ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"715"> S'il étoit permis d'avoir quelque doute sur l'autorité du decret de Gratien, il ne pourroit naître que de la bulle de Grégoire XIII. dont nous avons parlé ci - dessus; par laquelle il ordonne que toutes les corrections qu'on y a faites soient scrupulcusement conservées, avec défenses d'y rien ajoûter, changer ou retrancher. Mais si l'on y fait attention, cette bulle n'accorde réellement aucune autorité publique à la collection, elle défend seulement à tout particulier d'entreprendre de son autorité privée de retoucher à un ouvrage qui a été revû par autorité publique. Si l'on entendoit autrement les termes de cette bulle, comme ils regardent indistinctement tout le decret de Gratien, il s'ensuivroit que non - seulement ce que Gratien cite sous le nom de canons, d'après les conciles, les lettres des papes, les écrits des SS. peres, & autres monumens, devroit avoir cette autorité, mais encore ses opinions particulieres & ses raisonnemens, ce qui seroit absurde, & ce que personne n'a osé soûtenir. En effet, lorsque Gratien dans la dist. 1. de poenitentiâ, après avoir discuté pour & contre, s'il est nécessaire de se confesser au prêtre, ou s'il suffit de se confesser à Dieu, pour obtenir la remission des pechés mortels dans le sacrement de pénitence, conclud à la fin du canon 89, après avoir cité de part & d'autre une infinité de passages, qu'il laisse au lecteur la faculté de choisir celle de ces deux opinions qu'il croit être la plus convenable, mais que toutes deux ont leurs partisans gens sages & très - religieux: dira - t - on que ce jugement de Gratien, qui flotte entre ces deux opinions, a été approuvé par l'Eglise? ne dira - t - on pas au contraire avec les correcteurs romains, qu'on doit être persuadé de la nécessité de se confesser au prêtre, ainsi que le prescrit le concile de Trente après les autres conciles? Il résulte de tout ceci, que le recueil de Gratien n'a aucune autorité publique, ni par lui - même, ni par aucune approbation expresse des souverains pontifes; que ce qui y est rapporté n'a d'autre autorité que celle qu'il a dans l'origine, c'est - à - dire, que les canons des conciles généraux ou particuliers, les decrétales des papes, les écrits des SS. peres qu'on y trouve, ne tirent aucune force de la collection où ils sont rassemblés, mais e conservent que le degré d'autorité qu'ils avoient déjà par eux - mêmes; que les raisonnemens inserés par Gratien dans cette collection, n'ont d'autre poids que celui que leur donne la vérité, & qu'on ne doit tirer aucune conséquence des rubriques ajoûtées par les docteurs qui sont venus après lui aux différentes sections de cet ouvrage.

Après avoir rempli les divers objets que nous nous étions proposés pour donner une idée exacte du decret de Gratien, nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet article, pour ceux qui cherchent à s'instruire dans Gratien de l'ancienne discipline, qu'en leur indiquant les meilleurs auteurs qu'on puisse consulter sur cette collection. Nous les réduisons à trois: savoir Antoine Augustin, de emendatione Gratiani, avec les notes de M. Baluze: Vanespen, nouvelle édition de Louvain 1753, qui non - seulement a fait sur le decret de Gratien un commentaire abrégé très bon, mais encore des remarques fort utiles sur les canons des anciens conciles, tels que les 1ers conciles oecuméniques, ceux d'Ancyre, de Néocésarée, de Gangres, d'Afrique, &c. dont beaucoup de canons sont rapportés dans Gratien; voyez le troisieme volume de Vanespen: enfin M. Dartis qui a commenté assez au long tout le decret, est le troisieme auteur que nous indiquons, en avertissant néanmoins qu'il est inférieur aux deux premiers. Cet article est de M. Bouchaud, docteur aggrégé de la faculté de droit.

Decret (Page 4:715)

Decret, (Jurisp.) ce terme est quelquefois pris pour la loi faite par le prince: quelquefois il signifie ce qui est ordonné par le juge, & singulierement certaines contraintes décernées contre les accusés, ou la vente qui se fait par justice des immeubles saisis réellement; enfin ce terme se prend aussi pour les délibérations de certains corps. (A)

Decret d'ajournement personnel (Page 4:715)

Decret d'ajournement personnel, est un jugement rendu en matiere criminelle contre l'accusé, qui le condamne à comparoître en personne devant le juge, pour être oüi & interrogé sur les faits résultans des charges & informations & autres sur lesquels le ministere public voudra le faire interroger, & pour répondre à ses conclusions.

On ordonne le decret d'ajournement personnel, lorsque les charges ne sont pas assez graves pour decreter de prise de corps, & qu'elles sont trop fortes pour decreter simplement d'assigné pour être oüi. On convertit aussi le decret d'assigné pour être oüi en decret d'ajournement personnel, lorsque l'accusé ne compare pas.

Le decret d'ajournement personnel n'est communément ordonné qu'après avoir oüi les conclusions du procureur du roi ou du procureur fiscal, si c'est dans une justice seigneuriale; cependant le juge peut aussi decréter d'office, lorsqu'en voyant un procès il trouve qu'il y a lieu à decréter quelqu'un. Ce decret porte que l'accusé sera ajourné à comparoir en personne un tel jour; le dé ai en est reglé suivant la distance des lieux comme en matiere civile.

