ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"981"> empires d'Assyrie, d'Egypte, de la Chine même. Aussi prend - t - il soin de rechercher en habile critique l'origine de ces nations, & de faire voir qu'elles n'ont (au moins ces deux premieres.) que l'antiquité que leur donne Moyse. Ceux en effet qui accordent la plus longue durée à l'empire des Assyriens, ne l'étendent pas au - delà de 1700 ans. Justin l'a renfermée dans l'espace de treize siecles. Ctesias n'y ajoûte que 60 années de plus; d'autres ne lui donnent que 1500 ans. Eusebe la resserre en des bornes encore plus étroites; & Georges Syncelle pense à - peu - près comme Ctesias. C'est - à - dire qu'à prendre le calcul le moins severe, les Assyriens n'auront commencé que deux mille cinq ou six cents ans avant J. C. & environ cinq ou six siecles avant la premiere connoissance que l'histoire nous donne de la Grece.

A l'égard de l'Egypte, qui croira, dans la supposition qu'elle fût aussi ancienne qu'elle se vantoit de l'être, que Moyse n'en eût pas accommodé l'histoire avec la chronologie du monde, & qu'il eût exposé la fausseté de ses dates à la dérision d'un peuple si connu de lui, si habile, si voisin? Cependant il le fait descendre d'une race maudite de Dieu; & en le disant, il ne craint point d'être repris. Il est constant, d'ailleurs, qu'il n'y a guere eu de peuple plus célebre que les Egyptiens dans les annales profanes. La seule ville d'Alexandrie, devenue comme le rendez - vous des grands talens, renfermoit dans ses murs, & sur - tout depuis l'établissement du Christianisme, des savans de toutes les parties de l'univers, de toutes les religions & de toutes les sectes, des Juifs, des Chrétiens, & des Philosophes. On ne peut vraissemblablement doûter qu'il n'y eût souvent des disputes entr'eux; car où il y a des savans, il y a bientôt des contestations; & la vérité elle - même y est toûjours combattue avec ces armes que l'esprit humain ne sait que trop bien employer dans les matieres de doctrine. Orici toutrouloit sur des faits: tout dépendoit de savoir si l'univers, ainsi que Moyse l'avoit dit, n'avoit que six mille ans tout au plus; si quatre siecles avant lui, ce même monde avoit été noyé dans les eaux d'un déluge qui n'avoit épargné qu'une famille, & s'il étoit vrai que trois mille ans auparavant, il n'y eût eu sur la terre qu'un seul & unique langage. Qu'y avoit - il de plus facile à éclaircir? On étoit sur le lieu même. On pouvoit aisément examiner les temples, les sepulchres, les pyramides, les obélisques, les ruines de Thebes, & visiter ces fameuses colonnes Sciriadiques; ou, comme les appelle Ammian Marcellin, ces syringues soûterraines, où l'on avoit gravé les mysteres sacrés. On avoit sous la main les annales des prêtres; & enfin on pouvoit consulter les histoires, qui alors étoient nombreuses. Toutefois au milieu de tant de ressources contre l'erreur, ces faits posés avec tant de confiance dans les livres de Moyse, ne trouvoient point de contradicteurs; & l'on défie la critique qui cse tant d'oser les nommer.

Le seul Manethon, qui vivoit sous Ptolémée Philadelphe, mit au jour une histoire chronologique de l'Egypte depuis sa premiere origine, jusqu'à la fuite de Nectanebo en Ethiopie, environ la 117 olympiade. Mais quelle histoire! & qui pouvoit s'y laisser tromper? Elle fait regner en Egypte six dieux, dix héros ou demi dieux, durant trente - un ou trente - deux mille ans; ensuite elle fait paroître le roi Ménès, & compose la liste de ses successeurs de trois cents quarante monarques, dont la durée totale est d'environ trois mille ans. De grands hommes ont essayé dans tous les tems de mettre quelqu'ordre dans la confusion de ce cahos, & de débrouiller ce monstrueux entassement de dynasties de dieux, de heros, & de princes; mais ce que l'étude la plus opiniâtre a fait d'efforts, n'a servi qu'à en montrer l'im<cb-> puissance, & le jour n'a pû percer encore de si épaisses ténebres. Ces dynasties sont - elles successives, sont - elles collatérales? On ne sait. Les années Egyptiennes n'etoient - elles que d'un mois ou de deux, comme quelques - uns l'ont prétendu? Etoient - elles de quatre, & se régloient - elles par les saisons, comme d'autres le soutiennent? Question impossible à terminer par les témoignages anciens; ils se contrarient trop sur cet article. Nos modernes eux - mêmes sont encore moins unanimes; & malgré les travaux de Scaliger, du pere Petau, du chevalier Marsham, du pere Pezron, & des autres, cette chronologie de Manethon est demeurée un labyrinthe, dont il faut pour jamais désespérer de sortir.

