ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"935"> lytiques, topiques & elenchiques. Voyez Syllogisme, Topique, Proposition , &c.

La cinquieme est la dialectique des Stoïciens, qu'ils appellent une partie de philosophie, & qu'ils divisent en rhétorique & dialectique, auxquelles on ajoûte quelquefois la définitive, par laquelle on définit les choses avec justesse; on y comprend aussi les regles ou le criterium de la vérité. Voyez Evidence, Vérité, &c.

Les Stoïciens, avant que d'arriver au traité des syllogismes, s'arrêtoient à deux objets principaux, sur la signification des mots, & sur les choses signifiées. A l'occasion du premier article, ils considéroient la multitude des choses qui sont du ressort des Grammairiens, ce que l'on doit entendre par lettres, combien il y en a; ce que c'est qu'un mot, une diction, une parole ou un discours, &c.

Quant au second article, ils considéroient les choses elles - mêmes, non pas en tant qu'elles sont hors de l'esprit, mais en tant qu'elles y sont reçûes par le canal des sens: ainsi leur premier principe est qu'il n'y a rien dans l'entendement qui n'ait passé par les sens, nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu; & que cela vient aut incursione sui, comme un objet que l'on voit; aut similitudine, comme par un portrait; aut proportione, soit par l'augmentation comme un géant, soit par la diminution comme un pygmée; aut translatione, comme un cyclope; aut compositione, comme un centaure; aut contrario, comme la mort; aut privatione, comme un aveugle. Voyez Stoïciens.

La sixieme est la dialectique d'Epicure; car quoiqu'il semble que ce philosophe ait méprisé la dialectique, il l'a cultivée avec beaucoup d'ardeur: il rejettoit seulement celle des Stoïciens, qui attribuoient, selon lui, à leur dialectique beaucoup plus qu'ils ne devoient, parce qu'ils disoient que le seul sage étoit celui qui étoit bien versé dans la dialectique. Pour cette raison Epicure paroissant ne faire aucun cas de la dialectique commune, eut recours à un autremoyen, c'est - à - dire à certaines regles ou principes qu'il substitua en sa place, & dont la collection fut appeliée canonica. Et comme toutes les questions en Philosophie roulent sur les choses ou sur les mots, de re ou de voce, il fit des regles particulieres pour chacun de ces objets. Voyez Epicuriens. Chambers.

DIALÉLE (Page 4:935)

DIALÉLE, s. m. (Logique.) argument des Sceptiques ou Pyrrhoniens, & le plus formidable de tous ceux qu'ils employent contre les Dogmatiques: c'est ainsi qu'en a jugé M. Bayle, si versé lui - même dans toutes les ruses du scepticisme. Il consistoit à faire voir que la plûpart des raisonnemens reçûs dans les Sciences, sont des cercles vicieux qui prouvent une chose obscure & incertaine, par une autre également obscure & incertaine, & ensuite cette seconde par la premiere.

Pour concevoir ce que c'est que le dialéle, imaginons - nous que deux personnes inconnues nous viennent trouver. Titius que nous ne connoissons pas, nous assûre que Mévius, que nous connoissons aussi peu, est un fort honnête homme; & pour preuve qu'il dit vrai, il nous renvoye à Mévius, qui nous assúre que Titius n'est pas un menteur. Pouvons - nous avoir la certitude que Mévius est un honnête homme, & que Titius qui le dit n'est pas menteur? Pas plus que si ni Titius ni Mévius ne nous rendoient aucun témoignage l'un en faveur de l'autre. Voilà l'image d'un dialéle. Si deux hommes sont tels que je ne puisse connoître le premier que par le second, ni le second que par le premier, il est impossible que je connoisse certainement ni le premier ni le second. De même, si deux choses sont telles que je ne puisse connoître la premiere que par la seconde, ni la seconde que par la premiere, il est impessible que je connoisse avec aucune certitude ni la premiere ni la seconde. Voilà le principe sur lequel un pyrrhonien se fonde, pour faire voir que nous n'avons presqu'aucune idée de quoi que ce soit, & que presque tous nos raisonnemens ne sont que des cercles vicieux. Le principe est incontestable. Le pyrrhonien raisonne ainsi, en suivant son principe.

