ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"785"> gue & plus grosse que celles dont se servoient autrefois nos hommes d'armes. Ces soldats mettant comme la plûpart des Turcs toute leur confiance dans la fortune, leur croyance sur la prédestination les rend comme furieux & hors de sens; & c'est de - là qu'ils ont été nommés délilers, c'est - à - dire fous, insensés. Autrefois ils fondoient sur l'ennemi sans ordre ni discipline, & réussissoient quelquefois par cette fougue impétueuse. On les a depuis assujettis à des regles, qui semblent avoir diminué leur valeur.

Un bonnet de peau de léopard, dont les ailes leur battent sur les épaules, surmonté d'un grand vol d'aigle avec la queue suspendue à un fil de fer; de longues chausses de peau d'ours ou de loup, le poil en - dehors, avec des éperons à la hongroise longs d'un pié, & une veste de peau de lion, forment leur habit militaire; leurs chevaux sont de même caparaçonnés de foururres.

Les bachas, beglerbegs, & autres principaux officiers, ont des délilers à leur solde quand ils vont à la guerre. Guer. moeurs des Turcs, tom. II. (G)

DÉLINQUANT (Page 4:785)

DÉLINQUANT, adj. pris subst. (Jurisprud.) est celui qui commet ou qui a déjà commis quelque crime ou délit. Ce terme vient du latin delinquere. Voy. ci - après Délit. (A)

DÉLIRE (Page 4:785)

DÉLIRE, s. m. (Medecine.) est un genre de lésion des fonctions animales. L'étymologie la plus vraissemblable de ce nom vient, selon plusieurs auteurs, du mot lira, qui signifie un fossé en ligne droite que l'on fait dans les champs, qui sert à diriger les sillons; ainsi d'aberrare de lirâ, s'écarter du principal sillon, a été fait le mot delirus, appliqué par allusion à un homme qui s'écarte de la regle de la raison, parce que le délire n'est autre chose que l'égarement, l'erreur de l'esprit durant la veille, qui juge mal des choses connues de tout le monde.

L'ame est toûjours dans le même état, elle n'est susceptible d'aucune altération; ce n'est donc pas à elle à qui il faut attribuer cet égarement, cette erreur, ce défaut de jugement, qui constituent le délire, mais à la disposition des organes du corps, auquel il a plû au Créateur de l'unir; cela est hors de doute.

En effet les idées, en vertu de l'union des deux substances, sont attachées aux changemens qui se font sur la surface extérieure ou intérieure de la fibre médullaire du cerveau, aux impressions de mouvement qu'elle est susceptible de recevoir; & selon que ces vibrations sont d'accord entr'elles ou ne le sont pas, l'ame qui est affectée d'une maniere semblable ou dissemblable par les idées, les unit ou les sépare; & après en avoir jugé, elle s'y attache plus ou moins fortement, selon que cette consonnance ou dissonnance est plus ou moins grande, à proportion de la longueur, de la grosseur, & de la tension de la fibre. Voyez Ame, Cerveau, Sensation

De ces trois qualités les deux premieres éprouvent rarement quelque altération; il y a même lieu de douter si cela arrive jamais. Elles ne sont différentes que respectivement aux différens sujets, dont les uns ont le tissu des fibres en général plus fort, plus roide; les autres plus foible, plus lâche, avec des combinaisons presqu'infinies. Pour ce qui est de la tension, elle est susceptible d'augmentation ou de diminution dans cet état naturel & contre - naturel, c'est - à - dire lorsqu'il y a excès.

Tant que les fibres du cerveau, dit M. de Sauvages dans son livre des nouvelles classes de maladies (1732) jouissent de l'harmonie que l'auteur de la nature a formée entr'elles par une tension proportionnée, les idées & les jugemens qui résultent du changement qu'elles éprouvent par les causes externes ou internes, sont sains & naturels, conformes à leurs objets; mais dès que cet accord est déxangé, que les fibres deviennent trop tendues, trop élastiques, comme dans la phrénésie, la manie (voyez Manie, Phrénésie) dans lesquelles maladies toutes les fibres qui servent aux fonctions de l'ame, ont le même défaut: dans la mélancolie, la démonomanie, où il n'y en a que quelques - unes de viciées de la même maniere (voyez Démonomanie, Mélancolie); dans des cas au contraire où elles sont trop relâchées, comme dans la léthargie, la stupidité (voy. Léthargie, Stupidité): alors les idées & les jugemens, qui ne sont que la comparaison que l'esprit fait de ces idées, sont à proportion plus fortes ou plus foibles que l'impression des objets; & comme ses opérations sont finies, les plus fortes occupant toute la faculté de penser, fixant toute son attention (voyez Attention), il n'apperçoit pas les autres: de - là vient qu'il n'en sauroit porter un jugement sain & naturel. Cet effet est commun à toutes les maladies qui viennent d'être citées, & à plusieurs autres à - peu - près semblables, dans lesquelles les fibres pechent par excès de tension, soit en général, soit quelques - unes en particulier; elles constituent donc ces différentes especes de délire, puisque dans toutes ces différentes affections il y a erreur de l'esprit dans la veille, il se présente des idées qui ne sont pas conformes à leurs objets.