Ce decret emporte de plein droit interdiction contre l'accusé de toutes les fonctions publiques qu'il peut avoir.

Les procès - verbaux des juges inférieurs ne peuvent être decretés que d'ajournement personnel, jusqu'à ce que leurs assistans ayent été repetés; & les procès yerbaux des sergens & huissiers, même des cours supérieures, ne peuvent être decrétés, sinon en cas de rébellion, & d'ajournement personnel seulement; mais quand ils ont été repetés & leurs records, le juge peut decréter de prise - de - corps s'il y échet.

La déclaration du roi du mois de Décembre 1680, défend à toutes les cours d'accorder des arrêts de défenses d'exécuter les decrets d'ajournement personnel qu'après avoir vû les informations, lorsqu'ils seront émanés des juges ecclésiastiques ou des juges royaux ordinaires pour fausseté, malversation d'officiers en l'exercice de leurs charges, ou lorsqu'il y aura d'autres co - accusés decrétés de prise - de - corps.

Il est aussi ordonné par la même déclaration, que les accusés qui demanderont des défenses attacheront à leur requête la copie du decret qui leur a été signifié; que tous juges seront tenus d'exprimer dans les decrets d'ajournement personnel le titre de l'accusation, à peine d'interdiction, & que toutes les requêtes soient communiquées au procureur général de la cour où elles sont pendantes.

Il dépend de la prudence du juge, d'accorder ou de refuser les défenses requises.

La peine de celui qui ne compare pas sur l'ajourment personnel, est que l'on convertit le decret en prise - de - corps. Voyez l'ordonn. de 1670, tit. x. (A)

Decret d'ajournement simple (Page 4:715)

Decret d'ajournement simple, c'est le nom que l'on donnoit autrefois au decret que nous appellons présentement d'assigné pour être oüi. (A)

Decret d'assigné pour être oui (Page 4:715)

Decret d'assigné pour être oui, est un jugement rendu en matiere criminelle, par lequel le juge ordonne que l'accusé sera assigné pour être oüi par sa bouche sur les faits résultans des charges & informations, & pour répondre aux conclusions que le procureur du roi voudra prendre contre lui.

On ordonne ce decret lorsque les charges sont legeres, ou que l'accusé est une personne de considération ou officier public, afin de ne lui point faire perdre trop légerement son état par un decret de pri<pb-> [p. 716] se - de - corps ou un ajournement personnel qui emporteroit interdiction; car c'est le seul point en quoi le decret d'assigné pour être oüi differe de l'ajournement personnel.

Si l'accusé ne compare pas, le decret d'assigné pour être oüi doit être converti en ajournement personnel.

Celui contre lequel il y a seulement un decret d'assigné pour être oüi, ne peut être arrêté prisonnier s'il ne survient de nouvelles charges, ou que par délibération secrette (si c'est dans une cour souveraine), il ait été arrêté, ce qui ne peut être ordonné par aucun autre juge. Voyez l'ordonn. de 1670, tit. x. (A)

Decrets des conciles (Page 4:716)

Decrets des conciles, sont toutes les décisions des conciles, soit généraux, nationaux, ou provinciaux: le concile prononce ordinairement en ces termes, decrevit sancta synodus; c'est pourquoi ces décisions sont appellées decrets. On comprend sous ce nom toutes les décisions, tant celles qui regardent le dogme & la foi, que celles qui regardent la discipline ecclésiastique: on donne cependant plus volontiers le nom de canon à ce qui concerne le dogme & la foi, & le nom de decrets aux reglemens qui ne touchent que la discipline. Les decrets des conciles, même oecuméniques, qui concernent la discipline, n'ont point force de loi dans le royaume, qu'ils n'ayent été acceptés par le roi & par les prélats, & publiés de l'autorité du roi. En les acceptant, le roi & les prélats peuvent y mettre telles modifications qui leur paroissent nécessaires pour le bien de l'Eglise & la conservation des droits du royaume. C'est en conséquence de ce principe, que le concile général de Basle fit présenter ses decrets sur la discipline au roi Charles VII. & aux évêques de l'église gallicane, pour les prier de les recevoir & de les accepter.

Le concile de Trente n'a point été reçu en France, quoique les papes ayent fait proposer plusieurs fois de le recevoir sans préjudice des droits du roi & des libertés de l'église gallicane. Il ne laisse pas d'y être observé pour les canons qui regardent la foi & le dogme, mais il ne l'est pas pour les decrets qui regardent la discipline. Il a été reçu dans les états du roi d'Espagne, mais avec des modifications. Les decrets des conciles nationaux & provinciaux doivent aussi être présentés au roi pour avoir la permission de les publier; autrement ils n'ont point force de loi dans le royaume, parce que le roi en qualité de protecteur de l'église gallicane a le droit de veiller à ce que les regles ecclésiastiques que l'on veut établir ne contiennent rien de contraire aux droits de sa couronne, ni aux libertés de l'église gallicane dont il est le défenseur. Voyez M. d'Hericourt, en ses lois ecclésiast. part. I. chap. xjv. & ce qui a été dit au mot Concile. (A)

