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L'opinion des vermineux ou des physiologistes,
qui ont fait exercer la digestion par des armées de
vers, auxquels ils faisoient joüer un très - grand rôle
dans l'oeconomie animale, n'a pas fait une figure
considérable dans les écoles. Voyez
L'explication des physiologistes modernes, que Boerhaave a adoptée & répandue, n'est autre chose qu'une espece de concordance de tous les systèmes. Boerhaave a admis une espece de fermentation, ou une altération spontanée des alimens, une trituration légere, une vraie coction prise dans le sens des anciens, c'est - à - dire l'action d'une chaleur excitée dans les alimens pendant la digestion, un ramollissement, & une dilution par le mêlange des divers sucs digestifs, &c.
Nous observerons en deux mots fur ce système, qui est aujourd'hui le dominant, 1°. que l'altération spontanée des alimens, ou un changement quelconque analogue aux fermentations connues, n'est pas prouvé, au moins dans l'état sain, & qu'au contraire les produits respectifs de la digestion & de ces fermentations sont essentiellement différens, & n'ont pas même entr'eux un rapport générjque: 2°. qu'il est faux qu'il s'engendre de la chaleur dans les alimens actuellement digérés: 3°. que la trituration, ou le balotement, même le plus léger, qui n'est mis en oeuvre que pour procurer le mélange des alimens & l'introduction des sucs digestifs, & pour pêtrir doucement la pâte alimentaire, que ce mouvement, dis - je, n'est pas démontré; que celui que suppose la détermination des alimens digérés vers le pylore, & la contraction violente de l'estomac dans le vomissement; ne prouve rien en faveur de l'action prêtée à ce viscere dans la digestion; & qu'enfin cette action estinutile ou n'est pas nécessaire, comme nous l'avons observé plus haut à propos de l'expérience de M. de Reaumur: 4°. que le ramollissement & la dilution par les sucs digestifs est très - réelle, mais que c'est n'évaluer qu'à demi l'action de ces sucs, que de la borner à ramollir, humecter, & délayer la masse alimentaire, comme nous l'allons voir dans un moment.
Il me paroît donc que tous ces sentimens ne présentent pas une idée exacte de la préparation du chyle, & que pour se former cette idée, il faut se représenter la digestion comme une vraie opération chimique, ou plûtôt comme un procedé ou une suite d'opérations chimiques.
Nous avons déjà observé que la partie vraiment
alimenteuse des alimens préexistoit dans ces alimens
(voyez
Un chimiste qui veut séparer une résine d'un bois, le divise ordinairement par une des opérations qu'il appelle préparatoires: il le pile, il le rape, &c. la mastication répond à cette opération préparatoire: il le place ensuite dans un vaisseau convenable; l'estomac & les intestins sont ce vaisseau: il employe un menstrue approprié; les sucs digestifs sont ce menstrue: il applrque une chaleur convenable; la chaleur animale est suffisante pour la digestion.
On regarde assez généralement la salive, les sucs oesophagien, gastrique, intestinal, & pancréatique, comme des liquides homogenes: voilà donc un dissolvant simple. La bile disfere de ces humeurs; sa nature est peu connue; mais on sait qu'elle est également le menstrue des substances muqueuses, des huileuses, & des aqueuses, & qu'elle sert très - efficacement de moyen d'union entre des substances naturellement immiscibles: on connoît dans le laboratoire de l'art, des substances qui ont ces propriétés de la bile, & on sait les employer aux mêmes usages, savoir à l'union des substances huileuses & des substances aqueuses. Nous remarquerons à ce sujet, que c'est de l'union incomplette des substances huileuses avec les aqueuses, que naît la couleur blanche ou l'état émulsif du chyle; que la digestion des alimens non huileux peut se faire sans bile, & qu'apparemment le suc nourrissant séparé de ces alimens par la digestion, ne passe pas dans les veines lactées sous la forme de liqueur émulsive. Je suis persuadé que ce n'est pas un chyle blanc, une liqueur émulsive que fournissent les lavemens nourrissans: nous avons déjà observé que la nutrition opérée par ces lavemens étoit un phénomene remarquable, il l'est par la conjecture qu'il vient de nous fournir: on pourroit la vérifier, cette conjecture, par des expériences faites sur des animaux, & ces recherches fourniroient des notions plus complettes sur la nature du chyle. Ce phénomene est remarquable encore, en ce qu'il détruit la nécessité de l'action de l'estomac, & par conséquent de la trituration, & même de la compression légere dont nous avons parlé ci - dessus.
