ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"719"> tiennent que des extraits des decrétales. Le premier livre commence par un titre sur la sainte Trinité, à l'exemple du code de Justinien; les trois suivans expliquent les diverses especes du droit canonique, écrit & non écrit: depuis le cinquieme titre jusqu'à celui des pactes, il est parlé des élections, dignités, ordinations, & qualités requises dans les clercs; cette partie peut être regardée comme un traité des personnes: depuis le titre des pactes jusqu'à la fin du second livre, on expose la maniere d'intenter, d'instruire, & de terminer les procès en matiere civile ecclésiastique, & c'est de - là que nous avons emprunté, suivant la remarque des savans, toute notre procédure. Le troisieme livre traite des choses ecclésiastiques, telles que sont les bénéfices, les dixmes, le droit de patronage: le quatrieme, des fiançailles, du mariage, & de ses divers empêchemens; dans le cinquieme, il s'agit des crimes ecclésiastiques, de la forme des jugemens en matiere criminelle, des peines canoniques, & des censures.

Raimond ayant mis la derniere main à son ouvrage, le pape Grégoire IX. lui donna le sceau de l'autorité publique, & ordonna qu'on s'en servît dans les tribunaux & dans les écoles, par une constitution qu'on trouve à la tête de cette collection, & qui est adressée aux docteurs & aux étudians de l'université de Bologne: ce n'est pas néanmoins que cette collection ne fût défectueuse à bien des égards. On peut reprocher avec justice à Raimond de ce que pour se conformer aux ordres de Grégoire IX. qui lui avoit recommandé de retrancher les superfluités dans le recueil qu'il feroit des différentes constitutions éparses en divers volumes, il a souvent regardé & retranché comme inutiles des choses qui étoient absolument nécessaires pour arriver à l'intelligence de la decrétale. Donnons - en un exemple. Le cap. jx. extra de consuetud. contient un rescrit d'Honoré III. adressé au chapitre de Paris, dont voici les paroles: Cum consuetudinis ususque longoevi non sit levis autoritas, & plerumque discordiam pariant novitates: autoritate vobis presentium inhibemus, ne absque episcopi vestri consensu immutetis ecclesioe vestroe constitutiones & consuetudines approbatas, vel novas etam inducatis: si quas forte fecistis, irritas decernentes Le rescrit conçû en ces termes ne signifie autre chose, sinon que le chapitre ne peut faire de nouvelles constitutions sans le consentement de l'évêque: ce qui étant ainsi entendu dans le sens général, est absolument faux. Il est arrivé de - là que ce capitule a paru obscur aux anciens canonistes; mais il n'y auroit point eu de difficulté, s'ils avoient consulte la decrétale entiere, telle qu'elle se trouve dans la cinquieme compilation, cap. j. eod. tit. Dans cette decrétale, au lieu de ces paroles, si quas forte (constitutiones) fecistis, irritas decernentes, dont Raimond se sert, on lit cellesci: irritas decernentes (novas institutiones) si quas forte fecistis in ipsius episcopi prejudicium, postquam est regimen Parisiensis ecclesioe adeptus. Cette clause omise par Raimond ne fait - elle pas voir évidemment qu'Honoré III. n'a voulu annuller que les nouvelles constitutions faites par le chapitre sans le consentement de l'évêque, au préjudice du même évêque? & alors la décision du pape n'aura besoin d'aucune interprétation. On reproche encore à l'auteur de la compilation, d'avoir souvent partagé une decrétale en plusieurs; ce qui lui donne un autre sens, ou du moins la rend obscure. C'est ainsi que la decrétale du cap. v. de foro competenti, dans la troisieme collection, est divisée par Raimond en trois différentes parties, dont l'une se trouve au cap. x. extra de const. la seconde, dans le c. iij. extra ut lite pendente nihil innovetur; & la troisieme, au cap. jv. ibid. cette division est cause qu'on ne peut entendre le sens d'aucun de ces trois capitules, à moins qu'on ne les réunisse ensemble, comme ils le sont dans