, & des appellations.

Les titres suivans traitent de l'assiete, balivage & martelage, & vente des bois; des recollemens, des ventes, des chablis & des menus marchés; des ventes & adjudications; des panages, glandées & paissons; des droits de pâturage & panage; des chauffages & autres usages des bois, tant à bâtir qu'à réparer; des bois à bâtir pour les maisons royales & bâtimens de mer; des eaux & forêts, bois & garennes tenus à titre de doüaire, &c. des bois en gruerie, grairie, tiers & danger; des bois appartenans aux ecclésiastiques & gens de main - morte; des bois, prés, marais, landes, pâtis, pêcheries, & autres biens appartenans aux communautés & habitans des paroisses; des bois appartenans à des particuliers; de la police & conservation des forêts, eaux. & rivieres; des routes & chemins royaux ès forêts & marche - piés des rivieres; des droits de péages, travers & autres; des chasses, de la pêche, enfin des peines, amendes, restitutions, dommagesintérêts & confiscations.

Nous avons crû ne pouvoir mieux faire que de rapporter ainsi les titres de cette ordonnance, pour faire connoître exactement quelles sont les matieres qu'elle embrasse, & que l'on comprend sous les termes d'eaux & forêts.

Depuis l'ordonnance de 1669, il est encore intervenu divers édits, déclarations & arrêts de réglemens, pour décider plusieurs cas qui n'étoient pas prévûs par l'ordonnance.

Les tribunaux établis pour connoître des matieres d'eaux & forêts, & de tout ce qui y a rapport, sont, 1°. les juges en dernier ressort, composés de commissaires du parlement, & d'une partie des officiers de la table de marbre, pour juger les appellations des maîtrises, grueries royales, grueries particulieres non royales, & de toutes les autres justices seigneuriales, sur le fait des réformations, usages, abus, délits & malversations commis dans les eaux & forêts, & sur les faits de chasse au grand - criminel; 2°. les tables de marbre du palais de Paris, de Roüen, Dijon, Bordeaux, Metz & autres, pour juger les appellations ordinaires des maîtrises; 3°. les maîtrises particulieres; 4°. les grueries royales; 5°. les grueries en titre, non royales, & les autres justices seigneuriales, lesquelles, sans avoir le titre de grue<-> rie, en ont tous les attributs.

La compétence de chacun de ces tribunaux sera expliquée en son lieu, aux mots Gruerie, Juges en dernier ressort, Maîtrise, Tables de marbre , & Justice seigneuriale.

Les officiers des eaux & forêts étoient anciennement nommés forestiers, maîtres des garennes, & depuis, maîtres des eaux & forêts.

Ceux qui ont présentement l'inspection & jurisdiction sur les eaux & forêts, sont les grands - maîtres, les maîtres particuliers, les gruyers, verdiers.

Il y a aussi dans les tables de marbre, maîtrises & grueries, d'autres officiers, tels que des lieutenans, un procureur du roi, un garde - marteau, un greffier, des huissiers - audienciers, des sergensgarde - bois, des sergens - gardes - pêche, des arpenteurs, des receveurs & collecteurs des amendes, &c. Nous expliquerons ce qui concerne ces différens officiers, soit en parlant des tribunaux où ils exercent leurs fonctions, soit dans les articles particuliers de ces officiers, pour ceux qui ont une dénomination propre aux eaux & forêts, tels que les gardes - marteau, gardes - chasse, sergens - à - garde, sergens forestiers, sergens - gardes - pêche.

Plusieurs matieres des eaux & forêts se trouvent déjà expliquees ci - devant aux mots Aire, Alluvion, Atterissement, Bac, Baliveaux, Batardeaux, Bois, Bruyeres, Bucherons, Buches, Canaux, Capitaineries, Cepées, Chablis, Charmés, Chasse, Chemins, Chêne, Chommage, Collecteur des Amendes, Cormiers, Coupes, Curage, Danger, Deffends, Défrichement, Délits, Doublement

Nous expliquerons le surplus ci - après, aux mots Ecuisser, Ecluses, Encrouer, Eshouper, Essarter, Etalon, Etant, Etang, Fauchaison, Flotage, Forêts, Fosse, Fouée, Fray, Furter, Futaye, Garennes, Gisant, Glandée, Gords, Halots, Haute - futaye, Landes, Lapins, Layes, Marteau, Martelage, Merrein, Moulins, Navigation, Paissons, Paluds, Panage, Parcs, Paroi, Paturage, Patis, Péages, Pertuis, Pêche, Piés - cor - [p. 206] miers, Poches, Poisson, Rabougris, Raboulieres, Recepage, Recollemens, Reserves, Riverains, Riviere, Routes, Ruisseau, Segrairies, Souchetage, Taillis, Terriers, Tiers & Danger, Tiers - lot, Triage, Vente, Visite, Usage, Usagers , & plusieurs autres termes qui ont rapport à cette matiere. (A)

Eau (Page 5:206)

Eau, (Jurispr.) suivant le droit romain, l'eau de de la mer, celle des fleuves & des rivieres en général, & toute eau coulante, étoient des choses publiques dont il étoit libre à chacun de faire usage.

Il n'en est pas tout - à - fait de même parmi nous: il n'est pas permis aux particuliers de prendre de l'eau de la mer, de crainte qu'ils n'en fabriquent du sel, qui est un droit que nos rois se sont réservé.

A l'égard de l'eau des fleuves & des rivieres navigables, la propriété en appartient au roi, mais l'usage en est public.

Les petites rivieres & les eaux pluviales qui coulent le long des chemins, sont aux seigneurs hautsjusticiers: les ruisseaux appartiennent aux riverains.

Il est libre à chacun de puiser de l'eau dans les fleuves, rivieres & ruisseaux publics; mais il n'est point permis d'en détourner le cours au préjudice du public ni d'un tiers, soit pour arroser ses prés, pour faire tourner un moulin, ou pour quelqu'autre usage, sans le consentement de ceux auxquels l'eau appartient.

Le droit actif de prise d'eau peut néanmoins s'acquérir par prescription, soit avec titre ou sans titre, comme les autres droits réels; par une possession du nombre d'années requis par la loi du lieu.

Mais la faculté de prendre de l'eau ne se prescrit point par le non - usage, sur - tout tandis que l'écluse où l'on puisoit l'eau est détruite.

Celui qui a la source de l'eau dans son fonds, peut en disposer comme bon lui semble pour son usage; au - lieu que celui dans le fonds duquel elle ne fait simplement que passer, peut bien arrêter l'eau pour son usage, mais il ne peut pas la détourner de son cours ordinaire. Voyez au code de aquoeduct. Franç. Marc, tome I. quest. dlxxxjx & dxcvij. Henrys, tome II. liv. IV. quest. xxxv & xxxvij. Basset, tome II. liv. III. tit. vij. ch. 1 & 7. (A)

Eau bouillante (Page 5:206)

Eau bouillante, (Jurispr.) servoit autrefois d'épreuve & de supplice. Voyez ci - après Epreuve de l'Eau bouillante , & aux mots Bouillir, Peine, Supplice .

