ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"1057"> plus haut, auxquels elle puisse convenir: d'où je conclus que les cas qu'elle n'a pas prévûs sont les plus nombreux, les plus fondamentaux, & même les seuls qui se présentent dans la pratique.

Cherchons donc une autre théorie que celle dont nous avons cru devoir démontrer l'insuffisance, parce qu'elle n'est pas une erreur ignorée & sans conséquence, mais qu'elle est au contraire fort répandue, ou sur le point de l'être, & que c'est ici un point fondamental de doctrine chimique.

Nous croyons la théorie suivante hors d'atteinte, parce qu'elle n'exprime presque que des observations: ce n'est pas selon que chaque produit est plus ou moins volatil, mais selon qu'il étoit plus ou moins intimement retenu dans le corps dont il étoit principe, qu'il s'éleve plus ou moins tard dans toute distillation qui opere une desunion réelle & violente. Le dégagement de ces produits doit être opéré avant l'expansion vaporeuse qui cause leur élévation; or le degré de volatilité n'est compté pour rien dans l'estimation de la résistance qu'un principe oppose à sa desunion; l'acide du sel marin résiste plus invinciblement à sa séparation d'avec sa base ordinaire, que plusieurs principes moins volatils que celui - ci; le principe éminemment volatil, le phlogistique, est inséparable par la violence du feu dans les vaisseaux fermés, des corps dont il est principe constituant. Bien plus, la volatilité influe si peu sur l'ordre des produits, que toutes les fois que deux principes volatils se trouvent dégagés en même tems, ils s'élevent toûjours ensemble sans qu'il soit possible, ou du moins utile, d'observer alors la différence de leur volatilité; parce que la chaleur nécessaire pour les dégager est si supérieure à celle qui suffit pour les élever une fois qu'ils sont libres, que ce degré de chaleur qui subsiste toûjours est plus que suffisant pour enlever le moins volatil, & qu'on ne voit pas comment on pourroit estimer dans les appareils ordinaires le rapport du superflu de cette chaleur, à celle qui seroit précisément nécessaire pour l'élévation de chacun des deux principes; rapport qu'il faudroit cependant connoître pour fixer leur volatilité respective. Au reste il n'est peut - être pas inutile, ne fût ce que pour exercer la sagacité de certains lecteurs, d'avancer que ce rapport pourroit être facilement déterminé à l'aide de certains appareils particuliers, & par un petit nombre d'expériences simples; en confessant cependant que ce seroit ici une de ces recherches collatérales purement curieuses, qui naissent d'un sujet, mais qui meurent sans lignée, c'est - à - dire qui ne fournissent rien à l'établissement de la question principale, comme il en est tant sur certains effets très - particuliers, qu'on a calculés avec une complaisance singuliere; opération dont le résultat s'est appellé une théorie Mais je reviens à celle de la distillation.

Nous venons de voir que l'effet des agens employés à cette opération, se réduit à séparer des corps exposés à leur action une ou plusieurs substances, le plus souvent après avoir rompu l'union de ces substances. Nous avons observé dès le commencement de cet article, que c'est sous la forme de vapeur que ces substances s'élevent: il nous reste à considérer les changemens que subissent ces vapeurs, & les causes de ces changemens.

La formation des vapeurs dans les vaisseaux fermés, n'a aucun caractere particulier; la vaporisation est dans ce cas, comme en général, un mode ou une espece de raréfaction par le feu. Voy. Vapeur.