l'ancienne collection: de plus en rapportant une decrétale, il omet quelquefois la précédente ou la suivante, qui jointe avec elle, offre un sens clair; au lieu qu'elle n'en forme point lorsqu'elle en est séparée. Le cap. iij. extra de constit. qui est tiré du cap. jv. eod. in primâ compilat. en est une preuve. On lit dans les deux textes ces paroles: translato sacerdotio, necesse est ut legis translatio fiat; quia enim simul & ab eodem & sub eadem sponsione utraque data sunt, quod de uno dicitur, necesse est u de altero intelligatur. Ce passage qui se trouve isolé dans Raimond est obscur, & on ne comprend pas en quoi consiste la translation de la loi: mais i on compare le même texte avec le cap. iij. & v. de la premiere collection que Raimond a omis dans la sienne, alors on aura la véritable espece proposée par l'ancien compilateur, & le vrai sens de ces paroles, qui signifient que les préceptes de l'ancienne loi ont été abrogés par la loi de grace; parce que le sacerdoce & la loi ancienne ayant été donnés en même tems & sous la même promesse, comme il est dit dans notre capitule, & le sacerdoce ayant été transféré, & un nouveau pontife nous étant donné en la personne de J.C. il s'ensuit de là qu'il étoit nécessaire qu'on nous donnât aussi une nouvelle loi, & qu'elle abrogeât l'ancienne quant aux préceptes mystiques & aux cérémonies légales dont il est fait mention dans ces capit. iij. & v. omis par Raimond. Enfin il est repréhensible pour avoir altéré les decrétales qu'il rapporte, en y faisant des additions: ce qui leur donne un sens différent de celui qu'elles ont dans leur source primitive. Nous nous servirons pour exemple du c. j. extra de judiciis où Raimond ajoûte cette clause, donec satisfactione proemissâ fuerit absolutus, laquelle ne se trouve ni dans le canon 87 du code d'Afrique d'où originairement la decrétale est tirée, ni dans l'ancienne collection, & qui donne au canon un sens tout - à - fait différent. On lit dans le canon même & dans l'ancienne collection: ullus eidem Quod - vult - deo communicet, donec causa ejus qualem potuerit, terminum sumat; ces paroles font assez connoître le droit qui étoit autrefois en vigueur, comme le remarque très - bien M. Cujas sur ce capitule. Dans ces tems - là on n'accordoit à qui que ce soit l'absolution d'une excommunication, qu'on n'eût instruit juridiquement le crime dont il étoit accusé, & qu'on n'eût entierement terminé la procédure. Mais dans les siecles postérieurs, l'usage s'est établi d'absoudre l'excommunié qui étoit contumacé, aussi - tôt qu'il avoit satisfait, c'est - à - dire donné caution de se représenter en jugement, quoique l'affaire n'eût point encore été discutée au fond; & c'est pour concilier cet ancien canon avec la discipline de son tems, que Raimond en a changé les termes. Nous nous contentons de citer quelques exemples des imperfections qui se rencontrent dans la collection de Grégoire IX. mais nous observerons que dans les éditions récentes de cette collection, on a ajoûté en caracteres italiques ce qui avoit été retranché par Raimond, & ce qu'il étoit indispensable de rapporter pour bien entendre l'espece du capitule. Ces additions, qu'on a appellées depuis dans les écoles pars decisa, ont été faites par Antoine le Conte, François Pegna Espagnol, & dans l'édition romaine: il faut avoüer néanmoins qu'on ne les a pas faites dans tous les endroits nécessaires, & qu'il reste encore beaucoup de choses à desirer; d'où il résulte que nonobstant ces supplémens, il est très - avantageux non - seulement de recourir aux anciennes decrétales, mais même de remonter jusqu'aux premieres sources, puisque les anciennes collections se trouvent souvent elles - mêmes mutilées, & que les monumens apocryphes y sont confondus avec ceux qui sont authentiques: telle est en effet la méthode dont MM. Cujas, Florent, Jean de la Coste, & sur - tout Antoine Augustin dans ses [p. 720] notes sur la premiere collection, se sont servis avec le plus grand succès.