Eau chaude (Page 5:206)

Eau chaude, voyez ci - dev. Eau bouillante.

Eau froide (Page 5:206)

Eau froide, voyez ci - après Epreuve de l'Eau froide. (A)

Eau (Page 5:206)

Eau, (Marine.) Faire de l'eau, en terme de marine, ou faire aiguade, c'est remplir des futailles destinées à contenir l'eau nécessaire pour les besoins de l'équipage pendant le cours du voyage. Il faut, autant qu'il est possible, ne choisir que des eaux de bonne qualité & saines, tant pour eviter les maladies que les mauvaises eaux peuvent causer, que parce qu'elles se conservent mieux, & sont moins sujettes à se corrompre.

Eau douce, on donne ce nom aux eaux de fontaine, de riviere, &c.

Eau salée, c'est l'eau de la mer.

Eau saumache, c'est de l'eau qui, sans avoir tout le sel & l'âcreté de l'eau de mer, en tient cependant un peu; ce qui se trouve quelquefois, lorsqu'on est obligé de prendre de l'eau dans des puits que l'on creuse sur le bord de la mer: on ne s'en sert que dans un grand besoin.

Eau basse, eau haute ou haute eau, morte eau, se disent des eaux de la mer lorsqu'elle monte ou descend. Voyez Marée.

Faire eau, terme tout différent de faire de l'eau: il se dit d'un vaisseau où l'eau entre par quelqu'ou<cb-> verture, de quelque cause qu'elle provienne, soit dans un combat par un coup de canon reçû à l'eau, c'est - à - dire dans les parties qui sont sous l'eau; soit par quelques coutures qui s'ouvrent, ou toute autre voie par où l'eau pénetre dans la capacité du vaisseau.

Eau du vaisseau, c'est la trace que le navire laisse sur l'eau dans l'endroit où il vient de passer; c'est ce qu'on appelle le sillage, l'oüaiche ou la seillure. Lorsqu'on suit un vaisseau de très - près, & qu'on marche dans son sillage, on dit être dans ses eaux.

Mettre un navire à l'eau, c'est le mettre à la mer, ou le pousser à l'eau de dessus le chantier, après sa construction ou son radoub. Voyez Lancer. (Z)

Eau de Nef (Page 5:206)

Eau de Nef, terme de Riviere, est la portion d'eau qui coule entre deux bateaux sur lesquels sont posées deux pieces de bois par - dessus lesquelles on décharge le vin.

Eau (Page 5:206)

Eau, (Manége.) envisagée par ses usages - relativement aux chevaux.

1°. Elle en est la boisson ordinaire.

Je ne sai comment on pourroit accorder les idées d'Aristote, & de quelques écrivains obscurs qui n'ont parlé que d'après lui, avec celles que nous nous formons des effets que cet élément produit dans nos corps & dans celui des animaux. Ce philosophe, à l'étude & aux observations duquel Alexandre en soûmit une multitude de toute espece, ne me paroît point aussi supérieur dans les détails, qu'il l'a été par rapport aux vûes générales. A l'en croire, les chevaux & les chameaux boivent l'eau trouble & épaisse avec plus de plaisir que l'eau claire; la preuve qu'il en apporte, est qu'ils la troublent eux - mêmes: il ajoûte que l'eau chargée de beaucoup de particules hétérogenes, les engraisse, parce que dès - lors leurs veines se remplissent davantage.

La seule exposition des faits allégués par ce grand homme, & des causes sur lesquelles il les appuie, suffiroit aujourd'hui pour en demontrer la fausseté; mais peut - être des personnes pénétrées d'une estime aveugle & outrée pour les opinions des anciens, me reprocheroient de n'avoir qu'un mépris injuste pour ces mêmes opinions: ainsi je crois devoir, en opposant la raison à l'autorité, me mettre à l'abit du blâme auquel s'exposent ceux qui tombent dans l'un ou dans l'autre de ces excès.

Il est singulier que le même naturaliste, qui, pour exprimer le plaisir que le cheval ressent en se baignant, le nomme animal philolutron, philydron, soit étonné de voir qu'il batte & qu'il agite communément l'eau au moment où il y entre, & n'impure cette action de sa part qu'au dessein & à la volonté de la troubler, pour s'en abreuver avec plus de satisfaction. Il me semble qu'en attribuant ces mouvemens, que nous ne remarquons que rarement dans les chevaux accoûtumés à boire dans la riviere, au desir naturel à l'animal philolutron, de faire rejaillir par ce moyen l'eau sur lui - même, ou de s'y plonger, on ne se seroit pas si éloigné de la vraissemblance.

L'expérience est mille fois plus sûre que le raisonnement. Présentez à l'animal de l'eau trouble, mais sans odeur ou mauvais goût, & de l'eau parfaitement limpide, il s'abreuvera indifféremment de l'une ou de l'autre: conduisez - le dans une riviere, dès qu'il sera véritablement altéré, il boira sur le champ, & ne cherchera point d'abord à en troubler l'eau: permettez - lui de la battre & de l'agiter à son gré, il s'y couchera infailliblement: examinez enfin ce dont ont été témoins nombre d'écrivains qui ont enrichi le recueil curieux qui a pour titre, Scriptores rei rusti<-> coe veteres, &c. & ce dont vous pouvez vous assûrer par vous - même, vous verrez que beaucoup de chevaux brûlant d'une soif ardente, ne sont point pressés de l'étancher, lorsqu'on ne leur offre à cet effer [p. 207] qu'une eau sale & brouillée. Aristote, Crescentius, Ruellius & quelques autres, prêtent donc à l'animal une intention qu'il n'a point, & ont laissé échapper celle qu'il a réellement, & qui lui est suggérée par un instinct & par un goût qu'ils reconnoissoient néanmoins en lui.

Il n'est pas douteux que c'est ce même goût qui le sollicite & qui l'engage à plonger sa tête plus ou moins profondément dans l'auge ou dans le seau qui contient sa boisson. Cette action, à laquelle il ne se livre que lorsque l'altération n'est pas considérable, a cependant occasionné de nouveaux écarts. Pline en a conclu que les chevaux trempent les nazeaux dans l'eau quand ils s'abreuvent. Jerôme Garembert, quest. xlv. a avancé qu'ils y plongent la tête jusqu'aux yeux, tandis que les ânes & les mulets hument du bord des levres. Un naturaliste moderne, qui sans doute n'a vérifié ni l'un ni l'autre de ces faits, & qui n'a peut - être prononcé que sur la foi des Naturalistes qu'il a consultés, n'a pas craint de regarder la froideur de l'eau qui frappe la membrane muqueuse de l'animal au moment où il boit, comme la cause d'une maladie dont la source n'est réellement que dans le sang: il suggere même un expédient assez particulier pour la prévenir. Il conseille à cet effet d'essuyer les nazeaux du cheval chaque fois qu'il a bû. Telle est la triste condition de l'esprit humain, les vérités les plus sensibles se dérobent à lui; & des écrits dans lesquels brillent l'érudition & le plus profond savoir, sont toûjours semés d'une foule d'erreurs.