On distingue deux sortes principales de délires; savoir le délire universel, dans lequel toutes ou un très - grand nombre de fibres du cerveau sont viciées de la maniere qui vient d'être dite; & le délire particulier, dans lequel il n'y a que très - peu de fibres qui soient dérangées.

On observe aussi différens degrés de délire; car quelquefois ce changement, cette altération qui se fait dans l'organe des sensations, c'est - à - dire le sensorium commune, par une cause interne, sont si peu considérables, qu'ils font une plus legere impression que ceux qui sont produits par les causes externes qui agissent sur les sens: dans ce cas les idées qui sont excitées par cette legere impression s'effacent aisément, & cedent à celles qui viennent par la perception des sens: c'est - là, en quelque façon, le premier degré de délire; lorsque les malades croyent appercevoir certain objet par la voie des sens, & qu'étant avertis par les assistans, ils voyent aisément qu'ils se sont trompés.

Mais lorsque l'action de la cause interne sur l'organe des sensations est si forte qu'elle égale & qu'elle surpasse même l'impression qui se fait par le moyen des sens, on ne peut pas persuader aux malades que la cause de ce qu'ils sentent n'est pas hors d'eux mêmes, sur - tout s'ils ont eu autrefois de semblables idées à l'occasion des objets extérieurs: car alors ils se persuadent absolument que les mêmes causes externes les affectent, & ils se fâchent contre leurs amis qui osent nier des choses qui leur paroissent évidentes; c'est qu'alors l'impression qui s'est faite par la cause interne, cachée dans l'organe des sensations, est si efficace qu'elle est supérieure à toute autre impression qui pourroit s'y faire. L'idée qui en résulte est toûjours présente à l'esprit, & ne peut être corrigée par aucun raisonnement: cependant les organes eux - mêmes qui servent aux jugemens sains ne sont pas entierement dénués de leurs facultés; car s'il arrive quelque accident subit & imprévû qui attire une forte attention de la part du malade, cette nouvelle impression l'emporte sur la précédente; ils paroissent pour le moment s'occuper de ce qui se passe réellement hors d'eux; ils raisonnent juste en conséquence: mais la cause de cette derniere attention venant à cesser, celle qui dominoit auparavant produit son effet, & ils retombent dans leurs fausses idées comme auparavant.

Tout ce qui se passe en nous, qu'on appelle jugement, dépend de l'intime faculté de penser, qui [p. 786] compare ses idées: ainsi un homme qui est dans le délire se persuade que les idées qui lui sont représentées à l'occasion de la cause interne qui les excite, sont vraies, parce qu'elles sont aussi vives & lui paroissent semblables à celles qu'excitoient autretois en lui les objets externes.

Toutes les idées qui naissent en nous, représentent un objet agréable, ou desagréable, ou indifférent. On se détermine en conséquence à agir pour se procurer la continuation de ce sentiment agréable, ou pour éloigner celui qui déplaît, ou on ne fait pas d'attention à ce qui est indifférent.

Ainsi lorsqu'il survient à ceux qui sont dans le délire quelques - unes des idées des deux premieres especes, qui sont propres à exciter de violentes affections de l'ame, ils s'agitent beaucoup, ils blessent les assistans qui veulent les contenir, ils renversent tous les obstacles qui se présentent, pour parvenir à se procurer les choses qu'ils desirent, ou à éloigner celles qu'ils craignent: telles sont les délires qu'Hippocrate appelle FERI/ODES2; dans lesquels ni les menaces, ni les dangers, ni la raison, ne peuvent retenir les malades qui en sont attaqués, ni les empêcher de nuire à eux - mêmes & aux autres. Il les compare à des bêtes sauvages, selon la signification du mot grec ci - dessus: mais lorsqu'ils ne sont occupés que d'idées qui n'ont rien de bien attrayant ni de déplaisant, il ne s'ensuit aucune agitation du corps, aucun mouvement violent, ils n'en sont cependant pas moins dans le délire; tels que ceux dont Hippocrate dit dans son liv. I. des prédictions: « Les délires obscurs accompagnés de legers tremblemens des membres, & dans lesquels les malades cherchent à palper quelque chose en tatonnant continuellement, sont très - phrénétiques ». Ainsi les Medecins se trompent quand ils ne croyent pas dans le délire leurs malades, qu'ils ne sortent du lit, qu'ils ne s'agitent violemment, & ne fassent de grands cris. Ces délires obscurs sont de très - mauvais augure, & il est très - nécessaire de les connoître: car, comme dans toute sorte de délire il y a toûjours une portion de la substance médullaire affectée, dans le cas dont il s'agit il peut y avoir un très - grand danger, quoiqu'il ne paroisse pas de grands troubles.

