ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
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"721"> non. cap. xxjv. num. 7. devoir rejetter cette opinion comme fausse; premierement, parce que la compilation de Boniface a vû le jour avant qu'il eût eu aucun démêlé avec Philippe le Bel. De plus, la bulle unam sanctam, où ce pape, aveuglé par une ambition demesurée, s'efforce d'établir que le souverain pontife a droit d'instituer, de corriger & de déposer les souverains, n'est point rapportée dans le Sexte, mais dans le cap. j. de majoritate & obedientiâ, extrayag. comm. où l'on trouve en même tems, cap. ij. ibid. la bulle Meruit de Clément V. par laquelle il déclare qu'il ne prétend point que la constitution de Boniface porte aucun préjudice au roi ni au royaume de France, ni qu'elle les rende plus sujets à l'Eglise romaine, qu'ils l'étoient auparavant. Enfin il est vraissemblable que les paroles attribuées à la glose sur le cap. xvj. de electione in sexto, ne lui appartiennent point, mais qu'elles auront été ajoûtées après - coup, par le zele inconsidéré de quelque docteur françois. En effet, elles ne se trouvent que dans l'édition d'Anvers, & non dans les autres, pas même dans celle de Charles Dumoulins, qui certainement ne les auroit pas omises, si elles avoient appartenu à la glose.

Au reste, l'illustre M. de Marca dans son traité de concordiâ sacerdotü & imperü, lib. III. c. vj. prouve la nécessité & l'utilité de l'étude des decrétales. Pour réduire en peu de mots les raisons qu'il en apporte, il suffit de rappeller ce que nous avons déjà remarqué au commencement de cet article; savoir, que l'autorité des conciles provinciaux ayant diminué insensiblement, & ensuite ayant été entierement anéantie, attendu que les assemblées d'évêques étoient devenues plus difficiles après la division de l'empire de Charlemagne, à cause des guerres sanglantes que ses successeurs se faisoient les uns aux autres, il en étoit résulté que les souverains pontifes étoient parvenus au plus haut degré de puissance, & qu'ils s'étoient arrogés le droit de faire des lois, & d'attirer à eux seuls la connoissance de toutes les affaires; les princes eux - mêmes, qui souvent avoient besoin de leur crédit, favorisant leur ambition. Ce changement a donné lieu à une nouvelle maniere de procéder dans les jugemens ecclésistiques: de - là tant de différentes constitutions touchant les élections, les collations des bénéfices, les empêchemens du mariage, les excommunications, les maisons religieuses, les privileges, les exemptions, & beaucoup d'autres points qui subsistent encore aujourd'hui; ensorte que l'ancien droit ne suffit plus pour terminer les contestations, & qu'on est obligé d'avoir recours aux decrétales qui ont engendré ces différentes formes. Mais s'il est à - propos de bien connoître ces collections & de les étudier à fond, il est encore nécessaire de consulter les auteurs qui les ont interpretées; c'est pourquoi nous croyons devoir indiquer ici ceux que nous regardons comme les meilleurs. Sur les decrétales de Grégoire IX. nous indiquerons Vanespen, tome IV. de ses oeuvres, édit. de Luvain 1753. Cet auteur a fait d'excellentes observations sur les canons du concile de Tours, & ceux des conciles de Latran III. & IV. qui sont rapportés dans cette collection. Nous ajoûterons M. Cujas, qui a commenté les second, troisieme & quatrieme livres presqu'en entier; MM. Jean de la Coste & Florent, qui ont écrit plusieurs traités particuliers sur différens titres de cette même collection; Charles Dumoulins, dont on ne doit pas négliger les notes, tant sur cette collection que les suivantes; M. Ciron, qui a jetté une grande erudition dans ses paratitles sur les cinq livres des decrétales; M. Hauteserre, qui a commenté les decrétales d'Innocent III. On y peut joindre l'édition qu'a faite M. Baluze des épîtres du même pape, & celle de M. Bosquet évêque de Mont<cb-> pellier; enfin Gonzalès, dont le grand commentaire sur toute la collection de Grégoire IX. est fort estimé: cet auteur néanmoins étant dans les principes ultramontains, doit être lû avec précaution. Sur le Sexte, nous nous contenterons d'indiquer Vanespen, tome IV. ibid. qui a fait également des observations sur les canons des deux conciles généraux de Lyon, qu'on trouve répandus dans cette collection; sur les Clémentines, le commentaire qu'en a fait M. Hauteserre. A l'égard des deux dernieres collections, on peut s'en tenir à la lecture du texte, & aux notes de Charles Dumoulins. Cet article est de M. Bouchaud, docteur aggrégé de la faculté de Droit.