Ce n'en seroit pas une moins grossiere que d'imaginer sur le nom & sur la réputation d'Aristote, que l'eau trouble engraisse le cheval, & lui est plus salutaire que d'autre. Pour peu que l'on soit éclairé sur le méchanifine des corps animés, on rejette loin de soi le principe pitoyable sur lequel est établie cette doctrine. Il seroit tres - difficile de découvrir la sorte d'élaboration à la faveur de laquelle des corpuscules terrestres & grossiers aideroient à fournir un chle balsamique, & propre à une assimilation d'où résulteroit une homogenéité véritable. Non - seulement le fluide aqueux dissout les humeurs visqueuses, entretient la fluidite du sang, tient tous les émonctoires convenables ouverts, debaviasse tous les conduits, & facilite merveilleusement la plns importante des excrétions, c'est - à - dire la transpiration insensible; mais sans son secours la nutrition ne sauroit être parfaitement opérée: il est le véhicule qui porte le suc nourricier jusque dans les pores les plus tenus & les plus déliés des parties. Il suit de cette vérité & de ces effets, que les seules eaux bienfaisantes seront celles qui, legeres, pures, simples, douces & claires, passeront avec factlité dans tous les vaisseaux excrétoires; & nous devons penser que celles qui sont crues, pesantes, croupissantes, inactives, terrestres, & imprégnées en un mot de parties hétérogenes grossieres, forment une boisson très - nuisible, attendu la peine qu'elles ont de se frayer une route à - travers des canaux, à l'extrémité desquels elles ne parviennent jamais sans y causer des obstructions. J'avoue que celles - ci, eu égard à la construction de l'animal, à la force de ses organes digestifs, au genre d'alimens dont il se nourrit, &c. ne sont point aussi pernicieuses pour lui que pour l'homme: nous ne devons pas néanmoins nous dispenser de faire attention aux différentes qualités de celles dont nous l'abreuvons. Les eaux trop vives suscitent de fortes tranchées, des avives considérables. Les eaux de neige provoquent ordinairement une toux violente, un engorgement considérable dans les glandes sublinguales & maxillaires; elles excitent en même tems dans les jeunes chevaux un flux considérable par les nazeaux, d'une humeur plus ou moins épaisse, & d'une couleur plus ou moins foncée.

Le tems & la maniere d'abreuver ces sortes d'animaux, sont des points qui importent essentiellement à leur conservation.

On ne doit jamais, & dans aucune circonstance, les faire boire quand ils ont chaud, quand ils sont essoufflés, & avant de les avoir laissé reposer plus ou moins long - tems. L'heure la plus convenable pour les abreuver, est celle de huit ou neuf heures du matin, & de sept ou huit heures du soir. En été on les abreuve trois sois par jour, & la troisieme fois doit être fixée à environ cinq heures après la premiere. Il est vrai qu'eu égard aux chevaux qui travaillent & aux chevaux qui voyagent, un pareil régime ne sauroit être exactement constant; mais il ne faut point absolument s'écarter & se départir de la maxime qui concerne le cheval hors d'haleine, & qui est en sueur. Nos chevaux de manége ne boivent qu'une heure ou deux après que nos exercices sont finis; le soir on les abreuve à sept heures, & toujours avant de leur donner l'avoine: cette pratique est préférable à celle de leur donner le grain avant la boisson, à moins que le cheval ayant eu très - chaud, on ne lui donne une mesure d'avoine avant & après qu'il aura bû.

Plusieurs personnes sont en usage d'envoyer leurs chevaux boire à la riviere; cette habitude, blâmée d'un côté par Xénophon, & loüée de l'autre par Camerarius, ne sauroit être improuvée, pourvû que l'on soit assûré de la sagesse de ceux qui les y conduisent, qu'on ne les y mene pas dans le tems le plus âpre de l'hyver, & qu'on ait l'attention à leur retour, non - seulement d'avaler avec les mains l'eau dont leurs quatre jambes sont encore mouillées, mais de leur essuyer & de leur sécher parfaitement les piés.

Ceux qui abrcuvent l'animal dans l'écurie doivent, en hyver, avoir grand soin de lui faire boire l'eau sur le champ & aussi - tôt qu'elle èst tirée. Dans l'été au contraire il est indispensable de la tirer le soir pour le lendemain matin, & le même matin pour le soir du même jour. Je ne suis point sur ce fait d'accord avec Camerarius; il invective vainement les palefremers qui offrent à boire à leurs chevaux de l'eau qui a séjourné dans un vase, parce qu'elle a été exposée à la chûte de plusieurs ordures; il veut qu'elle soit tirée fraichement & présentée aussi - tôt à l'animal: mais les suites funestes d'une pareille méthode observée dans le tems des chaleurs, n'ont que trop énergiquement prouvé la séverité avec laquelle elle doit être proscrite. On peut parer cependant à la froideur de l'eau & à sa trop grande crudité, soit en y trempant les mains, soit en y jettant du son, soit en l'exposant au soleil, soit en la mêlant avec une certaine quantité d'eau chaude, soit enfin en l'agitant avec une poignée de foin, autrement on courroit risque de précipiter le cheval dans quelque maladie sérieuse. J'ajoûterai qu'il est essentiel de s'opposer à ce qu'il boive tout d'une haleine; on doit l'interrompre de tems en tems quand il s'abreuve, de maniere qu'il ne s'essoufsie pas lui - même, & que sa respiration soit libre; c'est ce que nous appellons couper, rompre l'eau à l'animal.

