ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"787"> préexistante dans le cerveau même, quoiqu'elle en soit bien éloignée. C'est - là une chose très - importante dans la pratique, & qui, comme on voit, mérite beaucoup d'attention.

Les anciens medecins avoient déjà observé dans les autres différentes parties du corps, les changemens qui s'y faisoient, comme pouvant servir de signe du délire prochain. C'est ainsi qu'Hippocrate a dit dans ses prognostics, que « s'il y a un battement dans un des hypocondres, cela signifie ou une grande agitation, ou un délire. Les palpitations que l'on ressent dans le ventre, sont suivies de trouble dans l'esprit, &c.» Il est constant par l'histoire des plaies, des douleurs, des convulsions, de la manie, de l'épilepsie, de la mélancholie, &c. que l'organe des sensations peut être affecté par le vice de différentes parties du corps, même des plus éloignées.

On observe aussi particulierement que le délire, comme symptome de fievre, est occasionné par la matiere morbifique qui a son siége dans la région épigastrique, laquelle étant emportée par quelque moyen que ce puisse être, la fievre cesse, quoiqu'on n'employe aucun remede dont l'effet se fasse dans la tête même. Hippocrate avoit dit à ce sujet, dans son livre des affections, que « quand la bile émûe se fixe dans les visceres qui sont près du diaphragme, elle cause la phrénésie ».

On sait combien influe sur le cerveau l'action de bien des remedes, & celle des poisons sur l'estomac, lesquels étant emportés, le mal cesse. C'est la puissance d'une partie éloignée sur une autre, que Vanhelment appelloit assez à - propos action de subordination, actio regiminis. Cette correspondance se manifecte assez par ce qui se passe dans les parties où il y a concours d'un grand nombre de nerfs qui se distribuent à plusieurs autres parties, comme dans l'orifice supérieur de l'estomac, dont les irritations occasionnent des desordres dans tout l'organe des sensations; la cause de l'irritation ôtée, le calme suit. La raison de ces effets ne se présente pas aisément; mais il suffit que le fait soit bien observé, pour qu'on en puisse tirer des indications saiutaires pour diriger les opérations dans la pratique. On peut voir ce qui regarde plus particulierement les différentes causes de délire, dans les articles des différentes especes de cette maladie, comme Manie, Mélancholie, Phrenesie , &c. Ce qui vient d'être dit convient au délire proprement dit, que l'on observe dans la plûpart des maladies aiguës, sur - tout dans les fievres. C'est aussi de cette derniere espece de délire, que les signes qui la font connoître vont être rapportés: « car, comme dit Hippocrate, celui qui par les affections présentes juge de celles qui peuvent survenir, est en état de conduire parfaitement le traitement d'une maladie ».

Comme le délire a différens degrés, & qu'il est accompagné de symptomes très - funestes, sur - tout quand il parvient à celui de sa plus grande violence par les fortes passions de l'ame qu'il fait naître, & par les mouvemens & les agitations extraordinaires qui les accompagnent, il est très - important d'en connoître les moindres principes, pour pouvoir en prévenir l'accroissement & les suites: ce qui demande beaucoup d'application. Galien use à ce propos d'une comparaison qui est très - ingénieuse: il dit « que comme il n'y a que les habiles jardiniers qui connoissent les plantes, & les distinguent les unes des autres lorsqu'elles ne font que sortir de terre, pendant que toutle monde les connoît quand elles sont dans leur force; de même il n'y a que les habiles medecins qui apperçoivent les signes d'un délire prochain ou commençant, tandis que personne n'en méconnoît les symptomes, lorsque le malade s'agite sans raison apparente, se jette hors du lit, devient furieux, &c.»

C'est l'importance de cette connoissance des signes du délire, qui les a fait observer si soigneusement à Hippocrate tels que nous allons en rapporter quelques - uns. Il dit dans ses prognostics, que « c'est un signe de délire ou de douleur de quelque partie de l'abdomen de se tenir couché sur le ventre, pour celui qui n'est pas accoutumé de se coucher dans cette attitude en santé ». Il dit aussi dans le même livre, que « le malade qui grince des dents, n'ayant pas eu cette habitude depuis son enfance, est menacé de délire & de mort prochaine ». On y lit encore, que « la respiration longue & profonde signifie aussi le délire; lorsqu'il y a battement dans les flancs, & que les yeux paroissent agités, on doit s'attendre au délire». La douleur aiguë de l'oreille dans une fievre violente, la langue rude & seche, la langue tremblante, le visage enflammé, le regard féroce, le vomissement des matieres bilieuses, poracées, les urines rougeâtres, claires, & quelquefois blanches, ce qui est bien plus mauvais, sont tous des signes d'une disposition au délire. Mais ce qu'Hippocrate regarde comme le plus sûr indice d'un délire prochain, c'est que le malade s'occupe des choses auxquelles il n'étoit pas en coûtume de penser, ou même contraires: c'est à ce signe général que se rapportent les signes particuliers suivans, comme une réponse brusque de la part d'un homme ordinatrement modéré, une indécence de la part d'une femme modeste, & autres choses semblables. Galien avoit éprouvé sur soi - même, que de regarder ses mains, de paroître vouloir ramasser des flocons, de chasser aux mouches, sont des signes de délire; s'en étant apperçû par les assistans qu'il entendoit le remarquer, il demanda du secours pour prévenir la phrénésie dont il se sentoit menacé. Le délire obscur que l'on prendroit presque pour une léthargie, se distingue par un pouls dur, quoique très languissant. On trouve dans Hippocrate beaucoup d'autres signes diagnostics du délire. On se borne à ceux qui viennent d'être rapportés, pour passer aux prognostics. Extrait de Van. Swieten, comment. aph. Boerh.

