ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"1045"> tiens; il faut seulement que ce sel soit semé par la prudence, & que la politesse & la modération l'adoucissent & le temperent. Mais si dans la société elle peut devenir une source de plaisirs, elle peut devenir dans les sciences une source de lumieres. Dans cette lutte de pensées & de raisons, l'esprit aiguillonné par l'opposition & par le desir de la victoire, puise des forces dont il est surpris quelquefois lui - même: dans cette exacte discussion, l'objet lui est présenté par toutes ses faces, dont la plûpart lui avoient échappé; & comme il l'envisage tout entier, il se met à portée de le bien connoître. Dans les savantes contentions, chacun en attaquant l'opinion de l'adversaire, & en défendant la sienne, écarte une partie du nuage qui l'enveloppe.

Mais c'est la raison qui écarte ce nuage; & la raison clairvoyante & active dans le calme, perd dans le trouble & ses lumieres & son activité: étourdie par le tumulte, elle ne voit, elle n'agit plus que foiblement. Pour découvrir la vérité qui se cache, il faudroit examiner, discuter, comparer, peser: la précipitation, fille de l'emportement, laisse - t - elle assez de tems & de flegme pour les opérations difficiles? dans cet état, saisira - t - on les clartés décisives que la aispute fait éclore? C'étoient peut - être les seuls guides qui pouvoient conduire à la vérité; c'étoit la vérité même: elle a paru, mais à des yeux distraits & inappliqués qui l'ont méconnue; pour s'en venger, elle s'est peut - être éclipsée pour toûjours.

Nous ne le savons que trop, les forces de notre ame sont bornées; elle ne se livre à une espece d'action, qu'aux dépens d'une autre; la réflexion attiédit le sentiment, le sentiment absorbe la raison; une émotion trop vive épuise tous ses mouvemens; à force de sentir, elle devient peu capable de penser; l'homme emporté dans la dispute paroît sentir beaucoup, il n'est que trop vraissemblable qu'il pense peu.

D'ailleurs l'emportement né du préjugé, ne lui prete - t - il pas à son tour de nouvelles forces? Soûtenir une opinion erronée, c'est contracter un engagement avec elle; la soûtenir avec emportement, c'est redoubler cet engagement, c'est le rendre presque indissoluble: intéressé à justifier son jugement, on l'est beaucoup plus encore à justifier sa vivaciré. Pour la justifier auprès des autres, on deviendra inépuisable en mauvaises raisons; pour se la justifier à soi - même, on s'affermira dans la prévention qui les fait croire bonnes.

Ce n'est qu'à l'aide des preuves & des raisons qu'on découvre la vérité à des yeux fascinés qui la méconnoissent; mais ces preuves & ces raisons, quelque connues qu'elles nous soient dans le calme, ne nous sont plus présentes dans l'accès de l'emportement. L'agitation & le trouble les voilent à notre esprit; la chaleur de l'emportement ne nous permet ni de nous appliquer, ni de réfléchir. Prodigues de vivacités, & avares de raisonnemens, nous querellons l'adversaire sans travailler à le convaincre; nous l'insultons au lieu de l'éclaircir: il porte doublement la peine de notre impatience.

Mais quand même notre emportement ne nous déroberoit point l'usage des preuves & des raisonnemens qui pourroient convaincre, ne nuiroit - il pas à ces preuves? la raison même dans la bouche de l'homme emporté, n'est - elle pas prise pour la passion? Le préjugé souvent faux qu'on nous attribue, en fait naître un véritable dans l'esprit de l'adversaire; il y empoisonne toutes nos paroles; nos inductions les plus justes sont prises pour des subtilités hasardées, nos preuves les plus solides pour des piéges, nos raisonnemens les plus invincibles pour des sophismes; renfermé dans un rempart impénétrable, l'esprit de l'adversaire est devenu inaccessible à notre raison, & notre raison seule pouvoit porter la vérité jusqu'à lui.