Il y a un peuple encore subsistant, ce sont les Chinòis, qui semble donner au monde une plus grande ancienneté que nos Ecritures ne lui en donnent. Depuis que ces régions nous sont plus connues, on en a publié les annales historiques, & elles font remonter l'origine de cet empire à - peu - près 3 mille ans au - delà de la naissance de J. C. Nouvelle difficulté souvent saisie par les incrédules contre la chronologie de Moyse. Afin de détruire ce prétexte, M. Jacquelot fait diverses remarques toutes importantes & solides, sur l'incertitude de l'histoire Chinoise. Mais pour trancher, il soutient que même en lui accordant ses calculs, ils ne nuiroient point à la vérité des nôtres. Rien n'oblige en effet à préférer la supputation de l'Hébreu à celle des septante. Or, dans celle - ci, l'ancienneté de l'univers est plus grande que dans l'autre. Donc, puisqu'il ne faudroit pour concilier les dates des Chinois avec les nôtres, que cinq siecles de plus que n'en porte le texte hébreu, & que ces cinq siecles sont remplacés, & au - delà, dans la traduction des septante, la difficulté est levée; & il est clair que l'empire de la Chine est postérieur au déluge. Voyez Chronologie.

Objection. Suivant les abregés latins des annales maintenant suivies à la Chine, les tems mêmes hisroriques de cet empire commencent avec le regne de Hoamti 2697 ans avant J. C. & cette époque, qui dans la chronologie du texte hébreu, est antérieure au déluge de plus d'un siecle, ne se trouve dans le calcul des septante, postérieure que de 200 ans, à la dispersion des peuples & à la naissance de Phaleg. Or ces 200 ans, qui d'abord semblent un assez grand fond & une ressource capable de tout conciiier, se trouvent à peine suffisans pour conduire les sondateurs de la colonie Chinoise & leurs troupeaux, depuis les plaines de Sennaar, jusqu'aux extrémités orientales de l'Asie; & encore par quels chemins? à travers des solitudes affreuses & des climats devenus presqu'inaccessibles, après les ravages de l'inondation générale.

M. Freret, un des plus savans hommes de nos jours, & des plus versés dans la connoissance des tems, a senti toute la force de cette objection, & se l'est faite. Il a bien vû, que pour la résoudre, il étoit nécessaire de percer plus qu'on ne l'avoit fait encore dans les ténebres de la chronologie Chinoise. Il a eu le courage d'y entrer, & nous lui avons l'obligation d'y avoir jetté du jour par ses doctes recherches. Il est prouvémaintenant, du moins autant qu'il est possible, que cette immense durée que les Chinois modernes assignent aux tems fabuleux de leur histoire, n'est que le résultat des périodes astronomiques inventées pour donner la conjonction des planetes dans certaines constellations. A l'égard des tems historiques, il est prouvé de même que les regnes d'Iao & de Chum, les deux fondateurs de la monarchie Chinoise, ont fini seulement 1991 ans avant l'ere chrétienne; que ces deux regnes ne font au plus que 156 ans, qu'ils ne peuvent par consé<pb-> [p. 982] quentavoir commencé que vers l'an du monde 2147, plusieurs années après la vocation d'Abraham, & du tems même de l'expédition des Elamites dans le pays de Chanaan, c'est - à - dire bien après les établissemens des empires d'Egypte & de Chaldée. Voilà donc la naissance des plus anciens peuples du monde ramenée & réduite à sa juste époque, l'histoire de Moyse confirmée, le fait de la création évidemment établi, & par cela même l'existence de l'Être suprème invinciblement démontrée.

Argument physique. Les animaux ne se perpétuent que par la voie de la génération; mais il faut nécessairement que les deux premiers de chaque espece aient été produits ou par la rencontre fortuite des parties de la matiere, ou par la volonté d'un être intelligent qui dispose la matiere selon ses desseins.

Si la rencontre fortuite des parties de la matiere a produit les premiers animaux, je demande pourquoi elle n'en produit plus; & ce n'est que sur ce point que roule tout mon raisonnement. On ne trouvera pas d'abord grande difficulté à répondre, que lorsque la terre se forma, comme elle étoit remplie d'atomes vifs & agissans, impregnée de la même matiere subtile dont les astres venoient d'être formés, en un mot, jeune & vigoureuse, elle put être assez féconde pour pousser hors d'elle - même toutes les différentes especes d'animaux, & qu'après cette premiere production qui dépendoit de tant de rencontres heureuses & singulieres, sa fécondité a bien pû se perdre & s'épuiser; que par exemple on voit tous les jours quelques marais nouvellement desséchés, qui ont toute une autre force pour produire que 50 ans après qu'ils ont été labourés. Mais je prétends que quand la terre, selon ce qu'on suppose, a produit les animaux, elle a dû être dans le même état où elle est présentement. Il est certain que la terre n'a pû produire les animaux que quand elle a été en état de les nourrir; ou du moins il est certain que ceux qui ont été la premiere tige des especes n'ont été produits par la terre, que dans un tems où ils ont pû aussi bien être nourris. Or, afin que la terre nourrisse les animaux, il faut qu'elle leur fournisse beaucoup d'herbes différentes; il faut qu'elle leur fournisse des eaux douces qu'ils puissent boire; il faut même que l'air ait un certain degré de fluidité & de chaleur pour les animaux, dont la vie a des rapports assez connus à toutes ces qualités.

