ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"801"> les ouvertures qui y communiquent, jusqu'au point qu'elle fut en équilibre avec l'océan. « On peut juger par cet extrait, que l'auteur a recours pour expliquer les effets du déluge à un second chaos: son système est extrèmement composé; & si - en quelques circonstances il paroît s'accorder avec certaines dispositions de la nature, il s'en éloigne en une infinité d'autres: d'ailleurs, le fond de cette théorie roule sur un principe si peu vraissemblable, sur cette dissolution universelle du globe, dont il est forcé d'excepter les plus fragiles coquillages, qu'il faudroit être bien prévenu pour s'y arrêter.

Mais tous ces systèmes sur l'origine des fossiles deviendront inutiles, & seront abandonnés en entier, si le sentiment qui n'attribue leur position & leur origine qu'à un long & ancien séjour de toutes nos contrées présentement habitées sous les mers, continue à faire autant de partisans qu'il en fait aujourd'hui. La multitude d'observations que nous devons de notre siecle & de nos jours, à des personnes éclairées, & dont plusieurs ne sont nullement suspectes de nouveauté sur le fait de la religion, nous ont amené à cette idée, que toutes les découvertes confirment de jour enjour; & vraissemblablement c'est où les Physiciens & les Théologiens mêmes vont s'en tenir: car on a cru pouvoir aisément allier cette étrange mutation arrivée dans la nature, avec les suites & les effets du déluge selon l'histoire sainte ».

M. D. L. P. est un des premiers qui ait avancé qu'avant le déluge notre globe avoit une mer extérieure, des continens, des montagnes, des rivieres, &c. & que ce qui occasionna le déluge fut que les cavernes soûterraines & leurs piliers ayant été brisés par d'horribles tremblemens de terre, elles furent, sinon en entier, du moins pour la plus grande partie, ensevelies sous les mers que nous voyons aujourd'hui; & qu'enfin cette terre où nous habitons étoit le fond de la mer qui existoit avant le déluge; & que plusiéurs îles ayant été englouties, il s'en est formé d'autres dans les endroits où elles sont présentement.

Par un tel système qui remplit les idées & les vûes de l'Ecriture - sainte, les grandes difficul és dont sont remplis les autres systèmes s'évanouissent; tout ce que nous y voyons s'explique naturellement. On n'est plus surpris qu'il se trouve dans les différentes couches de la terre, dans les vallées, dans les montagnes, & à des profondeurs surprenantes, des amas immenses de coquillages, de bois, de poissons, & d'autres animaux, & végétaux terrestres & marins: ils sont encore dans la position naturelle où ils étoient lorsque leur élément les a abandonnés, & dans les lieux où les fractures & les ruptures arrivées dans cette grande catastrophe leur ont permis de tomber & de s'ensevelir. Transact. philos. n°. 266.

« M. Pluche n'a pas été le seul à embrasser un système aussi chrétien, & qui lui a paru d'autant plus vraissemblable, que nous ne trouvons sur nos continens aucuns débris des habitations & des travaux des premiers hommes, ni aucuns vestiges sensibles du séjour de l'espece humaine; ce qui devroit être, à ce qu'il lui semble, fort commun si la destruction universelle des premiers hommes étoit arrivée sur les mêmes terreins que nous habitons; objection puissante que l'on fait à tous les autres systèmes, mais à laquelle ils peuvent néanmoins en opposer une autre qui n'a pas moins de force pour détruire toutes les idées des modernes.

