ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"957"> mille étoit un citoyen incomparable, le restaurateur de sa patrie, & le second fondateur de Rome: il finit sa derniere dictature l'an 386, par rétablir le calme dans la république entre les différens ordres de l'état. Minutius ayant remporté contre Annibal quelques avantages, que le bruit public ne manqua pas d'exagérer, on fit alors à Rome ce qui ne s'y étoit jamais fait, dit Polybe; dans l'espérance où l'on étoit que Minutius termineroit bientôt la guerre, on le nomma dictateur l'an de Rome 438, conjointement avec Q. Fabius Maximus, dont la conduite toûjours judicieuse & constante, l'emportoit à tous égards sur la bravoure téméraire du collegue qu'on lui associoit. On vit donc deux dictateurs à - la - fois, chose auparavant inoüie chez les Romains, & qu'on ne répeta jamais depuis.

Le même Fabius Maximus dont je viens de parler, en qui la grandeur d'ame jointe à la gravité des moeurs, répondoit a la majesté de sa charge, fut le premier qui demanda au sénat de trouver bon qu'il pût monter à cheval à l'armée; car une ancienne loi le défendoit expressément aux dictateurs, soit parce que les Romains faisant consister leurs grandes forces dans l'infanterie, crurent nécessaire d'établir que le général demeurât à la tête des cohortes, sans jamais les quitter; soit parce que la dictature étant d'ailleurs souveraine & fort voisine de la tyrannie, on voulut au moins. que le dictateur, pendant l'exercice de sa charge, dépendît en cela de la république.

L'établissement de la dictature continua de subsister utilement & conformément au but de son institution, jusqu'aux guerres civiles de Marius & de Sylla. Ce dernier, vainqueur de son rival & du parti qui le soûtenoit, entra dans Rome à la tête de ses troupes, & y exerça de telles cruautés, que personne ne pouvoit compter sur un jour de vie. Ce fut pour autoriser ses crimes, qu'il se fit declarer dictateur perpétuel l'an de Rome 671, ou, pour mieux dire, qu'il usurpa de force la dictature. Souverain absolu, il changea à son gré la forme du gouvernement; il abolit d'anciennes lois, en. établit de nouvelles, se rendit maître du thrésor publio, & disposa despotiquement des biens de ses concitoyens.

Cependant cet homme qui, pour parvenir à la dictature, avoit donné tant de batailles, rassasié du sang qu'il avoit répandu, fut assez hardi pour se démettre de la souveraine puisiance environ quatre ans après s'en être emparé; il se réduisit de lui - même, l'an 674, au rang d'un simple citoyen, sans éprouver le ressentiment de tant d'illustres familles dont il avoit fait périr les chefs par ses cruelles proscriptions. Plusieurs regarderent une démission si surprenante comme le dernier effort de la magnanimité; d'autres l'attribuerent à la crainte continuelle où il étoit qu'il ne se trouvât finalement quelque Romain assez généreux pour lui ôter d'un seul coup l'empire & la vie. Quoi qu'il en soit, son abdication de la dictature remit l'ordre dans l'état, & l'on oublia presque les meurtres qu'il avoit commis, en faveur de la liberté qu'il rendoit à sa patrie; mais son exemple fit appercevoir à ceux qui voudroient lui succéder, que le peuple romain pouvoit souffrir un maître, ce qui causa de nouvelles & de grandes révolutions.

Deux fameux citoyens, dont l'un ne vouloit point d'égal, & l'autre ne pouvoit souffrir de supérieur; tous deux illustres par leur naissance, leur rang & leurs exploits; tous deux presqu'également dangereux, tous deux les premiers capitaines de leur tems; en un mot Pompée & César se disputerent la funeste gloire d'asservir leur patrie. Pompée cependant aspiroit moins à la dictature pour la puissance, que pour les honneurs & l'éclat; il desiroit même de l'obtenir naturellement par les suffrages du peuple, c'est pourquoi deux fois vainqueur il congédia ses armées quand il mit le pié dans Rome. César au contraire, plein de desirs immodérés, vouloit la souveraine puissance pour elle - même, & ne trouvoit rien au - dessus de son ambition & de l'étendue immense de ses vûes; toutes ses actions s'y rapporterent, & le succès de la bataille de Pharsale les couronna. Alors on le vit entrer triomphant dans Rome l'an 696 de sa fondation: alors tout plia sous son autorité; il se fit nommer consul pour dix ans, & dictateur perpétuel, avec tous les autres titres de magistrature qu'il voulut s'arroger: maître de la république comme du reste du monde, il ne fut assassiné que lorsqu'il essaya le diadême.

Auguste tira parti des fautes de César, & s'éloigna de sa conduite; il prit seulement la qualité d'empereur, imperator, que les soldats pendant le tems de la république donnoient à leurs généraux. Préferant cette qualité à celle de dictateur, il n'y eut plus de titre de dictature, les effets en tinrent lieu; toutes les actions d'Octave & tous ses réglemens formerent la royauté. Par cette conduite adroite, dit. M. de Vertot, il accoûtuma des hommes libres à la servitude, & rendit une monarchie nouvelle supportable à d'anciens républicains.