Du moment que l'on me donne la terre couverte de toutes les especes d'herbes nécessaires pour la subsistance des animaux, arrosée de fontaines & de rivieres propres à étancherleur soif, environnée d'un air respirable pour oux; on me la donne dans l'état où nous la voyons; car ces trois choses seulement en entraînent une infinité d'autres, avec lesquelles elles ont des liaisons & des enchaînemens. Un brin d'herbe ne peut croître qu'il ne soit de concert, pour ainsi dire, avec le reste de la nature. Il faut de certains sucs dans la terre; un certain mouvement dans ces sucs, ni trop fort, ni trop lent; un certain soleil pour imprimer ce mouvement; un certain milieu par où ce soleil agisse. Voyez combien de rapports, quoiqu'on ne les marque pas tous. L'air n'a pû avoir les qualités dont il contribue à la vie des animaux, qu'il n'ait eu à - peu - près en lui le même mélange & de matieres subtiles, & de vapeurs grossieres; & que ce qui cause sa pesanteur, qualité aussi nécessaire qu'aucune autre par rapport aux animaux, & nécessaire dans un certain degré, n'ait eu la même action. Il est clair que cela nous meneroit encore loin, d'égalité en égalité: sur - tout les fontaines & les rivieres dont les animaux n'ont pû se passer, n'ayant certainement d'autre origine que les pluies, les animaux n'ont pû naître qu'après qu'il a tombé des pluies, c'est - à - dire un tems considérable après la formation de la terre, & par conséquent lorsqu'elle a été en état de consistance, & que ce cahos, à la faveur duquel on veut tirer les animaux du néant, a été entierement fini.

Il est vrai que les marais nouvellement desséchés, produisent plus que quelque tems après qu'ils l'ont été; mais enfin ils produisent toûjours un peu, & il suffiroit que la terre en fît autant; d'ailleurs le plus defécondité qui est dans les marais nouvellement desséchés, vient d'une plus grande quantité de sels qu'ils avoient amassés par les pluies ou par le mouvement de l'air, & qu'ils avoient conservés, tandis qu'on ne les employoit à rien: mais la terre a toûjours la même quantité de corpuscules ou d'atomes propres à former des animaux, & la fécondité, loin de se perdre, ne doit aucunement diminuer. De quoi se forme un animal? d'une infinité de corpuscules qui étoient épars dans les herbes qu'il a mangées, dans les eaux qu'il a bûes, dans l'air qu'il a respiré; c'est un composé dont les parties sont venues se rassembler de mille endroits différens de notre monde; ces atomes circulent sans cesse, ils forment tantôt une plante, tantôt un animal; & après avoir formé l'un, ils ne sont pas moins propres à former l'autre. Ce ne sont donc pas des atomes d'une nature particuliere qui produisent les animaux; ce n'est qu'une matiere indifférente dont toutes choses se forment successivement, & dont il est très - clair que la quantité ne diminue point, puisqu'elle fournit toûjours également à tout. Les atomes, dont on prétend que la rencontre fortuite produisit au commencement du monde les premiers animaux, sont contenus dans cette même matiere, qui fait toutes les générations de notre monde; car quand ces premiers animaux furent morts, les machines de leurs corps se dessassemblerent, & se résolurent en parcelles, qui se disperserent dans la terre, dans les eaux & dans l'air; ainsi nous avons encore aujourd'hui cés atomes précieux, dont se durent former tant de machines surprenantes; nous les avons en la même quantité aussi propres que jamais à former de ces machines; ils en forment encore tous les jours par la voie de la nourriture; toutes choses sont dans le même état que quand ils vinrent à en former par une rencontre fortuite; à quoi tientil que par de pareilles rencontres ils n'en forment encore quelquefois?

Tous les animaux, ceux même qu'on avoit soupçonné venir ou de pourriture, ou de poussiere humide & échauffée, ne viennent que de semences que l'on n'avoit pas apperçues. On a découvert que les macreuses se forment d'oeufs que cette espece d'oiseaux fait dans les îles desertes du septentrion & jamais il ne s'engendra de vers sur la viande, où les mouches n'ont pû laisser de leurs oeufs. Il en est de même de tous les autres animaux que l'on croit qui naissent hors de la voie de la génération. Toutes les expériences modernes conspirent à nous desabuser de cette ancienne erreur; & je me tiens sûr que dans peu de tems, il n'y restera plus le moindre sujet de doute. Voyez Corruption.

Mais en dût - il restér, y eût - il des animaux qui vinssent hors de la voie de génération, le raisonnement que j'ai fait n'en deviendroit que plus fort. Ou ces animaux ne naissent jamais que par cette voie de rencontre fortuite; ou ils naissent & par cette voie, & par celle de génération: s'ils naissent toûjours par la voie de rencontre fortuite, pourquoi se trouve - t - il toûjours dans la matiere une disposition qui ne les fait naître que de la même maniere dont ils sont nés au commencement du monde; & pourquoi, à l'égard de tous les autres animaux que l'on suppose qui soient nés d'abord de cette maniere - là,

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