Grégoire IX. en confirmant le nouveau recueil de decrétales, défendit par la même constitution qu'on osât en entreprendre un autre sans la permission expresse du saint siége, & il n'en parut point jusqu'à Boniface VIII. ainsi pendant l'espace de plus de 70 ans le corps de droit canonique ne renferma que le decret de Gratien & les decrétales de Grégoire IX. Cependant après la publication des decrétales, Grégoire IX. & les papes ses successeurs donnerent en différentes occasions de nouveaux rescrits; mais leur authenticité n'étoit reconnue ni dans les écoles, ni dans les tribunaux: c'est pourquoi Boniface VIII. la quatrieme année de son pontificat, vers la fin du treizieme siecle, fit publier sous son nom une nouvelle compilation; elle fut l'ouvrage de Guillaume de Mandagotto archevêque d'Embrun, de Berenger Fredoni évêque de Beziers, & de Richard de Senis vice - chancelier de l'Eglise romaine, tous trois élevés depuis au cardinalat. Cette collection contient les dernieres épîtres de Grégoire IX. celles des papes qui lui ont succédé; les decrets des deux conciles généraux de Lyon, dont l'un s'est tenu en l'an 1245 sous Innocent IV. & l'autre en l'an 1274 sous Grégoire X. & enfin les constitutions de Boniface VIII. On appelle cette collection le exte, parce que Boniface voulut qu'on la joignît au livre des decrétales, pour lui servir de supplément. Elle est divisée en cinq livres, soûdivisée en titres & en capitules, & les matieres y sont distribuées dans le même ordre que dans celle de Grégoire IX. Au commencement du quatorzieme siecle, Clément V. qui tint le saint siége à Avignon, fit faire une nouvelle compilation des decrétales, composée en partie des canons du concile de Vienne, auquel il présida, & en partie de ses propres constitutions; mais surpris par la mort, il n'eut pas le tems de la publier, & ce fut par les ordres de son successeur Jean XXII. qu'elle vit le jour en 1317. Cette collection est appellée Clémentines, du nom de son auteur, & parce qu'elle ne renferme que des constitutions de ce souverain pontife: elle est également divisée en cinq titres, qui sont aussi soûdivisés en titres & en capitules, ou Clémentines. Outre cette collection, la même pape Jean XXII. qui siégea pareillement à Avignon, donna différentes constitutions pendant l'espace de dix - huit ans que dura son pontificat, dont vingt ont été recueillies & publiées par un auteur anonyme, & c'est ce qu'on appelle les extravagantes de Jean XXII. Cette collection est divisée en quatorze titres, sans aucune distinction de livres, à cause de son peu d'étendue. Enfin l'an 1484 il parut un nouveau recueil qui porte le nom d'extravagantes communes, parce qu'il est composé des constitutions de vingt - cinq papes, depuis le pape Urbain IV. (si l'inscription du cap. 1. de simoniâ, est vraie) jusqu'au pape Sixte IV. lesquels ont occupé le saint siége pendant plus de deux cents vingt ans, c'est - à - dire depuis l'année 1262 jusqu'à l'année 1483. Ce recueil est divisé en cinq livres; mais attedu qu'on n'y trouve aucune decrétale qui regarde le mariage, on dit que le quatrieme livre manque. Ces deux dernieres collections sont l'ouvrage d'auteurs anonymes, & n'ont été confirmées par aucune bulle, ni envoyées aux universités; c'est par cette raison qu'on les a appellées extravagantes, comme qui diroit vagantes extra corpus juris canonici, & elles ont retenu ce nom, quoique par la suite elles y ayent été insérées. Ainsi le corps du droit canonique renferme aujourd'hui six collections; savoir, le decret de Gratien, les decrétales de Grégoire IX. le Sexte de Boniface VIII. les Clémentines, les Extravagantes de Jean XXII. & les Extravagantes communes. Nous avons vû dans l'ar - ticle Decret de quelle autorité est le recueil de Gratien, nous allons examiner ici quelle est celle des diverses collections des decrétales.

