ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"1023"> quent une preuve de la fausseté d'une charte, ou d'un diplome, comme l'ont prétendu quelques modernes: sur - tout dès que les autres conditions se trouvent observées. Cette négligence du copiste ne porte aucun préjudice à la vérité des titres, qui sont vrais pour le fond, quoique mal disposés pour la forme extérieure. On les entendoit alors, & l'on ne croyoit pas que dans la suite ils pussent être exposés à aucune difficulté.

III. La troisieme regle, mais essentielle, est d'examiner la date ou la chronologie des actes ou des lettres: c'est à quoi souvent, & presque toûjours, manque un faussaire, qui est ordinairement plus habile dans les coups de main que dans l'histoire des princes: il se sert presque toûjours des dates reçues de son tems pour marquer des siecles antérieurs au sien, & s'imagine que ces sortes de dates ont toûjours été en usage. Alors il faut faire usage de l'histoire & de la chronologie qu'elle nous présente. C'est un acte public qui doit servir à corriger ou à vérifier la certitude des actes particuliers, tels que sont les chartes & les diplomes.

Il faut néanmoins faire attention que comme plusieurs rois avant que d'être possesseurs du throne, y ont quelquefois été associés; on a commencé souvent à compter leurs années de la premiere association au throne; mais cependant on a daté plus communément du jour qu'ils ont commencé à en être seuls possesseurs. On en a l'exemple dans Robert, fils de Hugues Capet, qui sut associé au throne le premier Janvier 988, cependant il n'en fut unique possesieur que le 24 Octobre 996. L'homme attentif ne doit pas manquer à cette remarque. L'indiction est une autre observation chronologique que le censeur des chartes ne doit pas négliger; s'il s'agit de celles des empereurs, elles commencent le 24 Septembre; en Occident & en Orient, le premier jour du même mois; au lieu que celles des papes se datent du 25 Décembre, premier jour de l'année ecclésiastique de Rome. Quant aux années de J. C. elles n'ont été en usage pour les chartes & les diplomes que dans l'onzieme siecle, comme nous l'avons déjà marqué.

IV. Une quatrieme regle qui suit la chronologie est celle des signatures des personnes; savoir si elles n'etorent pas mortes au tems de la dare marquée dans le diplome. L'histoire alors rend témoignage ou pour ou contre le diplome: nous avons déjà fait quelques remarques à ce sujet, qu'il est inutile de repéterici.

Mais qu'on ne croye pas que les rois des deux premieres races signassent leur nom dans les chartes. C'étoit un monogramme, c'est - à - dire plusieurs lettres figurées & entrelassées qui faisoient ou tout, ou partie de leurs noms. Mais le chancelier ou reférendaire avoit soin de marquer ces mots pour désigner cette signature: signum Caroli, ou Ludovici regis, suivant le prince dont le monogramme se trouvoit sur la charte.

V. La cinquieme regle consiste à examiner l'histoire certaine de la nation & de ses rois, aussi - bien que les moeurs du tems, les coûtumes, les usages du peuple, au siecle où l'on prétend que la charte a été donnée. Cette regle demande une grande connoissance de l'histoire, & même de l'histoire particuliere, autant que de la générale, parce que les moeurs n'ont pas toûjours été les mêmes dans le corps entier de la nation; les parties, ou les provinces d'un empire ou d'un royaume étoient souvent plus différentes en ce point qu'elles ne l'étoient dans le langage. On voit par - là combien il est difficile de suivre exactement cette regle, qu'il ne faut pas trop presser, pour ne point accuser de fausseté une charte dressée en un pays ou en une province, quand on ne connoît pas exactement les moeurs, us, & coûtumes du tems.

VI. Une sixieme regle est d'examiner les monogrammes & les signatures des rois, aussi - bien que de leurs chanceliers ou reférendaires; il faut confronter celles des actes douteux avec les actes véritables qu'on en peut avoir. Il est certain qu'on en a de vrais, sur - tout dès que l'intérêt n'y est pas mêlé: on sait que c'est la pierre de touche des actions humaines: c'est - là ce qui a porté tant de faussaires à sacrifier leur honneur & leur conscience pour se conserver à eux ou à leur communauté un bien & des droits qu'ils appréhendoient qu'on ne leu disputât dans la suite.

VII. La septieme regle regarde les sceaux: il faut examiner s'ils sont sains & entiers, sans aucune fracture, sans altération, & sans défauts. S'ils n'ont point été transportés d'un acte véritable pour l'appliquer à un acte faux & supposé. Cette derniere remarque mérite d'autant plus d'attention, que j'ai connu un homme qui cependant sans aucune littérature, m'avoit assûré qu'il avoit le moyen de détacher le sceau d'une piece authentique pour le porter sur une autre: moyen dangereux & fatal, mais heureusement celui qui s'en vantoit n'avoit pas l'occasion de s'en servir; & je ne crois pas qu'il ait communiqué à quelqu'autre le moyen dont il se disoit possesseur.

