ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"1059"> le cou de la cornue, mais il faut avoir soin de ne pas toucher au corps de ce vaisseau.

Au reste, l'artiste doit toûjours se souvenir que les vaisseaux de verre ne souffrant point le passage soudain d'un certain degré de froid à un certain degré de chaleur, & réciproquement, on apprend par l'exercice à évaluer l'extension dans laquelle on peut sans péril leur faire éprouver des alternatives de froid & de chaud. Le balon échauffé par les produits les plus chauds des distillations ordinaires, soûtient fort bien l'application d'un linge en quatre doubles, trempé dans de l'eau froide, & légerement exprimé. On peut rafraîchir sans précaution les vaisseaux de métal.

Outre ces regles majeures que nous avons données pour des corollaires pratiques de notre théorie de la distillation; il faut encore que le distillateur sache:

Premierement, que puisqu'il doit opérer dans des vaisseaux fermés, & que son appareil est composé de plusieurs pieces, il doit lutter exactement toutes les jointures des vaisseaux auxquelles les vapeurs peuvent parvenir. Voyez Lut & Lutter. Nous restraignons ainsi l'obligation de lutter, parce qu'elle n'a point lieu pour les jointures des vaisseaux que les vapeurs ne peuvent atteindre, comme celle du récipient & du bec du serpentin dans la distillation de l'eau - de - vie, &c.

Secondement, qu'il faut cependant laisser un peu de jour, ménager une issue à une partie des vapeurs (parce qu'il seroit très - difficile de rafraîchir assez, pour condenser & retenir toutes ces vapeurs dans des vaisseaux fragiles), à une partie des vapeurs, dis - je, & à l'air dégagé de la plûpart des corps distillés, & dont on ne peut, ni ne veut retenir aucune portion dans les appareils ordinaires. Les anciens Chimistes ne s'étoient pas avisés de la nécessite de ménager cette issue; ils ont tous recommandé de fermer exactement, & ils l'ont fait autant qu'il a été en eux: mais heureusement ils n'ont pas sû lutter; & c'est l'impuissance où ils étoient d'observer leur propre regle qui les a sauvés, sans qu'ils s'en doutassent, des inconvéniens qu'elle entrainoit. Nous qui luttons très - bien, nous fasons un petit trou au récipient, dans tous les cas où il importe de fermer exactement toutes les jointures des vaisseaux. C'est ici une invention moderne, dont l'auteur est inconnu. Au reste, il vaut mieux bien lutter, & avoir un récipient percé, que de lutter moins bien, & avoir des vaisseaux sans ouverture; parce qu'on est maître d'un petit trou pratiqué à dessein, & qu'on ne l'est pas des pores & des crevasses d'un mauvais lut. La maniere ordinaire de gouverner le petit trou du balon, c'est de ne l'ouvrir que de tems en tems, toutes les cinq ou six minutes, plus ou moins, selon la vivacité du souffle qui en sort à chaque fois qu'on l'ouvre. Je crois qu'il est mieux, dans la plûpart des cas, de le laisser toûjours ouvert: 1°. parce qu'on risque moins la fracture des vaisseaux: 2°. parce qu'on ne perd pas davantage, peut - être moins.

Troisiemement, que les vaisseaux doivent être toûjours choisis d'une matiere convenable, pour que les corps à distiller, ou les produits de la distillation, ne les attaquent point, ou n'en soient point altérés; & dans quelques cas particuliers, pour qu'on puisse rafraîchir commodément. Voyez Vaisseau.

Quant à l'art de gouverner le feu dans la distillation, c'est - là l'a b c de l'artiste. Voyez Feu.

Dans la distillation, on évalue le degré de feu par ses effets: la quantité de vapeurs qui se manifestent par l'obscurcislement du balon, par sa chaleur, par la violence du souffle qui sort du petit trou, &c. annonce un feu fort: la fréquence des gouttes qui tombent du bec de la cornue, ou de celui du chapiteau; un ruisseau de liqueurs tombant d'un chapiteau, ou d'un serpentin, annonce la même chose: le feu doux est annoncé par les signes contraires: le degré moyen, & le plus propre au plus grand nombre de distillation, est annoncé par un petit ruisseau continu de liqueur, dans les cas de distillation droite, où l'on employe le serpentin, ou le grand chapiteau à refrigérant; & dans les cas ordinaires de distillation latérale, & dans quelques distillations droites, par la chaleur médiocre du balon, le souffle modéré du petit trou, & la succession des gouttes dans un intervalle tel qu'on peut compter huit pulsations d'artere entre deux gouttes, ou articuler posément le nom des nombres jusqu'à huit: un, deux, trois, quatre, &c.

On trouvera dans les articles particuliers des différens sujets de la distillation, quelques manoeuvres particulieres.