Une question à decider, est celle de savoir s'il convient mieux d'abreuver un cheval dans la route, ou d'attendre à cet effet que l'on soit arrivé au lieu où l'on doit s'arrêter. Si l'on consultoit M. de Soleysel sur cette difficulté, on trouveroit qu'il a prononcé pour & contre. Dans le chapitre xxjx. de la seconde partie de son ouvrage, édition de l'année 1712, chez Emery, il charge le bon sens de conclure pour lui, que les chevaux doivent boire en chemin, par la raison que s'ils ont chaud en arrivant, on est un tems infini [p. 208] fans pouvoir les faire boire, & que la soif les empêchant de manger, une heure ou deux s'écoulent, ensorte qu'ils sont obligés de repartir n'ayant ni bû ni mangé, ce qui les met hors d'état de fournir le chemin. Dans le chapitre suivant il recommande expressément de prendre garde aux eaux que les chevaux boivent, particulierement en voyage, car de - là dé<-> pend, dit - il, la conservation de leur vie ou leur destruc<-> tion; or le bon sens indique ici une contradiction manifeste: en effet, si je dois d'une part abreuver mon cheval dans la route, plûtôt que de patienter jusqu'au moment où j'arriverai; & si de l'autre il est très - important que je considere la nature des eaux dont je l'abreuve, je demande quels seront les moyens par lesquels je jugerai sainement de la différente qualité de celles que je rencontrerai en cheminant. Je crois donc que la seule inspection n'étant pas capable de donner des lumieres suffisantes pour observer avec fruit, la prudence exige qu'on ne fasse jamais boire les chevaux à la premiere eau que l'on découvre. Il vaut mieux différer jusqu'à ce que l'on soit parvenu dans l'endroit où - l'on s'est proposé de prendre du repos & de satisfaire ses autres besoins. Les habitans de ce lieu instruits par l'expérience des eaux plus ou moins favorables à l'animal, dissiperont toutes nos inquiétudes & toutes nos craintes à cet égard; nous ne nous exposerons point, en un mot, au danger d'abreuver nos chevaux d'une eau souvent mortelle pour eux, telles que celles de la riviere d'Essone sur le chemin de Fontainebleau à Paris, d'une autre petite riviere qui passe dans le Beaujolois, & d'une multitude de petits torrens dans lesquels nul cheval ne boit qu'il ne soit atteint de quelques maladies très - vives & très - aiguës. Le moyen de parer l'inconvénient de la trop grande chaleur & de la sueur de l'animal lorsqu'il arrive, est très - simple: il ne s'agit que de rallentir son allure environ une demi - lieue avant de terminer sa marche; alors il entre dans son écurie sans qu'on apperçoive aucuns signes de transpiration & de fatigue, & un quart - d'heure de repos suffit, pour qu'il puisse sans péril manger les alimens qu'on lui présente, & ensuite être abreuvé. On doit en user de même relativement aux chevaux de carosse, & aux autres chevaux de tirage. Il est rare qu'ils puissent boire commodément en route, les uns & les autres étant attelés; mais la précaution de les beaucoup moins presser à mesure que l'on approche de l'alte, est très utile & très - sage. Celle d'abreuver les chevaux avant de partir, n'est bonne qu'autant que la boisson précede d'environ une heure l'instant du départ; des chevaux abreuvés que l'on travaille sur le champ, cheminent moins aisément, avec moins de vivacité & de legereté, & ont beaucoup moins d'haleine.

Selon Aristote, les chevaux peuvent se passer de boisson environ quatre jours; je ne contredis point ce fait dont je n'ai pas approfondi la vérité: il en est qui boivent naturellement moins les uns que les autres: il en est qui boivent trop peu, ceux - ci sont communément étroits de boyaux: il en est aussi que la fatigue, le dégoût, empêche de s'abreuver; en cherchant à aiguiser leur appétit par différentes sortes de masticatoires, on réveille en eux le desir de la boisson: il en est enfin que des maladies graves mettent hors d'état de prendre aucune sorte d'alimens solides ou liquides; nous indiquerons en parlant de ces maladies, & quand l'occasion s'en présentera, les moyens d'y remédier.

Je ne place point au rang de ces maux les excroissances qui surviennent dans la partie de la bouche que nous nommons le canal, & que l'on observe à chaque côté de la langue, précisément à l'endroit où se termine le ropli formé par la membrane qui revêt intérieurement la mâchoire inférieure. Ces ex<cb-> croissances, assez semblables par leur figure à des nageoires de poissons, sont ce que nous nommons barbes ou barbillons. On doit les envisager uniquement comme un allongement de cette membrane, qui toûjours abreuvée par la salive, & plus humectée qu'ailleurs par la grande quantité d'humeurs que les glandes sublinguales filtrent & fournissent à cet endroit, peut se relâcher dans cette portion plus aisément que dans le reste de son étendue, le tissu en étant d'ailleurs naturellement très - foible. Ce prolongement empêche les chevaux de boire aussi librebrement qu'à l'ordinaire; ainsi lorsqu'ils témoignent non - seulement quelque répugnance pour la boisson, mais un desir de s'abreuver qu'ils ne peuvent satisfaire que difficilement & avec peine, il faut rechercher si les barbillons n'en sont pas l'unique cause; en ce cas on tient la bouche du cheval ouverte par le moyen du pas - d'âne (voyez Pas - d'ane), & l'on retranche entierement avec des ciseaux la portion prolongée de la membrane; on peut laver ensuite la bouche de l'animal avec du vinaigre, du poivre, & du sel: pour cet effet on trempe dans cet acide un linge entortillé au bout d'un morceau de bois quelconque; on en frotte la partie malade, après quoi on retire le pas - d'âne, & on fait mâcher le linge pendant un instant au cheval. Nombre de personnes ajoûtent à cette opération, celle de lui donner un coup de corne (voyez Phlébotomie): dès - lors on n'employe point le vinaigre; & on se contente, quand une suffisante quantité de sang s'est écoulée, de présenter du son sec à l'animal.

Pour opérer avec plus de succès, & sans offenser les parties voisines de celles qu'on doit couper, il est bon de se servir de ciseaux dont les branches soient tellement longues, que la main de l'opérateur ne soit point empêchée par les dents du cheval sur lequel il travaille; il faut encore que l'extrémité des lames au lieu d'être droite soit recourbée, non de côté, mais en - haut, & que chaque pointe de ces mêmes lames ait un bouton. Voyez Onglée.

Il est des circonstances dans lesquelles nous sommes obligés de communiquer à l'eau simple & commune, dont nous abreuvons les chevaux, des vertus qu'elle n'auroit point, si nous n'y faisions quelques additions & des mêlanges appropriés aux differens cas qui se présentent.

L'eau blanche est, par exemple, la boisson ordinaire des chevaux malades. Elle ne doit cette couleur qu'au son que nous y ajoûtons; mais il ne suffit pas pour la blanchir d'en jetter, ainsi que plusieurs palefreniers le pratiquent; une ou deux mesures dans l'eau dont est rempli le seau ou l'auge à abreuver. Elle n'en reçoit alors qu'une teinture très - foible & très - legere; & elle participe moins de la qualité anodine, tempérante & rafraîchissante de cet aliment, dont elle est plûtôt empreinte par la maniere dont on l'exprime, que par la quantité que l'on en employe très - inutilement. Prenez une jointée de son; trempez vos deux mains qui en sont saisies dans l'auge ou dans le seau; exprimez fortement & à plusieurs reprises l'eau dont le son que vous tenez est imbû, le liquide acquerra une couleur véritablement blanche; laissez ensuite tomber le son dans le fond du vase; reprenez, s'il en est besoin, une seconde jointée, & agissez - en de même, la blancheur du liquide augmentera; & le mêlange sera d'autant plus parfait, que cette blancheur ne naît que de l'exacte séparation des portions les plus déliées du solide, lesquelles se sont intimement confondues avec celles de l'eau.

