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Les diverses matieres que les Chimistes soûmettent à la distillation, éprouvent des changemens essentiellement différens, qui dépendent de la constitution spécifique de chacune de ces matieres. Je divise à cet égard les sujets de la distillation en trois classes, & je pense que cette division est nécessaire pour se procurer des notions précises, distinctes & raisonnées, une théorie exacte de cette opération, que j'ai déjà appellée un moyen chimique fondamental.
La premiere classe des sujets de la distillation renfermera
les simples mêlanges, les corps, ou plûtôt
les amas formés par confusion (voyez
La distillation des substances de cette espece est donc une simple séparation de diverses substances mêlées par confusion; séparation fondée sur les différens degrés de volatilité spécifique de chacune des substances à séparer: ensorte qu'une condition particuliere essentielle aux amas séparables par la distillation, c'est cette diversité de volatilité spécifique. Les produits, tant volatils que fixes des sujets de notre premiere classe, ne souffrant aucune décomposition, ils restent intérieurement immués; ils préexistoient dans leur sujet commun, tels qu'ils sont après leur séparation: cette derniere propriété leur est commune avec les sujets de la classe suivante.
Cette seconde classe s'étend à tous les composés formés immédiatement par l'union chimique & la combinaison d'un petit nombre de principes étroitement liés, mais qui peuvent être séparés par la violence du feu, sans réagir que foiblement les uns sur les autres, & assez immués pour qu'on puisse le plus souvent, en les réunissant immédlatement, reproduire le même composé: tels sont la plûpart des sels métalliques fixes, les vitriols, le verdet, le sel de Saturne, quelques autres sels neutres; savoir le nitre, la terre foliée, & c. Les anciens chimistes ont appellé la distillation de ces substances, édulcoration philosophique. Les amalgames sont encore des sujets de cette seconde classe, qui est peu étendue, parce que les vrais composés ne sont communs ni dans
La troisieme classe renferme, 1° les tissus ou les
corps organisés, c'est - à - dire les végétaux & les animaux
entiers, & leurs parties solides; 2° tous les
surcomposés, decomposita (voyez
Ce qui fait différer essentiellement la distillation
de ce genre de matieres de celle des deux autres,
c'est que les différens principes de ces corps étant
mis en jeu par le feu, s'attaquent diversement, &
que quelques - uns d'entr'eux contractent de nouvelles
combinaisons, tandis que d'autres qui auroient
résisté à l'action du feu seul, ne sont dégagés qu'à
la faveur de ces combinaisons nouvelles. Une proprieté
particuliere à la distillation des substances de
cette classe, c'est d'échauffer les substances combustibles
à un point plus que suffisant pour les enflammer,
sans qu'elles s'enflamment en effet. On a comparé
les produits de cette distillation à la fumée, il
falloit dire à la fumée sans flamme. La distillation
dont nous parlons, differe essentiellement par ce
phénomene, de la combustion à l'air libre, ou inflammation, qui est un autre moyen d'analyse très efficace.
Voyez
On exécute la distillation des substances des trois classes, dans une vûe philosophique ou dans une vûe oeconomique.
La distillation des substances purement confondues, est d'une utilité fort bornée au premier égard, parce qu'il est des moyens plus simples de reconoître dans les sujets de cette classe, les corps qu'on pourroit aussi en séparer par la distillation, & que les sens suffisent pour les y discerner. Son utilité est plus étendue au second égard, elle fournit un moyen prompt & commode de retirer, abstrahere, certaines liqueurs employées à divers travaux chimiques, & qui sont d'un prix assez considérable pour qu'on les retienne avec profit par ce moyen; tels sont les corps suivans: l'esprit de vin superflu à la dissolution de certaines matieres végétales, dans la concentration des [p. 1056]
Quant à la deuxieme classe des sujets de la distillation; si une substance inconnue est resoute par la
distillation en un certain nombre de principes connus,
& qu'on réussisse à reproduire cette substance
par la réunion de ces principes, on a découvert
alors & la nature des matériaux de la composition
de cette substance, & même sa constitution intérieure: & voilà l'usage philosophique de la distillation
sur les sujets de cette espece. Ces usages oeconomiques
sont ceux - ci; elle nous fournit l'acide vitriolique,
le vinaigre radical retiré sans intermede, le
soufre des pyrites, le mercure des amalgames, l'eauforte
employée dans le départ, & séparée par ce
moyen du cuivre ou de l'argent. Voyez
Pour ce qui regarde les sujets de la troisieme classe,
