ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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S'il étoit permis d'avoir quelque doute sur l'autorité
du decret de Gratien, il ne pourroit naître que de la
bulle de Grégoire XIII. dont nous avons parlé ci - dessus;
par laquelle il ordonne que toutes les corrections
qu'on y a faites soient scrupulcusement conservées,
avec défenses d'y rien ajoûter, changer ou
retrancher. Mais si l'on y fait attention, cette bulle
n'accorde réellement aucune autorité publique à la
collection, elle défend seulement à tout particulier
d'entreprendre de son autorité privée de retoucher
à un ouvrage qui a été revû par autorité publique.
Si l'on entendoit autrement les termes de cette bulle,
comme ils regardent indistinctement tout le decret de
Gratien, il s'ensuivroit que non - seulement ce que
Gratien cite sous le nom de canons, d'après les conciles,
les lettres des papes, les écrits des SS. peres,
& autres monumens, devroit avoir cette autorité,
mais encore ses opinions particulieres & ses raisonnemens,
ce qui seroit absurde, & ce que personne
n'a osé soûtenir. En effet, lorsque Gratien dans la
dist. 1. de poenitentiâ, après avoir discuté pour &
contre, s'il est nécessaire de se confesser au prêtre,
ou s'il suffit de se confesser à Dieu, pour obtenir la
remission des pechés mortels dans le sacrement de
pénitence, conclud à la fin du canon 89, après
avoir cité de part & d'autre une infinité de passages,
qu'il laisse au lecteur la faculté de choisir celle
de ces deux opinions qu'il croit être la plus convenable,
mais que toutes deux ont leurs partisans gens
sages & très - religieux: dira - t - on que ce jugement
de Gratien, qui flotte entre ces deux opinions, a été
approuvé par l'Eglise? ne dira - t - on pas au contraire
avec les correcteurs romains, qu'on doit être persuadé
de la nécessité de se confesser au prêtre, ainsi
que le prescrit le concile de Trente après les autres
conciles? Il résulte de tout ceci, que le recueil de
Gratien n'a aucune autorité publique, ni par lui - même,
ni par aucune approbation expresse des souverains
pontifes; que ce qui y est rapporté n'a d'autre
autorité que celle qu'il a dans l'origine, c'est - à - dire, que les canons des conciles généraux ou particuliers,
les decrétales des papes, les écrits des SS.
peres qu'on y trouve, ne tirent aucune force de la
collection où ils sont rassemblés, mais >e conservent
que le degré d'autorité qu'ils avoient déjà par eux - mêmes;
que les raisonnemens inserés par Gratien
dans cette collection, n'ont d'autre poids que celui
que leur donne la vérité, & qu'on ne doit tirer aucune
conséquence des rubriques ajoûtées par les docteurs
qui sont venus après lui aux différentes sections
de cet ouvrage.
Après avoir rempli les divers objets que nous nous
étions proposés pour donner une idée exacte du decret de Gratien, nous croyons ne pouvoir mieux terminer
cet article, pour ceux qui cherchent à s'instruire
dans Gratien de l'ancienne discipline, qu'en
leur indiquant les meilleurs auteurs qu'on puisse consulter
sur cette collection. Nous les réduisons à trois:
savoir Antoine Augustin, de emendatione Gratiani,
avec les notes de M. Baluze: Vanespen, nouvelle
édition de Louvain 1753, qui non - seulement a fait
sur le decret de Gratien un commentaire abrégé très bon,
mais encore des remarques fort utiles sur les
canons des anciens conciles, tels que les 1ers conciles
oecuméniques, ceux d'Ancyre, de Néocésarée, de
Gangres, d'Afrique, &c. dont beaucoup de canons
sont rapportés dans Gratien; voyez le troisieme volume
de Vanespen: enfin M. Dartis qui a commenté assez
au long tout le decret, est le troisieme auteur que nous
indiquons, en avertissant néanmoins qu'il est inférieur
aux deux premiers. Cet article est de M. Bouchaud, docteur aggrégé de la faculté de droit.