Le premier changement arrivé à cette vapeur une fois formée, est celui qui commence son élévation. Ce changement ne consiste qu'en une nouvelle expansion par l'action continuée du feu; expansion qui a lieu en tout sens, & qui ne paroît avoir une ten<cb-> dance particuliere en haut, que par la forme des vaisseaux qui la contiennent & qui la dirigent pout ainsi dire: car on ne peut avoir recours ici ni à la loi hydrostatique par laquelle un liquide plus leger doit s'élever au - dessus d'un liquide moins leger, comme dans les évaporations à l'air libre supposé moins leger que les vapeurs qui s'élevent à des hauteurs considérables dans l'atmosphere, ni à l'attraction électrique mise très - ingénieusement en oeuvre dans ce cas par M. Desaguliers & par M. Franclin: car la distillation est proprement une évaporation dans le vuide, l'air étant si fort raréfié dans les vaisseaux très - échauffés, que son concours doit être compté pour rien; & d'ailleurs l'ascension des vapeurs dans les vaisseaux fermés n'a qu'une étendue très - bornée, & exactement proportionnelle à leur expansion, c'est - à - dire à leur chaleur. Ce dernier rapport est si constant, que par la cessation de cette seule cause, une vapeur ne s'élevera qu'à une hauteur médiocre. Or cette unique cause, savoir l'expansion par le feu, diminuera nécessairement dans la vapeur à mesure qu'elle s'éloignera du centre de la chaleur dans les appareils ordinaires, où l'on n'applique le feu qu'à la partie inférieure des vaisseaux, & dont les parois touchent à une atmosphere toûjours plus froide que les vapeurs qu'ils contiennent; au lieu que la même vapeur, & une vapeur quelconque entretenue dans le degré d'expansion qui l'a fait parvenir à cette hauteur, en échauffant le vaisseau dans toute sa longueur, pourra être portée sans aucune autre cause & si le corps continue toûjours à en fournir de nouvelles, jusqu'à une hauteur qui n'a point de bornes. Une nouvelle preuve que la loi hydrostatique dont nous avons parlé ci - dessus, n'influe en rien sur le phénomene dont il s'agit ici, c'est que dans un appareil convenable de distillation latérale ou de descensum, la vapeur pourra par la seule application de la chaleur, être portée à côté ou en - bas à un éloignement indéfini. Il est essentiel de remarquer, pour avoir une idée distincte de tout ceci, que la forme des vaisseaux que Boerhaave a divisés par - là en trois especes (Elem. chim. pars altera, de artis theoria, p. 464. de l'éd. de Cavelier); savoir les cylindriques, les coniques à fond plus étroit que la partie supérieure, & les coniques à fond plus large que la partie supérieure; que cette forme, dis - je, est absolument indifférente à l'ascension des vapeurs; & qu'ainsi le docte Boerhaave s'est trompé, lorsqu'il a cru que les vaisseaux coniques convergens vers le haut favorisoient merveilleusement l'ascension des vapeurs; qu'il a dû cette erreur raisonnée à un manque absolu de connoissance sur la nature de la vapeur: car il a dit qu'il étoit clair par les connoissances hydrostatiques, que cette plus facile ascension dépendoit de ce que les côtés d'un pareil vaisseau soûtenoient des colonnes de liqueurs, liquoris, d'autant plus courtes qu'elles portoient sur des points de ces côtés plus voisins du bord de ce vaisseau, &c. Les adorateurs de Boerhaave sont invités à nous prouver que cet auteur a droit d'appeller une vapeur liquor; secondement, de diviser une vapeur en colonnes; troisiemement, d'évaluer les propriétés des vapeurs ex hydrostaticis. Le vaisseau conique convergent en - bas, ne retarde pas plus l'ascension des vapeurs, que le convergent enhaut ne les favorise: en général, les vaisseaux contenans, de quelque forme qu'ils soient, ne different essentiellement que par leur diverse élévation, & il ne faut pas comme Boerhaave restraindre cette regle aux vaisseaux cylindriques.

Le degré de chaleur nécessaire pour entretenir l'expansion vaporeuse, variant comme la rarescibilité de chaque substance réduite en vapeurs, ces vapeurs dans les appareils communément usités à l'ai<pb-> [p. 1058] de de la chaleur communiquée par l'application ordinaire du feu, s'éleveront en raison de leur rarescibilité spécifique. C'est ainsi que la vapeur de l'eau s'élevera à peine à deux piés, tandis que celle de l'esprit - de - vin peut s'élever à une hauteur bien plus considérable. C'est sur cette différence qu'est fondée la rectification de l'esprit - de - vin, celle des alkalis volatils, &c. Voyez Rectification.

La double cause de la diminution de l'expansion vaporeuse que nous avons assignée plus haut, savoir l'éloignement du centre de la chaleur, & la froideur des corps qui environnent la vapeur dans une certaine partie de l'appareil, peut être portée à un point auquel cette vapeur sera condensée, ou deviendra une liqueur, & quelquefois même un corps concret. Or il est essentiel à toute distillation que ce changement arrive, & c'est aussi un effet que produit constamment tout appareil employé à la distillation.

Détacher par l'action du feu des vapeurs d'un corps renfermé dans des vaisseaux; les élever, ou plus généralement encore les éloigner de ce corps par l'expansion vaporeuse qui est un mode de la raréfaction, & les condenser par le froid pour les retenir: voilà les trois effets essentiels de la distillation & leurs causes, le formel de cette opération.

On peut déduire de tout ce que nous avons établi jusqu'à présent, les regles de manuel, ou les canons pratiques suivans.

1°. On doit employer des vaisseaux contenans élevés, toutes les fois que le résidu de la distillation doit être en tout ou en partie une substance qui a quelque volatilité, comme dans la distillation du vin, dans la rectification des huiles essentielles, des acides, des alkalis volatils, des esprits ardens; ou encore lorsque la matiere à distiller se gonfle considérablement, comme dans la distillation de la cire, du miel, de certaines plantes, &c.

2°. La hauteur de ces vaisseaux doit être telle, que la liqueur la moins volatile, celle qui doit constituer le résidu ou en être une partie, ne puisse pas parvenir jusqu'au récipient. L'appareil le plus commode est celui où les vaisseaux contenans ne s'élevent que fort peu au - dessus du terme où peut être porté ce résidu réduit en vapeur. Les alembics dans lesquels le chapiteau est séparé de la cucurbite par un serpentin ou par un long tuyau, & qu'on employoit autrefois beaucoup plus qu'aujourd'hui à la rectification de l'esprit - de - vin, sont un vaisseau dont on peut se passer, & auquel un matras de trois ou quatre piés de haut recouvert d'un chapiteau, peut très bien suppléer. Quant aux substances sujettes à se gonfler, la façon la plus efficace de prévenir les inconvéniens qui peuvent dépendre de ce gonflement, c'est de charger peu les vaisseaux élevés dans lesquels on les traite.