Il faudroit, selon lui, trouver le secret de restraindre ce principe dans de certaines bornes, au - delà desquelles il ne fût plus recevable; mais qui les posera ces bornes? Vous croyez avoir l'idée d'un arbre, par exemple; point du tout, un pyirhonien vous prouvera que vous n'en avez aucune. Ou votre idée, vous dira - t - il, est conforme à l'objet, ou elle n'y est pas conforme: si elle n'y est pas conforme, vous n'en avez pas l'idée? Si vous dites qu'elle y est conforme, comment prouverez - vous cela? Il faudra que vous connoissiez cet objet avant que d'en avoir l'idée, afin que vous puissiez dire & être assûré que votre idée y est conforme. Mais bien loin de cela, vous ne sauriez pas même si cet objet existe, si vous n'en aviez l'idée, & vous ne le connoissez que par l'idée que vous en avez; au lieu qu'il faudroit que vous connussiez cet objet avant toutes choses, pour pouvoir dire que l'idée que vous en avez est l'idée de cet objet. Je ne puis connoître la vérité de mon idée, que par la connoissance de l'objet dont elle est l'idée; mais je ne puis connoître cet objet que par l'assûrance que j'aurai de la vérité de mon idée. Si vous répondez que vous connoissez la vérité de votre idée par votre idée elle - même, ou par l'évidence, vous vous exposerez à des objections très - embarrassantes que l'on vous fera sur les idées fausses & vraies, sur l'évidence, & enfin sur ce qu'une opinion contestée & non prouvée, ne peut pas se servir de preuve à elle - même. Pourquoi, vous dira - t - on, voulez - vous que l'idée que vous avez d'un arbre soit plus conforme à ce qui est au - dehors de vous, que l'idée que vous avez de la douceur ou de l'amertume, de la chaleur ou du froid, des sons & des couleurs? Or on convient qu'il n'y a rien hors de nous & dans les objets, qui soit semblable aux idées que leur présence nous donne: donc vous n'avez aucune preuve démonstrative qu'il y ait au - dehors de vous quelque chose qui soit conforme à l'idée que vous avez d'un arbre. Voilà ce qui fait dire aux Pyrrhoniens que nous pouvons bien dire que nous croyons appercevoir tels & tels objets, telles & telles qualités; mais que nous n'en pouvons rien conclure pour l'existence réelle de ces objets & de ces qualités. Au fond on pourroit leur répondre par un concedo totum. Mon existence est certaine: il est certain que je sens ce que je sens, & que j'ai telles idées présentes à l'esprit. Il n'est pas également certain si les objets extérieurs répondent à ces idées; mais qu'importe, c'est sur mes idées que je raisonne, ce sont elles que j'examine, que je compare, & dont je tire des conclusions qui sont incontestables, quand même il n'existeroit rien hors de moi. Lisez la préface que M. Huart a mise à la tête de sa traduction des hypotheses pyrrhonionnes, imprimée en 1728. Voyez Corps. Cet article est de M. Formey.

DIALIES (Page 4:935)

DIALIES. s. m. (Hist. anc. & Myth.) sacrifice que faisoit chez les anciens le dialis. Voyez Dialis.

Ce n'étoit pas tellement une nécessité que les dialies fussent faits par le flamen dialis, que d'autres ne pûssent les offrir: on voit même dans Tacite, ann. lib. III. cap. lviij. que s'il étoit malàde ou retenu par quelque fonction publique, les pontifes prenoient sa place. Struv. antiq. rom. (G)

DIALIS (Page 4:935)

DIALIS, s. m. terme d'Antiquaire, mot formé de DI/OS2 génitif de ZEU=S2, qui signifie ce qui appartient à Jupiter. On appelloit ainsi un des flamen, ou prêtres de Jupiter. Les fonctions dece prêtre furent établies à Ro<pb-> [p. 936] me par Numa Pompilius, le pere de toutes les cérémonies religieuses des anciens Romains. Tit. Liv. lib. I. Voyez Flamen. (G)

DIALOGUE (Page 4:936)

DIALOGUE, s. m. (Belles - lettres.) entretien de deux ou de plusieurs personnes, soit de vive voix, soit par écrit. Voyez Dialectique.