On ne peut guere ici se refuser à des réflexions qui naissent des divers faits qu'on vient de rapporter.

La constitution de Rome dans les dangers de la république, auxquelsil falloit de grands & de prompts remedes, avoit besoin d'une magistrature qui pût y pourvoir. Il falloit dans les tems de troubles & de calamités, pour y remédier promptement, fixer l'administration entre les mains d'un seul citoyen; il falloit réunir dans sa personne les honneurs & la puissance de la magistrature, parce qu'elle représentoit la souveraineté: il falloit que cette magistrature s'exerçât avec éclat, parce qu'il s'agissoit d'intimider le peuple, les brouillons & les ennemis: il falloit que le dictateur ne fût créé que pour cette seule affaire, & n'eût une autorité sans bornes qu'à raison de cette affaire, parce qu'il étoit toùjours créé pour un cas imprévù: il falloit enfin dans une telle magisstrature, sous laquelle le souverain baissoit la tête & les lois populaires se taisoient, compenser la grandeur de sa puissance par la briéveté de sa durée. Six mois furent le terme fixe; un terme plus court n'eût pas suffi, un terme plus long eût été dangereux. Telle étoit l'institution de la dictature: rien de mieux & de plus sagement établi, la république en éprouva long - tems les avantages.

Mais quand Sylla, dans la faveur de ses succès, eut donné les terres des citoyens aux soldats, il n'y eut plus d'homme de guerre qui ne cherchât des occasions d'en avoir encore davantage. Quand il eut inventé les proscriptions, & mis à prix la tête de ceux qui n'étoient pas de son parti, il fut impossible de s'attacher à l'érat, & de demeurer neutre entre les deux premiers ambitieux qui s'éleveroient à la domination. Des - lors il ne regna plus d'amour pour la patrie, plus d'union entre les citoyens, plus de vertus: les troupes ne furent plus celles de la république, mais de Sylla, de Pompée, & de César. L'ambition secondée des armes, s'empara de la puis sance, des charges, des honneurs; anéantit l'autorité des magistrats, &, pour le dire en un mot, bouleversa la république: sa liberté & ses foibles restes de vertus s'évanoüirent promprement. Devenue de plus en plus esclave sous Auguste, Tibere, Caïus, Claude, Néron, Domitien, quelqués - uns de ses coups porterent sur les tyrans, aucun ne porta sur la tyrannie.

Voilà le précis de ce que je connois de mieux sur [p. 958] cette matiere; je l'ai tiré principalement de l'histoire des révolutions de la république romaine & de l'esprit des lois, & alors j'ai conservé dans mon extrait, autant que je l'ai pû, le langage de ces deux écrivains: irois - je à l'éloquence altérer son parler, comme disoit Montagne? Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DICTATURE (Page 4:958)

DICTATURE, s. f. (Droit public & Hist. mod.) On donne ce nom en Allemagne, dans la ville où se tient la diete de l'empire, à une assemblée des secrétaires de légation, ou cancellistes des différens princes & états, qui se tient dans une chambre au milieu de laquelle est élevé un siége destiné pour le secrétaire de légation de l'électeur de Mayence. Ce secrétaire dicte de - là aux secrétaires de légations des princes à qui il appartient, les mémoires, actes, protestations & autres écrits qui ont eté portés au directoire de l'empire, & ils les écrivent sous sa dictée.

La dictature est ou publique ou particuliere. La dictature publique est celle dans laquelle on dicte aux secrétaires des légations de tous les princes & états de l'empire, qui sont assis & écrivent sur des tables particulieres. La dictature particuliere est celle dans laquelle la dictée ne se fait qu'aux secrétaires des états d'un certain collége de l'empire, c'est - à - dire à ceux des électeurs, ou à ceux des princes, ou à ceux des villes libres.

On nomme encore dictature particuliere, celle dans laquelle ou les états catholiques ou les états protestans ont quelque chose à se communiquer entr'eux en particulier. ( - )

DICTÉE (Page 4:958)

DICTÉE, s. f. (Belles - Lett.) terme d'école, qui signifie les leçons que les étudians écrivent & que le professeur leur dicte. On appelle aussi dictée, l'action du professeur qui lit à haute voix & très - posément la partie de ses cahiers que les écoliers copient. On prend des dictées ou des cahiers en Philosophie, en Sorbonne, en Droit & en Medecine. (G)

Dictée (Page 4:958)

* Dictée, adj. (Mythol.) surnom qu'on donne à Jupiter, d'un antre de Crete où il naquit & fut élevé par Rhéa sa mere.

DICTION (Page 4:958)

DICTION, s. f. (Belles - Lett.) maniere de s'exprimer d'un écrivain ou d'un auteur: c'est ce qu'on nomme autrement élocution & style. Voyez Élocution & Style.