3°. Il faut dans tous ces cas employer autant qu'il est possible un degré de feu constant, & purement suffisant pour faire passer dans le récipient, les produits volatils. Un bain - marie bouillant fournit, par exemple, ce degré de feu déterminé, & suffisant dans la rectification de l'esprit - de - vin, &c.

4°. On doit dans les mêmes cas n'appliquer le feu qu'à la partie inférieure du vaisseau, & le laisser dans la plus grande partie de sa hauteur exposé à la froideur de l'air environnant, ou même le rafraîchir dans cette partie, sans pourtant pousser ce refroidissement au point de condenser la vapeur la plus volatile, car alors toute distillation cesseroit. Ce dernier moyen est peu employé, parce qu'une certaine élévation des vaisseaux contenans suffit pour la séparation de deux vapeurs inégalement volatiles: on pourroit cependant y avoir recours dans le cas, où faute d'autres vaisseaux on seroit obligé de rectifier dans un vaisseau bas un liquide composé, dont le principe le moins volatil seroit assez expansible pour s'élever jusqu'au sommet de ce vaisseau. On pourroit, par exemple, rectifier de l'esprit - de - vin dans un alembic d'étain qui n'auroit pas un pié de haut, en rafraîchissant la moitié supérieure de la cucurbite au - dessous du chapiteau. Mais j'avoue que cette observation est plus utile comme confirmant la théorie de la distillation, que comme fournissant une pratique commode.

5°. Lorsqu'il s'agit au contraire de séparer les produits volatils d'un résidu absolument fixe, les vaisseaux les plus bas sont les plus commodes dans tous les cas; & il est absolument inutile d'employer des vaisseaux élevés, lors même que les produits mobiles sont très - volatils.

6°. Il faut dans le cas des résidus absolument fixes échauffer le vaisseau contenant jusqu'au lieu destiné à condenser les vapeurs, jusqu'au chapiteau dans la distillation droite, & jusqu'à la naissance du cou de la cornue dans la distillation oblique. Pour cela, on enferme ces vaisseaux dans un fourneau de reverbere; on recouvre les cornues placées au bain de sable ou bain - marie d'un dôme, ou on les entoure; & on les couvre de charbon, selon une méthode usitée dans les laboratoires d'Allemagne. Voyez Feu & Fourneau.

Nous observerons à ce propos, que la voûte de la cornue ne fait point du tout la fonction de chapiteau, & qu'elle ne condense les vapeurs qu'en pure perte, & lorsque l'on administre mal le feu; les vapeurs ne se condensent utilement dans la distillation latérale, que dans le cou de la cornue, & dans le récipient; la voûte de la cornue ne fait, comme les côtés de la cucurbite, que contenir la vapeur & la conserver dans un état de chaleur, & par conséquent d'expansion suffisante pour qu'elle puisse continuer sa route vers le vaisseau destiné à la condenser. Les stries, les gouttes, les ruisseaux de liqueur formés dans l'intérieur de la retorte, que certains artistes ont donnés comme des signes auxquels on peut distinguer certains produits; ces stries, ces gouttes, ces ruisseaux disparoissent dès qu'on échauffe la retorte, selon la regle que nous venons d'établir.

7°. Il est toûjours utile de rafraìchir le lieu de l'appareil où la vapeur doit se condenser. Ce refroidissement a un double avantage, celui de hâter l'opération, & celui de sauver les produits. Il hâte l'opération; car si dans un appareil également chaud dans toutes ses parties de vaisseaux exactement fermés, il s'engendroit continuellement de nouvelles vapeurs, ces vapeurs subsistant dans leur même degré d'expansion, feroient bien - tôt obstacle à l'élévation des vapeurs nouvelles; & il est même un terme où cette élévation doit non - seulement être retardée, mais même supprimée, où la distillation doit cesser. Le froid débande la vapeur, la détruit, vuide l'espace des vaisseaux où on le produit, le dispose à recevoir une nouvelle bouffée de vapeurs. Quant à la deuxieme utilité du refroidissement, il est clair que dans la nécessité où l'on est de perdre une partie des vapeurs, comme nous allons l'exposer dans un moment, plus cette vapeur est condensée, moins il s'en échappe.

Les moyens les plus employés pour rafraîchir, sont ceux - ci: on se sert dans la distillation droite du chapiteau chargé d'un refrigerant, ou du serpentin. Voyez Chapiteau, Refrigerant, & Serpentin. Dans la distillation latérale, on peut placer le récipient dans de l'eau, l'entourer de glace, & le couvrir de linge moüillé: ce dernier moyen est le plus ordinaire; il est utile de rafraîchir de la même façon

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