Enfin l'emportement dans la dispute est contagieux; la vivacité engendre la vivacité, l'aigreur naît de l'aigreur, la dangereuse chaleur d'un adversaire se communique & se transmet à l'autre: mais la modération leve tous les obstacles à l'éclaircissement de la vérité; en même tems elle écarte les nuages qui la voilent, & lui prete des charmes qui la rendent chere. Article de M. Formey.

DISPUTER LE VENT (Page 4:1045)

DISPUTER LE VENT, voyez Vent.

DISQUE (Page 4:1045)

DISQUE, (Hist. anc.) c'est le nom d'une sorte de bouclier rond que l'on consacroit à la mémoire de quelque héros, & que l'on suspendoit dans le temple des dieux pour servir de trophée: il s'en voit un d'argent dans le cabinet des antiques de S. M. & qui a été trouvé dans le Rhône.

On appelloit aussi disque, discus, un palet dont les Grecs & les Romains faisoient usage dans leurs divertissemens, & sur - tout dans leurs jeux publics; les Astronomes ont pris de - là ce terme si usité parmi eux, le disque du soleil ou de la lune. Voyez Disque (Astronom.) & Disque (Hist. anc.), article qui suit. (G)

Disque (Page 4:1045)

Disque, (Hist. anc. & Myth.) discus; espece de palet ou d'instrument de pierre, de plomb, ou d'autre métal, large d'un pié, dont les anciens se servoient dans leurs exercices. Voyez l'article Gymnastique.

Le disque des anciens étoit plat & rond, & de forme lenticulaire.

Le jeu du disque étoit un de ceux qui se pratiquoient chez les Grecs dans les solennités des jeux publics. Il consistoit à jetter un disque en haut ou en long, & celui qui le jettoit ou plus haut ou plus loin remportoit le prix.

On s'exerçoit à lancer le disque, non - seulement pour le plaisir, mais encore pour la santé. Galien & Aretée le conseillent pour prévenir ou guérir les vertiges, & faciliter la fluidité & la circulation du sang.

Ceux qui s'exerçoient à ce jeu s'appelloient discoboles, discoboli, c'est - à - dire jetteurs, lanceurs de disque; & ils étoient à demi - nuds selon quelques-uns, & selon d'autres tout nuds, puisqu'ils se faisoient frotter d'huile comme les athletes. Voyez l'art. Discobole.

Hyacinthe favori d'Apollon, joüant au disque avec ce dieu, fut tué d'un coup de disque, que le Zéphire son rival détourna & poussa sur la tête d'Hyacinthe. (G)

Disque (Page 4:1045)

Disque, terme d'Astronomie; c'est le corps du soleil ou de la lune, tel qu'il paroît à nos yeux.

Le disque se divise en douze parties qu'on appelle doigts, & c'est par - là qu'on mesure la grandeur d'une éclipse, qu'on dit être de tant de doigts ou de tant de parties du disque du soleil ou de la lune. Ces doigts au reste ne sont autre chose que les parties du diametre du disque, & non de sa surface.

Dans l'éclipse totale de l'un ou l'autre de ces deux astres, tout le disque est caché ou obscurci; au lieu que dans une éclipse partiale il n'y en a qu'une partie qui le soit. Voyez Eclipse.

