ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Les préceptes du droit se trouvent tous renfermés dans ces trois points: vivre honnêtement, ne point offenser personne, & rendre à chacun ce qui lui appartient.

On appelle regles de droit ou maximes de droit, certaines décisions générales qui sont commè les fondemens de la jurisprudence.

Ce terme de droit a encore plusieurs autres significations, qui ont néanmoins quelque rapport à celle que l'on vient d'expliquer.

1°. Droit signifie quelquefois le lieu où se rend la justice. Voyez ff. & cod. de in jus vocando.

2°. Quelquefois il se prend pour la décision du juge. Voyez ff. si quis jus dicenti non obtemperaverit. C'est en ce sens que l'on dit parmi nous, oüir droit, ester à droit, faire droit, &c.

3°. On entend aussi par - là une puissance accordée par le droit, ce que l'on dit être sui juris, c'est - à - dire être joüissant de ses droits.

4°. Le terme de droit est quelquefois opposé à celui de fait; ainsi il y a possession de droit & possession de fait.

On fait plusieurs divisions du droit, selon les différens objets auxquels il s'applique.

Ainsi le droit est ou naturel, ou droit des gens, ou civil; il est public ou privé, civil ou canonique, écrit ou coûtumier, & ainsi de plusieurs autres divisions qui vont être expliquées dans les articles suivans. (A)

Droit AElien (Page 5:117)

Droit AElien, c'est ainsi qu'on appella chez les Romains l'explication des nouvelles formules inventées par les patriciens, qui fut donnée au public par Sextus - AElius - Paetus - Catus, étant édile curule, l'an 533. Les premieres formules inventées par Appius Claudius, le plus méchant des décemvirs, & qui étoient un mystere pour le peuple, ayant été divulguées par Cnaeus Flavius, secrétaire d'Appius Claudins, cela fut appellé le droit Flavien. Les patriciens jaloux d'être toûjours seuls dépositaires des formules, en inventerent de nouvelles, qu'ils cacherent encore avec plus de soin que les premieres: ce furent ces nouvelles formules que Sextus AElius rendit publiques, qu'on appelle droit AElien. Quelques-uns ont douté si ce droit AElien étoit la même chose que les tri - partites d'AElius. Guillaume Grotius & Bertrand, dans leurs livres intit. vitoe jurisconsulto<-> rum & de jurisperitis, ont prétendu que e'étoient deux ouvrages différens; mais la loi 2, §. 38, ff. de ori<-> gine juris, prouve que les formules furent comprises dans les tri - partites d'AElius. Il y eut un autre AElius, auteur de quelques ouvrages sur la Jurisprudence, mais qui n'ont rien de commun avec le droit AElien. Cet ouvrage n'est point parvenu jusqu'à nous. Les formules ayant été négligées sous les empereurs, & enfin entierement abrogées par Théodose le jeune, pour toutes sortes d'actes, on en a cependant rassemblé quelques fragmens. Le recueil le plus ample qui en ait été fait, est celui du président Brisson, intitulé de formulis & solemnibus populi Romani ver<-> bis. Voyez l'hist. de la jurispr. R. par M. Terrasson, pag. 209, & ci - après Droit Flavien, & au mot Formules. (A)

Droit Allemand (Page 5:117)

Droit Allemand: son origine remonte jusqu'au tems des Germains. Cet ancien droit ne consistoit que dans des coûtumes non écrites, qui se conservoient chez ces peuples par tradition. Il ne nous est guere connu que par ce qu'en rapportent César & Tacite.

Le premier, dans ses commentaires de bello Gal<-> lico, dit que les Germains n'avoient point de druides comme les Gaulois; que toute leur vie étoit partagée entre la chasse & la guerre. Ils s'attachoient peu à l'agriculture, & ne possédoient point de terre en propre: mais leurs magistrats & leurs princes leur assignoient à chacun tous les ans une certaine étendue de terrein, & chaque année on les changeoit de lieu, afin qu'ils ne s'attachassent point trop à leurs établissemens, & qu'ils n'abandonnassent point les exercices militaires. En tems de guerre, on élisoit des magistrats pour commander, avec droit de vie & de mort: mais en tems de paix, il n'y avoit point de magistrats; les princes de chaque canton y rendoient la justice. Le larcin n'emportoit aucune note d'infamie, pourvû qu'il fût commis hors du lieu que l'on habitoit; ce qui avoit pour objet de rendre la jeunesse plus adroite. Il n'étoit pas permis de violer l'hospitalité. C'est à peu - près tout ce que l'on peut recueillir dans César sur les moeurs des Germains qui avoient rapport au droit.