M. Pluche & les autres qui ont imaginé que l'ancienne terre où il ne devoit point y avoir de fossiles marins a été précipitée sous les eaux, & que les lits des anciennes mers ont pris leur place, sont forcés de convenir que les régions du Tigre & de l'Euphrate n'ont point été comprises dans cette terrible submersion, & qu'elles seules en ont été exceptées parmi toutes celles de l'ancien monde. Le nom de ces fleuves & des contrées circonvoisines, leur fertilité incroyable, la sérenité du ciel, la tradition de tous les peuples, & en partilier de l'histoire sainte, tout les a mis dans la nécessité de souscrire à cette vérité, & de dire voici encore le berceau du genre humain; Spect. de la Nat. tom. VIII. pag. 93. Si on examine à présent comment cette exception a pû se faire & ce qui a dû s'ensuivre, on ne trouvera rien que de très - contraire à l'époque où le nouveau système fixe la sortie de nos continens hors des mers. Si les pays qu'arrosent le Tigre & l'Euphrate n'ont point été effacés de dessus la terre, & n'ont point changé comme on est obligé d'en convenir, c'est sans doute parce qu'il n'y eut point d'affaissement dans les sommets d'où ces fleuves descendent, dans ceux qui les dirigent à l'orient & à l'occident en y conduisant les ruisseaux & les grandes rivieres qui les forment, ni aucune élévation au lit de cette partie de nos mers où ils se déchargent; d'où il doit suivre que toute cette étendue de terre bornée par la mer Caspienne, la mer Noire, la mer Méditerranée, & le golfe Persique, n'a dû recevoir aussi aucune altération dans son ancien niveau & dans ses pentes, & dans la nature de ses terreins; puisque les revers de tous les sommets qui regardent les grandes vallées du Tigre & de l'Euphrate n'ayant point baissé ni changé, il est constant que le revers de ces mêmes sommets qui regardent l'Arménie, la Perse, l'Asie mineure, la Syrie, l'Arabie, &c. n'ont point dû baisser non plus, & qu'ainsi toutes ces vasces contrées situées à l'entour & au - dehors du bassin de l'Euphrate & des rivieres qui le forment, n'ont souffert aucun affaissement, & ont été nécessairement exceptées de la loi générale en favour de leur proximité du berceau du genre humain: elles font donc partie de cet illustre échantillon qui nous reste de l'ancien monde, & c'est donc là qu'on pourroit aller pour juger de la différence qui doit se trouver entr'eux, & voir enfin si elles ne contiennent point de fossiles marins comme tout le reste de la nouvelle terre que nous habitons; c'est un voyage que les naturalistes & les voyageurs nous épargneront; nous savons que toutes ces contrées sont remplies comme les nôtres de productions marines qui sont étrangeres à leur état présent; Pline même connoissoit les boucardes fossiles qu'on trouvoit dans la Babylonie: que devient donc le système sur l'époque de la sortie des continens hors des mers? N'est - il point visible que ces observations le détruisent, & que ses partisans n'en sont pas plus avancés, puisqu'il n'y a point de différence entre le nouveau & l'ancien monde, chose absolument nécessaire pour la validité de leur sentiment? Au reste ces réflexions ne sont point contraires au fond de leurs observations. Si M. Pluche & un grand nombre d'autres ont reconnu que nos continens après un long séjour sous les eaux, où leurs couches & leurs bancs coquilleux s'étoient construits & accumulés, en sont autrefois sortis pour devenir l'habitation des hommes, c'est une chose dont on peut convenir, quoiqu'on ne convienne point de l'époque.

Quant aux preuves historiques & physiques du déluge & de son universalité, il nous restera toûjours celle de l'uniformité des traditions, de leur généralité, & celles que l'on peut tirer des grands escarpemens & des angles alternatifs de nos vallées, qui au défaut des corps marins nous peuvent donner des preuves, nouvelles à la vérité, mais aussi fortes néanmoins que toutes celles qu'on [p. 802] avoit jusqu'à ce jour: on en pourra juger par les observations suivantes.

M. Bourguet, & plusieurs autres observateurs depuis lui, ayant remarqué que toutes les chaînes des montagnes forment des angles alternatifs & qui se correspondent; & cette disposition des montagnes n'étant que le résultat & l'effet conséquent de la direction sinueuse de nos vallées, on en a conclu que ces vallées étoient les anciens lits des courans des mers qui ont couvert nos continens, & qui y nourrissoient & produisoient les êtres marins dont nous trouvons les dépouilles. Mais si le fond des mers s'étant autrefois élevé au - dessus des eaux qui les couvroient, les anciennes pentes & les directions anciennes des courans ont été altérées & changées, comme il a dû arriver nécessairement dans un tel acte; pourquoi donc aujourd'hui, dans un état de la nature tout différent & tout opposé à l'ancien, puisque ce qui étoit bas est devenu élevé, & ce qui étoit élevé est devenu bas; pourquoi veut - on que les eaux de nos fleuves & de nos rivieres suivent les mêmes routes que suivoient les anciens courans; ne doivent - elles pas au contraire couler depuis ce tems - là sur des pentes toutes différentes & toutes nouvelles; & n'est - il pas plus raisonnable & en même tems tout naturel de penser que si les anciennes mers & leurs courans ont laissé sur leur lit quelques empreintes de leur cours, ces empreintes telles qu'elles soient ne doivent plus avoir de rapport à la disposition présente des choses, & à la forme nouvelle des continens. Ce raisonnement doit former quelque doute sur le système dominant de l'origine des angles alternatifs. Les sinuosités de nos vallées qui les forment, ont dans tout leur cours & dans leurs ramifications, trop de rapport avec la position de nos sommets & l'ensemble de nos continens, pour ne pas soupçonner qu'elles sont un effet tout naturel & dépendant de leur situation présente au - dessus des mers, & non les traces & les vestiges de courans des mers de l'ancien monde. Nos continens depuis leur apparition étant plus élevés dans leur centre qu'auprès des mers qui les baignent, il a été nécessaire que les eaux des pluies & des sources se sillonassent dès les premiers tems une multitude de routes pour se rendre malgré toutes inégalités aux lieux les plus bas où les mers les engloutissent toutes Il a été nécessaire que lors de la violente éruption des sources & des grandes pluies du déluge, les torrens qui en résulterent fouillassent & élargissent ces sillons au point où nous les voyons aujourd'hui. Enfin la forme de nos vallées, leurs replis tortueux, les grands escarpemens de leurs côtes & de leurs côteaux, sont tellement les effets & les suites du cours des eaux sur nos continens, & de leur chûte des sommets de chaque contrée vers les mers, qu'il n'est pas un seul de ces escarpemens qui n'ait pour aspect constant & invariable le continent supérieur, d'où la vallée & les eaux qui y passent descendent; ensorte que s'il arrivoit encore de nos jours des pluies & des débordemens assez violens pour remplir les vallées à comble comme au tems du déluge, les torrens qui en résulteroient viendroient encore frapper les mêmes rives escarpées qu'ils ont frappées & déchirées autrefois. Il suit de tout ceci une multitude de conséquences, dont le détail trop long ne seroit point ici placé; on les trouvera aux mots Vallée, Montagne, Riviere . C'est aux observateurs de nos jours à réflechir sur ce système, qui n'a peut - être contre lui que sa simplicité: s'ils l'adoptent, qu'elle preuve physique n'en résulte - t - il pas en faveur de l'universalité du déluge, puisque ces escarpemens alternatifs de nos vallées se voyent dans toutes les contrées & les régions de la terre? & quel poids ne donne - t - il point à ces différentes traditions de quelques peuples d'Europe & d'Asie sur les effets du déluge sur leurs contrées? Tout se lie par ce moyen, la physique & l'histoire profane se confirment mutuellement, & celles - ci ensemble se concilient merveilleusement avec l'histoire sacrée ».