Decret
(Page 4:715)
Decret, (Jurisp.) ce terme est quelquefois pris
pour la loi faite par le prince: quelquefois il signifie
ce qui est ordonné par le juge, & singulierement
certaines contraintes décernées contre les accusés,
ou la vente qui se fait par justice des immeubles saisis
réellement; enfin ce terme se prend aussi pour les
délibérations de certains corps. (A)
Decret d'ajournement personnel
(Page 4:715)
Decret d'ajournement personnel, est un
jugement rendu en matiere criminelle contre l'accusé,
qui le condamne à comparoître en personne
devant le juge, pour être oüi & interrogé sur les faits
résultans des charges & informations & autres sur
lesquels le ministere public voudra le faire interroger,
& pour répondre à ses conclusions.
On ordonne le decret d'ajournement personnel, lorsque
les charges ne sont pas assez graves pour decreter
de prise de corps, & qu'elles sont trop fortes pour
decreter simplement d'assigné pour être oüi. On convertit
aussi le decret d'assigné pour être oüi en decret
d'ajournement personnel, lorsque l'accusé ne compare
pas.
Le decret d'ajournement personnel n'est communément
ordonné qu'après avoir oüi les conclusions du
procureur du roi ou du procureur fiscal, si c'est dans
une justice seigneuriale; cependant le juge peut aussi
decréter d'office, lorsqu'en voyant un procès il trouve
qu'il y a lieu à decréter quelqu'un. Ce decret porte
que l'accusé sera ajourné à comparoir en personne
un tel jour; le dé ai en est reglé suivant la distance
des lieux comme en matiere civile.
Ce decret emporte de plein droit interdiction contre
l'accusé de toutes les fonctions publiques qu'il
peut avoir.
Les procès - verbaux des juges inférieurs ne peuvent
être decretés que d'ajournement personnel, jusqu'à ce que leurs assistans ayent été repetés; & les
procès yerbaux des sergens & huissiers, même des
cours supérieures, ne peuvent être decrétés, sinon
en cas de rébellion, & d'ajournement personnel seulement;
mais quand ils ont été repetés & leurs records,
le juge peut decréter de prise - de - corps s'il y
échet.
La déclaration du roi du mois de Décembre 1680,
défend à toutes les cours d'accorder des arrêts de
défenses d'exécuter les decrets d'ajournement personnel qu'après avoir vû les informations, lorsqu'ils seront
émanés des juges ecclésiastiques ou des juges
royaux ordinaires pour fausseté, malversation d'officiers
en l'exercice de leurs charges, ou lorsqu'il y
aura d'autres co - accusés decrétés de prise - de - corps.
Il est aussi ordonné par la même déclaration, que
les accusés qui demanderont des défenses attacheront
à leur requête la copie du decret qui leur a été
signifié; que tous juges seront tenus d'exprimer dans
les decrets d'ajournement personnel le titre de l'accusation,
à peine d'interdiction, & que toutes les requêtes
soient communiquées au procureur général
de la cour où elles sont pendantes.
Il dépend de la prudence du juge, d'accorder ou
de refuser les défenses requises.
La peine de celui qui ne compare pas sur l'ajourment
personnel, est que l'on convertit le decret en
prise - de - corps. Voyez l'ordonn. de 1670, tit. x. (A)
Decret d'ajournement simple
(Page 4:715)
Decret d'ajournement simple, c'est le nom
que l'on donnoit autrefois au decret que nous appellons
présentement d'assigné pour être oüi. (A)
Decret d'assigné pour être oui
(Page 4:715)
Decret d'assigné pour être oui, est un jugement
rendu en matiere criminelle, par lequel le
juge ordonne que l'accusé sera assigné pour être oüi
par sa bouche sur les faits résultans des charges &
informations, & pour répondre aux conclusions que
le procureur du roi voudra prendre contre lui.
On ordonne ce decret lorsque les charges sont legeres,
ou que l'accusé est une personne de considération
ou officier public, afin de ne lui point faire
perdre trop légerement son état par un decret de pri<pb->
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se - de - corps ou un ajournement personnel qui emporteroit
interdiction; car c'est le seul point en quoi
le decret d'assigné pour être oüi differe de l'ajournement
personnel.