Les délires qui ne sunsistent pas continuellement & donnent quelque relâche, sont les moins mauvais, sur - tout ceux qui ne durent pas long - tems, & qui ne sont accompagnés d'aucun mauvais signe: ils occasionnent plus de crainte que de danger; comme dans les fievres intermittentes où ils paroissent dans la violence de l'accès, & se terminent avec elle, pourvû que les forces du malade suffisent à supporter la violence du mal.

Cependant aucun délire n'est regardé comme un signe de sécurité dans les maladies, ni comme un signe de mort certaine par lui seul; non plus qu'on ne doit pas fonder une espérance assûrée sur la seule liberté de l'esprit.

Quelquefois pendant que subsistent les symptomes les plus violens, s'il survient un délire subit, c'est un signe d'une hémorrhagie ou d'une crise, selon Hippocrate dans les Coaques. L'urine fort chargée, qui donne beaucoup de sédiment, annonce la fin du délire, dans le VI. livre des épid. Une bonne sueur, si elle se fait abondamment & avec chaleur à la tête, le reste du corps suant aussi, termine le délire; cela arrive encore quelquefois par une hémorrhagie, par les hémorrhoîdes, par de violentes douleurs, qui surviennent aux aines, aux cuisses, aux jambes, aux piés, aux mains: ce qui se fait alors par un transport de la matiere morbifique des parties plus essentielles à la vie, dans celles qui ne le sont pas.

C'est aussi un très - bon signe lorsque le sommeil [p. 788] calme le délire (Hipp. sect. II. aphor. 2.) pourvû que le sommeil soit tranquille: c'est le contraire s'il est agité; c'est un signe mortel, aphor. 1. sect. II. Il faut aussi distinguer le sommeil des maladies soporeuses qui dénotent mal, quand elles succedent au délire. Lorsqu'il est accompagné de foiblesse, il est mortel, parce qu'il acheve d'épuiser le peu de force qui reste.

Si la perte de la voix qui survient dans la fievre par convulsion dégénere en délire obscur silentieux, c'est très - mauvais signe: le tremblement dans le délire violent procede de la convulsion, & la mort la suit.

Les fréquens changemens de la tranquillité à l'agitation sont pernicieux: le délire accompagné de défaut de mémoire, d'affaissement, de stupidité, est un signe de mort évident, parce qu'il indique un relâchement de toutes les fibres du cerveau qui ont perdu leur ressort; effet toûjours funeste après la chaleur contre nature, qui avoit fait naître le délire: si le froid ou la roideur des membres s'y joint, la perte du malade est inévitable; comme aussi dans le cas où ayant les yeux ouverts il n'y voit rien; dans celui où les yeux se ferment à la lumiere, répandent des larmes involontairement, sont inégalement entr'ouverts, sont rouges ou teints de sang.

Les palpitations, le hoquet, la langue rude, seche, sans soif, la perte de la voix, l'inquiétude, les sueurs froides de la tête, du cou, des épaules, les moiteurs par tout le corps, les urines aqueuses, blanches, claires, les déjections blanchâtres, abondantes, sans calmer le délire, les abcès dont la matiere rentre dans l'intérieur, & les éruptions cutanées qui disparoissent, les douleurs dans les membres qui cessent bien - tôt, la difficulté de respirer, le pouls petit & languissant, & l'horreur pour les alimens & la boisson: tous ces accidens sont très - funestes, chacun pris séparément, toûjours d'après notre grand maître Hippocrate; à plus forte raison, si plusieurs & la plûpart sont réunis avec le délire.

Les trois derniers sur - tout sont d'un grand poids dans quelque maladie que ce soit pour annoncer une fin prochaine, & les signes opposés à ceux - là sont aussi importans pour dissiper la crainte du danger. Extrait de Prosper Alpin, de proesag. vita & morte.