Decrétales (Page 4:721)

Decrétales, (fausses) Hist. ecclés. Les fausses decrétales sont celles qu'on trouve rassemblées dans la collection qui porte le nom d'Isidore Mercator; on ignore l'époque précise de cette collection, quel en est le véritable auteur, & on ne peut à cet égard que se livrer à des conjectures. Le cardinal d'Aguirre, tome I. des conciles d'Espagne, dissertat. j. croit que les fausses decrétales ont été composées par Isidore évêque de Séville, qui étoit un des plus célebres écrivains de son siecle; il a depuis été canonisé, & il tient un rang distingué parmi les docteurs de l'Eglise. Le cardinal se fonde principalement sur l'autorité d'Hincmar de Reims, qui les lui attribue nommément, epist. vij. cap. 12. mais l'examen de l'ouvrage même réfute cette opinion. En effet, on y trouve plusieurs monumens qui n'ont vû le jour qu'après la mort de cet illustre prélat; tels sont les canons du sixieme concile général, ceux des conciles de Tolede, depuis le sixieme jusqu'au dixseptieme; ceux du concile de Merida, & du second concile de Brague. Or Isidore est mort en 636, suivant le témoignage unanime de tous ceux qui ont écrit sa vie, & le VIe concile général s'est tenu l'an 68; le VIe de Tolede, l'an 638, & les autres sont beaucoup plus récens. Le cardinal ne se dissimule point cette difficulté; mais il prétend que la plus grande partie, tant de la préface où il est fait mention de ce sixieme concile, que de l'ouvrage, appartient à Isidore de Séville, & que quelqu'écrivain plus moderne y aura ajoûté ces monumens. Ce qui le détermine à prendre ce parti, c'est que l'auteur dans sa préface annonce qu'il a été obligé à faire cet ouvrage par quatre - vingt évêques & autres serviteurs de Dieu. Sur cela le cardinal demande quel autre qu'Isidore de Séville a été d'un assez grand poids en Espagne, pour que quatre - vingt évêques de ce royaume l'engageassent à travailler à ce recueil; & il ajoûte qu'il n'y en a point d'autre sur qui on puisse jetter les yeux, ni porter ce jugement. Cette réflexion néanmoins est bientôt détruite par une autre qui s'offre naturellement à l'esprit; savoir, qu'il est encore moins probable qu'un livre composé par un homme aussi célebre & à la sollicitation de tant de prélats, ait échappé à la vigilance de tous ceux qui ont recueilli ses oeuvres, & qu'aucun d'eux n'en ait parlé. Secondement, il paroît que l'auteur de la compilation a vécu bien avant dans le huitieme siecle, puisqu'on y rapporte des pieces qui n'ont paru que vers le milieu de ce siecle; telle est la lettre de Boniface I. archevêque de Mayence, écrite au roi Thibaud en l'an 744, plus de cent années par conséquent après la mort d'Isidore. De plus, l'on n'a découvert jusqu'à présent aucun exemplaire qui porte le nom de cet évêque. Il est bien vrai que le cardinal d'Aguirre dit avoir vû un manuscrit de cette collection dans la bibliotheque du Vatican, qui paroît avoir environ 830 années d'ancienneté, & être du tems de Nicolas I. où il finit, & qu'à la tête du manuscrit on lit en grandes lettres, incipit proefatio Isidori episcopi: mais comme il n'ajoûte point Hispalensis, on ne peut rien en conelure; & quand bien [p. 722] même ce mot y seroit joint, il ne s'ensuivroit pas que ce fût véritablement l'ouvrage d'Isidore de Séville: car si l'auteur a eu la hardiesse d'attribuer faussement tant de decrétales aux premiers papes, pourquoi n'auroit - il pas eu celle d'usurper le nom d'Isidore de Séville, pour accréditer son ouvrage? Par la même raison, de ce qu'on trouve dans la préface de ce recueil divers passages qui se rencontrent au cinquieme livre des