Si l'accusé ne compare pas, le decret d'assigné pour
être oüi doit être converti en ajournement personnel.
Celui contre lequel il y a seulement un decret d'assigné
pour être oüi, ne peut être arrêté prisonnier s'il
ne survient de nouvelles charges, ou que par délibération
secrette (si c'est dans une cour souveraine),
il ait été arrêté, ce qui ne peut être ordonné par aucun
autre juge. Voyez l'ordonn. de 1670, tit. x. (A)
Decrets des conciles
(Page 4:716)
Decrets des conciles, sont toutes les décisions
des conciles, soit généraux, nationaux, ou provinciaux: le concile prononce ordinairement en ces
termes, decrevit sancta synodus; c'est pourquoi ces
décisions sont appellées decrets. On comprend sous
ce nom toutes les décisions, tant celles qui regardent
le dogme & la foi, que celles qui regardent la
discipline ecclésiastique: on donne cependant plus
volontiers le nom de canon à ce qui concerne le
dogme & la foi, & le nom de decrets aux reglemens
qui ne touchent que la discipline. Les decrets des conciles, même oecuméniques, qui concernent la discipline,
n'ont point force de loi dans le royaume, qu'ils
n'ayent été acceptés par le roi & par les prélats,
& publiés de l'autorité du roi. En les acceptant, le
roi & les prélats peuvent y mettre telles modifications
qui leur paroissent nécessaires pour le bien de
l'Eglise & la conservation des droits du royaume.
C'est en conséquence de ce principe, que le concile
général de Basle fit présenter ses decrets sur la discipline
au roi Charles VII. & aux évêques de l'église
gallicane, pour les prier de les recevoir & de les accepter.
Le concile de Trente n'a point été reçu en France, quoique les papes ayent fait proposer plusieurs
fois de le recevoir sans préjudice des droits du roi &
des libertés de l'église gallicane. Il ne laisse pas d'y
être observé pour les canons qui regardent la foi &
le dogme, mais il ne l'est pas pour les decrets qui regardent
la discipline. Il a été reçu dans les états
du roi d'Espagne, mais avec des modifications. Les
decrets des conciles nationaux & provinciaux doivent
aussi être présentés au roi pour avoir la permission
de les publier; autrement ils n'ont point force de
loi dans le royaume, parce que le roi en qualité de
protecteur de l'église gallicane a le droit de veiller
à ce que les regles ecclésiastiques que l'on veut établir ne contiennent rien de contraire aux droits de
sa couronne, ni aux libertés de l'église gallicane dont
il est le défenseur. Voyez M. d'Hericourt, en ses lois
ecclésiast. part. I. chap. xjv. & ce qui a été dit au mot
Concile. (A)
Decret dans les bulles
(Page 4:716)
Decret dans les bulles, est une clause par
laquelle le pape ordonne quelque chose au sujet du
bénéfice qu'il confere, ou pour mieux dire c'est une
loi qu'il impose au bénéficier. Voyez Bulle. (A)
Decret forcé
(Page 4:716)
Decret forcé, est la saisie réelle & adjudication
par decret d'un immeuble qui se poursuit en justice
à la requête d'un créancier qui n'agit point de
concert avec la partie saisie, à la différence du decret
volontaire où le poursuivant ne fait que prêter son
nom à la partie saisie. Voyez
Saisie réelle & Vente par decret . (A)
Decrets
(Page 4:716)
Decrets (faculté des), est le nom que l'on donne
quelquefois à la faculté de droit, consultissima facultas
decreti: le terme decret est pris en cet endroit
pour le droit en général, ou peut - être singulierement
pour les saints decrets ou droit canon, qui étoit autrefois
le seul que cette faculté enseignoit.
Decrets des Facultés
(Page 4:716)
Decrets des Facultés, sont des délibérations
& décisions formées dans l'assemblée d'une faculté,
pour regler quelque point de sa dîscipline.
