RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"719">
Raimond ayant mis la derniere main à son ouvrage, le pape Grégoire IX. lui donna le sceau de l'autorité publique, & ordonna qu'on s'en servît dans les tribunaux & dans les écoles, par une constitution qu'on trouve à la tête de cette collection, & qui est adressée aux docteurs & aux étudians de l'université de Bologne: ce n'est pas néanmoins que cette collection ne fût défectueuse à bien des égards. On peut reprocher avec justice à Raimond de ce que pour se conformer aux ordres de Grégoire IX. qui lui avoit recommandé de retrancher les superfluités dans le recueil qu'il feroit des différentes constitutions éparses en divers volumes, il a souvent regardé & retranché comme inutiles des choses qui étoient absolument nécessaires pour arriver à l'intelligence de la decrétale. Donnons - en un exemple. Le cap. jx. extra de consuetud. contient un rescrit d'Honoré III. adressé au chapitre de Paris, dont voici les paroles: Cum consuetudinis ususque longoevi non sit levis autoritas, & plerumque discordiam pariant novitates: autoritate vobis presentium inhibemus, ne absque episcopi vestri consensu immutetis ecclesioe vestroe constitutiones & consuetudines approbatas, vel novas et>am inducatis: si quas forte fecistis, irritas decernentes Le rescrit conçû en ces termes ne signifie autre chose, sinon que le chapitre ne peut faire de nouvelles constitutions sans le consentement de l'évêque: ce qui étant ainsi entendu dans le sens général, est absolument faux. Il est arrivé de - là que ce capitule a paru obscur aux anciens canonistes; mais il n'y auroit point eu de difficulté, s'ils avoient consulte la decrétale entiere, telle qu'elle se trouve dans la cinquieme compilation, cap. j. eod. tit. Dans cette decrétale, au lieu de ces paroles, si quas forte (constitutiones) fecistis, irritas decernentes, dont Raimond se sert, on lit cellesci: irritas decernentes (novas institutiones) si quas forte fecistis in ipsius episcopi prejudicium, postquam est regimen Parisiensis ecclesioe adeptus. Cette clause omise par Raimond ne fait - elle pas voir évidemment qu'Honoré III. n'a voulu annuller que les nouvelles constitutions faites par le chapitre sans le consentement de l'évêque, au préjudice du même évêque? & alors la décision du pape n'aura besoin d'aucune interprétation. On reproche encore à l'auteur de la compilation, d'avoir souvent partagé une decrétale en plusieurs; ce qui lui donne un autre sens, ou du moins la rend obscure. C'est ainsi que la decrétale du cap. v. de foro competenti, dans la troisieme collection, est divisée par Raimond en trois différentes parties, dont l'une se trouve au cap. x. extra de const. la seconde, dans le c. iij. extra ut lite pendente nihil innovetur; & la troisieme, au cap. jv. ibid. cette division est cause qu'on ne peut entendre le sens d'aucun de ces trois capitules, à moins qu'on ne les réunisse ensemble,
Grégoire IX. en confirmant le nouveau recueil de decrétales, défendit par la même constitution qu'on osât en entreprendre un autre sans la permission expresse du saint siége, & il n'en parut point jusqu'à Boniface VIII. ainsi pendant l'espace de plus de 70 ans le corps de droit canonique ne renferma que le decret de Gratien & les decrétales de Grégoire IX. Cependant après la publication des decrétales, Grégoire IX. & les papes ses successeurs donnerent en différentes occasions de nouveaux rescrits; mais leur authenticité n'étoit reconnue ni dans les écoles, ni dans les tribunaux: c'est pourquoi Boniface VIII. la quatrieme année de son pontificat, vers la fin du treizieme siecle, fit publier sous son nom une nouvelle compilation; elle fut l'ouvrage de Guillaume de Mandagotto archevêque d'Embrun, de Berenger Fredoni évêque de Beziers, & de Richard de Senis vice - chancelier de l'Eglise romaine, tous trois élevés depuis au cardinalat. Cette collection contient les dernieres épîtres de Grégoire IX. celles des papes qui lui ont succédé; les decrets des deux conciles généraux de Lyon, dont l'un s'est tenu en l'an 1245 sous Innocent IV. & l'autre en l'an 1274 sous Grégoire X. & enfin les constitutions de Boniface VIII. On appelle cette collection le >exte, parce que Boniface voulut qu'on la joignît au livre des decrétales, pour lui servir de supplément. Elle est divisée en cinq livres, soûdivisée en titres & en capitules, & les matieres y sont distribuées dans le même ordre que dans celle de Grégoire IX. Au commencement du quatorzieme siecle, Clément V. qui tint le saint siége à Avignon, fit faire une nouvelle compilation des decrétales, composée en partie des canons du concile de Vienne, auquel il présida, & en partie de ses propres constitutions; mais surpris par la mort, il n'eut pas le tems de la publier, & ce fut par les ordres de son successeur Jean XXII. qu'elle vit le jour en 1317. Cette collection est appellée Clémentines, du nom de son auteur, & parce qu'elle ne renferme que des constitutions de ce souverain pontife: elle est également divisée en cinq titres, qui sont aussi soûdivisés en titres & en capitules, ou Clémentines. Outre cette collection, la même pape Jean XXII. qui siégea pareillement à Avignon, donna différentes