On conyient que les différens genres d'écrire exigent'une diction différente; que le style d'un historien, par exemple, ne doit pas être le même que celui d'un orateur; qu'une dissertation ne doit pas être écrite comme un panégyrique, & que le style d'un prosateur doit être tout - à - fait distingué de celui d'un poëte: mais on n'est pas moins d'accord sur les qualités générales communes à toute sorte de diction, en quelque genre d'ouvrages que ce soit. 1°. Elle doit être claire, parce que le premier but de la parole étant de rendre les idées, on doit parler non seulement pour se faire entendre, mais encore de maniere qu'on ne puisse point ne pas être entendu. 2°. Elle doit être pure, c'est - à - dire ne consister qu'en termes qui soient en usage & corrects, placés dans leur ordre naturel; également dégagée & de termes nouveaux, à moins que la nécessité ne l'exige, & de mots vieillis ou tombés en discrédit. 3°. Elle doit être élégante, qualité qui consiste principalement dans le choix, l'arrangement & l'harmonie des mots; ce qui produit aussi la variété. 4°. Il faut qu'elle soit convenable, c'est - à - dire assortie au sujet que l'on traite.

L'Eloquence, la Poésie, l'Histoire, la Philosophie, la Critique, &c. ont chacune leur diction propre & particuliere, quise subdivise & se diversifie encore, relativement aux différens objets qu'embrassent & que traitent ces Sciences. Le ton d'un pané<cb-> gyrique & celui d'un plaidoyer sont aussi différens entr'eux, que le style d'une ode est différent de celui d'une tragédie, & que la diction propre à la comédie est elle - même différente du style lyrique ou tragique. Une histoire proprement dite ne doit point avoir la sécheresse d'un journal, des fastes ou des annales, qui sont pourtant des monumens historiques, & ceux - ci n'admettent pas les plus simples ornemens qui peuvent convenir à l'Histoire, quoique pour le fond ils exigent les mêmes regles. On trouvera sous les mots Histoire, Poesie, &c. ce qui concerne plus particulierement le style propre à chacune; & sous les mots Élocution & Style, des principes généraux développés, & applicables à toute sorte de diction. Voyez aussi Éloquence, Élégance, &c. (G)

DICTIONNAIRE (Page 4:958)

DICTIONNAIRE, s. m. (Ordre Encycl. Entend. Raison. Philos. ou science de l'homme; Logiq. Art de communiquer, Grammaire, Dictionn.) ouvrage dans lequel les mots d'une langue sont distribués par ordre alphabétique, & expliqués avec plus ou moins de détail, selon l'objet qu'on se propose.

On peut distinguer trois sortes de dictionnaires; dictionnaires de langues, dictionnaires historiques, & dictionnaires de Sciences & d'Arts: division qu'on pourroit présenter sous un point de vûe plus général, en cette sorte; dictionnaires de mots, dictionnaires de faits, & dictionnaires de choses: néanmoins nous retiendrons la premiere division, parce qu'elle nous paroît plus commode & même plus précise.

En effet, un dictionnaire de langues, qui paroît n'être qu'un dictionnaire de mots, doit être souvent un dictionnaire de choses quand il est bien fait: c'est alors un ouvrage très - philosophique. Voyez Grammaire.

Un dictionnaire de Sciences ne peut & ne doit être qu'un dictionnaire de faits, toutes les fois que les causes nous sont inconnues, c'est - à - dire presque toûjours. Voyez Physique, Métaphysique, &c. Enfin un dictionnaire historique fait par un philosophe, sera souvent un dictionnaire de choses: fait par un écrivain ordinaire, par un compilateur de Mémoires & de dates, il ne sera guere qu'un dictionnaire de mots.

Quoi qu'il en soit, nous diviserons cet article en trois parties, relatives à la division que nous adoptons pour les différentes especes de dictionnaires.

Dictionnaire de Langues (Page 4:958)

Dictionnaire de Langues. On appelle ainsi un dictionnaire destiné à expliquer les mots les plus usuels & les plus ordinaires d'une langue; il est distingué du dictionnaire historique, en ce qu'il exclut les faits, les noms propres de lieux, de personnes, &c. & il est distingué du dictionnaire de Sciences, en ce qu'il exclut les termes de Sciences trop peu connus & familiers aux seuls savans.

Nous observerons d'abord qu'un dictionnaire de langues est ou de la langue qu'on parle dans le pays où le dictionnaire se fait, par exemple, de la langue françoise à Paris; ou de langue étrangere vivante, ou de langue morte.

Dictionnaire de langue françoise. Nous prenons ces sortes de dictionnaires pour exemple de dictionnaire de langue du pays; ce que nous en dirons pourra s'appliquer facilement aux dictionnaires anglois faits à Londres, aux dictionnaires espagnols faits à Madrid, &c.

Dans un dictionnaire de langue françoise il y a principalement trois choses à considérer; la signification des mots, leur usage, & la nature de ceux qu'on doit faire entrer dans ce dictionnaire. La signification des mots s'établit par de bonnes définitions (voyez Définition); leur usage, par une excellente syntaxe (voyez Syntaxe); leur nature enfin, par l'objet du dictionnaire même. ces trois objets principaux on peut en joindre trois autres

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