ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"897"> des choses, & désigné ce qui doit arriver à chaque personne

Les Grecs l'appellent EIMARMENH, nexus, chaîne, ou une suite nécessaire de choses liées ensemble d'une maniere indissoluble, & les modernes l'appellent providence. Voyez Providence.

Mais outre qu'on se sert du mot fatum pour signifier la connexion des choses, soit dans la nature, soit même dans la détermination divine; on lui donne encore un sens plus étendu: car on l'employe pour exprimer je ne sai quelle nécessité ou destination éternelle des choses, qui conduit & dirige vers leurs fins tous les agens, soit nécessaires, soit volontaires. Voyez Nécessité.

Quelques auteurs ont divisé la destinée en astrologique & stoïcienne.

Destinée astrologique, signifie une nécessité de choses & d'évenemens qui dépend de l'influence & de la position des corps célestes qui dirigent les élémens, les corps mixtes, & la volonté des hommes.

C'est dans ce sens que Manilius l'employoit souvent: Certum est & inevitabile fatum; materioeque datum est cogi, sed cogere stellis. Voyez Astrologie.

Destinée stoïcienne ou fatalité, suivant la définition qu'en donne Cicéron, est un ordre ou une suite de causes, dans laquelle une cause est enchaînée avec une autre; & c'est ainsi, dit cet auteur, que toutes choses sont produites par une premiere cause.

Chrysippe dit que c'est une succession naturelle & invariable de toutes choses ab oeterno, dont l'une renferme l'autre.

Les dieux mêmes étoient soûmis à cette destinée; en effet un ancien dit: « L'auteur de toutes choses a fait des lois des le commencement, auxquelles il a soùmis toutes choses & lui - même.» Séneque dit aussi: eadem necessitas & deos alligat, irrevocabilis divina pariter & humana cursus vehit: ille ipse omnium conditor & rector seripsit quidem fata, sed sequitur; semel scripsit, semper paret.

Les Poetes appellent cette suite éternelle de causes MOIRAI, & parcoe ou destins. Voyez Stoïcisme & Destin.

Quelques auteurs modernes divisent la destinée, fatum, en physique & divine.

Destinée physique, est l'ordre ou la suite des causes naturelles qui sont appliquées à leurs effets.

Le principe ou fondement de cette destinée est la nature, ou le pouvoir & la maniere d'agir que Dieu a donné dès le commencement aux différens corps, élémens, mixtes, & c. C'est par cette destinée que le feu échauffe, que les corps communiquent leurs mouvemens à chaque autre, que le soleil & la lune occasionnent les marées, & c. & les effets de cette destinée sont tous les évenemens & les phénomenes qu'on remarque dans tout l'univers, excepté ceux qui dépendent de la volonté de l'homme. Voyez Nature.

Destinée divine, est ce que nous appellons ordinaireinent la providence. Voyez Providence.

Platon, dans son Phoedon, les renferme l'une & l'autre dans une même définition, & les regarde comme la même chose considérée activement & passivement. Voici sa définition: Fatum est ratio quoedam divina, lexque naturoe comes quoe transiri nequeat, quippe à causa pendens quoe superior sit quibusvis impedimentis. Cependant celle de Boëce paroît plus claire & plus juste: Fatum, dit - il, est inhoerens rebus mobilibus dispositio, per quam providentia suis quoeque nectit ordinibus. Chambers.

DESTITUTION (Page 4:897)

DESTITUTION D'UN OFFICIER, (Jurispr.) c'est lorsqu'on lui ôte la place & la fonction publique qu'il avoit.

La destitution est différente de la suppression, en ce que celle - ci anéantit l'office, àu lieu que la destitution laisse subsister l'office, mais révoque celui qui en étoit pourvû.

Deux des sages de l'antiquité, Platon & Aristote, ont été partagés sur cette matiere; l'un voulant que les offices fussent perpétuels, c'est - à - dire à vie; l'autre qu'ils fussent annuels, ou du moins pour un bref espace de tems. Les raisons d'état qui peuvent militer pour l'un ou l'autre de ces deux partis, sont expliquées par Bodin en sa républ. liv. IV. ch. jv.

Loyseau estime que dans les états démocratiques il convient mieux que la durée des offices soit pour peu de tems, de peur que les officiers enflés par l'exercice de la puissance publique, ne prétendent s'élever au - dessus de leurs concitoyens; & aussi afin que chacun ait part au gouvernement de l'état: mais que dans les monarchies où l'égalité de conditions n'est pas nécessaire, & où le prince n'a point à craindre que ses officiers s'élevent au - dessus de lui, il est plus convenable que les officiers soient perpétuels, afin qu'une longue expérience les mette en état de faire mieux leurs fonctions, & aussi afin qu'ils y acquierent plus d'autorité.