Ce mot vient du latin dialogus, & celui - ci du grec DIALO/GOS2, qui signifie la même chose.

Le dialogue est la plus ancienne façon d'écrire, & c'est celle que les premiers auteurs ont employée dans la plûpart de leurs traités. M. de Fenelon archevêque de Cambray, a très - bien fait sentir le pouvoir & les avantages du dialogue, dans le mandement qui est à la tête de son instruction pastorale en forme de dialogue. Le saint Esprit même n'a pas dédaigné de nous enseigner par des dialogues. Les saints peres ont suivi la même route; saint Justin, saint Athanase, saint Basile, saint Chrysostome, &c. s'en sont servis très - utilement, tant contre les Juifs & les Payens, que contre les hérétiques de leur siecle.

L'antiquité prophane avoit aussi employé l'art du dialogue, non - seulement dans les sujets badins, mais encore pour les matieres les plus graves. Du premier genre sont les dialogues de Lucien, & du second ceux de Platon. Celui - ci, dit l'auteur d'une préface qu'on trouve à la tête des dialogues de M. de Fenelon sur l'éloquence, ne songe en vrai philosophe qu'à donner de la force à ses raisonnemens, & n'affecte jamais d'autre langage que celui d'une conversation ordinaire; tout est net, simple, familier. Lucien au contraire met de l'esprit par - tout; tous les dieux, tous les hommes qu'il fait parler, sont des gens d'une imagination vive & délicate. Ne reconnoît - on pas d'abord que ce ne sont ni les hommes ni les dieux qui parlent, mais Lucien qui les fait parler? On ne peut cependant pas nier que ce ne soit un auteur original qui a parfaitement réussi dans ce genre d'écrire. Lucien se mocquoit des hommes avec finesse, avec agrément; mais Platon les instruisoit avec gravité & sagesse. M. de Fenelon a sû imiter tous les deux, selon la diversité de ses sujets: dans ses dialogues des morts on trouve toute la délicatesse & l'enjouement de Lucien; dans ses dialogues sur l'éloquence il imite Platon: tout y est naturel, tout est ramené à l'instruction; l'esprit disparoît, pour ne laisser parler que la sagesse & la vérité.

Parmi les anciens, Cicéron nous a encore donné des modeles de dialogues dans ses admirables traités de la vieillesse, de l'amitié, de la nature des dieux, ses tusculanes, ses questions académiques, son Brutus, ou des orateurs illustres. Erasme, Laurent Valle, Textor & d'autres, ont aussi donné des dialogues; mais parmi les modernes, personne ne s'est tant distingué en ce genre que M. de Fontenelle, dont tout le monde connoît les dialogues des morts. (G)

Quoique toute espece de dialogue soit une scene, il ne s'ensuit pas que tout dialogue soit dramatique. Le dialogue oratoire ou philosophique n'est que le développement des opinions ou des sentimens de deux ou de plusieurs personnages; le dialogue dramatique forme le tissu d'une action. Le premier ne tend qu'à établir une vérité, le second a pour objet un évenement: l'un & l'autre a son but, vers lequel il doit se diriger par le chemin le plus court; mais autant que les mouvemens du coeur sont plus rapides que ceux de l'esprit, autant le dialogue dramatique doit être plus direct & plus précis que le dialogue philosophique ou oratoire.