Nos premiers rois n'avoient pas d'autre sceau que celui qui étoit à leur anneau. Nous en avons un exemple au cabinet du Roi, où l'on voit l'anneau du roi Childeric, pere de Clovis, sur lequel sont gravés le portrait & le nom de ceroi. Ces anneaux sont fort anciens dans l'histoire. Celui de Childeric fut trouvé en 1653 dans la ville de Tournai, près l'église dè S. Brice, ou étoit autrefois un grand chemin; & l'on n'ignore pas que la plûpart des princes étoient inhumés pres les grands chemins. On trouve même encore aujourd'hui en France beaucoup de tombeaux dans des campagnes.

Après les anneaux vinrent les grands sceaux qui furent appliqués sur des cires jaunes, blanches, vertes, ou rouges, & même sur le plomb, l'or & l'argent. Le plomb est resté en usage à Rome. Nous avons la célebre bulle d'or de l'empereur Charles IV. qui depuis plus de quatre cents ans fait loi dans l'empire. Mais communément on employe la cire, dont la couleur varie même en France selon la diversité des affaires sur lesquelles nos rois font expédier des lettres patentes, des déclarations, & des édits.

Les évêques, les abbes, les chapitres, & même les seigneurs avoient leurs sceaux particuliers, sur lesquels on les voit différemment représentés. Les histoires particulieres que l'on s'est attaché à publier depuis plus de cinquante ans, nous en ont donne quantité de modeles & de desseins; & dès qu'un titre regardoit plusieurs personnes, chacun y appliquoit son sceau particulier, lequel souvent pendoit au diplome même avec un lacet de soie.

VIII. Enfin, il faut marquer pour huitieme regle la matiere sur laquelle s'écrivoient les chartes & les diplomes. Depuis un très - long tems on s'est servi de parchemin: c'est la matiere la plus commune, & qui subsiste encore aujourd'hui dans les actes émanés de l'autorité du roi, soiten grande, soit en petite chancellerie. Mais les premieres matieres étoient ordinairement du papier d'Egypte, qui subsistoit encore en France au onzieme siecle. Et comme ce papier étoit assez fragile, on employa en même tems le parchemin, qui a beaucoup plus de consistance & qui résiste mieux à l'injure des tems & des années. On se servoit même des peaux de poissons, & à ce qu'on dit, des intestins de dragons; c'est pousser la chose bien loin. Quant au papier commun, il est moderne, [p. 1024] & son usage ne remonte pas tout - à - fait à six cents ans.

L'encre a pareillement varié, mais beaucoup moins que la matiere sur laquelle on écrivoit les chartes. Les anciens n'avoient pas la maniere de faire une encre aussi noire que la nôtre, ainsi la leur jaunissoit; & c'est même, à ce qu'on prétend, un moyen pour reconnoître la fausseté d'une charte quand on en trouve l'encre trop noire. On assûre qu'il y a eu des titres écrits entierement en lettres d'or, & j'en ai vû de pareilles, non pas en chartes, mais en livres écrits sur du parchemin couleur de pourpre. Quelquefois les empereurs, & même leurs chanceliers, signoient en encre rouge. C'est ce que pratiquoient les empereurs de Constantinople, & cette sorte d'encre leur étoit réservée.

La nature des caracteres dont on s'est servi entre aussi dans cet examen. Le romain n'a été d'usage que jusqu'au cinquieme siecle: après quoi, tant pour les chartes que pour les manuscrits des livres, chaque centaine d'années ou environ a eu sa maniere d'écrire, comme chaque nation en a eu, & en a même encore une quilui est particuliere. Mais on peut assûrer qu'en fait de manuscrits, l'écriture la plus difficile à lire n'est pas toûjours la plus ancienne. Il y a eu des révolutions dans la maniere d'écrire, comme en toute autre chose: mais depuis environ quatre cents ans, l'écriture est devenue moins difficile: il n'y a souvent que les abréviations qui puissent arrêter; mais la suite du discours les fait aisément comprendre à un savant qui a bien étudié son sujet. Cependant les jurisconsultes se sont vûs obligés de faire un dictionnaire particulier pour les faire plus aisément comprendre.

Voilà bien des précautions nécessaires pour être à l'abri de la tromperie des faussaires, ce qui n'empêche pas qu'on ne soit quelquefois trompé dans l'examen des chartes originales, quoiqu'il soit certain qu'il y en a plus qu'on ne croit. Il ne s'agit que de les savoir bien distinguer; c'est en quoi consiste l'art & la science de l'habile praticien.

Que ne doit - on pas penser des cartulaires ou papiers - terriers des églises & des monasteres, qui ne sont que des copies faites sans autorité publique, & dans lesquelles on prétend qu'on s'est donné une entiere licence? Cependant on assûre que leur usage ne remonte pas au delà du dixieme siecle. Quelques - uns ne laissoient pas d'être authentiques, quand un notaire public les déclaroit conformes aux originaux sur lesquels ils avoient été faits & vérifiés. Alors ils peuvent faire preuve en justice, quand ils ne sont pas détruits ou contredits par des actes ou contemporains ou même postérieurs. Il y a d'autres cartulaires historiques, lesquels, avec la copie des anciens titres, contiennent le récit du sujet qui a donné lieu au diplome, dont on favorisoit une communauté ecclésiastique ou séculiere. Enfin la derniere espece de cartulaire est celle qui s'est faite sans aucune forme de droit; & ce sont des cartulaires simples, où le faux se trouve quelquefois mêlé avec le vrai: ces derniers cartulaires ont bien moins d'autorité que les autres.

