ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"841"> rations, & laissoient aux ouvriers le soin de cette partie de l'exécution des machines, lesquels n'y observoient d'autre regle, que de faire les dents des roues & les ailes des pignons, de façon que les engrenages se sissent avec liberté, & de maniere à ne causer aucun arrêt. M. de la Hire, de l'académie royale des Sciences, est le premier qui en ait parlé. Il examine cette matiere fort au long dans son traité des épicycloïdes; mais des différentes courbures de dents qu'il détermine pour différentes especes de pignons, il n'y a guere que celle qu'il donne aux dents qui menent un pignon à lanterne, qui soit praticable. M. Camus a suppléé à ce qui manquoit au traité de M. de la Hire. Ce savant académicien dans son mémoire, année 1733 des mém. de l'acad. roy. des Sciences, détermine les courbes que doivent avoir les dents d'une roue, & les ailes de son pignon pour qu'elle le mene uniformément, soit que la dent rencontre l'aile dans la ligne R I, fig. 102. Plan. XIX. d'Horlog. qu'on appelle la ligne des centres; soit qu'elle la rencontre (fig. 99.) avant la ligne des centres, & qu'elle la mene au - delà; soit enfin que (fig. 98.) la dent rencontre l'aile avant la ligne des centres, & qu'elle la mene jusqu'à cetté ligne: on peut dire qu'il a rendu par - là un très - grand service à l'Horlogerie. Car quoique les habiles horlogers eussent des notions assez justes sur cette matiere, la véritable figure des dents des roues étoit toûjours pour eux une espece de problème.

Nous voudrions pouvoir rapporter ici ce mémoire, dont nous reconnoissons que nous avons tiré beaucoup de lumiere: mais comme il est un peu trop étendu, & de plus qu'il est démontré d'une maniere un peu trop abstraite pour la plûpart des horlogers; nous tâcherons d'y suppléer, en démontrant par une autre voie ce qui regarde la figure des dents des roues, & celle des ailes des pignons.

Une roue R E V étant donnée (fig. 98 & 100), & un pignon P I G, je dis que, pour que la roue mene le pignon uniformément, il faut que, dans une situation quelconque de la dent & de l'aile pendant la menée, les perpendiculaires à la face de l'aile & de la dent, au point où elles se touchent. se confondent & passent toutes par un même poirt M dans la ligne des centres, lequel doit être tellement situé sur cette ligne, que R M soit à M I, comme le nombre des dents de la roue à celui des ailes du pignon.

Pour le démontrer, soit supposé L O tirée perpendiculairement à la face de l'aile, au point G où la dent la touche; & les lignes I O, R L, abaissées perpendiculairement sur cette ligne des points I & R centres du pignon & de la roue: les lignes R L & T O exprimeront, l'une R L, le levier par lequel la roue pousse le pignon; l'autre O I, celui par lequel le pignon est poussé. C'est ce qui paroîtra évident, si l'on fait attention que le mouvement du levier R L se fait dans une perpendiculaire à la ligne O I, & par conséquent que la longueur des arcs infiniment petits, décrits dans un instant & par les points L & O, sera la même: comme cela arrive, lorsqu'un levier agit immédiatement sur un autre, dans une direction perpendiculaire. R L exprimant donc le levier par lequel la roue pousse le pignon, & I O celui par lequel le pignon est poussé; il est clair que dans tous les points de la menée, si le levier par lequel le pignon est poussé, & celui par lequel la roue le pousse, sont toûjours dans le même rapport, l'action de la roue dans tous ces différens points pour faire tourner le pignon, sera uniforme: car la valeur en degrés de chacun des arcs parcourus en même tems par les leviers R L, O I, est en raison inverse de leurs longueurs, ou comme O I est à R L; & la valeur en degrés des arcs parcourus par la roue & par le pignon dans le même tems, est encore comme ces leviers O I & R L: mais les leviers semblables à I O, R L, étant toûjours dans le même rapport dans tous ces points de la menée, les valeurs en degrés des arcs parcourus dans le même tems par la roue & par le pignon, y seront donc aussi. Or les vîtesses angulaires du pignon & de la roue sont comme ces arcs. De plus, on sait par les principes de la Méchanique, que pour qu'il y ait équilibre entre deux puissances, il faut qu'elles soient en raison inverse de leurs vîtesses; donc si des puissances constantes qui agissent en sens contraire, l'une sur la roue, l'autre sur le pignon, sont en équilibre dans un point quelconque de la menée, elles seront en raison des vîtesses du pignon & de la roue dans ce point: mais ces vîtesses dans tous les points de la menée étant dans le même rapport, ces puissances y seront toûjours en équilibre; donc la force avec laquelle la roue entraînera le pignon dans tous ces points, sera toûjours la même; donc le pignon sera mené uniformément.