Nous croyons donc pouvoir avancer que celui qui auroit des connoissances chimiques évidentes sur la nature des alimens & des divers sucs digestifs, sauroit tout ce qu'il faut savoir pour donner la vraie théorie de la digestion considerée comme chylification.
Nous conclurons de cette assertion, que le mouvement de l'estomac, s'il existe, n'est tout au plus que subsidiaire, adjuvans, & peut - être un pur effet, une action déterminée par la présence des alimens, action qui devient cause dans cette autre fonction de l'estomac digérant, qu'il nous reste à examiner, & dont nous allons parler dans un moment.
Si ce système se trouve aussi vrai qu'il est vraissemblable, les causes immédiates internes des digestions contre - nature seront, 1°. les vices des humeurs digestives, sur chacun desquels on pourroit avoir [p. 1002]
Voici comme M. Bordeu medecin de la faculté
de Paris, auteur de plusieurs ouvrages remplis des
observations les plus ingénieuses & des plus importantes
découvertes sur le jeu & les correspondances
des organes; voici, dis - je, comme cet auteur présente
les principales observations qui prouvent cette
influence de la digestion sur l'oeconomie générale de
la vie, dans une excellente dissertation soutenue aux
écoles de medecine en 1752 sous ce titre: An omnes
organicoe corporis partes digestioni opitulentur?
On ne peut supposer, en effet, que l'aliment ait reparé les forces par la nutrition, ou même par le passage du chyle dans le sang, le chyle n'est point fait encore, la premiere élaboration des alimens est même à peine commencée, lorsque la machine est pour ainsi dire remontée par la présence des alimens.
Mille observations faites dans l'état sain & dans
l'état de maladie, concourent à établir la réalité de
ce dernier usage de la digestion, & à le faire regarder
même comme le premier ou l'essentiel, comme
le plus grand, le plus noble. Du - moins résulte - t - il
de toutes ces observations un corps de preuve, qui
met ce système, ce me semble, hors du rang des hypotheses
ordinaires. Mais, & ces observations, &
les vérités qui en naissent immédiatement, & les vérités
plus composées qu'on peut déduire de celles - ci,
appartienent aux recherches générales sur l'oeconomie
animale. Voyez
On trouvera à l'article
C'est à l'article
On trouvera l'histoire & le traitement de quelques
autres de ces vices, qui paroissent borner leurs effets
à une affection de l'estomac, comme les appétits
déreglés, le pica, le malacia, le vomissement habituel,
&c. à l'art.
Il est, outre ces maladies, quelques incommodités
ou maladies, qui paroissent dépendre du défaut
d'une seule digestion, & qui sont connues sous le nom
d'indigestion (voyez
L'incommodité que les gens qui s'observent ou qui
s'êcoutent, désignent par le nom de digestion fougueuse,
est ordinairement habituelle; elle n'est jamais d'aucune
conséquence en soi, & elle ne peut être fâcheuse
que comme symptome de cet état de rigidité & de
mobilité des solides, que nous appellons communément
en françois vapeurs dans les deux sexes. Voyez
La digestion languissante ou difficile, est habituelle ou accidentelle. La premiere est ou générale ou relative à certains alimens particuliers.
La digestion difficile habituelle d'un aliment quelconque,
peut dépendre ou d'un vice des organes de
la digestion, & principalement de l'estomac (voyez à
l'art.
La bonne théorie est bien plus muette encore sur
l'histoire raisonnée des digestions difficiles de certains
alimens particuliers. J'ose avancer qu'il n'est aucune
espece d'aliment que certains de ces estomacs difficiles
n'appetent & ne digerent par préférence & à l'exclusion
de tous autres. On a observé là - dessus des bisarreries
très - singulieres, & même des especes de contradictions: tel de ces estomacs, par exemple, digere
fort - bien le melon & le jambon, qui ne digere
pas la pêche & le boeuf salé, quoiqu'il y ait sans doute
bien plus d'analogie entre le melon & la pêche,
entre le jambon & le boeuf salé, qu'entre le melon
& le jambon, &c. Voyez
Il est facile de conclure de ces observations, que
l'unique voie pour traiter utilement l'une & l'autre
de ces incommodités, c'est l'empyrisme ou le tatonement.
On doit essayer des différens stomachiques,
& tenter les différentes ressources du régime dans
l'un & l'autre de ces cas; varier l'heure des repas,
la quantité d'aliment, la proportion de la boisson,
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