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Tant que l'abcès n'a pas eu d'issue extérieure, la dépravation des sucs purulens n'a pû faire un progrès si rapide que lorsqu'il est ouvert, & que l'air peut pénétrer dans sa cavité: c'est pourquoi on doit être fort attentif dans ce dernier cas à s'opposer à cette dépravation, qui peut quelquefois rendre en fort peu de tems les matieres purulentes très - nuisibles. Dans cette vûe on ajoûte aux suppuratifs maturatifs qu'on introduit dans la cavité de l'abcès, quelques substances antiputrides & balsamiques, & c'est ce mêlange qui constitue le remede digestif. Il n'est donc point un remede pourrissant, puisqu'il est composé au contraire de remedes balsamiques qui s'opposent à la pourriture; mais le mêlange de ceux - ci avec les remedes onctueux & relâchans, doit être combiné suivant l'état de la plaie. C'est principalement le relâchement qu'on doit avoir en vûe dans l'usage des digestifs, lorsque les plaies sont susceptibles d'inflammation, qu'elles sont fort douloureuses & susceptibles d'irritation ou d'étranglement. Mais si la plaie est accompagnée de contusion ou d'une disposition à la mortification qui rendent l'action organique des chairs trop languissante, on anime les digestifs par des remedes actifs & spiritueux; ce qui fait reconnoître en Chirurgie trois sortes de digestifs, les digestifs relâchans, les digestifs balsamiques, & les digestifs animés.
On ne doit pas sans quelque raison particuliere
continuer long - tems les digestifs, & sur - tout les relâchans,
parce qu'ils affoiblissent trop l'action organique
des chairs; elles deviendroient molles, pâles,
& fongueuses. Lorsque le dégorgement est fait, on
doit penser à mondifier & à déterger la plaie. Voyez
Le chirurgien intelligent sait varier la formule des onguens digestifs suivant la nature & l'état de la plaie, & du pus qui en sort. Dans quelques cas il faut augmenter, comme nous l'avons dit, l'action des vaisseaux voisins de ceux qui sont embarrassés & rompus; dans d'autres il faut calmer le jeu des solides: il faut quelquefois délayer des humeurs grossieres & visqueuses dont la tenacité s'oppose au dégorgement des vaisseaux; quelquefois au contraire il faut donner de la consiltance à une sanie trop limpide, & envelopper, pour ainsi dire, par des incrassans ses particules acrimonieuses. Ces différens états déterminés souvent par des causes fort éloignées, demandent toute l'attention d'un savant chirurgien, pour combiner suivant l'indication les remedes qui doivent composer le digestif qu'il est plus convenable d'employer. (Y)
DIGESTION (Page 4:999)
DIGESTION, s. f. (OEconom. anim.) est une fonction du nombre de celles que les scholastiques appellent naturelles, dont l'effet le plus sensible est le changement des alimens en chyle & en gros excrémens; changement opéré dans l'estomac & dans les intestins par le concours nécessaire des humeurs digestives, & le plus souvent par celui d'une boisson non - alimenteuse, ou de la partie non - alimenteuse d'une boisson nourrissante.
Je ne regarde le changement des alimens en chyle
& en gros excrémens, que comme l'effet le plus sensible
de la digestion, & non pas comme l'effet unique
de cette fonction selon l'opinion la plus commune;
parce qu'une observation ingénieuse & éclairée a
démontré depuis peu que la digestion considérée simplement
comme action organique, & sans égard à
la chylification, avoit une influence générale & essentielle
sur toute l'oeconomie animale, dont elle
réveilloit périodiquement le jeu. Voyez
La digestion considérée par rapport à son effet le plus sensible ou le plus anciennement observé, est la premiere coction des anciens ou leur chylosis, chylopoiesis, chylificatio.
L'histoire raisonnée de cette fonction suppose la
connoissance de ses instrumens ou organes immédiats,
l'estomac & les intestins (Voyez
Les alimens solides (nous ne parlerons d'abord que de ceux - ci) appétés, mâchés (du moins dans la digestion la plus parfaite; car les alimens peuvent être absolument digérés sans être appétés, & quelques - uns même sans être mâchés), humectés dans la bouche & dans l'oesophage, arrivent à l'estomac ordinairement accompagnes d'une certaine quantité de boisson; ils sont retenus dans ce viscere, qu'ils étendent, dont ils effacent les rides, & qu'ils disposent de façon que sa grande courbure qui est inférieure, selon le langage des Anatomistes, lorsque l'estomac est vuide, devient presque antérieure; & par conséquent sa face antérieure devient supérieure & contiguë au diaphragme. La salive & l'humeur oesophagienne ne cessent d'aborder dans l'estomac, dont les différens organes excrétoires fournissentalors leurs humeurs.