Nous n'en usons pas ainsi, lorsque pour soûtenir l'animal dans des occurrences d'anéantissement, nous blanchissons sa boisson par le moyen de quelques poignées de farine de froment. Si nous précipitions sur [p. 209] le champ la farine dans l'eau, elle se rassembleroit en une multitude de globules d'une grosseur plus ou moins considérable. Si nous l'y trempions comme le son, pour exprimer ensuite le fluide, il en résulteroit une masse que nous aurions ensuite une peine extrème à diviser; il faut donc, à mesure que l'on ajoûte le froment en farine, le broyer sec avec les doigts, & le laisser tomber en poudre, après quoi on agite l'eau & on la met devant l'animal, qui s'en abreuve quand il le peut ou quand il le veut.

L'eau miellée forme encore une boisson très - adoucissante; il ne s'agit que de mettre une plus ou moins forte dose de mies dans l'eau que l'on veut donner à boire au cheval, & de l'y délayer autant qu'il est possible. Il est néanmoins beaucoup de chevaux auxquels elle répugne, & qui n'en boivent point.

Souvent aussi la maladie & le dégoût sont tels, que nous sommes contraints de ne nourrir l'animal qu'en l'abreuvant. Alors nous donnons à la boisson encore plus de consistance, en y faisant cuire ou de la mie de pain, ou de l'orge mondé, ou de la farine d'orge tamisée; nous passons ensuite ces especes de panades, & nous les donnons au cheval avec la corne.

Du reste nous employons les décoctions, les infusions, les eaux distillées, &c.

Je ne puis rapporter qu'un seul exemple de l'efficacité des eaux minérales données en boisson à l'animal; mais je suis convaincu qu'elles lui seroient très - salutaires, si on les prescrivoit à - propos, & si on ajoûton ce secours à tous ceux que nous avons tirés de la Medecine du corps humain. Il étoit question d'un cheval poussif; les eaux minérales du Montd'or, très - propres à la cure de l'asthme, le rétablirent entierement.

2°. Les avantages que l'animal retire de l'usage exté<-> rieur de l'eau sont sensibles.

On peut dire que ses effets relativement à l'homme & au cheval sont les mêmes. Si l'eau froide excite dans les fibres une véritable constriction, si elle contraint les pores de la peau à se resserrer, c'en est assez pour penétrer les raisons de la prohibition des bains entiers, eu égard à tout animal en suenr, & pour être instruit du danger éminent qu'il y auroit de le tenir alors le corps plongé dans une riviere. Si en même tems ce fluide doit être envisagé toûjours à raison de sa froideur comme un repercussif, on ne doit point être étonné qu'on le prescrive dans les cas de fourbure, de crampes, d'entorses récentes, &c. & qu'on ordonne de l'employer en forme de bains pédilaves, lorsqu'à la suite d'un certain travail ou de trop de repos, ou d'autres causes quelconques, on veut prévenir ou dissiper l'engorgement des jambes en augmentant la force & la résistance des solides, & en les disposant à résister à l'affluence trop prompte & trop abondante des humeurs sur ces parties.

Ce seroit perdre un tems prétieux, que de rechercher ce que les anciens ont écrit sur cette matiere: quel fruit pourrions - nous en attendre? d'une part nous verrions Buellius soûtenir gravement que dès les premiers cinq mois on doit mener le poulain à l'eau, & le faire souvent entrer entierement dans la riviere afin de lui enseigner à nager: de l'autre nous ne serions que surpris du ton dogmatique & imposant avec lequel Columelle & Camérarius énoncent tous les principes qu'ils ont affecté de répandre sur ce point; l'un dans son traité sur les chevaux, cha<-> pitre v; & l'autre dans son hippocom. Abandonnons donc ces auteurs; les propriétés que nous avons assignées à l'eau froide suffiront pour indiquer les cas où elle nous conduira à la guérison de l'animal.

Je ne conçois pas pourquoi nous bannissons ou nous oublions les bains d'eau chaude. Il est constant qu'ils ne peuvent que ramollir des fibres roides, tendues, & resserrées par les spasmes; ils procurent un relâchement dans toute l'habitude du corps; ils facilitent la circulation, ouvrent les pores, rarésient le sang, facilitent la dilatation du coeur & des arteres, & disposent enfin l'animal aux effets des médicamens qui doivent lui être administrés dans nombre de maladies. Je les ai employés très - souvent; & les épreuves que j'en ai faites m'ont persuadé que les succès qui suivroient cette pratique, sont tels qu'ils doivent nous faire passer sur les difficultés que nous offrent d'abord l'appareil & les préparations de ces sortes de remedes. Les douches d'eau simple & commune, froide ou chaude, injectée de loin sur l'animal avec une longue & grande seringue, semblable à celle dont les Maréchaux se servent communément pour donner des lavemens, ou versée de haut par le moyen d'une forte éponge que l'on exprime, sont encore d'une ressource admirable dans une multitude d'occasions. Celles d'eau commune dans laquelle on a fait bouillir des plantes qui ont telles & telles qualités selon le genre des maux que l'on doit combattre, ne sont pas d'une moindre utilité; & personne n'ignore les effets salutaires des fomentations & des bains artificiels résolutifs, astringens, anodins, fortifians, émolliens, &c. suivant les vertus communiquées à l'eau par les plantes médicinales auxquelles on l'associe. Plusieurs se servent de tems en tems du bouillon de tripe ou de l'eau dans laquelle on a lavé la vaisselle, mit harspuolen, pour laver les jambes des chevaux: ces especes de fomentations onctueuses ne sont pas à dédaigner; elles maintiennent les fibres dans un degré de souplesse qui en facilitent le jeu, & elles préviennent ces rettactions fréquentes des tendons qui arquent la jambe, & qui boutent ou boulletent presque tous les chevaux après un certain tems de service.

Les douches d'eaux minérales enfin, les applications des boues ou des sédimens épais de ces mêmes eaux, sont des remedes recommandables. J'ai vû deux chevaux de prix entierement délaissés à la suite d'un effort de reins, auquel on n'avoit pû radicalement remédier, & qui pouvoient à peine traîner leur derriere lorsqu'ils avoient cheminé l'espace d'une demi - lieue; les douches des eaux d'Aix en Savoie leur rendirent toute leur force & toute leur vigueur.

Chevaux qui craignent l'eau; chevaux qui s'y couchent. Rien n'est plus incommode que le vice dont sont atteints les premiers, & rien n'est en même tems plus dangereux que le défaut des seconds; je suggérerai ici en peu de mots les moyens de corriger l'un & l'autre.