Disque (Page 4:1045)

Disque se dit aussi, en termes d'Optique, par quelque auteuis, de la grandeur des verres de lunettes, & de la largeur de leur ouverture, de quelque figure qu'ils soient, plans, convexes, menisques, ou autres. Ce mot n'est plus en usage; on employe les mots d'ouverture ou de champ, sur - tout dans les ouvrages écrits en françois. (O)

Disque (Page 4:1045)

Disque se dit encore, en termes de Botanique, de la partie des fleurs radiées qui en occupe le centre. Voyez l'article Fleur. On l'appelle quelquefois le bassin. Le disque est composé de plusieurs fleurons posés à - plomb. [p. 1046]

Disque (Page 4:1046)

Disque, terme de Liturgie. Le disque est la même chose chez les Grecs, que la patene chez les Latins. Le disque differe de la patene pour la figure, en ce qu'il est plus grand & plus profond; il ressemble à un plat qui étoit la vraie signification du mot disque chez les anciens. Dictionn. de Trév. & Chambers. (G)

DISQUISITION (Page 4:1046)

DISQUISITION, s. f. (Philos.) est la recherche de la solution d'une question, ou en général l'action d'approfondir un sujet, pour en acquérir une connoissance exacte & en parler clairement. Ce mot formé du latin disquisitio, a vieilli, & on n'employe plus guere que le mot de recherche, qui a le même sens. On peut néanmoins s'en servir ironiquement. Que l'on regarde, dit M. Racine, dans une de ses lettres à MM. de P. R. tout ce que vous avez fait depuis dix ans, vos disquisitions, vos dissertations, vos réflexions, vos considérations, vos observations; on n'y trouvera autre chose, sinon que les cinq propositions ne sont pas dans Jansénius. (O)

DISSECTION (Page 4:1046)

DISSECTION, s. f. (Anatom.) Le mot dissection pris dans son sens particulier, se dit d'une opération d'Anatomie par laquelle on divise, au moyen de différens instrumens propres à cet effet, les parties solides des corps animés dans des cadavres propres à ces usages, pour les considérer chacune à part: d'où il suit que la dissection a deux parties; la préparation qui doit suivre l'examen, & la séparation. L'examen est une recherche exacte & une étude réfléchie de tout ce qui appartient aux différentes parties du corps humain. Cet examen a pour objet la situation de ces parties, leur figure, leur couleur, leur grandeur, leur surface, leurs bords, leurs angles, leur sommet, leur division, leur connexion, leur tissu, leur structure, leur distinction, leur nombre, & c. Voyez Anatomie.

Le but des dissections est différent, suivant les différentes personnes qui les pratiquent, les unes ne cherchant qu'à s'instruire, & d'autres à porter plus loin les connoissances acquises sur les parties solides. La fin des dissections doit être, ou de se procurer des moyens plus sûrs pour connoître les maladies, ou au moins d'entendre mieux le jeu & la méchanique des parties solides que l'on disseque. La dissection considérée sous ces deux points de vûe, demande différentes connoissances sur l'état le plus ordinaire des parties, sur les variétés dont elles sont susceptibles, les especes de monstruosités dans lesquelles elles dégénerent, la maniere dont elles sont affectées dans les maladies.