A Rome du tems de la république, les offices étoient de leur nature annuels; mais ils ne laissoient pas d'être révocables avant l'expiration de l'année. En effet on voit que Tarquin Collatin, le premier des consuls, fut destitué de son office, & Valerius Publicola mis à sa place; que Titus Flaminius autre consul, qui venoit de vaincre les Milanois, fut néanmoins rappellé & déposé, parce que l'on fit entendre au sénat qu'il avoit été élu contre les auspices; que Scipion Nasica & Caius Martius, aussi consuls, furent de même rappellés des provinces où ils commandoient, sous prétexte qu'il manquoit quelque cérémonie à leur élection.

La destitution avoit aussi lieu dans les emplois du sacerdoce; témoins ces deux prêtres de Rome, Cornélius & Céthégus, qui furent destitués de leur prêtrise poar n'avoir pas distribué par ordre les entrailles d'une victime. On destitua de même Quintus Sulpicius, parce que son bonnet étoit tombe de sa tère en sacrifiant.

Caius Flaminius fut destitué de l'office de maître de la cavalerie, parce que lors de sa nomination on avoit oüi le bruit d'une souris.

Les censeurs ôtoient aussi & dégradoient du sénat & de l'ordre des chevaliers ceux qu'il leur plaisoit, pour des causes fort légeres.

Enfin le sénat révoquoit quand il le jugeoit à propos les proconsuls.

Les empereurs révoquoient aussi les présidens & autres gouverneurs des provinces, en leur envoyant un successeur; de sorte que successorem mittere signifioit révoquer l'ancien officier, le destituer.

Mais sous les empereurs les offices, au lieu d'annales comme ils étoient du tems de la république, devinrent presque tous à vie. Ce changement se fit insensiblement, & sans aucune loi; l'officier étoit obligé de continuer ses fonctions jusqu'à l'avenement de son successeur; de sorte que l'empereur ne lui nommant pas de successeur, il continuoit toûjours ses fonctions.

Si les empereurs revoquoient quelquefois certains officiers, ils ne le faisoient jamais sans cause. Aussi Capitolin en la vie d'Antonin, lui donne cette loüange, que successorem viventi bono judici nulli dedit, qu'il ne voulut même destituer aucun des officiers pourvus par Adrien son prédécesseur; & Lampride en sa vie d'Alexandre Sévere, remarque que quand cet empereur donnoit un successeur à quelqu'officier, c'étoit toûjours avec ces termes, gratias tibi agit respublica, de manierè que l'officier étoit remercié honnêtement.

Il y avoit aussi chez les Romains des commissions [p. 898] qui étoient différentes des offices, en ce que la fonction des offices étoit ordinaire, & l'autre seulement extraordinaire. Ceux qui étoient chargés de commission, poùvoient aussi être destitués sans attendre la fin de leur commission.

En France, au commencement de la monarchie, tous les offices étoient révocables à la volonté du prince, de même que chez les Romains.

Il y avoit alors trois manieres de conférer certains offices, tels que les prevôtés; on les donnoit à ferme, en garde, ou à titre d'office: quand on ne vouloit pas les donner en titre d'office, ce qui étoit de soi perpétuel, on les donnoit en garde, c'est - à - dire par commission révocable. Dans la suite tous les offices furent conférés en titre, mais avec la clause pour tant qu'il nous plaita, au moyen de quoi ils étoient toûjours révocables; & depuis l'invention de cette clause, on cessa de les donner en garde.

Les grands offices de France, quoiqu'on les qualifie offices de la couronne, & que l'on en fît alors la foi & hommage au roi comme d'un fief, n'étoient pas à couvert de la destitution. Dutillet rapporte plusieurs exemples de telles destitutions, qu'il qualifie décharges, pour montrer qu'elles se faisoient en termes honnêtes.

Les officiers du parlement, tant qu'il ne fut qu'ambulatoire, étoient aussi révocables à volonté, d'autant mieux qu'ils n'étoient pas alors vrais officiers ordinaires, mais de simples commissaires députés une fois ou deux l'année pour juger certaines affaires. Depuis que le parlement eut été rendu sédentaire à Paris par Philippe le Bel, les offices de cette cour n'étoient d'abord qu'annuels. Les troubles qui arriverent sous le regne de Charles VI. étant cause que l'on négligea d'envoyer au commencement de chaque année l'état des nouveaux officiers qui devoient composer le parlement, ceux qui étoient en place se prorogerent d'eux - mêmes pour le bien du service public, en attendant les ordres du roi. Et enfin Louis XI. ayant introduit la vénalité & en même tems la perpétuité des offices, ceux du parlement devinrent ordinaires & perpétuels.

Les ducs & les comtes qui étoient anciennement les magistrats des provinces, étoient d'abord révocables ad nutum; ensuite l'usage vint de ne les point destituer, à moins qu'ils ne fussent convaincus de malversation.