étymologies d'Isidore, suivant la remarque des correcteurs romains, ce n'est pas une preuve que cette préface soit de lui, comme le prétend le cardinal. En effet, l'auteur a pû coudre ces passages à sa préface, de même qu'il a cousu différens passages des saints peres aux decrétales qu'il rapporte. Un nouveau motif de nous faire rejetter le sentiment du cardinal, c'est la barbarie de style qui regne dans cette compilation, en cela différent de celui d'Isidore de Séville versé dans les bonnes lettres, & qui a écrit d'une maniere beaucoup plus pure. Quel sera donc l'auteur de cette collection? Suivant l'opinion la plus généralement reçue, on la donne à un Isidore surnommé Mercator, & cela à cause de ces paroles de la préface, Isidorus Mercator servus Christi, lectori conservo suo: c'est ainsi qu'elle est rapportée dans Yves de Chartres & au commencement du premier tome des conciles du P. Labbe; elle est un peu différente dans Gratien sur le canon IV. de la distinction xvj. où le nom de Mercator est supprimé; & même les correcteurs romains, dans leur seconde note sur cet endroit de Gratien, observent que dans plusieurs exemplaires, au lieu du surnom de Mercator, on lit celui de Peccator: quelques-uns même avancent, & de ce nombre est M. de Marca, lib. III. de concordiâ sacerd. & imp. cap. v. que cette leçon est la véritable, & que celle de Mercator ne tire son origine que d'une faute des copistes. Ils ajoûtent que le surnom de Peccator vient de ce que plusieurs évêques souscrivant aux conciles, prenoient le titre de pécheurs, ainsi qu'on le voit dans le premier concile de Tours, dans le troisieme de Paris, dans le second de Tours, & dans le premier de Mâcon; & dans l'église greque les évêques affectoient de s'appeller A(MAPTW/LOI. Un troisieme système sur l'auteur de la collection des fausses decrétales, est celui que nous présente la chronique de Julien de Tolede, imprimée à Paris dans le siecle dernier, par les soins de Laurent Ramirez Espagnol. Cette chronique dit expressément que le recueil dont il s'agit ici, a été composé par Isidore Mercator évêque de Xativa (c'est une ville de l'île Majorque, qui releve de l'archevêché de Valence en Espagne); qu'il s'est fait aider dans ce travail par un moine, & qu'il est mort l'an 805: mais la foi de cette chronique est suspecte parmi les savans, & avec raison. En effet, l'éditeur nous apprend que Julien archevêque de Tolede, est monté sur ce siége en l'an 680, & est mort en 690; qu'il a présidé à plusieurs conciles pendant cet intervalle, entr'autres au douzieme concile de Tolede, tenu en 681. Cela posé, il n'a pû voir ni raconter la mort de cet évêque de Xativa, arrivée en 805, non - seulement suivant l'hypothese où lui Julien seroit décédé en 690, mais encore suivant la date de l'année 680, où il est parvenu à l'archevêché de Tolede; car alors il devoit être âgé de plus de trente ans, selon les regles de la discipline, & il auroit fallu qu'il eût vécu au - delà de cent cinquante - cinq ans pour arriver à l'année 805, qui est celle où l'on place la mort de cet Isidore Mercator: & on ne peut éluder l'objection en se retranchant à dire qu'il y a faute d'impression sur cette derniere époque, & qu'au lieu de l'année 805 on doit lire 705; car ce changement fait naître une autre difficulté. Dans la collection il est fait mention du pape Zacharie, qui néanmoins n'est parvenu au souverain pontificat qu'en 741. Comment accorder la date de l'année 705, qu'on suppose maintenant être celle de la mort d'Isidore, avec le tems où le pape Zacharie a commencé d'occuper le saint siége? Enfin David Blondel écrivain