Ce principe de Méchanique bien entendu, imaginons que la dent (voyez fig. 98 & 100) soit dans une situation quelconque E G, & que la perpendiculaire au point G passe par un point quelconque M dans la ligne des centres; R L sera, comme on l'a vû, le levier par lequel la roue poussera le pignon, & O I le levier par lequel il sera poussé. Supposons de plus que la dent & l'aile étant dans la ligne des centres, elles se touchent dans ce même point M, R M sera le levier par lequel la roue poussera le pignon dans ce point, & M I celui par lequel il sera poussé. Mais à cause des triangles semblables R L M, M O I, on a R L: O I:: R M: M I; donc par le principe précédent la roue menera uniformément le pignon dans les deux points M & G, puisque le rapport entre les leviers R M & M I dans le point M, est le même que le rapport entre les leviers R L & O I dans le point C. On en démontrera autant de tous les autres points de la menée, pourvû que les perpendiculaires à la dent & à l'aile passent par ce point M. De plus les tours ou les vîtesses du pignon & de la roue doivent être en raison inverse de leurs nombres; & comme la roue doit mener le pignon uniformément, leurs vîtesses respectives dans un point quelconque de la menée, doivent être encore dans la même raison. Ces nombres étant une fois donnés, les vîtesses respectives du pignon & de la roue le seront donc aussi. Or la vîtesse angulaire du pignon au point M est à celle de la roue au même point, comme le levier MR au levier M I; M R doit donc être à M I, comme le nombre de la roue à celui du pignon; car sans cela, la vîtesse angulaire du pignon dans ce point ne seroit pas à celle de la roue, comme le nombre de la roue à celui du pignon. Donc le point M doit diviser la ligne R I, tellement que R M soit à M I ,comme le nombre de la roue à celui du pignon. Donc pour qu'une roue mene son pignon uniformément, il faut que dans tous les points de la menée les perpendiculaires à la dent & à l'aile se confondent, & passent par un même point M dans la ligne des centres, situé tellement sur cette ligne, que R M soit à M I, comme le nombre de la roue à celui du pignon C. Q. F. D.

Cette démonstration, comme on voit, s'étend à tous les trois cas, puisqu'on y a considéré la dent dans une situation quelconque en - deçà ou au - delà de la ligne des centres. Il est donc clair que soit que la dent & l'aile se rencontrent dans la ligne des centres, soit qu'elles se rencontrent avant cette ligne & qu'elles s'y quittent, soit enfin qu'elles se rencontrent avant la ligne des centres & qu'elles se quittent après; le pignon sera mené uniformément, si les perpendiculaires aux points où la dent & l'aile se touchent dans toutes leurs situations pendant la me<pb-> [p. 842] née, passent par un même pomt M dans la ligne des centres, tellement situé sur cette ligne, que R M soit à M I, comme le nombre de la roue à celui du pignon. Il y a plus, c'est que cette démonstration s'étend à toutes sortes d'engrenages où l'on voudroit que la roue menât le pignon uniformément, de quelques figures que soient les dents de la roue & les ailes du pignon.

Il suit de la démonstration précédente (voy. les fig. 103 & 104), que si la perpendiculaire à l'aile dans un point quelconque G où la dent la touche, au lieu de passer par le point M, passe par un point F entre R & M; la force de la roue, pour faire tourner le pignon dans ce point G, sera plus grande que lorsque la dent & l'aile étoient dans la ligne des centres & se touchoient en M; & qu'au contraire si cette perpendiculaire passe par un point T entre M & I, cette force sera plus petite; ce qui est évident, puisque dans le premier cas le pignon tournera plus lentement, sa vîtesse par rapport à celle de la roue étant, comme nous l'avons fait voir, comme R F à Fl; & dans le second il tournera plus vîte, sa vîtesse étant à celle de la roue comme R T à T I.

Nous aurions pû démontrer tout ceci d'une maniere plus abregée, & dans une forme plus géométrique; mais nous avons cru devoir tout sacrifier à la clarté & à la nécessité d'être entendu par les gens du métier.

On vient de voir les conditions requises dans un engrenage pour que la roue mene uniformément le pignon; nous allons démontrer à présent que lorsque la dent rencontre l'aile dans ou apres la ligne des centres, il faut pour que cet effet ait lieu, que la face de l'aile soit une ligne droite tendante au centre, & que celle de la dent soit la portion d'une épicycloide engendrée par un point d'un cercle qui a pour diametre le rayon da pignon, & qui roule extérieurement sur la circonserence de la rone.

