ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"937"> en même tems l'exemple & la leçon de l'attention qu'on doit apporter à la vérité du dialogue. Dans la scene d'Auguste avec Cinna, Auguste va convaincre de trahison & d'ingratitude un jeune homme fier & bouillant, que le seul respect ne sauroit contraindre à l'écouter sans l'interrompre, à moins d'une loi expresse. Corneille a donc préparé le silence de Cinna par l'ordre le plus important; & ces vers qu'on a tant & si mal - à - propos condamnés comme superflus, sont la plus digne préparation de la plus belle scene qui soit au théatre. Cependant malgré la loi que fait Auguste à Cinna de tenir sa langue captive, dès qu'il arrive à ce vers:

Cinna, tu t'en souviens, & veux m'assassiner.

Cinna s'emporte, & veut répondre: mouvement naturel & vrai, que le grand peintre des passions n'a pas manqué de saisir. C'est ainsi que la replique doit partir sur le trait qui la sollicite. Les récapitulations ne sont placées que dans les délibérations & les conférences politiques.

On peut distinguer par rapport au dialogue quatre formes de scenes dans la tragédie: dans la premiere, les interlocuteurs s'abandonnent aux mouvemens de leur ame, sans autre motif que de l'épancher. Ce sont autant de monologues qui ne conviennent qu'à la violence de la passion, & qui dans tout autre cas, sans en excepter les expositions, doivent être exclus du théatre comme froids & superflus. Dans la seconde, les interlocuteurs ont un dessein commun qu'ils concertent ensemble, ou des secrets intéressans qu'ils se communiquent. Telle est la belle scene d'exposition entre Emilie & Cinna: cette forme de dialogue est froide & lente, à moins qu'elle ne porte sur un intérêt très - pressant. La troisieme, est celle où l'un des interlocuteurs a un projet, ou des sentimens qu'il veut inspirer à l'autre. Telle est la scene de Nerestan avec Zaïre: comme l'un des personnages n'y est point en action, le dialogue ne sauroit être ni rapide, ni varié. & ces sortes de scenes ont besoin de beaucoup d'eloquence. Dans la quatrieme, les interlocuteurs ont des vûes, des sentimens, ou des passions qui se combattent, & c'est la forme de scene la plus favorable au théatre: il arrive souvent dans celle - ci que tous les personnages ne se livrent pas au dialogue, quoiqu'ils soient tous en action & en situation. Telle est dans le sentiment la scene de Burrhus avec Néron; dans la véhémence, celle de Palamede avec Oreste & Electre; dans la politique, celle de Cléopatre avec Antiochus & Seleucus; dans la passion, la déclaration de Phedre: & alors cette forme, comme la précédente, demande d'autant plus de force & de chaleur dans le style, qu'elle est moins animée par le dialogue. Quelquefois tous les interlocuteurs se livrent aux mouvemens de leur ame, & se heurtent à découvert. Voilà, ce me semble, les scenes qui doivent le plus échauffer l'imagination du poëte, cependant on en voit peu d'exemples, même dans nos meilleurs tragiques; si l'on excepte Corneille qui a poussé la vivacité, la force, & la justesse du dialogue au plus haut degré de perfection. L'extrème difficulté de ces scenes vient de ce qu'il faut à la fois que le sujet en soit très - important, que les caracteres soient parfaitement contrastés, qu'ils ayent des intérêts opposés, également vifs, & fondés sur des sentimens qui se balancent; enfin, que l'ame des spectateurs soit tour - à - tour entraînée vers l'un & l'autre parti, par la force des repliques. On peut citer pour modele, en ce genre, la délibération entre Auguste, Cinna & Maxime; la premiere scene de la mort de Pompée, ce chef - d'oeuvre des expositions; la scene entre Horace & Curiace; celle entre Felix & Pauline; la conférence de Pompée avec Sertorius; enfin, plusieurs scenes d'Héraclius & du Cid, & sur - tout cette admirable scene entre Chimene & Rodrigue, où l'on a relevé, d'après le malheureux Scudéri, quelques jeux trop recherchés dans l'expression, sans dire un mot de la beauté du dialogue, de la noblesse & du naturel des sentimens, qui rendent cette scene une des plus pathétiques du théatre.

En général, le desir de briller a beaucoup nui au dialogue de nos tragédies: on ne peut se résoudre à faire interrompre un personnage à qui il reste encore de bonnes choses à dire, & le goût est la victime de l'esprit. Cette malheureuse abondance n'étoit pas connue de Sophocle & d'Furipide; & si les modernes ont quelque chose à leur envier, c'est l'aisance, la précision, & le naturel qui regnent dans leur dialogue.