Tout ce que nous venons de marquer, regarde principalement les chartes qui sont antérieures au dixieme siecle de notre ere vulgaire. Mais dès qu'on est arrivé à la troisieme race de nos rois, on convient qu'il se trouve beaucoup moins de chartes fausses ou altérées. Ainsi cela met les grandes maisons à l'abri des soupçons qu'on pourroit tirer des chartes contre l'ancienneté de leur origine; car il ne faut pas croire que toutes, à l'exemple des Lorrains, des Rohans, des Chabanes, des Montmorenci, des Briennes, des Conflans & d'Armentieres, des la Rochefoucault, des Egmonds, des la Marck, des la Tour, & de beaucoup d'autres que la mémoire ne me fournit pas, remontent au moins par l'histoire jusqu'à la seconde race de nos rois.

On a voulu donner une mauvaise interprétation aux difficultés que l'on a formées contre beaucoup d'anciens titres. On a prétendu que dès qu'on auroit totalement détruit la vérité & l'autorité des diplomes & des chartes, on en viendroit à tous les manuscrits qui nous restent des anciens auteurs, que l'on traiteroit de faux & de supposés comme on auroit fait les titres anciens: mais à quoi serviroit cette sorte d'attaque, & pour ainsi dire d'incrédulité littéraire? On ne prétend pas que nous ayons les originaux de tous les livres anciens qui font aujourd'hui la base des bibliotheques; mais du moins en avons - nous des copies, qui ayant éte faites en divers tems & en différens pays, nous représentent les anciens originaux, à quelques variations près, qui viennent de la faute ou de l'inattention des copistes. Et si l'on a supposé quelques ouvrages sous des noms respectables, le savant en a senti la supposition, & l'a enfin découverte. Je ne m'étends pas sur ce sujet, parce qu'il regarde plus la critique littéraire que la diplomatique, que j'ai voulu expliquer ici avec beaucoup de précision. J'aurois souhaité entrer dans un plus grand détail, & donner les signatures des rois de la troisieme race; mais j'ai appréhendé de me trouver en concurrence avec les illustres & savans bénédictins qui travaillent actuellement sur cette matiere si intéressante dans l'histoire & dans la littérature. Je sai que pour la perfection de l'ouvrage, dont ils ont déjà publié une partie, ils ne peuvent se dispenser de donner les desseins de toutes ces signatures, qui sont nécessaires à leur objet.

tous les écrivains que nous venons de marquer sur l'examen des diplomes & de la diplomatique, on doit ajoûter un ouvrage moderne, qui ne fait que de paroître, c'est la Vérité de l'histoire de l'église de S. Omer, & son antériorité sur l'abbaye de S. Bertin; in - 4°. Paris, chez Le Breton, Imprimeur ordinaire du Roi, 1754. C'est ce que nous avons de plus nouveau en ce genre de science. Sa lecture & ses preuves ne préviennent pas en faveur des archives de plusieurs illustres & anciennes abbayes, où l'on trouve plus de faux que de vrai.

Que l'on fasse attention après ce que nous venons de marquer, que cette soupçonneuse exactitude, ces recherches critiques & inquiétantes ne regardent ordinairement que les titres des abbayes, des communautés régulieres, & même des églises cathédrales. Il semble que ceux qui devroient le moins être gouvernés par l'intérêt, & en qui l'on croiroit trouver l'amour de la vérité, ceux - là mêmes, dis - je, ne craignent point d'abandonner tout ce que l'honneur & la religion prescrivent, pour se jetter dans des crimes inutiles pour eux - mêmes, & qui ne sont avantageux qu'à une communauté, qui ne leur en sait aucun gré, & qui, malgré quelques déférences extérieures, les regarde, ou du moins les a regardés comme ce qu'ils avoient le malheur d'être réellement, c'est - à - dire comme des faussaires. Le mêmeinconvénientnese rencontre pas dans les archives des princes, des cours supérieures, & des villes: outre le soin scrupuleux que l'on a de n'y laisser rien entrer quine soit dans l'exacte vérité, à peine se trouveroit - il dans le royaume un homme assez hardi pour hasarder en faveur du prince, ce qu'il hasarderoit pour une communauté religieuse, quoique peu reconnoissante. (a)

DIPTERE (Page 4:1024)

DIPTERE, s. m. (Hist. anc.) terme de l'ancienne Architecture, c'étoit un temple entouré de deux rangs de colonnes, qui formoient des especes de portiques appellés ailes. Voyez Temple. (G)

DIPTYQUE (Page 4:1024)

DIPTYQUE, (Hist. anc.) c'étoit des tablettes à

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