Les baillifs & sénéchaux qui succéderent aux ducs & aux comtes, étoient aussi autrefois révocables; & jusqu'au tems de Louis XII. ils pouvoient à leur gré instituer & destituer leurs lieutenans, lesquels n'étoient proprement que des commissaires par eux délégués, & non de vrais officiers. Mais comme les baillifs & sénéchaux abusoient de ce pouvoir qu'ils avoient de destituer leurs lieutenans, Louis XII. le leur ôta en 1499, leur laissant seulement la liberté d'avertir le roi ou le parlement des malversations que pourroient commettre leurs lieutenans.

Dans le tems même que les offices étoient révocables à volonté, nos rois n'usoient point sans sujet de cette faculté; & le roi Robert est loüé dans l'histoire de ce qu'il n'avoit jamais destitué un seul officier.

Philippe le Bel fut le premier qui voulut rendre les offices perpétuels en France: ayant fait une réforme des officiers qui avoient malversé, il confirma les autres, & ordonna qu'ils ne pourroient être destitués. Mais cela étoit personnel aux officiers en place, & ne formoit pas une regle générale pour l'avenir.

En effet Charles V. dit le Sage ayant pendant la captivité du roi Jean, destitué, par l'avis des trois états, plusieurs des principaux officiers du royaume, mais ayant bien - tôt reconnu que cela avoit accru le parti - du roi de Navarre; il vint au parlement, & y prononça lui - même un arrêt par lequel il déclara que la destitution de ces officiers avoit été faite contre raison & justice, & les rétablit tous.

Louis XI. à son avenement changea aussi la plûpart des principaux officiers; ce qui contribua beaucoup à la guerre civile dite du bien public: c'est pourquoi il ordonna en 1463, qu'à l'avenir les officiers ne pourroient être destitués que pour forfaiture jugée; au moyen dequoi la clause pour tant qu'il nous plaira, que l'on a toûjours continué de mettre dans les provisions, est devenue sans effet, les officiers royaux ne pouvant plus être destitués que pour forfaiture. Louis XI. fit jurer à Charles VIII. son fils d'observer cette ordonnance, comme une des plus essentielles pour le bien & la sûreté de son état, & envoya au parlement l'acte de ce serment.

Charles VIII. n'osant casser cette ordonance, y apporta une grande limitation par son édit de 1493, portant que les offices de finance ne seroient plus conférés en titre, mais par commission; d'où est venue la distinction des offices en titre d'avec les commissions; & depuis ce tems une partie des fonctions publiques est érigée en titre d'office, l'autre s'exerce par commission.

Les officiers royaux pourvûs en titre d'office, ne peuvent plus être destitués que pour forfaiture; au lieu que ceux qui sont seulement par commission peuvent être destitués ad nutum.

Les engagistes ne peuvent destituer les officiers royaux, attendu qu'ils n'en ont que la nomination, & que c'est le Roi qui leur donne des provisions.

Pour ce qui est des offices des justices seigneuriales, les seigneurs imitant le style de la chancellerie, ne les donnent communément qu'avec cette clause, pour tant qu'il nous plaira.

Loyseau prétend que dans les principes ce sont de vrais offices en titre, qui de leur nature & pour le bien de la justice devroient être perpétuels; que les seigneurs ne pouvant avoir plus de pouvoir que le Roi, ils ne devroient pas avoir la liberté de destituer leurs officiers, sinon pour cause de forfaiture.

Néanmoins il est constant que suivant l'ordonnance de Roussillon de 1563, art. 27. les seigneurs particuliers peuvent destituer leurs juges à leur plaisir & volonté. Ce sont les termes de l'ordonnance; & ce qu'elle ordonne pour les juges a lieu également pour tous les autres officiers: c'est un usage constant, & autorisé par la jurisprudence des arrêts.

Il n'importe point que le seigneur ait pourvû lui - même les officiers, ou qu'il l'ait été par ses prédécesseurs; que les provisions fussent à vie, ou pour un tems limité ou indéfini, ni que l'officier ait servi pendant un grand nombre d'années; tout cela n'empêche point la destitution.

Mais les officiers des seigneurs doivent être destitués en termes honnêtes, ou du moins sans que l'acte de révocation contienne aucune expression ni aucune réticence injurieuse: par exemple s'il y avoit pour raisons à nous connues, c'est ce que l'on appelle communément par ironie une destitution faite cum elogio: lorsqu'elle est conçûe de cette maniere, l'officier qui prétend avoir droit de s'en plaindre, peut la faire déclarer nulle & injurieuse, & même obtenir des dommages & intérêts contre le seigneur; ce qui n'empêche pas le seigneur de faire un autre acte de destitution en termes plus mesurés: & pour éviter toute contestation, quand il est mécontent d'un de ses officiers, il doit le destituer simplement, sans exprimer aucune autre cause dans l'acte que celle de sa volonté.

L'ordonnance de Roussillon excepte deux cas, savoir si les officiers ont été pourvûs pour récompense de services ou autre titre onéreux; ce qui a fait

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