Decret irritant:
(Page 4:716)
Decret irritant: on appelle ainsi la disposition
d'une loi ou d'un jugement qui déclare nul de
plein droit, tout ce qui pourroit être fait au contraire
de ce qu'elle ordonne par une précédente disposition;
par exemple, le concordat fait entre Léon X.
& François I, après avoir expliqué le droit des gradués,
leur accorde le decret irritant en ces termes:
Si quis vero cujuscumque statûs..... contra proedictum
ordinem..... de dignitatibus.... officiis seu.... beneficiis.
.. aliter quam proedicto modo disposuerit, dispositiones
ipsoe sint ipso jure nulloe, &c. (A)
Decret du juge
(Page 4:716)
Decret du juge, s'entend quelquefois de tout
ce qui est ordonné par le juge, soit en matiere civile
ou criminelle. (A)
Decret en matiere criminelle
(Page 4:716)
Decret en matiere criminelle, est de trois
sortes; savoir, d'assigné pour être oüi, d'ajournement
personnel, & de prise - de - corps. Voy.
Decret d'assigné pour être oui , &c. (A)
Decret du Prince
(Page 4:716)
Decret du Prince, se dit quelquefois pour
tout ce que le prince ordonne. (A)
Decret de prise - de - corps
(Page 4:716)
Decret de prise - de - corps, est un jugement
rendu en matiere criminelle, qui ordonne qu'un accusé
sera pris & apprehendé au corps, si faire se
peut, & constitué prisonnier, pour être oüi & interrogé
sur les faits résultans des charges & informations
& autres sur lesquels le procureur du roi
voudra le faire oüir; sinon qu'après la perquisition
de sa personne, il sera assigné à comparoir à quinzaine
& par un seul cri public, à la huitaine ensuivant.
Le decret porte aussi que les biens de l'accusé seront
saisis & annotés; au lieu que les jugemens rendus en
matiere civile, qui condamnent un débiteur, & par
corps, à payer ou rendre quelque chose, ordonnent
seulement que faute d'y satisfaire, il sera constitué
prisonnier & detenu dans les prisons jusqu'à ce qu'il
ait satisfait.
On ordonne le decret de prise - de - corps dans plusieurs
cas, savoir:
1°. Lorsque l'accusé n'a pas comparu sur l'ajournement
personnel à lui donné.
2°. Sur la seule notorieté publique pour un crime
de duel.
3°. Contre les vagabonds & gens sans aveu sur la
plainte du procureur d'office, ou sur celle des maîtres
contre leurs domestiques.
4°. Lorsque l'accusé est pris en flagrant délit, ou
arrêté à la clameur publique; auquel cas après qu'il
a été conduit dans les prisons, le juge ordonne qu'il
sera arrêté & écroué, & l'écroue lui est signifié parlant
à sa personne.
5°. Hors les cas dont on vient de parler, on n'ordonne
le decret de prise de - corps que sur le vû des charges
& informations: on en peut ordonner contre
toutes sortes de personnes, lorsqu'elles paroissent
coupables de quelque crime grave & qui merite peine
afflictive ou au moins infamante.
Le juge peut, si le cas le requiert, decréter de prise - de - corps des quidams non connus, sous la désignation
de leur habit & autres marques, & même sur
l'indication qui en sera faite par certaines personnes.
Quand l'accusé est domicilié, on ne décerne pas
facilement le decret de prise - de - corps, sur - tout si c'est
contre un officier public, afin de ne pas compromettre
trop légerement l'état d'un homme qui peut
se trouver innocent; il faut que le titre d'accusation
soit grave ou qu'il y ait soupçon de fuite.
Les decrets, même de prise - de - corps, s'exécutent
nonobstant toutes appellations, même comme de
juge incompétent ou récusé, & toutes autres, sans
demander permission ni pareatis.
Les lieutenans généraux des provinces & villes,
les baillis & sénéchaux, les maires & échevins, les
prevôt de maréchaux, vice - baillis, vice - séné<pb->
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