Si le changement qui se fait dans l'organe des sensations par la cause morbifique interne, donne lieu à ce qu'il naisse une idée d'un objet que l'on n'a jamais vû & dont il ne s'est jamais fait aucune représentation à l'esprit, l'ame est toute occupée à le considérer, & elle en est troublée; le malade paroît comme frappé d'étonnement, ses yeux sont ouverts, sa bouche béante, & peu de tems après il est attaqué de convulsions d'autant plus violentes que l'objet de la crainte est plus grand: c'est ce qui arrive aux épileptiques qui sont affectés dans les paroxismes de différentes couleurs, de différentes odeurs, de différens goûts, &c. qu'ils ne peuvent rapporter à aucune sensation connue; les simples songes représentent même quelquefois des choses que l'on n'a jamais ni vûes ni imaginées. C'est sans doute sur ce fondement qu'Hippocrate a dit dans les Coaques, « que dans les fievres, les agitations de l'ame qui ont lieu, sans que le malade dise mot, quoiqu'il ne soit pas privé de la voix, sont pernicieuses ».

De tout ce qui vient d'être dit, il résulte qu'il y a bien des différens genres de délires, que l'on peut cependant réduire aux trois suivans: 1°. lorsqu'il s'excite par la cause interne cachée différentes idées simples seulement, qui sont plus ou moins vives, selon que l'impression est plus ou moins forte: 2°. lorsque de ces idées il suit un jugement, c'est un autre genre de délire: 3°. lorsque ces idées sont présentées à l'ame comme plus ou moins agréables ou desagréables, & sont accompagnées d'agitations du corps, de mouvemens plus ou moins violens; ce qui établit une troisieme différence de délire.

Les suites de toutes ces sortes de délires sont différentes, selon que cette passion ou telle autre sera excitée. Les changemens apparens du corps ne sont pas les mêmes pour les idées accompagnées de plaisir, & pour celles qui sont accompagnées de tristesse, de crainte. C'est ce qui a fait dire à Hippocrate dans ses aphorismes, que « les délires dans lesquels les malades semblent de bonne humeur, sont moins dangereux que ceux dans lesquels ils paroissent sérieux, fortement occupés ». Comme aussi dans les Coaques, il regarde comme très - funestes les délires dans lesquels les malades refusent ce qui leur est le plus nécessaire, comme les bouillons, la boisson, dans lesquels ils sont très - éveillés par la crainte des objets qu'ils se représentent.

Le délire est essentiel ou symptomatique, idiopatique ou sympathique. Voyez ces termes. Il est encore maniaque ou mélancholique, avec fievre ou sans fievre, habituel ou accidentel, aigu ou chronique.

Après avoir expliqué la nature du délire, & avoir exposé ses principales différences, d'après lesquelles on peut aisément se faire une idée de toutes les autres, il se présente à rechercher les causes du délire d'après les observations les plus exactes.

Dans le délire il s'excite des idées par la cause interne cachée, qui change la disposition du cerveau: ces idées sont semblables à celles qui sont naturellement excitées par l'impression des objets extérieurs: conséquemment il se réveille différentes passions dans l'ame; ces passions sont suivies de différens mouvemens du corps, par conséquent la cause du délire agit sur l'organe des sensations, duquel naissent sans division & sans interruption tous les nerfs de toutes les parties du corps qui tendent aux muscles & aux organes des sens; & comme les injections anatomiques nous ont appris que toute la substance médullaire du cerveau est vasculeuse, puisqu'elle est une suite de sa corticale que l'on démontre n'être qu'un composé de vaisseaux, & que les petits canaux qui composent celle - là contiennent & servent à distribuer le fluide le plus subtil du corps, ils peuvent donc être sujets aux mêmes vices qui peuvent affecter les gros vaisseaux remplis d'un fluide grossier. Ces canaux, tous déliés qu'ils sont, peuvent être obstrués, comprimés: par conséquent tout ce qui peut empêcher le cours libre des fluides dans leur cavité, peut produire le délire. On sait que dans tous les autres visceres, il faut que les liquides qui se meuvent dans les solides dont ces visceres sont composés, ayent une vitesse déterminée, & que les fonctions de ces visceres sont troublées par un mouvement trop rapide ou trop rallenti. On peut dire la même chose du cerveau. Le délire survient à plusieurs dans les fievres intermittentes, par la seule agitation des humeurs mûes avec trop de vîtesse pendant la violence de l'accès, & l'on voit ce délire cesser dès que le trop grand mouvement des humeurs diminue.

Le délire peut donc être produit par toutes les causes de l'obstruction, de l'inflammation, par tout ce qui peut augmenter ou retarder le cours des fluides en général, & par conséquent ceux du cerveau; plusieurs causes peuvent par conséquent donner lieu au délire: mais toutes celles dont il vient d'être fait mention, ont leur siége dans le cerveau. Cependant plusieurs autres causes qui n'y agissent pas immédiatement, mais qui affectent d'autres parties du corps, peuvent affecter la substance médullaire de l'organe des sensations, comme si c'étoit une cause physique

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