La rectification & la cohobation sont des especes de distillation. Voyez Cohobation & Rectification. (b)

DISTINCTE (Page 4:1059)

DISTINCTE, (base) en Optique, est le nom que donnent quelques auteurs à la distance où il faut que soit un plan au - delà d'un verre convexe, pour que l'image des objets reçûe sur ce plan paroisse distincze; de sorte que la base distincte est la même chose que ce qu'on appelle foyer: car imaginons un objet éloigné qui envoye des rayons sur un verre convexe, ces rayons se réuniront à - peu - près au foyer du verre; & si on veut recevoir sur un papier l'image de cet objet, ce sera au foyer qu'il faudra placer le papier pour que l'image soit distincte. Voyez Foyer.

La base distincte est donc produite par la réunion qui se fait des rayons partis d'un seul point d'un objet, & concourant en un seul point de l'image; & c'est pour cela que les verres concaves, qui, au lieu de réunir les rayons, les écartent, ne peuvent point avoir de base distincte réelle. Voyez Concave. (O)

DISTINCTION (Page 4:1059)

DISTINCTION, s. f. (Métaph.) La distinction en général est la négation d'identité. Ainsi une chole est distinguée d'une autre, dès - là qu'elle n'est pas la même. Il y a une grande différence entre distinction, séparation, & diversité. Car, par exemple, le corps & l'ame sont distingués, & cependant ils ne sont pas séparés dans l'homme: Pierre & Paul sont distingués, encore qu'ils n'ayent pas une différente nature. La distinction est précisément la négation d'identité, comme nous venons de le voir; au lieu que la séparation est la négation d'unité, & la diversité la négation de similitude.

Les Philosophes sont fort embarrassés pour assigner une marque caractéristique de la distinction des êtres. Les uns assignent la capacité que les êtres ont d'être séparés mutuellement; les autres la font consister dans tout ce qui exclut l'unité numérique. Mais comment concilier cela avec la Trinité & la reproduction du corps de J. C. dans l'Eucharistie; ces deux mysteres qui étonnent & confondent notre raison?

La distinction est une source féconde de disputes entre les Thoinistes & les Scotistes. Où les premiers ne découvrent qu'un être, les seconds ont le secret d'y en appercevoir une infinité. La grande maxime des Scotistes, c'est de multiplier les êtres à mesure qu'ils multiplient les idées. Or comme il n'y a point d'être, quelque simple qu'il soit, qui n'offre une foule d'idées partielles; aussi n'y a - t - il point d'être où ils ne découvent une infinité d'êtres distingués. Dieu, tout simple qu'il est, est donc pour les Scotistes un être des plus composés. Autant d'attributs, autant d'êtres distingués réellement. Il n'y a pas jusqu'aux idées abstraites de leur esprit qu'ils ne réalisent. Les genres, les especes, les différences, les propriétés, [p. 1060] les accidens, sont autant de petites entités qui vont se placer d'elles - mêmes dans tous les êtres. Moyennant ce système, il n'y a point d'être dans tout l'univers qui ne renferme une infinité d'ordres d'infini, élevés les uns sur les autres. Ce que la divisibilité des parties à l'infini est à la matiere, la multitude d'êtres à l'infini l'est même aux esprits: & ce qu'il y a de singulier, c'est que des entités toutes spirituelles s'allient dans ce système avec les êtres les plus matériels, s'il est permis de parler ainsi: car que sont autre chose ce qu'on appelle dans l'école degrés métaphysiques? y a - t - il d'être qui n'ait ses degrés métaphysiques; & si, comme le prétendent les Scotistes, tous ces degrés existent réellement dans les objets, je ne vois pas comment ils pourroient se défendre d'enter sur la matiere, des entités purement spirituelles & indivisibles. Voilà, à proprement parler, en quoi consiste le foible de leur système. Les Thomistes plus sensés prodiguent moins les êtres: ils n'en voyent que là où ils apperçoivent des idées totales & complettes. Voyez Degré, &c.

La distinction en général est de deux sortes, réelle, & mentale, autrement de raison. La premiere suppose des êtres qui ne sont pas les mêmes, indépendamment de ce que l'esprit en pense; & la seconde, des choses que l'esprit distingue, quoiqu'elles soient réellement les mêmes. Telle est la distinction qui se trouve entre une chose & son essence, entre son essence & ses propriétés.

Les Scotistes, autrement les Réalistes, admettent trois sortes de distinctions réelles; l'une pour les êtres qui peuvent exister séparément, comme le corps & l'ame; l'autre pour deux êtres, dont l'un peut être séparé de l'autre, sans que cela soit réciproque entr'eux, comme la substance & l'accident qui la modifie; la troisieme enfin, pour les êtres qui ne sont tous deux que des modalités. La premiere de ces distinctions s'appelle réelle majeure, la seconde mineure, & la troisieme la plus petite; comme si la distinction étoit susceptible de plus & de moins.