Les chevaux qui redoutent l'eau au point de se défendre vivement, lorsqu'on veut les faire entrer dans une riviere, soit pour les abreuver, soit pour les y baigner, ou pour la leur faire guéer dans une route, ne peuvent être la plûpart affectés de terreur que conséquemment au bruit ou à la vivacité de son cours. Il ne s'agiroit que d'y accoûtumer leurs oreilles & leurs yeux prudemment & avec patience: la dureté, les coups, la rigueur, la surprise, sont de vaines armes pour les vaincre; & l'expérience nous apprend que l'effroi des châtimens est souvent plus préjudiciable, que celui du premier objet appréhendé. Tâchons donc toûjours de leur donner l'habitude de reconnoître & de sentir l'objet qu'ils craignent. Si nous n'imputons leur desobéisfance qu'à l'étonnement que leur cause le bruit de l'eau lorsqu'ils en abordent, il ést bon de les attacher pendant quelque tems dans le voisinage d'un moulin, insensiblement on les en approche, & enfin on les tient vis - à - vis la roue de ce même moulin, entre deux piliers, régulierement une heure ou deux dans la journée, ayant soin de les flater & de leur don<pb-> [p. 210] ner du pain, ou quelques poignées d'avoine. On pratique ensuite la même chose, relativement à l'effroi qu'occasionne en eux la rapidité des eaux qui roulent; après quoi on tente de les conduire dans la riviere même, en observant d'y faire entrer un autre cheval avant eux, & de le leur faire suivre en les caressant. On doit avoir attention de ne les y point d'abord mener trop avant; il n'est question dans le commencement que de les déterminer à obéir: on les y maintient plus ou moins de tems, & on les ramene à l'écurie. On gagne par cette voie peu - à - peu l'animal; & non - seulement, si les coups n'ont pas précédé cette méthode & ne l'ont pas rebuté, il n'aura pas besoin de l'exemple d'un autre cheval pour se soûmettre, mais il passera enfin sans peine la riviere entiere, dès que le cavalier qui le monte l'en sollicitera.

Il en est qui par une forte exception au terme générique d'animal philolutron, se gendarment au moindre attouchement & à l'impression la plus legere de l'eau, ou de quelqu'autre liquide sur leur peau. Cette répugnance quelquefois naturelle, mais provenant le plus souvent de la brutalité des palefreniers qui les épongent, cessera de subsister, si on les mouille legerement & avec douceur, & si les caresses accompagnent cette action, qu'il faut répéter dans l'écurie presque toutes les heures, & qui doit nécessairement précéder celle de les mener à l'eau. Au surplus, si cette crainte a sa source dans la nature de l'animal, il redoutera la riviere. Quand elle n'a pour cause que la rigueur des traitemens qu'il a essuyés, il y entre & y nage franchement sans aucun effroi: c'est ce dont j'ai été témoin plusieurs fois, & spécialement eu égard à un cheval qu'un écuyer sexagénaire s'occupoit à châtier & assommer de coups de foüet à l'écurie, sous prétexte de le mettre sur les hanches, & le tout tandis qu'on lui lavoit les crins. Cet animal qu'il faisoit baigner trois fois par jour pendant une heure au moins, dans l'espérance, disoit - il, de l'apprivoiser, sembloit se plaire dans l'eau: mais dès qu'on l'abordoit en tenant une éponge, & qu'on vouloit sur - tout entreprendre d'en peigner & d'en mouiller la criniere, il se défendoit avec fureur. Ce même écuyer m'ayant consulté, & m'ayant ingénument avoüé qu'il étoit l'auteur des desordres de son cheval, j'imaginal de l'en corriger, en l'exposant plusieurs jours sous une gouttiere, de maniere que l'eau qui en tomboit frappoit directement sur son encolure. Dans ce même tems, un palefrenier le flattoit, lui présentoit du pain, lui manioit les crins; il y passa bien - tôt l'éponge & le peigne, & l'animal fut enfin réduit.

Quelquefois l'appréhension du cheval que l'on veut embarquer, naît de l'aspect seul du bateau: alors on doit le familiariser avec l'objet; quelquefois aussi elle est suscitée par le bruit que font les piés sur les planches: en ce cas il faut recourir à une partie de l'expédient que j'ai proposé dans mon nou<-> veau Newkastle, pour dissiper la frayeur dont sont saisis quelques chevaux, qui refusent & se défendent, lorsqu'ils ont à peine fait deux pas sur un pont de bois: substituez des plateaux de chêne au pavé qui garnit la place qu'ils occupent dans l'écurie, le cheval étant sur ces plateaux, ses piés feront le même bruit que lorsqu'il entrera ou remuera dans le bateau, & il sera conséquemment forcé de s'y accoûtumer.

On risque souvent sa vie avec ceux qui se couchent dans l'eau. Il en est qui se dérobent à cet effet si subtilement, & d'une maniere si imperceptible, que le cavalier n'a pas même le tems de se servir de sa main & de ses jambes pour les soûtenir & pour les en empêcher. On ne sauroit leur faire perdre ce vice sans une grande attention à leur mouvement, qu'il est nécessaire de prévenir. Je dois néanmoins avertir qu'il est rare que les éperons & les autres châtimens suffisent pour les en guérir; mais j'ai éprouvé sur un des plus beaux chevaux limousins, dont cette dangereuse habitude diminuoit considérablement le prix, un moyen qui le rendit très - docile, & qui lui ôta jusqu'au desir de se coucher. Je le montai, après m'être pourvû de deux ou trois flacons de verre recouverts d'osier, & remplis d'eau; je le menai à un ruisseau, & je saisis exactement le tems où il commençoit à fléchir les jambes, pour lui casser sur la nuque un de ces mêmes flacons: le bruit du verre, l'eau qui passoit au - travers de l'osier, & qui couloit dans ses oreilles, fit sur lui une telle impression, qu'il se hâta de traverser ce ruisseau; je le lui fis repasser, & j'usai du même châtiment: au bout de cinq ou six jours, l'animal gagnoit avec rapidité, & sans aucun dessein de s'arrêter, l'autre côté du torrent: & depuis cette leçon il n'a jamais donné le moindre signe de la plus legere envie de se plonger dans l'eau. On peut encore prendre, au lieu des flacons, deux balles de plomb, percées & suspendues à une petite ficelle; on les lui laisse tomber dans les oreilles, lorsqu'il est prêt à se coucher; & s'il continue son chemin, on les retire. (e)

Eaux (Page 5:210)

Eaux, (Manege & Maréchall.) maladie cutanée qui tire sa dénomination du premier de ses symptomes, & à laquelle sont très - sujets les jeunes chevaux, qui n'ont pas jetté ou qui n'ont jetté qu'imparfaitement, ainsi que tous les chevaux de tout âge qui sont épais, dont les jarrets sont pleins & gras, dont les jambes sont chargées de poils, & qui ont été nourris dans des terreins gras & marécageux, &c.

Elle se décele par une humeur foetide, & par une sorte de sanie, qui sans ulcérer les parties, suintent d'abord à - travers les pores de la peau qui revêt les extrémités inférieures de l'animal, spécialement les postérieures. Dans le commencement, on les apperçoit aux paturons: à mesure que le mal fait des progrès, il s'étend, il monte jusqu'au boulet, & même jusqu'au milieu du canon; la peau s'amortit, devient blanchâtre, se détache aisément & par morceaux; & le mal cause l'enflûre totale de l'extrémité qu'il attaque. Selon les degrés d'acrimonie & de purulence de la matiere qui slue, & selon le plus ou le moins de corrosion des tégumens, la partie affectée est plus ou moins dégarnie de poil: l'animal qui ne boitoit point d'abord, souffre & boite plus ou moins: & il arrive enfin que la liaison du sabot & de la couronne à l'endroit du talon, est en quelque façon détruite.