Il reste une derniere difficulté sur le déluge; c'est qu'on a peine à comprendre comment après cet évenement, de telle façon qu'il soit arrivé, les animaux passerent dans les diverses parties du monde, mais sur - tout en Amérique; car pour les trois autres, comme elles ne forment qu'un même continent, les animaux domestiques ont pû y passer facilement en suivant ceux qui les ont peuplées, & les animaux sauvages, en y pénétrant eux - mêmes par succession de tems. La difficulté est plus grande par rapport à l'Amérique pour cette derniere espece d'animaux, à moins qu'on ne la suppose jointe à notre continent par quelque isthme encore inconnu aux hommes, les animaux de la premiere espece y ayant pû être transportés dans des vaisseaux: mais quelle apparence qu'on allât se charger de propos déliberé de peupler un pays d'animaux féroces, tels que le lion, le loup, le tigre, &c. à moins encore qu'on ne suppose une nouvelle création d'animaux dans ces contrées? mais sur quoi seroit - elle fondée? Il vaut donc mieux supposer, ou que l'Amérique est jointe à notre continent, ce qui est très - vraissemblable, ou qu'elle n'en est séparée en quelques endroits que par des bras assez étroits, pour que les animaux qu'on y trouve y ayent pû passer: ces deux suppositions n'ont rien que de très - vraissemblable.

Terminons cet article par ces réflexions de M. Pluche, imprimées à la fin du troisieme volume du Spectacle de la Nature. « Quelques savans, dit - il, ont entrepris de mesurer la profondeur du bassin de la mer, pour s'assûrer s'il y avoit dans la nature assez d'eau pour couvrir les montagnes; & prenant leur physique pour la regle de leur foi, ils décident que Dieu n'a point fait une chose, parce qu'ils ne conçoivent point comment Dieu l'a faite: mais l'homme qui sait arpenter ses terres & mesurer un tonneau d'huile ou de vin, n'a point reçu de jauge pour mesurer la capacité de l'atmosphere, ni de sonde pour sentir les profondeurs de l'abysme: à quoi bon calculer les eaux de la mer dont on ne connoît pas l'étendue? Que peut - on conclure contre l'histoire du déluge de l'insuffisance des eaux de la mer, s'il y en a une masse peut - être plus abondante dispersée dans le ciel? Et à quoi sert - il enfin d'attaquer la possibilité du déluge par des raisonnemens, tandis que le fait est démontré par une foule de monumens »?

Le même auteur, dans le premier volume de l'histoire du ciel, a ramassé une infinité de monumens historiques du déluge, que les peuples de l'Orient avoient conservés avec une singuliere & religieuse attention, & particulierement les Egyptiens. Comme le déluge changea toute la face de la terre, « les enfans de Noé, dit - il, en conserverent le souvenir parmi leurs descendans, qui, à l'exemple de leurs peres faisoient toûjours l'ouverture de leurs fêtes ou de leurs prieres publiques par des regrets & des lamentations sur ce qu'ils avoient perdu », c'est - à - dire sur les avantages de la nature dont les hommes avoient été privés par le déluge, & c'est ce qu'il prouve ainsi plus en détail. « Les Egyptiens & la plûpart des Orientaux, quels que soient des uns ou des autres ceux à qui on doit attribuer cette invention, avoient une allégorie ou une peinture des suites du déluge, qui devint célebre & qu'on trouve par tout; elle réprésentoit le monstre aqua<pb->

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