ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"37"> l'évêque pour son voyage. Voyez ci - apr. Don gratuit & Subside charitatif. (A)

Dons corrompables (Page 5:37)

Dons corrompables: on appelloit ainsi dans l'ancien style, les présens qui pouvoient être faits aux magistrats & autres juges, pour les corrompre.

Ces sortes de présens ont toûjours été réprouvés par toutes les lois divines & humaines.

L'Ecriture dit que xenia & munera excacant oculos judicum.

Chez les Athéniens un juge qui s'étoit laissé corrompre par argent, étoit condamné à dédommager la partie lésée, en lui rendant le double de ce qu'il lui avoit fait perdre.

Les décemvirs qui rédigerent la loi des douze tables, ne crurent point cette peine suffisante pour réprimer l'avidité des magistrats injustes; c'est pourquoi la loi des douze tables ordonna qu'un juge ou arbitre donné par justice, qui auroit reçu de l'argent pour juger, seroit puni de mort.

Ciceron dit dans sa quatrieme Verrine, que de tous les crimes il n'y en a point de plus odieux ni de plus funeste à l'état, que celui des juges qui vendent leur suffrage.

Il étoit défendu aux magistrats de rien exiger de ceux qui leur étoient subordonnés; c'étoit le crime appellé repetundarum, c'est - à - dire de concussion. Voyez Concussion.

Il n'étoit même pas permis aux juges de recevoir les présens qui leur étoient offerts volontairement, excepté esculentum & poculentum, c'est - à - dire des choses à boire & à manger, pourvû qu'elles fussent de peu de valeur, & qu'elles pussent se consommer en peu de jours, comme du gibier ou venaison; mais les lois condamnent absolument celui qui reçoit des présens un peu considérables. Il paroît néanmoins que l'on s'étoit relâché de la sévérité de la loi des douze tables. Lorsque le juge étoit convaincu d'avoir été corrompu par argent, & d'avoir rendu un jugement injuste, ou d'avoir pris de l'argent des deux parties; si c'étoit en cause civile, on le condamnoit à restituer le triple, & il étoit privé de son office; si c'étoit en matiere criminelle, il étoit banni & son bien confisqué.

En France il a toûjours été défendu aux magistrats & autres juges, d'exiger aucuns présens, ni même d'en recevoir de ceux qui ont des affaires pendantes devant eux.

Il paroît seulement que dans la disposition des anciennes ordonnances on n'avoit pas poussé si loin le scrupule & la délicatesse, que l'on fait présentement; ce que l'on doit imputer à la simplicité, ou, si l'on veut, à la grossiéreté des tems où ces réglemens ont été faits.

L'ordonnance de Philippe - le - Bel, du 23 Mars 1302, article 17, défend aux conseillers du roi de recevoir des pensions d'aucune personne ecclésiastique ou séculiere, ni d'aucune ville ou communauté; & veut que s'ils en ont, ils y renoncent au plûtôt.

On voit par l'article 40 de la même ordonnance, que les baillis, sénéchaux & autres juges devoient faire serment de ne recevoir directement ni indirectement ni or ni argent, ni autre don mobilier ou immobilier, à quelque titre que ce fût, excepté des choses à manger ou à boire. Ils ne devoient cependant en recevoir que modérément, selon la condition de chacun, & en telle quantité que le tout pût être consommé en un jour, sans dissipation.

S'ils recevoient du vin, ce ne pouvoit être qu'en barrils, ou en bouteilles ou pots, sans aucune fraude; & il ne leur étoit pas permis de vendre le superflu. C'est ce qu'ordonne l'art. 42.

Il leur étoit aussi défendu, article 43, d'emprunter de ceux qui avoient des causes devant eux, sinon jusqu'à concurrence de 50 liv. tournois; & à condi<cb-> tion de les rendre dans deux mois, quand même le créancier voudroit leur faire crédit plus long - tems.

On leur faisoit aussi prêter serment de ne faire aucun présent à ceux qui étoient députés du conseil pour aller informer de leur administration; même de donner rien à leurs femmes, enfans, ou autres personnes subordonnées. Art. 44.

Il est défendu par l'article 48 aux baillis & sénéchaux de recevoir des officiers, qui leur étoient subordonnés, aucun gîte, repas, droit de procuration, ni autres dons.

Enfin l'article 49 leur défend de recevoir aucun présent des personnes religieuses domiciliées dans l'étendue de leur administration, non pas même des choses à manger ou à boire: l'ordonnance leur permet seulement d'en recevoir une fois ou deux l'année, au plus, & lorsqu'ils en seront requis avec grande instance, des chevaliers, seigneurs, bourgeois, & autres personnes riches & considérables.

L'ancienne formule du serment que prêtoit le chancelier de France au roi, porte qu'il ne recevra robes, pensions ou profits d'aucun autre seigneur ou dame, sans la permission du roi, & qu'il ne prendra aucun don corrompable.