Lorsque je remonte aux causes de la maladie dont il s'agit, je ne peux m'empêcher d'y voir & d'y reconnoître le principe d'une multitude d'autres maux que nous ne distinguons de celui - ci qu'attendu leur situation, & dont les noms & les divisions ne servent qu'à multiplier inutilement les difficultés, & qu'à eloigner le maréchal du seul chemin qui le conduiroit au but qu'il se propose. Tels sont les arrêtes ou les queues de rat, les grappes, les mules traversines, la crapaudine humorale, les crevasses, le peigne, le mal d'âne, &c. qui ne sont, ainsi que les eaux, que des maladies cutanées, produites par une même cause générale interne, ou par une même cause générale externe: quelquefois par l'une & l'autre ensemble.

Supposons, quant à la premiere, une lymphe plus ou moins âcre, & plus ou moins épaisse; sa viscosité l'empêchant de s'évaporer par la transpiration, elle gonflera les tuyaux excrétoires de la peau, & elle ne pourra que séjourner dans le tissu de ce tégument, sur lequel elle fera diverses impressions, selon la différence de son caractere. Si elle n'est pas infiniment grossiere & infiniment visqueuse, les embar<pb-> [p. 211] ras & les engorgemens qu'elle formera, ne seront pas fort considérables: il en résultera une crasse farineuse, comme dans ce que nous nommons peignes secs. Est - elle chargée de beaucoup de parties sulphureuses, qui par l'évaporation de ce qu'il y avoit de plus tenu & de plus aqueux, s'unissent & se dessechent, & ses sels sont - ils fortement embarrassés & émoussés par ces parties? elle produira des croûtes: c'est ce que nous voyons dans les arrêtes ou queues de rat crustacées. Enfin est - elle imprégnée de beaucoup de sels dont l'action se développe, attendu le peu de parties sulphureuses qu'elle contient, & qui seules pourroient y former obstacle? elle déchirera, elle rongera le tissu de la partie où elle sera arrêtée, les houpes nerveuses & les petits vaisseaux cutanés, corrodés; l'animal ressentira ou des douleurs ou des picotemens incommodes: il en découlera une sanie plus ou moins épaisse, & plus ou moins foetide: & telle est celle qui suinte dans la maladie qui fait l'objet de cet article, dans les arrêtes humides, dans les peignes avec écoulement, & dans toutes les autres affections qui ne partent que d'une seule & même source. Que si d'un autre côté ces maladies auxquelles non - seulement le vice de la lymphe, mais encore l'obstruction des tuyaux excrétoires donnent lieu, ont été simplement occasionnées par des causes externes, capables de favoriser cette obstruction, elles seront plus aisément vaincues; & ces causes externes n'étant que la crasse, la boue, & d'autres matieres irritantes, il s'ensuit que nous pouvons placer, sans crainte de nous égarer, les porreaux & les javarts dans la même cathégorie, soit que nous les envisagions comme ayant leur principe dans l'intérieur, soit que nous les considérions comme provenant de l'extérieur. Du reste, s'il y a cause externe & cause interne tout ensemble, le mal sera plus rebelle: mais le succès ne sauroit en être douteux. J'avoue cependant que les eaux ont été quelquefois suivies de maux extremement dangereux, comme de fics, ou crapauds, de javarts encornés, &c. Mais cet évenement n'a rien d'étonnant, lorsque l'on considere que toutes les maladies qui ont jusqu'ici extérieurement attaqué l'animal, n'ont été combattues qu'avec des remedes externes, comme si la cause ne résidoit pas dans l'intérieur: or s'attacher simplement à dessécher des eaux, des solandres, des crevasses, &c. c'est pallier le mal, c'est négliger d'aller à son principe, c'est détourner seulement, & jetter sur d'autres parties l'humeur, qui ne peut acquérir que des degrés de perversion, capables de susciter des maladies véritablement funestes.

On doit débuter dans le traitement de celle - ci, par les remedes généraux, & non par l'application des dessiccatifs, plûtôt nuisibles dans les commencemens, que salutaires; il faut conséquemment pratiquer une legere saignée à la jugulaire; le même soir du jour de cette saignée, donner à l'animal un lavement émollient, afin de le disposer au breuvage purgatif qu'on lui administrera le lendemain matin, & dans lequel on n'oubliera point de faire entrer l'aquila alba, ou le mercure doux. Selon les progrès du mal, on réitérera le breuvage, que l'on fera toûjours précéder par le lavement émollient. Le cheval suffisamment évacué, on le mettra à l'usage du cro<-> cus metallorum, donné chaque matin dans du son (car on lui retranchera l'avoine) à la dosé de demi - once, dans laquelle on mêlera d'abord trente grains d'oethiops minéral fait sans feu, que l'on augmentera chaque jour de cinq grains jusqu'à la dose de soixante; on continuera le crocus & l'oethiops à cette même dose de soixante grains, encore sept ou huit jours, plus ou moins, felon les effets de ces médicamens: effets dont on jugera par l'inspection des parties, sur lesquelles le mal avoit établi son siége. La tisane des bois est encore, dans ces sortes de cas, d'un très grand secours; on fait bouillir de salsepareille, squine, sassafras, gayac, égale quantité, c'est - à - dire trois onces de chacun, dans environ quatre pintes d'eau, jusqu'à réduction de moitié; on passe cette décoction; on y ajoûte deux onces de crocus metallorum; on remue, & l'on agite bien le tout; on humecte le son que l'on présente le matin à l'animal, avec une chopine de cette tisane que l'on charge plus ou moins proportionnément au besoin & à l'état du malade; & si le cheval refusoit cet aliment ainsi détrempé, on lui donneroit la boisson avec la corne. La poudre de vipere n'est pas d'une moins grande resiource: on prend des viperes desséchées, on les pulvérise, & l'on jette la poudre d'une vipere entiere, chaque jour, dans le son. Souvent elle répugne au cheval: alors on la mêle avec du miel, & l'on en fait plusieurs pilules, que l'on fait avaler à lianimal.