Tacite en son livre de situ, moribus & populis Ger<-> manioe, entre dans un détail un peu plus grand. L'Allemagne étoit alors partagée en plusieurs petits états qui avoient chacun leur roi, pour le choix desquels on avoit égard à la noblesse; on choisissoit aussi des chefs, eu égard à leur courage. Le pouvoir de ces rois n'étoit pas sans bornes; pour les affaires ordinaires, ils prenoient conseil des princes, ou grands de la nation; les affaires importantes se traitoient dans l'assemblée générale de la nation, laquelle se tenoit toûjours dans un certain tems: chacun s'y rendoit avec ses armes; là les affaires étoient proposées soit par le roi ou par quelque prince, selon la considération que l'âge, la noblesse, les services ou l'éloquence naturelle, donnoient à chacun d'eux - On y employoit la voie de la persuasion, plutôt que celle de l'autorité. Si la proposition déplaisoit au peuple, il le témoignoit aussi - tôt par un murmure général; si au contraire elle lui étoit agréable, il le marquoit en frappant sur ses bouchers. C'étoit dans ces assemblées que l'on élisoit les princes qui rendoient la justice dans chaque lieu où le peuple campoit; car ils n'avoient point de ville ni d'habitation fixe. On leur donnoit pour conseillers comites cent personnes choisies parmi le peuple, qui partageoient avec le prince l'autorité; ils étoient toûjours armés lorsqu'il s'agissoit de traiter quelque affaire publique ou particuliere. La guerre & la chasse faisoient l'occupation principale de ces peuples, & leurs bestiaux leurs richesses; ensorte que leurs différends ordinaires n'étoient que pour des querelles ou larcins: on les décidoit dans des assemblées publiques, ou sur les dépositions des témoins que l'on produisoit sur le champ, ou par le duel, ou par les épreuves de l'eau & du seu. Chaque canton avoit coûtume de faire à son prince des présens d'armes, de chevaux, & autres bestiaux, de fruits; & dans la suite elles donnoient aussi de l'argent. Tacite parle aussi des prêtres de ces peuples, & de la police qui s'observoit par rapport au culte de la religion. Il rapporte de quelle maniere les différens crimes étoient punis; les lois de leurs mariages n'y sont pas non plus oubliées; chaque homme n'avoit ordinairement qu'une seule femme, excepté un très - petit nombre de personnes qui en avoient plusieurs à la fois, non par débauche, mais par honneur. La femme n'apportoit point de dot à son mari; c'étoit au contraire le mari qui dotoit sa femme. Les parens assistoient à ces conventions, & y donnoient leur consentement. C'étoit alors un cas bien rare que l'adultere; la peine dépendoit du mari. Suivant l'usage, la femme nue & les cheveux épars, en présence de ses parens, étoit chassée de la maison de son mari, lequel la foüettoit de verges dans tout le lieu; car pour les fautes de cette espece, ni la beauté, ni la jeunesse, ni les biens, ne pouvoient faire espérer de grace. C'étoit un crime capital de faire quelque chose pour diminuer le nombre de ses enfans. Tacite fait à cette [p. 118] occasion un bel éloge des Germains, en disant que les bonnes moeurs avoient chez eux plus de force que n'en ont ailleurs les lois. Les testamens n'étoient point usités parmi eux; ensorte que les successions étoient déférées ab intestat; d'abord aux enfans, & à défaut d'enfans, au parent le plus proche; d'abord aux freres, ensuite aux oncles. Ils traitoient doucement leurs esclaves; & néanmoins ils pouvoient les punir, soit en leur mettant des fers, ou en les chargeant de travaux pénibles: il leur arrivoit même quelquefois de les tuer, non pas par principe de justice ni de sévérité, mais par un mouvement de colere; & ces faits demeuroient impunis. Les terres étoient distribuées aux habitans de chaque canton, à proportion du nombre des cultivateurs; & ceuxci les subdivisoient ensuite entre eux.

Telles étoient en substance les coûtumes des Germains au tems dont parle Tacite, qui vivoit fous l'empire de Vespasien.

Les Romains avoient cependant déjà remporté quelques avantages sur certains peuples de la Germanie, mais ils ne les subjuguerent jamais entierement. Il est vrai que les peuples qui demeuroient entre l'Italie & le Rhin, furent soûmis aux Romains du tems d'Auguste & de Tibere, ce qui a pu commencer à introduire le droit en Allemagne; mais après la mort de ces empereurs, les Romains ne purent conserver que les peuples qui porterent les premiers le nom d'Allemands: encore ceux - ci se révolterent - ils vers l'an 200, & firent souvent des courses dans les Gaules. Le reste de l'Allemagne au - delà du Danube & de l'Elbe, ne fut jamais assujetti aux Romains; on voit au contraire que les Cimbres, les Saxons, les. Huns, & autres peuples de Germanie, firent souvent des courses sur les terres de l'empire en Occident, & les occuperent presque toutes; de sorte que les Germains conserverent toûjours leurs anciennes coûtumes, à moins que le mêlange qui se fit des vainqueurs avec les vaincus, ne contribuât encore à faire adopter insensiblement les lois romaines aux Germains.

Un des peuples de Germanie qui habitoit entre le Danube & le Rhin, ayant pris le nom d'Allemand, ce nom devint dans la suite celui de toute la nation Germanique; ce qui arriva vers le tems de l'empereur Frédéric.