Si un cercle CO Q (fig. 97. n° 2.) roule extérieurement sur la circonférence d'un autre cercle A L E, ou intérieurement comme en M, un point quelconque C de la circonférence du premier décrira par ce mouvement une ligne qu'on appelle épicycloide. Voy. Epicycloïde. Si le cercle C O Q a pour diametre le rayon d'un cercle A L E, alors en roulant en - dedans sur sa circonférence, comme en M, la ligne qu'il décrira sera une ligne droite diametre de ce cercle A L E. Voyez Epicycloïde. Cela posé, les cercles P I G, R V E (fig. 95. n° 2.) représentant l'un le pignon l'autre la roue, dont les diametres H I, H R, sont entre eux comme leurs nombres; qu'on suppose deux petits cercles C O Q, ayant pour diametre le rayon du pignon, & posés si parfaitement l'un sur l'autre, qu'on n'en puisse voir qu'un; que leurs centres soient parfaitement dans le même point O dans la ligne des centres, & le point C en H ou D dans la même ligne: qu'on imagine ensuite (fig. 94 n° 4.) que la roue & le pignon se meuvent en tournant sur leurs centres de M en X, & que ces deux petits cercles se meuvent aussi, l'un en - dedans sur la circonférence du pignon, l'autre en - dehors sur la circonférence de la roue, mais tellement qu'à chaque arc que le pignon & la roue parcourent, ils en parcourent d'entierement égaux en sens contraire; c'est - à - dire que la roue & le pignon ayant parcouru l'un l'arc M H, l'autre l'arc égal M D, les deux cercles C O Q ayent aussi parcouru en sens contraire, l'un en - dehors sur la circonférence de la roue, l'autre en - dedans sur la circonférence du pignon, l'arc M C égal à l'arc M H ou M D. Il suivra de ce mouvement des deux cercles C O Q, que leur centre O ne sortira point de la ligne des centres R I, puisqu'à chaque instant que le mouvement de la roue & du pignon tendra à les en écarter d'un arc quel<cb-> conque, ils y seront ramenés en roulant toûjours en sens contraire d'un arc de la même longueur. Maintenant supposons pour un moment que la roue se mouvant de M en H, entraîne par le simple frottement de sa circonférence le pignon, l'effet sera encore le même; & le pignon sera mû uniformément, puisqu'on pourra le regarder avec la roue comme deux rouleaux dont l'un fait tourner l'autre, par la simple application de leurs parties l'une sur l'autre, Mais ces petits cercles par leurs mouvemens, l'un dans le pignon, l'autre sur la circonférence de la roue, seront dans le même cas que les cercles COQ, M (fig. 96. n° 2.) & COQ qui rouloient au - dedans de la circonférence du cercle ALE & au - dehors. Ainsi le point C du cercle C O Q roulant au - dedans du pignon, y décrira une ligne droite D S, diametre de ce pignon, & dont une partie, comme C D, répondra à un arc C M parcouru en même tems par ce cercle. De même le point C du cercle C O Q roulant sur la circonférence de la roue, décrira un épicycloide dont une partie, comme C H, répondra aussi à l'arc M H égal à C M. Mais comme ces deux cercles ont même diametre, & parcourent toûjours dans le même sens des arcs égaux, à cause du mouvement uniforme du pignon & de la roue, le point décrivant C du cercle qui se meut au - dedans du pignon se trouvera au même lieu que le point décrivant C du cercle qui se meut sur la circonférence de la roue. Donc le point C de la partie D I de la ligne droite D S, & le point, C de la partie de l'épicycloide C H, seront decrits en même tems. Or dans une situation quelconque du point décrivant C, la ligne M C menée du point M dans la ligne des centres, sera perpendiculaire à la ligne C D ou I D, puisque ces deux lignes formeront toùjours un angle qui aura son sommet à la circonférence du cercle C O Q, & qui s'appuiera sur son diametre. De même cette ligne M C sera aussi perpendiculaire à la portion infiniment petite de l'épicycloide C K décrite dans le même tems, puisque M C sera alors comme le rayon décrivant d'une portion de cercle infiniment petite C K. Done si la face de l'aile & celle de la dent sont engendrées par un point d'un cercle dont le diametre soit égal au raiyon du pignon, & qui se meuve sur sa circonférence en - dedans & sur la circonserence de la roue en - dehors, elles auront les mêmes propriétés que les lignes C S & C H; & par conséquent dans toutes les situations où elles se trouveront les perperdiculaires aux points où elles se toucheront, se confondront, & passeront toutes par le même point M. Mais ce point M par la construction divisera la ligne des centres dans la raison des nombres du pignon & de la roue. Donc si la face de l'aile est une ligne droite tendante au centre, & celle de la dent un épicycloide décrite par un cercle qui a pour diametre le raiyon du pignon, & qui se meut sur la circonference de la roue en - dehors, la roue menera le pignon uniformément, puisqu'alors les perpendiculaires à l'aile du pignon & à la face de la dent dans tous les points où elles se toucheront se confondront, & passeront toûjours par un même point M dans la ligne des centres, qui divise cette ligne selon les conditions requises.

Il est facile de voir que cette démonstration s'étend à toutes sortes d'épicycloïdes; c'est - à - dire qu'une roue menera son pignon toûjours uniformément, si les faces de ses ailes sont des épicycloïdes quelconques engendrées par un point d'un cercle qui roule au - dedans du pignon, & celles de la dent d'autres épicycloïdes engendrées par le même cercle roulant sur la circonférence de la roue. L'action de la roue pour faire tourner le pignon étant toûjours uniforme, il est clair en renversant que l'action du pignon pour faire tourner la roue le sera aussi. Car si dans

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