On faisoit prêter le même serment à tous les officiers royaux. Il y a à la chambre des comptes une ordonnance de l'an 1454, qui défend à tous officiers de recevoir aucuns dons corrompables, sous peine de privation de leurs offices.

L'ordonnance d'Orléans, du mois de Janv. 1560, défend, article 43, à tous juges, avocats & procureurs, tant des cours souveraines que des siéges subalternes & inférieures, de prendre ni permettre être pris des parties plaidantes, directement, aucun don ou présent, quelque petit qu'il soit, de vivres ou autres choses quelconques, à peine de crime de concussion; mais cette ordonnance est encore imparfaite, en ce que le même article excepte la venaison ou gibier pris ès forêts & terres des princes & seigneurs qui les donneront.

Cette même ordonnance est cependant moins indulgente pour plusieurs autres officiers.

En effet elle défend, art. 77, aux clercs ou commis des greffiers, d'exiger ni prendre des parties aucune chose que le droit des greffiers, non pas même ce qui leur seroit offert volontairement, à peine contre le greffier qui le permettra ou dissimulera, de privation de son office, & à l'égard du clerc qui exigeroit ou prendroit quelque chose, sous peine de prison & de punition exemplaire.

L'art. 79 défend aux substituts d'exiger ni prendre des parties aucune chose pour la visitation des procès criminels, à peine d'être punis comme de crime de concussion.

L'article 132 de la même ordonnance défend aux élus, procureurs du roi, greffiers, receveurs, & autres officiers des tailles & aydes, de prendre ni exiger des sujets du roi aucun don, soit en argent, gibier, volaille, bétail, grain, foin ou autre chose quelconque, directement ou indirectement, à peine de privation de leurs états; sans que les juges puissent modérer cette peine.

L'ordonnance de Moulins n'admet point, comme celle d'Orléans, d'exception d'aucuns présens, même modiques; elle défend purement & simplement, article 19, à tous juges de rien prendre des parties, sinon ce qui est permis par les ordonnances. L'art. 20 fait la même défense aux avocats & procureurs du roi.

On pourroit encore faire quelqu'équivoque sur les termes de cette ordonnance; mais celle de Blois y a pourvû, art. 114, en défendant à tous officiers & autres ayant charge & commission du roi, de quelqu'état & condition qu'ils soient, de prendre ni [p. 38] recevoir de ceux qui ont affaire à eux, aucuns dons & présens de quelque chose que ce soit, sur peine de concussion: ainsi aucun juge ne peut plus recevoir de présens, même de gibier, vin, ou autres choses semblables.

Les épices étoient dans leur origine, des présens volontaires de dragées & confitures que celui qui avoit gagné son procès, avoit coûtume de faire aux juges; ce qui passa en usage & devint de nécessité: elles surent ensuite converties en argent, & autorisées par divers réglemens. Voyez Épices.

Sur les présens faits aux juges, ou qu'ils exigeroient des parties, voyez Bartol. in l. lex julia, §. ad. parent. ff. ad legem juliam repetund. l. plebiscito, ff. de off. proesid. l. solent. §. non vero, ff. de off. proconsul. (A)

Don gratuit (Page 5:38)

Don gratuit, signifie en général ce qui est donné volontairement & sans nulle contrainte, par pure libéralité, & sans en retirer aucun intérêt ni autre profit.

On a donné le nom de don gratuit aux subventions que le clergé & quelques - uns des pays d'états payent au roi. Nous parlerons ci - après des dons gratuits du clergé.

Pour ce qui est des dons gratuits que certains pays d'états accordent au roi de tems en tems, c'est un usage qui paroît venir des dons & présens que la noblesse & le peuple faisoient tous les ans au roi sous les deux premieres races. Ces pays d'états se sont conservés dans cet usage, & ont appellé don gratuit ce que la province paye tous les trois ans pour tenir lieu des impositions que payent les autres sujets du roi.

Il y a dans ces pays d'états un don gratuit ordinaire, qui est d'une somme fixe par an; un don gratuit extraordinaire, dont l'intendant fait la demande aux états, & que l'on regle à une certaine somme pour les trois années.

Outre ces dons gratuits, la province paye encore au roi, dans les tems de guerre & autres besoins pressans de l'état, des secours extraordinaires.

C'est ainsi que l'on en use dans la province du duché de Bourgogne.

Les états de Bretagne & de Languedoc accordent aussi un don gratuit au roi.

Les états de la principauté souveraine de Dombes payoient aussi autrefois tous les sept ou huit ans un don gratuit au prince; mais depuis quelques années l'imposition de la taille ayant été établie par l'autorité du prince, a pris la place de ce don gratuit. (A)

Don gratuit du Clergé (Page 5:38)

Don gratuit du Clergé, est une subvention ou secours d'argent que le clergé de France paye de tems en tems au roi pour les besoins de l'état.