Decret dans les bulles (Page 4:716)

Decret dans les bulles, est une clause par laquelle le pape ordonne quelque chose au sujet du bénéfice qu'il confere, ou pour mieux dire c'est une loi qu'il impose au bénéficier. Voyez Bulle. (A)

Decret forcé (Page 4:716)

Decret forcé, est la saisie réelle & adjudication par decret d'un immeuble qui se poursuit en justice à la requête d'un créancier qui n'agit point de concert avec la partie saisie, à la différence du decret volontaire où le poursuivant ne fait que prêter son nom à la partie saisie. Voyez Saisie réelle & Vente par decret . (A)

Decrets (Page 4:716)

Decrets (faculté des), est le nom que l'on donne quelquefois à la faculté de droit, consultissima facultas decreti: le terme decret est pris en cet endroit pour le droit en général, ou peut - être singulierement pour les saints decrets ou droit canon, qui étoit autrefois le seul que cette faculté enseignoit.

Decrets des Facultés (Page 4:716)

Decrets des Facultés, sont des délibérations & décisions formées dans l'assemblée d'une faculté, pour regler quelque point de sa dîscipline.

Decret irritant: (Page 4:716)

Decret irritant: on appelle ainsi la disposition d'une loi ou d'un jugement qui déclare nul de plein droit, tout ce qui pourroit être fait au contraire de ce qu'elle ordonne par une précédente disposition; par exemple, le concordat fait entre Léon X. & François I, après avoir expliqué le droit des gradués, leur accorde le decret irritant en ces termes: Si quis vero cujuscumque statûs..... contra proedictum ordinem..... de dignitatibus.... officiis seu.... beneficiis. .. aliter quam proedicto modo disposuerit, dispositiones ipsoe sint ipso jure nulloe, &c. (A)

Decret du juge (Page 4:716)

Decret du juge, s'entend quelquefois de tout ce qui est ordonné par le juge, soit en matiere civile ou criminelle. (A)

Decret en matiere criminelle (Page 4:716)

Decret en matiere criminelle, est de trois sortes; savoir, d'assigné pour être oüi, d'ajournement personnel, & de prise - de - corps. Voy. Decret d'assigné pour être oui , &c. (A)

Decret du Prince (Page 4:716)

Decret du Prince, se dit quelquefois pour tout ce que le prince ordonne. (A)

Decret de prise - de - corps (Page 4:716)

Decret de prise - de - corps, est un jugement rendu en matiere criminelle, qui ordonne qu'un accusé sera pris & apprehendé au corps, si faire se peut, & constitué prisonnier, pour être oüi & interrogé sur les faits résultans des charges & informations & autres sur lesquels le procureur du roi voudra le faire oüir; sinon qu'après la perquisition de sa personne, il sera assigné à comparoir à quinzaine & par un seul cri public, à la huitaine ensuivant. Le decret porte aussi que les biens de l'accusé seront saisis & annotés; au lieu que les jugemens rendus en matiere civile, qui condamnent un débiteur, & par corps, à payer ou rendre quelque chose, ordonnent seulement que faute d'y satisfaire, il sera constitué prisonnier & detenu dans les prisons jusqu'à ce qu'il ait satisfait.

On ordonne le decret de prise - de - corps dans plusieurs cas, savoir:

1°. Lorsque l'accusé n'a pas comparu sur l'ajournement personnel à lui donné.

2°. Sur la seule notorieté publique pour un crime de duel.

3°. Contre les vagabonds & gens sans aveu sur la plainte du procureur d'office, ou sur celle des maîtres contre leurs domestiques.

4°. Lorsque l'accusé est pris en flagrant délit, ou arrêté à la clameur publique; auquel cas après qu'il a été conduit dans les prisons, le juge ordonne qu'il sera arrêté & écroué, & l'écroue lui est signifié parlant à sa personne.

5°. Hors les cas dont on vient de parler, on n'ordonne le decret de prise de - corps que sur le vû des charges & informations: on en peut ordonner contre toutes sortes de personnes, lorsqu'elles paroissent coupables de quelque crime grave & qui merite peine afflictive ou au moins infamante.

Le juge peut, si le cas le requiert, decréter de prise - de - corps des quidams non connus, sous la désignation de leur habit & autres marques, & même sur l'indication qui en sera faite par certaines personnes.

Quand l'accusé est domicilié, on ne décerne pas facilement le decret de prise - de - corps, sur - tout si c'est contre un officier public, afin de ne pas compromettre trop légerement l'état d'un homme qui peut se trouver innocent; il faut que le titre d'accusation soit grave ou qu'il y ait soupçon de fuite.

Les decrets, même de prise - de - corps, s'exécutent nonobstant toutes appellations, même comme de juge incompétent ou récusé, & toutes autres, sans demander permission ni pareatis.

Les lieutenans généraux des provinces & villes, les baillis & sénéchaux, les maires & échevins, les prevôt de maréchaux, vice - baillis, vice - séné<pb->

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