Dialogue sans objet, mauvais dialogue. Tels sont les églogues en général, & particulierement celles de Virgile. Qu'on se rappelle l'entretien de Melibée avec Titire dans la premiere des bucoliques. Mel. Titire, vous joüissez d'un plein repos. Tit. C'est un dieu qui me l'a procuré. Mel. Quel est ce dieu bienfaisant? Tit. Insensé, je comparois Rome à notre petite ville. Mel. Et quel motif si pressant vous a conduit à Rome? Tit. Le desir de la liberté, &c. Les admirateurs de Virgile, du nombre desquels nous faisons gloire d'être, ne peuvent se dissimuler que Titire ne répond point à cette question de Mélibée, quel est ce dieu? C'est - là qu'il devoit dire: je l'ai vû à Rome, ce jeune héros, pour qui nos autels fument douze fois l'an. Melib. A Rome! & qui vous y conduit? Titire. Le desir de la liberté, &c. Ce défaut est ehcore plus sensible dans la troisieme églogue où deux bergers parlent tour - à tour & sans suite, l'un de Jupiter, l'autre d'Apollon; l'un de sa Galatée, l'aútre de son Amintas; & puis d'une Philis, & puis encore d'Amintas & de Galatée, de Pollion, de Bavius, de Mevius, &c. Il ne s'agit point ici du naturel & des images qui font le charme de ces pastorales, & que nous admirons d'aussi bonne foi que leurs plus zélés partisans. Il s'agit du dialogue dont les modernes ont infiniment mieux connu l'artifice dans ce genre de poésie. Voyez le Pastor fido, & l'Aminte.

Qu'on ne dise pas qu'un dialogue sans suite peint mieux un entretien de bergers. On doit choisir la belle nature dans le pastoral comme dans l'héroïque, & la naïveté n'exclud pas la justesse.

C'est sur - tout, comme nous l'avons dit, dans la poésie dramatique que le dialogue doit tendre à son but. Comme l'objet en intéresse vivement chacun des interlocuteurs, il est hors de la vraissemblance qu'aucun d'eux s'oublie ou s'en écarte. Un personnage qui, dans une situation intéressante, s'arrête à dire de belles choses qui ne vont point au fait, ressemble à une mere qui cherchant son fils dans les campagnes, s'amuseroit à cueillir des fleurs en chemin.

Cette regle qui n'a point d'exception réelle, en a quelques - unes d'apparentes. Il est des scenes, où ce que dit l'un des personnages, n'est pas ce qui occupe l'autre. Celui - ci plein de son objet se répond à lui - même. On flate Armide sur sa beauté, sur sa jeunesse, sur le pouvoir de ses enchantemens. Rien de tout cela ne dissipe la rêverie où elle est plongée. On lui parle de ses triomphes, & des captifs qu'elle a faits. Ce mot seul touche à l'endroit sensible de son ame, sa passion se réveille & rompt le silence.

Je ne triomphe pas du plus vaillant de tous, Renaud, &c.

Mérope, à l'exemple d'Armide, entend, sans l'écouter, tout ce qu'on lui dit de ses prospérités & de sa gloire. Elle avoit un fils; elle l'a perdu; elle l'attend. Ce sentiment seul intéresse.

Quoi, Narbas ne vient point! Reverrai - je mon fils?

Il est des situations où l'un des personnages détourne exprès le cours du dialogue, soit crainte, ménagement, ou dissimulation; mais alors même le dialogue tend à son but, quoiqu'il semble s'en écarter. Toutefois il ne prend ces détours que dans des situations modérées: quand la passion devient impétueuse & rapide, les replis du dialogue ne sont plus dans la nature. Un ruisseau serpente, un torrent se précipite.

Suivant le même principe, une des qualités essentielles du dialogue, c'est d'être coupé à - propos. Il est, comme nous l'avons dit dans l'art. Déclamation, des situations où le respect, la crainte, &c. retiennent la passion, & lui imposent silence. Dans tous autres cas le dialogue est vicieux dès que la replique se fait attendre: défaut que les plus grands maîtres n'ont pas toûjours évité. Corneille a donné

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