On appelle ces dons gratuits, ce qui ne devroit signifier autre chose, sinon qu'ils ne sont point faits à titre de prêt, & que le clergé ne retire aucun intérêt des sommes qu'il paye au roi; cependant l'idée que l'on a attachée communément aux termes de don gratuit, est que c'est une subvention offerte volontairement par le clergé, & non pas une imposition faite par le roi; & c'est en ce fens que les subventions payées par le clergé, sont aussi nommées dans quelques anciennes ordonnances, dons charitatifs.

Il est certain que le clergé prévient ordinairement par des offres volontaires, les secours que le roi est en droit d'attendre de lui pour les besoins de l'état; il y a néanmoins quelques exemples de sommes qui ont été imposées sur le clergé, en vertu seulement de lettres - patentes du roi ou d'arrêts du conseil, ainsi qu'on le remarquera en son lieu.

Les subventions que le clergé fournit au roi, étoient autrefois toutes qualifiées d'aides, dixiemes ou décimes.

Depuis 1516, tems auquel les décimes devinrent ordinaires & annuelles, le clergé commença à les qualifier de dons & de présens, ou de dons gratuits & charitatifs, équipollens à décimes.

Lorsqu'on imposa en 1527 deux millions sur tous les sujets du roi, pour la rançon des enfans de François I. il fut question dans un lit de justice tenu à ce sujet le 20 Décembre de cette année, de régler comment le clergé contribueroit à cette imposition: le cardinal de Bourbon dit que l'église pourroit donner & faire présent au roi de 130000 liv. mais ces offres furent rejettées, & le clergé fut imposé comme les autres sujets du roi.

Le clergé ayant octroyé à François I. trois décimes en 1534, il y eut deux déclarations rendues à cette occasion les 28 Juillet & 19 Août 1535, dans lesquelles ces trois décimes sont qualisiées de don gratuit & charitatif, équipollent à trois décimes; c'est - à - dire que ce don revenoit à ce que le clergé auroit payé pour trois années de décimes.

La déclaration d'Henri II. du 19 Mai 1547, au sujet des décimes, est adressée entr'autres personnes, à tous commissaires commis & à commettre pour faire payer les deniers - subsides, dons & octrois charitatifs qui pourroient ci - après être imposés sur le clergé.

Au lit de justice tenu par Henri II. le 12 Fév. 1551, le cardinal de Bourbon s'énonça encore à - peu - près comme en 1527. Il dit « que s'étant assemblés la veille jusqu'à six cardinaux, & environ trente archevêques & évêques, tous d'un commun accord avoient arrêté donner au roi si grande part en leurs biens, qu'il auroit matiere de contentement ».

Henri II. par un édit du mois de Juin 1557, créa un receveur de toutes les impositions extraordinaires, y compris les dons gratuits des ecclésiastiques; & par une déclaration du 3 Janvier 1558, il nomme cumulativement les décimes, dons, octrois charitatifs équipollens à icelles à lui accordées, & qu'il a ordonné être levées sur le clergé de son royaume.

Les dons gratuits proprement dits, dans le sens que ces termes s'entendent aujourd'hui, n'ont commencé à être distingués des décimes, que depuis le contrat passé entre le roi & le clergé le 11 Octobre 1561, appellé communément le contrat de Poissy.

Le clergé prit par ce contrat deux engagemens différens.

L'un fut d'acquitter & racheter dans les dix années suivantes, le sort principal des rentes alors constituées sur la ville de Paris, montant à 7 millions 5 cents 60 mille 56 liv. 16 s. 8 d. & cependant d'en payer les arrérages en l'acquit du roi, à compter du premier Janvier 1568. C'est - là l'origine des rentes assignées sur le clergé, qui ont depuis été augmentées en divers tems, & dont le contrat se renouvelle avec le clergé tous les dix ans. Ce que le clergé paye pour cet objet, a retenu le nom de décimes: on les appelle aussi anciennes décimes ou décimes ordinaires, pour les distinguer des dons gratuits & autres subventions, que l'on comprend quelquefois sous le terme de décimes extraordinaires.

L'autre engagement que le clergé prit par le contrat de Poissy, fut de payer au roi pendant six ans la somme de 1600000 liv. par an; revenant le tout à 9 millions 6 cents mille livres. C'est - là l'origine des dons gratuits proprement dits, dans le sens que ces termes s'entendent aujourd'hui. Il y a eu depuis ce tems de pareilles subventions fournies par le clergé à - peu - près tous les cinq ans; & pour cet effet le clergé passe des contrats séparés de ceux des décimes. Il y a encore quelquefois d'autres dons gratuits ou subventions extraordinaires, qui se payent dans les besoins extraordinaires de l'état.

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