Quant aux remedes qu'il convient d'employer extérieurement, on ne doit jamais en tenter l'usage, que lorsque l'animal a été suffisamment évacué, & qu'on l'a tenu quelques jours à celui du crocus & de l'oethiops, ou de la tisane, ou des viperes. Jusquelà il suffit de couper le poil, dégraisser la partie malade, & il est important de laisser fluer la matiere morbisique; mais une partie de cette même matiere s'étant échappée au moyen des purgatifs, & par les autres médicamens qui ont provoqué une plus abondante secrétion de l'humeur perspirable, il est tems alors d'en venir aux remedes externes: ceuxci ne peuvent être suggérés que par le plus ou le moins de malignité des symptomes qui se manifestent au - dehors. Il est rare qu'après l'administration des médicamens que j'ai prescrits, ils se montrent tels qu'on les a vûs; souvent l'enflûre est dissipée, la partie se desseche d'elle - même, & il ne s'agit alors que de la laver avec du vin chaud, & de la maintenir nette & propre: quelquefois aussi on apperçoit encore un leger écoulement: dans cette circonstance il s'agit de substituer au vin dont on se servoit, de l'eau - de - vie & du savon; & si le flux est plus considérable, on bassinera l'extrémité affectée avec de l'eau, dans laquelle on aura fait bouillir de la couperose blanche & de l'alun, ou avec de l'eau seconde; & l'on ne craindra pas de repurger l'animal, qui parviendra à une entiere guérison sans le secours de cette foule de recettes d'eaux, d'emmiellures, & d'onguens, vainement prescrits par M. de Soleysel, & par Gaspard Saunier.

J'ai observé qu'il peut arriver que la liaison du sabot & de la couronne commence à se détruire: alors on desséchera les eaux à cet endroit seul, en y mettant de l'onguent pompholix, & on les laissera fluer par - tout ailleurs, jusqu'au moment où on pourra recourir aux remedes externes que j'ai recommandés. Il peut se faire aussi qu'ensuite des érosions & des plaies faites conséquemment à la grande acrimonie de l'humeur, les chairs surmontent: alors on se servira de legers caustiques, que l'on mêlera avec de l'aegyptiac pour les consumer, & on suivra dans le traitement la même méthode que dans celui des plaies ordinaires.

Les eaux qui endommagent quelquefois la queue, qui occasionnent la chûte des crins dont le tronçon est garni, & qui en changent la couleur, doivent être regardées comme une humeur dartreuse, contre laquelle on procédera en employant les remedes avec lesquels on a combattu les autres eaux. Cette sorte de dartre qui reconnoît les mêmes causes, est quelquefois tellement opiniâtre, que je n'ai pû la dissiper qu'en frottant tout le tronçon dont j'avois fait couper les crins avec l'onguent napolitain, après néanmoins avoir administré intérieurement les remedes généraux & spécifiques. [p. 212]

La crainte de ne pas trouver l'occasion de parler dans le cours de cet ouvrage, des arrêtes ou queues de rat, des crevasses, & de la crapaudine humorale, m'oblige à en dire un mot ici; d'autant plus que ces maladies ayant, ainsi que je l'ai remarqué, le même principe que celle sur laquelle je viens de m'étendre, ne demandent pas un traitement différent.

Le siége des arêtes ou queues de rat est fixé sur la partie postérieure de la jambe, c'est - à - dire le long du tendon. Il en est de deux especes: les unes sont crustacées: les autres coulantes. Les premieres sont sans écoulement de matiere; les secondes se distinguent par des croûtes humides & visqueuses, qui laissent des impressions dans le tissu de la peau, d'où il découle une sérosité ou une lymphe roussâtre, âcre, & corrosive, qui ronge communément les tégumens. Ces croûtes qui rarement affectent les extrémités antérieures, & qui sont plus ou moins élevées, sont appellées, par quelques personnes, des grappes.

Les crevasses sont situées dans le pli des paturons, soit au - devant, soit au derriere de l'animal; elles sont comme autant de gersures ou de fentes, d'où suintent des eaux plus ou moins foetides, & qui sont accompagnées souvent d'enflûre & d'une inflammation plus ou moins forte. Quelques - uns les confondent avec ce que nous nommons mules traversines: mais l'erreur est d'autant plus excusable, que les unes & les autres ne different que par la situation; car les dernieres s'annoncent par les mêmes signes dans le pli de l'articulation du paturon avec le boulet. L'onguent pompholix succédant aux remedes intérieurs, est un dessiccatif des plus convenables & des plus efficaces.

La crapaudine humorale naît le plus souvent de cause interne, & elle est infiniment plus dangereuse que cette sorte d'ulcere que nous appellons du même nom, & qui ne provient que d'une atteinte que le cheval se donne lui - même à l'extrémité du paturon sur le milien de cette partie, en passageant & en chevalant: cette atteinte se traite de la même maniere que les plaies. Quant à la crapaudine dont il est question, elle est située comme l'autre sur le devant du paturon, directement au - dessus de la couronne: d'abord on apperçoit sur cette partie une espece de gale d'environ un pouce de diametre, le poil tombe, & la matiere qui en découle est extrèmement puante; elle est même quelquefois si corrosive & tellement âcre, qu'elle sépare l'ongle & qu'elle provoque la chûte du sabot. Voyez Piés. On conçoit par conséquent combien il importe d'y remédier promptement, & d'en arrêter les progrès; ce que l'on ne peut faire qu'au moyen des médicamens ordonnés pour les eaux. Elle produit encore des soies ou piés de boeuf. Voyez Soies, Piés, &c. (e)

Eau (Page 5:212)

Eau, chez les Joailliers, est proprement la couleur ou l'éclat des diamans & des perles. Elle est ainsi appellée, parce qu'on croyoit autrefois qu'ils étoient formés d'eau. Voyez Pierre précieuse, &c.

Ainsi on dit, cette perle est d'une belle eau. Voyez Perle. L'eau de ce diamant est trouble. Voyez Diamant.

Ce terme s'employe aussi quelquefois, quoique moins proprement, pour signifier la couleur d'autres pierres précieuses. Voyez Pierre précieuse, &c. Chambers.

Eau (Page 5:212)

* Eau, (donner l') Drap. Teintur. Tann. Chapel. Cette maniere de parler est synonyme à lustrer ou à apprêter. On lustre une étoffe en la mouillant légerement, & en la passant, soit à la presse, soit à la calendre à froid ou à chaud.

Eau (Page 5:212)

Eau, (donner une) Plumas. c'est passer les plumes naturellement noires dans un bain de teinture, moins pour les teindre que pour les lustrer, & leur communiquer plus d'éclat.

Eau - forte (Page 5:212)

Eau - forte, (jetter l') Relieur. On met l'eau<-> forte mitigée avec trois quarts d'eau sur le veau qui couvre les livres, lorsque l'on veut faire paroître sur le veau de grosses ou petites taches, ou d'autres figures, selon que le relieur la dirige. Elle imite aussi les taches du caffé au lait, quand la jaspure est plus serrée.

Les cartons & le veau étant battus, on glaire le livre; & quand la glaire est seche, on jette l'eau - forte par grosses ou petites gouttes. On dit, jetter l'eau<-> forte.

Eau de senteur (Page 5:212)

Eau de senteur, (Distillat.) On appelle ainsi la partie odoriférante de différentes substances, telles que l'orange, la mille - fleur, le nard, le napse, la rose, l'oeillet, &c. qui en sont extraites par la distillation ou l'infusion, ou l'expression, que les distillateurs de profession & les parfumeurs vendent, ou dont ils se servent pour donner de l'odeur à leurs marchandises. Voyez l'article Distillation.

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