Le dialogue est encore plus négligé dans les comédies modernes. Nous n'avons point ce reproche à faire à Moliere; il dialogue comme la nature, & l'on ne voit pas dans toutes ses pieces un seul exemple d'une replique hors de propos: mais autant que ce maître des comiques s'attache à la vérité, autant ses successeurs s'en éloignent; la facilité du public à applaudir les tirades, les portraits, a fait de nos scenes de comédie des galeries en découpure. Un amant reproche à sa maîtresse d'être coquette; elle répond par une définition de la coquetterie. C'est sur le mot qu'on répond, & presque jamais sur la chose. La repartie sur le mot est quelquefois plaisante, mais ce n'est qu'autant qu'elle va au fait. Qu'un valet, pour appaiser son maître qui menace un homme de lui couper le nez, lui dise:

Queferiez - vous, Monsieur, du nez d'un marguillier?
le mot est lui - même une raison. La lune toute en tiere de Jodelet est encore plus comique. C'est une naïveté excellente, & l'on sent bien que ce n'est pas là un de ces jeux de mots que nous condamnons dans le dialogue.

Ces écarts du dialogue viennent communément de la stérilité du fond de la scene, & d'un vice de constitution dans le sujet. Si la disposition en étoit telle, qu'à chaque scene on partît d'un point pour arriver à un point déterminé, ensorte que le dialogue ne dût servir qu'aux progrès de l'action, chaque replique seroit un nouveau pas vers le dénouement des chaînons de l'intrigue; en un mot, un moyen de noüer ou de développer, de préparer une situation, ou de passer à une situation nouvelle; mais dans la distribution primitive, on laisse des intervalles vuides d'action. Ce sont ces vuides qu'on veut remplir, & de - là les excursions du dialogue. Voyez Intrigue. Article de M. Marmontel.

Dialogue (Page 4:937)

Dialogue, en terme de Musique, est une composition au moins à deux voix ou à deux instrumens qui se répondent l'un à l'autre, & qui souvent se réunissent en duo. La plûpart des scenes des opéra, sont en ce sens des dialogues. Mais ce mot en Musique s'applique plus précisément à l'orgue; c'est sur cet instrument qu'un organiste joue des dialogues en se répondant avec différens jeux, ou sur différens claviers. (S)

DIALTHÉE (Page 4:937)

DIALTHÉE, s. f. terme de Pharmacie, qui se dir d'un onguent dont la racine d'althéa ou de guimauve fait la base. V. Althea.

Il consiste en mucilages extraits de cette racine, des graines de lin & de senegré: les autres ingrédiens sont l'huile commune, la cire, la résine, & la térébenthine.

Cet onguent passe pour avoir la propriété d'amollir & de résoudre, d'appaiser les douleurs de côté, de ramollir les calus, & de fortifier les nerfs. Pour [p. 938] l'appliquer on en frotte la partie affectée. Voyez Onguent, Emplatre, & Liniment. Chambers.

DIAMANT (Page 4:938)

DIAMANT, adamas, s. m. (Hist. nat. Minéral.) De toutes les matieres dont les hommes sont convenus de faire la représentation du luxe & de l'opulence, le diamant est la plus précieuse: les métaux les plus purs, l'or & l'argent, ne sont que des corps bruts en comparaison du diamant. Il réunit les plus belles couleurs de l'hyacinthe, de la topase, de l'émeraude, du saphir, de l'amétiste, du rubis, &c. & il surpasse toutes ces pierres par son éclat. Non - seulement il est plus brillant que toute autre matiere minérale, mais il est aussi plus dur. Sa dureté & sa pesanteur spécifique font son vrai caractere distinctif pour les Naturalistes. Sa dureté & sa transparence sont la cause du poli vif dont il est susceptible, & des reflets éclatans dont il frappe les yeux. Le diamant possede toutes ces qualités à un degré si éminent, que dans tous les siecles, & chez toutes les nations policées, il a été regardé comme la plus belle des productions de la nature dans le regne minéral: aussi a - t - il toûjours été le signe le plus en valeur dans le commerce, & l'ornement le plus riche dans la société.

Il y a très - peu de mines de diamans; c'est ainsi que l'on nomme les lieux où l'on trouve cette pierre. Il semble que la Nature soit avare d'une matière si parfaite & si belle. Jusqu'à ce siecle on ne connoissoit de mines de diamant que dans les Indes orientales; mais on en a trouvé depuis en Amérique, dans le Bresil: cette découverte donne lieu d'espérer que dans la suite on pourra en trouver encore d'autres.

Les mines de diamant connues en Asie sont dans les royaumes de Visapour, de Golconde, de Bengale, sur les bords du Gange, dans l'île de Borneo. On dit qu'il y en a aussi dans le royaume de Pégu.

La mine de Raolconda est dans la province de Carnatica, à cinq journées de Golconde, & à huit ou neuf de Visapour. Dans ce lieu la terre est sablonneuse, pleine de rochers, & couverte de taillis. Les roches sont séparées par des veines de terre d'un demi - doigt, & quelquefois d'un doigt de largeur; & c'est dans cette terre que l'on trouve les diamans. Les mineurs tirent la terre avec des fers crochus; ensuite on la lave dans des vaisseaux convenables pour en séparer les diamans. On répete cette opération deux ou trois fois, jusqu'à ce qu'on soit assûré qu'il n'en reste plus.