protestant, mais habile critique, soûtient dans son ouvrage intitulé pseudo - Isidorus, chap. jv. & v. de ses prolégomenes, que cette collection ne nous est point venue d'Espagne. Il insiste sur ce que depuis l'an 850 jusqu'à l'an 900, qui est l'espace de tems où elle doit être placée, ce royaume gémissoit sous la cruelle domination des Sarrasins, sur - tout après le concile de Cordoüe tenu en 852, dans lequel on défendit aux chrétiens de rechercher le martyre par un zele indiscret, & d'attirer par - là sur l'église une violente persécution. Ce decret, tout sage qu'il étoit, & conforme à la prudence humaine que la religion n'exclud point, étant mal observé, on irrita si fort les Arabes, qu'ils brûlerent presque toutes les églises, disperserent ou firent mourir les évêques, & ne souffrirent point qu'ils fussent remplacés. Telle fut la déplorable situation des Espagnols jusqu'à l'année 1221, & il est hors de toute vraissemblance, selon Blondel, que dans le tems même où ils avoient à peine celui de respirer, il se soit trouvé un de leurs compatriotes assez insensible aux malheurs de la patrie, pour s'occuper alors à fabriquer des pieces sous les noms des papes du second & du troisieme siecles. Il soupçonne donc qu'un Allemand est l'auteur de cette collection, d'autant plus que ce fut Riculphe archevêque de Mayence, qui la répandit en France, comme nous l'apprenons d'Hincmar de Reims dans son opuscule des 55 chapitres contre Hincmar de Laon, ch. jv. Sans adopter précisément le système de Blondel, qui veut que Mayence ait été le berceau du recueil des fausses decrétales, nous nous contenterons de remarquer que le même Riculphe avoit beaucoup de ces pieces supposées. On voit au livre VII. des capitulaires, cap. ccv. qu'il avoit apporté à Wormes une épître du pape Grégoire, dont jusqu'alors on n'avoit point entendu parler, & dont par la suite il n'est resté aucun vestige. Au reste, quoiqu'il soit assez constant que la compilation des fausses decrétales n'appartient à aucun Isidore, comme cependant elle est connue sous le nom d'Isidore Mercator, nous continuerons de l'appeller ainsi.

Cette collection renferme les cinquante canons des apôtres, que Denis le Petit avoit rapportés dans la sienne; mais ce n'est point ici la même version. Ensuite viennent les canons du second concile général & ceux du concile d'Ephese, qui avoient été omis par Denis. Elle contient aussi les conciles d'Afrique, mais dans un autre ordre, & beaucoup moins exact que celui de Denis, qui les a copiés d'après le code des canons de l'Eglise d'Afrique. On y trouve encore dix - sept conciles de France, un grand nombre de conciles d'Espagne, & entr'autres ceux de Tolede jusqu'au dix - septieme, qui s'est tenu en 694. En tout ceci Isidore n'est point repréhensible, si ce n'est pour avoir mal observé l'ordre des tems, sans avoir eu plus d'égard à celui des matieres, comme avoient fait avant lui plusieurs compilateurs. Voici où il commence à devenir coupable de supposition. Il rapporte sous le nom des papes des premiers siecles, depuis Clément I. jusqu'à Sirice, un nombre infini de decrétales inconnues jusqu'alors, & avec la même confiance que si elles contenoient la vraie discipline de l'Eglise des premiers tems. Il ne s'arrête point là, il y joint plusieurs autres monumens apocryphes: tels sont la fausse donation de Constantin; le prétendu concile de Rome sous Sylvestre, la lettre d'Athanase à Marc, dont une partie est citée dans Gratien, distinct. xvj. can. 12. celle d'Anastase successeur de Sirice, adressée aux évêques de Ger<pb->

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