Nous avons dit en parlant du decret de Gratien, qu'il n'a par lui - même aucune autorité, ce qui doit s'étendre aux Extravagantes de Jean XXII. & aux Exravagantes communes, qui sont deux ouvrages anonymes & destitués de toute autorité publique. Il n'en est pas de même des decrétales de Grégoire IX. du Sexte & des Clémentines, composées & publiées par ordre de souverains pontifes; ainsi dans les pays d'obédience, où le pape réunit l'autorité temporelle à la spirituelle, il n'est point douteux que les decrétales des souverains pontifes, & les recueils qu'ils en ont fait faire, n'ayent force de loi; mais en France & dans les autres pays libres, dans lesquels les constitutions des papes n'ont de vigueur qu'autant qu'elles ont été approuvées par le prince, les compilations qu'ils font publier ont le même sort, c'est - à - dire qu'elles ont besoin d'acceptation pour qu'elles soient regardées comme lois. Cela posé, on demande si les decrétales de Grégoire IX. ont jamais été reçues dans le royaume. Charles Dumoulins dans son commentaire sur l'édit de Henri II. vulgairement appellé l'édit des petites dates, observe, glose xv. num. 250. que dans les registres de la cour on trouve un conseil donné au roi par Eudes duc de Bourgogne, de ne point recevoir dans son royaume les nouvelles constitutions des papes. Le même auteur ajoûte qu'en effet elles ne sont point admises dans ce qui concerne la jurisdiction séculiere, ni même en matiere spirituelle, si elles sont contraires aux droits & aux libertés de l'Eglise gallicane; & il dit que cela est d'autant moins surprenant, que la cour de Rome elle - même ne reçoit pas toutes les decrétales insérées dans les collections publiques. Conformément à cela, M. Florent, dans sa préface de auctoritate Gratiani & aliarum collectionum, prétend que les decrétales n'ont jamais reçu en France le sceau de l'autorité publique, & quoiqu'on les enseigne dans les écoles, en vertu de cette autorité, qu'il n'en faut pas conclure qu'elles ont été admises, mais qu'on doit les regarder du même oeil que les livres du droit civil qu'on enseigne publiquement par ordre de nos Rois, quoiqu'ils ne leur ayent jamais donné force de loi. Pour preuve de ce qu'il avance, il cite une lettre manuscrite de Philippe - le - Bel adressée à l'université d'Orléans, où ce monarque s'exprime en ces termes: Non putet igitur aliquis nos recipere vel primogenitores nostros recepisse consuetudines quaslibet sive leges, ex eo quod eas in diversis locis & studiis regni nostri per scholasticos legi sinatur; multa nempe namque eruditioni & doctrinoe proficiunt, licet recepta non fuerint, nec ecclesia recipit quamplures canones qui per desuetudinem abierunt, vel ab initio non fuêre recepti, licet in scholis à studiosis propter eruditionem legantur. Scire namque sensus, ritus & mores hominum diversorum, locorum & temporum, valdè proficit ad cujuscumque doctrinam. Cette lettre est de l'année 1312. On ne peut nier cependant qu'on ne se soit servi des decrétales, & qu'on ne s'en serve encore aujourd'hui dans les tribunaux, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux libertés de l'église gallicane; d'où l'on peut conclure que dans ces cas - là elles sont reçues, du moins tacitement, par l'usage, & parce que nos rois ne s'y sont point opposés: & il ne faut point à cet égard séparer le Sexte de Boniface VIII. des autres collections, quoique plusieurs soûtiennent que celle - là spécialement n'est point admise, à cause de la fameuse querelle entre Philippe le Bel & ce pape. Ils se fondent sur la glose du capitule xvj. de elect. in sexto, où il est dit nommément que les constitutions du Sexte ne sont point reçues dans le royaume; mais nous croyons avec M. Doujat, lib. IV. proenot. ca -

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.