La distinction mentale ou de raison est de deux sortes; l'une est dite distinction rationis ratiocinantis; & l'autre rationis ratiocinatoe, comme l'on parle dans les écoles. La premiere est celle que l'esprit met dans les choses, sans qu'il y ait en elles aucun fondement qui autorise une telle distinction: telle seroit, par exemple, la distinction qui se trouve entre Cicéron & Tullius. Comme cette distinction ne roule que sur des mots, ceux qui en sont les défenseurs sont appellés nominaux. Un de leurs chefs est Okam, cordelier anglois, qui vivoit dans le quatorzieme siecle. Ils entroient dans un grand détail des mots, s'appésantissoient scrupuleusement sur toutes les syllabes; c'est ce qui leur attira le reproche injurieux de vendeurs de mots, ou marchands de paroles. Cette secte s'éleva vers la fin du onzieme siecle. Ils prétendoient être sectateurs de Porphire & d'Aristote; mais ils ne commencerent à° porter le nom de nòminaux que du tems d'Okam: ils furent les fondateurs de l'université de Léipsik. On trouve encore aujourd'hui beaucoup de philosophes qui se piquent d'être nominaux.

La distinction de raison raisonnée, rationis ratiocinatoe, est celle que l'esprit met dans les choses, lorsqu'il y a une raison légitime pour cela. Le fondement de cette distinction est de deux sortes: ou il est extrinseque, & c'est alors la variété des effets qui donne naissance à la distinction; ou il est intrinseque, & c'est alors l'excellence d'une vertu qui produit différens effets. Si l'on considere cette distinction du côté de la chose, elle est appellée virtuelle; mais si on l'envisage par rapport à l'esprit, elle retient le nom de distinction de raison raisonnée. Considérée sous le premier rapport, c'est moins une distinction, que le fondement d'une distinction: considérée de la seconde maniere, c'est une vraie distinction appuyée sur un fondement réel. On appelle autrement cette distinction thomistique, du nom des Thomistes.

DISTIQUE (Page 4:1060)

DISTIQUE, (Belles - Lettres) c'est un couplet de vers, ou petite piece de poésie dont le sens se trouve renfermé dans deux vers, l'un hexametre, & l'autre pentametre: tel est ce fameux distique que Virgile fit à l'occasion des fêtes données par Auguste.

Nocte pluit totâ, redeunt spectacula mane; Divisum imperium cum Jove Coesar habet.

Et celui - ci bien plus digne d'être connu:

Unde superbit homo, cujus conceptio casus, Nasci poena, labor vita, necesse mori?

Ce mot est formé du grec DI/S2, deux fois, & de STI/<-> XOS2, vers.

Les distiques de Caton sont fameux, & plus admirables par l'excellente morale qu'ils renferment, que par les graces du style. Voyez ce qu'en dit Vigneul Marville, tom. I. pag. 54 & 55. (G)

Les élégies des anciens ne sont qu'un assemblage de distiques; & à l'exception des métamorphoses, c'est la forme qu'Ovide a donnée à tous ses autres ouvrages. Le nom de distique est demeuré affecté à la poésie greque & latine. Voyez Vers.

Quelques - uns de nos poëtes ont écrit en distiques. Ce sont communément ceux qui ont pensé vers - à - vers. On dit de Boileau qu'il commençoit par le second vers, afin de s'assûrer qu'il seroit le plus fort. Cette marche est monotone & fatiguante à la longue: elle rend le style lâche & diffus, attendu qu'on est obligé souvent d'étendre, & par conséquent d'affoiblir sa pensée, afin de remplir deux vers de ce qui peut se dire en un: elle est sur - tout viciense dans la poësie dramatique, où le style doit suivre les mouvemens de l'ame, & approcher le plus qu'il est possible de la marche libre & variée du langage naturel. En général, la grande maniere de versifier, c'est de penser en masse, & de remplir chaque vers d'une portion de la pensée, à - peu - près comme un sculpteur prend ses dimensions dans un bloc pour en former les différentes parties d'une figure ou d'un groupe, sans altérer les proportions. C'est la maniere de Corneille, & de tous ceux dont les idées ont coulé à pleine source. Les autres ont imaginé, pour ainsi dire, goutte - à - goutte, & leur style est comme un filet d'eau pure à la vérité, mais qui tarit à chaque instant. Voyez Style, Vers, &c. Article de M. Marmontel.

DISTORSION (Page 4:1060)

DISTORSION, s. f. en Medecine, se dit de la bouche, distorsio oris, lorsque cette partie du visage & celles qui l'avoisinent, sont tirées de côté, de maniere que l'angle des levres soit porté en haut ou en bas, ou transversalement hors de leur situation erdinaire.

Lorsque la distorsion de la bouche a lieu des deux côtés, c'est ce qu'on appelle spasme cynique, ou rire de chien, parce que cet animal en colere écarte les deux angles de la gueule vers les oreilles, en relevant & ridant la levre supérieure; ce qui est une menace de mordre: on l'appelle encore rire sardonique, par sa ressemblance avec l'effet d'une plante, qui se trouve dans l'île de Sardaigne: c'est une espece de renoncule à feuille d'ache, qui cause l'écartement des deux angles de la bouche à ceux qui en ont mangé, & les fait mourir avec l'apparence d'un visage riant; ce qui a fait donner à cette plante le nom d'apium risûs.

On appelle encose distorsion de la bouche, la figure viciée du visage, par la rétraction involontaire d'un des angles des levres, & quelquefois le tiraillement de toutes les parties d'un même côté; ce qui est plus particulierement nommé par Platerus tor -

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.