Tel est l'abregé des signes prognostics qui peuvent trouver place ici pour servir à juger des événemens dans l'affection dont il s'agit, qui est extrémement variée par sa nature & ses symptômes: il reste à dire quelque chose de sa guérison.

On ne peut guere donner de méthode universelle de traitement dans une affection dont les causes sont si différentes; mais les remedes doivent être variés à proportion: car dans les inflammations du cerveau auxquelles donne lieu un sang épaissi qui s'arrête dans ses vaisseaux, & cause le délire: il faut en employer de bien différens de ceux qui doivent être employés dans le cas de délire qui provient d'un épuisement à la suite d'une longue fievre. Mais vû que le délire considéré comme symptôme de fievre, est presque toûjours déterminé par une trop grande vélocité dans le mouvement circulatoire du sang; il s'ensuit que tout ce qui peut contribuer à diminuer la masse des humeurs, à en détourner l'effort vers quelqu'autre partie plus résistante, à corriger ou à diminuer l'irritation, à délayer & atténuer les humeurs & à en calmer l'agitation, convient très - bien dans ce cas.

La saignée au pié plus ou moins répetée, le rétablissement ou l'accélération du flux hémorrhoîdal, menstruel, par le moyen des relâchans; les lavemens, les vomitifs; les purgatifs à propos, selon les différens besoins, la diete, satisfont à la premiere indication.

Les bains de piés, l'application des sangsues aux temples, des vesicatoires à la nuque, entre les deux épaules, aux mollets des bras, des jambes; celles des fomentations émollientes, sur la tête, sur le ventre, à la plante des piés; les frictions des extrémités, peuvent servir à remplir la seconde indication.

Pour les autres on peut employer les décoctions farineuses, légeres, savoneuses; les boissons adoucissantes, rafraîchissantes, acidules; les tisanes, les aposèmes antiphlogistiques, desobstruans; les calmans, les anodyns légers, placés dans les commencemens du délire, & après les évacuans; dans la suite les narcotiques prudemment administrés, les ténebres, le repos.

Avec ces différens moyens on peut parvenir à détruire la cause du mal; cependant souvent l'effet reste après elle; les violentes impressions faites sur l'organe des sensations ne s'effacent pas tout de suite.

Il faut quelquefois avoir recours aux expédiens extraordinaires & singuliers, comme les instrumens de musique, le chant, la danse, les bruits éclatans, les bruits reglés, la lumiere, &c. pour substituer de nouvelles idées plus fortes, mais plus conformes à leur objet, à celles qui constituent le délire, en opposant toûjours des affections contraires à celles qui sont dominantes. Voyez la curation du délire dans Van. Swieten, dont on a extrait la plus grande partie de cet article. (d)

Délire (Page 4:788)

Délire l'osier. Voyez Osier.

DÉLIT (Page 4:788)

DÉLIT, s. m. (Jurisprud.) du latin delinquere, delictum, signifie en général une faute commise au préjudice de quelqu'un.

On comprend quelquefois sous ce terme de délits toutes sortes de crimes, soit graves ou légers, même le dommage que quelqu'un cause à autrui, soit volontairement ou par accident, & sans qu'il y ait eu dessein de nuire; mais plus ordinairement on n'employe ce terme de délit que pour exprimer les crimes légers ou le dommage causé par des animaux.

Les principes généraux en matiere de délits sont que tous délits sont personnels, c'est - à - dire que chacun est tenu de subir la peine & la réparation dûe pour son délit, & que le délit de l'un ne nuit point aux autres. Cette derniere maxime reçoit néanmoins trois exceptions: la premiere est que le délit du défunt nuit à son héritier pour les amendes, la confiscation, & autres peines pécuniaires qui sont à prendre sur ses biens: la seconde exception est que les peres sont tenus civilement des délits commis par leurs enfans étant en bas âge & sous leur puissance; les maîtres sont pareillement tenus des délits de leurs esclaves & domestiques, & du délit ou dommage causé par leurs animaux: la troisieme exception est qu'il y a quelques exemples qu'en punissant le pere pour certains crimes très - graves, on a étendu l'ignominie jusques sur les enfans, afin d'inspirer plus d'horreur de ces sortes de crimes.

Tous délits sont publics ou privés; ils sont réputés de la derniere espece, à moins que la loi ne déclare le contraire. Voyez ci - après Délit public & Délit privé.

Personne ne doit profiter de son délit, c'est - à - dire qu'il n'est pas permis de rendre par un délit sa condition meilleure.

La gravité du délit se considere eu égard à la qualité de celui qui le commet, à l'habitude où il peut être de le commettre, à la qualite de celui envers lequel il est commis, eu égard au lieu où les choses se sont passées, aux personnes qui étoient présentes, & autres circonstances qui peuvent mériter attention.

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