La mine appellée gani en langue du pays, & coulour en langue persienne, est à sept journées de Golconde du côté du levant. Il y a souvent jusqu'à soixante mille ouvriers, hommes, femmes, & enfans, qui exploitent cette mine. Lorsqu'on est convenu de l'endroit que l'on veut fouiller, on en applanit un autre aux environs, & on l'entoure de murs de deux piés de haut, & d'espace en espace on laisse des ouvertures pour écouler les eaux; ensuite on fouille le premier endroit: les hommes ouvrent la terre, les femmes & les enfans la transportent dans l'autre endroit qui est entouré de murs. La fouille ne va pas à plus de douze ou quatorze piés, parce qu'à cette profondeur on trouve l'eau. Cette eau n'est pas inutile; on en puise autant qu'il en faut pour laver la terre qui a été transportée; on la verse par - dessus, & elle s'écoule par les ouvertures qui sont au pié des murs: la terre ayant été lavée deux ou trois fois, on la laisse sécher, & ensuite on la vanne dans des paniers faits à - peu - près comme les vans dont nous nous servons en Europe pour les grains. Après cette opération on bat la terre grossiere qui reste, pour la vanner de nouveau deux ou trois fois; alors les ouvriers cherchent les diamans à la main, & ils manient cette terre jusqu'à ce qu'ils les ayent tous retirés.

On avoit encore découvert deux autres mines de diamans; l'une entre Coulour & Raolconda, & l'autre dans un endroit de la province de Carnatica; mais elles ont été abandonnées presqu'aussi - tôt que découvertes, parce que les diamans que l'on en tiroit étoient défectueux: ceux de la mine de Carnatica étoient noirs ou jaunes; il n'y en avoit aucun de bonne eau: ceux de l'autre mine se mettoient en morceaux lorsqu'on les égrisoit, & ils ne pouvoient pas résister à la roue. Tavernier, voyage des Indes, liv. II. ch. xv. & xvj.

On trouve dans les transactions philosophiques la description de plusieurs mines de diamans de la côte de Coromandel, présentée en 1678 à la société royale par le grand maréchal d'Angleterre, qui avoit parcouru & visité les mines qu'il décrit.

Les mines de diamans sont près des montagnes qui s'étendent depuis le cap Comorin jusque dans le royaume de Bengale: il y a sur ces montagnes, dit l'auteur, un peuple appellé Hundus, gouverné par de petits souverains qui portent le nom de rasacs; ce peuple ne travaille qu'à un petit nombre de mines, & avec précaution, dans la crainte d'attirer les Noirs qui se sont déjà emparés de la plaine. Les rois de Golconde & de Visapour ne font travailler que certaines mines particulieres, pour ne pas rendre les diamans trop communs, & encore se reservent ils les plus gros; c'est pourquoi il y a en Europe très - peu de diamans d'un grand volume.

Il y avoit du tems de l'auteur vingt - trois mines ouvertes dans le royaume de Golconde.

Celle de Quolure ou Colure, qui est sans doute la même dont il a déjà été fait mention dans cet article sous le nom de Coulour. L'auteur fait observer que c'est la premiere mine que l'on ait ouverte dans le royaume de Golconde, & que les veines en sont presqu'épuisées. La terre en est jaunâtre, & blanche dans les endroits où il y a quantité de petites pierres qui servent d'indice pour les mineurs. Les diamans ne sont pas rassemblés par tas dans les veines de cette mine; on creuse quelquefois un quart d'acre sans en trouver. Ils sont pour l'ordinaire bien formés, pointus, & d'une belle eau: il y en a aussi de jaunes, de bruns, & d'autres couleurs. La plûpart ne pesent que depuis un grain jusqu'à vingt - quatre; cependant il s'en trouve, mais rarement, de quarante, soixante, & quatre - vingt grains: ceux - ci ont une écorce luisante & transparente, & un peu verdâtre, quoique le coeur de la pierre soit d'un beau blanc: on les trouve à trois brasses de profondeur, & on ne creuse pas plus loin parce qu'il y a de l'eau.

Dans les mines de Codardillicub, de Malabar, & de Buttephalem, la terre est rougeâtre, & de couleur approchante de l'orangé. Les diamans y sont plus petits que dans la mine de Colure, mais d'une très - belle eau; leur croûte est crystalline. On creuse cette mine jusqu'à quatre brasses de profondeur.

Les mines de Ramiah, de Garem, & de Muttampellée, ont une terre jaunâtre, & plusieurs de leurs diamans sont d'une eau bleuâtre.

Ceux de la mine de Currure pesent jusqu'à neuf onces poids de Troye, ou quatre - vingts pagos & demi: ils sont bien formés; il y en a peu de petits: ils ont l'écorce luisante, & d'un verd pâle; mais le dedans se trouve très - blanc: la terre est rougeâtre.

La terre & les diamans des mines de Canjecconcta, Lattawaar, ressemblent à celles de Currure, qui n'en est pas éloignée: cependant il y a dans la mine de Lattawaar des diamans qui ont la forme du gros bout d'une lame de rasoir: ils sont d'une très - belle eau.

Dans les mines de Jonagerrée, de Pirai, de Duqullée, de Purwillée, & d'Anuntapellée, la terre est rougeâtre; il y a de gros diamans, d'une très - belle eau.

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