constitutions pendant l'espace de dix - huit ans que dura son pontificat, dont vingt ont été recueillies & publiées par un auteur anonyme, & c'est ce qu'on appelle les extravagantes de Jean XXII. Cette collection est divisée en quatorze titres, sans aucune distinction de livres, à cause de son peu d'étendue. Enfin l'an 1484 il parut un nouveau recueil qui porte le nom d'extravagantes communes, parce qu'il est composé des constitutions de vingt - cinq papes, depuis le pape Urbain IV. (si l'inscription du cap. 1. de simoniâ, est vraie) jusqu'au pape Sixte IV. lesquels ont occupé le saint siége pendant plus de deux cents vingt ans, c'est - à - dire depuis l'année 1262 jusqu'à l'année 1483. Ce recueil est divisé en cinq livres; mais atte>du qu'on n'y trouve aucune decrétale qui regarde le mariage, on dit que le quatrieme livre manque. Ces deux dernieres collections sont l'ouvrage d'auteurs anonymes, & n'ont été confirmées par aucune bulle, ni envoyées aux universités; c'est par cette raison qu'on les a appellées extravagantes, comme qui diroit vagantes extra corpus juris canonici, & elles ont retenu ce nom, quoique par la suite elles y ayent été insérées. Ainsi le corps du droit canonique renferme aujourd'hui six collections; savoir, le decret de Gratien, les decrétales de Grégoire IX. le Sexte de Boniface VIII. les Clémentines, les Extravagantes de Jean XXII. & les Extravagantes communes. Nous avons vû dans l'ar -
Nous avons dit en parlant du decret de Gratien,
qu'il n'a par lui - même aucune autorité, ce qui doit s'étendre
aux Extravagantes de Jean XXII. & aux Exravagantes communes, qui sont deux ouvrages anonymes
& destitués de toute autorité publique. Il n'en
est pas de même des decrétales de Grégoire IX. du Sexte & des Clémentines, composées & publiées par ordre
de souverains pontifes; ainsi dans les pays d'obédience,
où le pape réunit l'autorité temporelle à la
spirituelle, il n'est point douteux que les decrétales des
souverains pontifes, & les recueils qu'ils en ont fait
faire, n'ayent force de loi; mais en France & dans les
autres pays libres, dans lesquels les constitutions des
papes n'ont de vigueur qu'autant qu'elles ont été approuvées
par le prince, les compilations qu'ils font
publier ont le même sort, c'est - à - dire qu'elles ont besoin
d'acceptation pour qu'elles soient regardées
comme lois. Cela posé, on demande si les decrétales de
Grégoire IX. ont jamais été reçues dans le royaume.
Charles Dumoulins dans son commentaire sur l'édit
de Henri II. vulgairement appellé l'édit des petites
dates, observe, glose xv. num. 250. que dans les registres
de la cour on trouve un conseil donné au roi
par Eudes duc de Bourgogne, de ne point recevoir
dans son royaume les nouvelles constitutions des
papes. Le même auteur ajoûte qu'en effet elles ne
sont point admises dans ce qui concerne la jurisdiction
séculiere, ni même en matiere spirituelle, si
elles sont contraires aux droits & aux libertés de
l'Eglise gallicane; & il dit que cela est d'autant
moins surprenant, que la cour de Rome elle - même
ne reçoit pas toutes les decrétales insérées dans les
collections publiques. Conformément à cela, M.
Florent, dans sa préface de auctoritate Gratiani &
aliarum collectionum, prétend que les decrétales n'ont
jamais reçu en France le sceau de l'autorité publique,
& quoiqu'on les enseigne dans les écoles, en
vertu de cette autorité, qu'il n'en faut pas conclure
qu'elles ont été admises, mais qu'on doit les regarder
du même oeil que les livres du droit civil qu'on
enseigne publiquement par ordre de nos Rois, quoiqu'ils ne leur ayent jamais donné force de loi. Pour
preuve de ce qu'il avance, il cite une lettre manuscrite
de Philippe - le - Bel adressée à l'université
d'Orléans, où ce monarque s'exprime en ces termes:
Non putet igitur aliquis nos recipere vel primogenitores
nostros recepisse consuetudines quaslibet sive leges, ex eo
quod eas in diversis locis & studiis regni nostri per scholasticos
legi sinatur; multa nempe namque eruditioni
& doctrinoe proficiunt, licet recepta non fuerint, nec
ecclesia recipit quamplures canones qui per desuetudinem
abierunt, vel ab initio non fuêre recepti, licet in scholis
à studiosis propter eruditionem legantur. Scire namque
sensus, ritus & mores hominum diversorum, locorum &
temporum, valdè proficit ad cujuscumque doctrinam.
Cette lettre est de l'année 1312. On ne peut nier
cependant qu'on ne se soit servi des decrétales, &
qu'on ne s'en serve encore aujourd'hui dans les tribunaux,
lorsqu'elles ne sont pas contraires aux libertés
de l'église gallicane; d'où l'on peut conclure
que dans ces cas - là elles sont reçues, du moins tacitement,
par l'usage, & parce que nos rois ne s'y
sont point opposés: & il ne faut point à cet égard
séparer le Sexte de Boniface VIII. des autres collections,
quoique plusieurs soûtiennent que celle - là
spécialement n'est point admise, à cause de la fameuse
querelle entre Philippe le Bel & ce pape. Ils se
fondent sur la glose du capitule xvj. de elect. in sexto,
où il est dit nommément que les constitutions du
Sexte ne sont point reçues dans le royaume; mais
nous croyons avec M. Doujat, lib. IV. proenot. ca -
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.