on sait, des qu'on est un peu versé dans la lecture
des livres chimiques, que la plûpart de leurs auteurs,
& sur - tout ceux des deux derniers siecles,
n'ont presque connu d'autre moyen d'analyse, pour
les corps même les plus composés, que la distillation
poussée par degré jusqu'à la plus grande violence du
feu. On sait encore que cette ancienne analyse fut
non - seulement imparfaite en soi, ou comme moyen
insuffisant, mais qu'elle devint encore plus funeste
aux progrès de l'art par les vûes vaines, les conséquences
précaires, les observations mal entendues
qu'elle fournit. Voyez
La distillation des composés artificiels, ou des substances
distillées avec des intermedes que nous avons
rangés avec les sujets de cette classe, n'est exposée à
aucun des inconvéniens que nous venons de reprocher
à l'analyse ancienne; l'usage philosophique dè
ce dernier moyen est, au contraire, aussi utile &
aussi étendu que celui de la distillation sans intermede
est défectueux & borné: voyez Analyse menstruelle
au mot
Les matieres que cette distillation fournit aux Arts
& sur - tout à la Pharmacie, sont les acides & les alkalis
volatils, l'un & l'autre de ces principes sous
une forme fluide, ou sous une forme concrete; des
huiles empyreumatiques, des sels ammoniaceux;
voyez les articles particuliers: & ce sont là les fameux
principes ou especes chimiques. Voyez
La distillation dos sujets de cette classe (excepté de nos composés artificiels) fournit donc toûjours plusieurs principes. Voici l'ordre sous lequel les produits les plus généraux se présentent: 1°. un phlegme chargé de l'odeur du sujet distillé, lors même que ce corps distillé est appellé inodore; phlegme d'abord lympide & sans couleur, suivi bientôt de gouttes troubles colorées, & prenant enfin une odeur d'empyreume ou de brûlé: 2°. de l'huile lympide & tenue, & le même phlegme qui ne donne encore aucun signe d'acidité ni d'alkalicité: 3°. un phlegme foiblement acide ou alkali volatil, une huile plus colorée, plus épaisse, moins lympide, & de l'air: 4°. une huile noire, épaisse, trouble, une eau plus saline; de l'alkali volatil concret, de l'air.
Des observations répétées nous ont appris que c'est dans un ordre constamment le même, que les divers produits de la distillation des mêmes sujets se succedent, lorsqu'on administre le seu selon l'art. Mais quelle est la cause qui fixe cet ordre? ne pourroit - on pas établir une théorie générale qui la déterminât?
En considérant la distillation sous le point de vûe
qui se présente d'abord, on est tenté de la croire
renfermée, cette théorie, dans la formule suivante:
Nous avons déjà observé, & nous l'avons observé précisément pour pouvoir le rappeller ici, que les sujets de notre premiere classe ne fournissoient qu'un seul produit mobile, excepté qu'on ne confondît à dessein, sans vûe, & sans utilité, plusieurs liqueurs volatiles immiscibles; que ceux de la seconde classe ne fournissoient qu'un petit nombre de produits mobiles; & qu'enfin la plûpart de ceux de la troisieme en fournissoit plusieurs. C'est donc dans les sujets de la seconde & de la troisieme classe qu'il faut choisir ces cas particuliers, auxquels pourroit convenir la regle générale que nous examinons.
Prenons d'abord un sujet de la seconde classe: le vitriol de Mars non calciné. Ce corps étant place dans un appareil convenable, & le feu administré selon l'art, l'eau de la crystallisation, celle qu'on sépare ordinairement par une calcination préliminaire, passera d'abord; à cette eau succédera un phlegme legerement acide, & enfin de l'air & un acide plus concentré. Nous voyons donc déjà que la théorie proposée n'est pas applicable à tous les cas; car dans celui - ci, l'eau & le phlegme acide qui sont beaucoup moins volatils que l'air, passent avant ce dernier principe. Je poursuis mon essai sur les autres sujets de la même classe, sur le verdet, sur le sel de Saturne, &c. ces tentatives ne sont pas plus heureuses que la premiere.
Je passe aux sujets de la troisieme classe, & je vois d'un seul coup d'oeil qu'il n'en est pas un seul dans la distillation duquel on puisse observer cette succession de produits, fondée sur leur degré respectif de volatilité; je vois les alkalis volatils s'élever après du phlegme & des huiles pesantes, des acides & des huiles précéder l'air, &c. Dans la distillation analytique de l'esprit - de - vin, par l'intermede de l'acide vitriolique; de l'esprit - de - vin inaltéré & de l'acide vitriolique s'élevent avant l'éther & avant l'acide sulphureux volatil, l'un & l'autre plus volatils que les deux premiers principes.
En un mot, après l'examen le plus détaillé de tous
les cas particuliers, je ne trouve que ces amas de liqueurs
volatiles immiscibles dont nous avons parlé
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