Avant qu'on eût autant disséqué qu'on a fait jusqu'à présent, il falloit de nécessité fouiller au hasard dans les cadavres, non - seulement pour connoître la structure des corps animés, mais encore pour s'assûrer du desordre que les maladies avoient produit dans les différentes parties qu'elles avoient particulierement affectées. Aujourd'hui que la description des parties est pour ainsi dire portée à son dernier degré de perfection, qu'on est instruit d'un grand nombre de variétés & de monstruosités dont les parties sont susceptibles, qu'on sait la maniere dont différentes maladies peuvent les changer, les altérer, les bouleverser; rien ne seroit plus avantageux pour ceux qui sont obligés par état de faire des dissections, que d'être bien instruits, avant que de s'y livrer, de l'histoire complete des parties solides, soit qu'on la leur fît de vive voix, comme cela devroit se pratiquer chez les démonstrateurs en Anatomie, soit par le moyen de bons traités, de figures exactes, de préparations bien faites, &c. ils auroient alors en bien peu de tems des connoissances, qu'ils n'acquerent qu'à la longue & imparfaitement par les voies ordinaires. L'Anatomie pour celui qui l'apprend, ne demande que de bons yeux, de l'attention, & de la mémoire; pour celui qui l'enseigne, de l'acquis, de la méthode, & de la simplicité. Raconter ce qu'il y a de plus certain & de mieux connu sur les parties solides; le faire voir autant qu'il est possible sur des cadavres frais, sur - tout lorsqu'il est question de la situation & de la figure des parties, ou sur des préparations lorsqu'il n'en veut donner qu'une idée générale ou en développer la structure; faire sur les animaux vivans les expériences nécessaires pour indiquer ce qu'il y a de connu sur lé rôle particulier que chaque partie solide joue dans les corps animés; indiquer au juste le terme précis des connoissances où on est arrivé, & les moyens que l'on croiroit propres à les porter plus loin, &c. voilà ce que devroit faire un démonstrateur en Anatomie. Les usages, les actions, les fonctions des parties, ont des choses communes qui tiennent à des principes généraux, qu'il seroit bien plus facile de développer & de faire entendre quand une fois toutes les parties & leur enchaînement seroient bien connus. Les corps animés étant une espece de cercle dont chaque partie peut être regardée comme le commencement, ou être prise pour la fin, ces parties se répondent, & elles tiennent toutes les unes aux autres. Comment peuton donc supposer, lorsqu'après avoir fait la description d'une partie, on entre dans de grands détails sur ses usages, ses fonctions, ses maladies; comment peut - on, dis - je, supposer que tous ces usages, ces maladies, puissent être bien entendus de ceux qui n'ont tout au plus qu'une idée fort vague de l'ensemble des parties? C'est - là ce qui m'a fait toûjours penser qu'il seroit bien plus avantageux pour le bien de la société, qu'il y eût dans les différens hôpitaux des disséqueurs assez instruits pour bien préparer toutes les parties ensemble & séparément sur différens cadavres, & qu'il fùt permis à tous ceux qui sont obligés par état, ou que la curiosité porteroit à s'instruire, d'aller dans ces endroits, après s'être rempli la mémoire de ce qu'il y a à remarquer sur chaque partie, voir développer ces parties sous leurs yeux, observer par eux - mêmes & reconnoître des vérités, qui par ce moyen leur deviendroient plus familieres: c'en seroit même assez pour ceux qui ne cherchent point à approfondir; & je crois qu'ils pourroient se dispenser de travailler eux - mêmes à ces dissections, à moins encore qu'ils ne se destinassent à exercer les opérations chirurgicales, la dissection bien entendue pouvant être un moyen d'acquérir plus de dextérité. En effet, comment peut - on supposer que plusieurs personnes puissent toutes ensemble, comme cela se pratique dans les démonstrations qui se font en public ou en particulier, prendre des idées bien précises sur la figure, la situation, les connexions, le tissu, la structure des parties qu'elles peuvent à peine appercevoir, & qu'on ne leur fait voir que dérangées; puisqu'il est des parties qu'on ne peut bien découvrir qu'avec de bons yeux, & même lorsqu'on en est près, & que d'ailleurs le gros des parties, ce qu'il y a de plus extérieur, la figure, la situation, sont nécessairement bouleversées dans les préparations dont on se sert pour ces démonstrations? Ces connoissances générales peuvent avoir leur utilité, pour passer à de plus particulieres; mais sont - elles nécessaires pour y arriver? C'est ce dont je ne suis point persuadé: l'art de guérir exige tant de connoissances particulieres, qu'on ne peut trop s'attacher à abreger les moyens de les acquérir.

Les anciens medecins, pourroit - on dire, quoique peu versés dans ces sortes de dissections, en ont - ils été moins bons guérisseurs? & même ceux qui de nos jours se sont plus attachés & qui ont suivi de plus près ces dissections, en ont - ils mieux réussi dans la pratique de la Medecine? Voilà deux difficultés que nous ne pouvons nous arrêter à résoudre ici; elles demandent trop de discussion, & cela nous con<pb->

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