Les coûtumes & les lois des Francs qui étoient un mêlange de différens peuples de Germanie, peuvent aussi être considérées comme des vestiges du droit Allemand ou de Germanie en général. En effet Clovis défit les Allemands proprement dits l'an 496; d'autres, peuples de Germanie se soûmirent à lui; Clotaire & Thierri fils de Clovis, défirent les Thuringiens en 530; & en 532 dans la suite, les successeurs de Thierri gouvernerent par des ducs les peuples qu'ils avoient soûmis en Allemagne.

On commença alors à rédiger par écrit les coûtumes des Germains, & ces coûtumes furent appellées lois: de ce nombre est la loi des Allemands, laquelle fut d'abord rédigée par écrit à Châlons - sur - Marne, conformément à la tradition, par ordre de Thierri roi de France, fils de Clovis. Elle fut ensuite corrigée par Childebert, & enfin par Clotaire: cette derniere rédaction porte en titre dans les anciennes éditions, qu'elle a été résolue par Clotaire, par ses princes ou juges, savoir par trente - quatre évêques, trente - quatre ducs, soixante - douze comtes, & partout le peuple. Les lois se faisoient alors dans l'assemblée générale de la nation.

Il ne faut pas croire cependant que la loi des Allemands fût le droit de toute la Germanie, ce n'étoit que la loi particuliere des peuples d'Alsace & du haut Palatinat. Il y eut encore plusieurs autres lois qui furent redigées par écrit pour chacune des prin<cb-> cipales nations, dont la Germanie étoit composée, & qui étoient soûmises aux Francs, où dont quelques détachemens les avoient suivis dans les Gaules.

Ainsi la loi Salique, faite de l'autorité des rois Childebert & Clotaire, enfans de Clovis, étoit la loi particuliere des Francs, & par conséquent d'une partie des peuples de Germanie.

La loi des ripuaires ou des ripuariens, qui n'est quasi qu'une répétition de la loi Salique, étoit aussi pour les Francs; on croit seulement que la loi Salique étoit pour ceux qui habitoient entre la Loire & la Meuse, & que l'autre étoit pour ceux qui habitoient entre la Meuse & le Rhin.

On rédigea aussi dans le même tems la loi des Bavarois & celle des Saxons, tous peuples de Germanie.

Toutes ces différentes lois furent rédigées en latin par des Romains, qui étoient alors presque les seuls qui eussent l'usage des lettres. Elles sont remplies de mots allemands. Nous n'entreprendrons point ici d'entrer dans le détail de leurs dispositions, qui nous meneroit trop loin: on les peut voir toutes rassemblées dans le recueil intitulé, codex legum antiqua<-> rum. Nous observerons seulement qu'Agathias, liv. I. pag. 18. édit. reg. écrit que du tems de Justinien, les Allemands suivoient pour l'administration de la justice, les lois faites par les rois des Francs.

Pour ce qui est du droit observé présentement en Allemagne, il est de deux sortes: savoir, le droit commun à toute l'Allemagne; & le droit particulier de chaque état dont le corps Germanique est composé.

Le droit commun & général de l'empire est composé des constitutions anciennes, de la bulle - d'or, de la pacification de Passau, des traités de Westphalie & autres semblables, & du droit romain, lequel y a sans doute été introduit insensiblement, de même qu'en France, par le mêlange des Allemands avec les Romains, & avec les Gaulois qui observoient le droit romain.

Lorsque Charlemagne parvint à l'empire d'Occident, il ordonna que l'on suivroit en Allemagne le code Théodosien dans tous les cas qui n'étoient pas décidés par les coûtumes particulieres, telles que celles des Saxons qui avoient leur loi, dans l'usage de laquelle il les confirma.

On suivit ainsi pendant plus d'un siecle en Allemagne le code Théodosien; ce code, les lois saxones, & les coûtumes, formerent pendant plus de 200 ans tout le droit observé en Allemagne.

Les lois de Justinien ne commencerent à y être observées que depuis qu'on les eut retrouvées en Italie dans le douzieme siecle. Irnerius, qui étoit Allemand de naissance, obtint de l'empereur Lothaire que les ouvrages de Justinien seroient cités dans le barreau, & qu'ils auroient force de loi dans l'empire à la place du code Théodosien. Il n'y avoit cependant point encore d'écoles de droit en Allemagne. Ce fut Haloander, aussi Allemand de naissance, lequel, vers l'an 1500, mit en vogue l'étude des lois romaines dans sa patrie.

La loi des Saxons, qui étoit l'ancien droit d'une grande partie de l'Allemagne, continua cependant d'y être observée dans les provinces qui l'avoient adoptée avant le recouvrement du digeste; mais le droit romain a été depuis ce tems considéré comme le droit commun du pays, auquel on a recours pour décider les cas qui ne sont pas nettement prévûs par le droit saxon, ou par les coûtumes particulieres des villes ou des provinces, ou par les constitutions des souverains. Cet usage fut confirmé par un decret exprès de l'Empire du tems de Maximilien: cependant quelques novateurs ont contesté ce principe en Allemagne, comme on l'a contesté en France: mais

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