A chaque inspiration l'estomac plein est abaissé, & il est repoussé vers le haut à chaque expiration; il est agité & comprimé par cette cause. Les Physiologistes conviennent assez généralement que l'estomac comme muscle, a un mouvement propre par lequel il agit par compression sur ce qu'il contient. M. Lieutaud a observé que la rate se contractoit, devenoit plus petite, & pâlissoit pendant que l'estomac digéroit.
Des vomissemens arrivés peu de tems après le repas, & les ouvertures des animaux vivans exécutées dans la vûe d'examiner le changement des alimens dans leur estomac, ont appris qu'ils y étoient contenus dans l'état sain ou naturel sous la forme d'une pâte liquide grisâtre, retenant l'odeur des alimens, mais tournant ordinairement à l'aigre, & quelquefois au nidoreux. On ne distingue que fort confusément dans cette masse la matiere du chyle, qui est pourtant déjà ébauchée, & que quelques auteurs anciens ont appellé chyme dans cet état.
A mesure que la pâte dont nous venons de parler est préparée, c'est - à - dire après que les alimens ont éprouvé la digestion qu'on peut appeller gastrique ou [p. 1000]
La masse alimentaire parcourt plus lentement le
duodenum que le reste du canal intestinal; ce qui est
évident par la seule inspection de la structure de cet
organe. Voyez
La fonction que nous venons de décrire s'accomplit ordinairement dans l'homme sain en quatre ou cinq heures.
Voilà les phénomenes de la formation du chyle & des excrémens dans l'estomac & dans les intestins, ou dans ce que les Medecins ont appellé les premieres voies.
Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des alimens
solides: nous observerons à propos de la digestion des alimens liquides ou très - mous, tels que les
bouillons, le lait, les sucs doux végétaux, les gelées,
&c. 1°. que les Physiologistes semblent avoir absolument
oublié les derniers, lorsqu'ils nous ont donné
l'histoire & la théorie de la digestion: 2°. que cet
oubli paroît avoir été une des principales sources
des explications absurdes ou insuffisantes qu'ils nous
ont données de cette fonction, précisément comme la
théorie de la dissolution chimique n'a pas même pû
être soupçonnée des Physiciens, qui ont oublié ou
ignoré qu'un liquide étoit dissous absolument de la
même façon qu'un solide. Voyez
Une des plus anciennes opinions est celle d'Erasistrate, qui croyoit que les alimens étoient broyés
dans l'estomac. Plistonicus, disciple de Praxagore,
les faisoit pourrir. Hippocrate regardoit les alimens
comme véritablement cuits (voyez
La secte des chimistes qui renversa le dogme des Galénistes, & qui a prévalu vers le milieu du dernier siecle, a mis en jeu les divers agens chimiques, & a présenté successivement la digestion sous l'idée de toutes les especes d'altérations que les sujets chimiques éprouvent dans les laboratoires; ils ont fait fermenter les alimens; ils leur ont fait subir des effervescences; ils les ont regardés comme macérés, dissous, précipités, &c.
La secte des solidistes méchaniciens a réfuté les Chimistes avec avantage, sans les entendre cependant & presque par hasard; ou pour mieux dire, parce que les Chimistes ayoient si fort outré leurs prétentions, qu'elles tomboient d'elles - mêmes par cet excès, quoique le fond du système, l'assertion générale que la digestion est une opération chimique, soit une vérité incontestable, comme nous l'observerons dans un moment.
Le système de la trituration que ces derniers ont imaginé, & qu'ils ont établi per mechanica & experimenta physica sola (moyen de l'emploi duquel Boerhaave fit ensuite la premiere loi de sa méthode instit. medic. cap. principia & partes medicin.), est, on peut l'avancer hardiment, la plus ridicule opinion qui ait jamais défiguré la théorie de la Medecine: elle n'a pas cependant fait fortune, & je ne sache point qu'elle ait aujourd'hui un seul partisan. S'il étoit néanmoins quelque lecteur qui n'apperçût pas au premier coup - d'oeil l'extravagance de cette opinion, quoiqu'il fût instruit que ses plus célebres partisans ont osé avancer que l'estomac, qui n'est dans l'homme qu'un sac souple & fort mou, étoit capable de broyer le fer; s'il en étoit, dis - je, quelqu'un qui ne rejettât pas cette prétention sur son simple exposé, & qui voulût se restraindre au moins à un broyement moins violent, nous tâcherons de le détromper par un petit nombre de réflexions. Les voici.
1°. La trituration, quand bien même elle seroit possible,
seroit inutile à l'ouvrage de la digestion, ou
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